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UN OBJET D’ÉTUDE QUI SE DÉFINIT À PARTIR D’UN CONTEXTE

Olivier Grugier

1.  UN OBJET D’ÉTUDE QUI SE DÉFINIT À PARTIR D’UN CONTEXTE

1.1. Contexte d’enseignement au collège

Ce travail de recherche, en didactique des sciences et techniques se centre sur la discipline technologie, enseignée dans tous les collèges, en France. La technologie est un enseignement, général et obligatoire, destiné à l’ensemble des élèves des trois cycles qui composent le collège.

L’étude du contexte d’enseignement favorise, dans une première approche, le repérage des réalités du terrain avec ses contraintes.

Depuis 1959, l’obligation scolaire jusqu’à seize ans a fait du collège le lieu d’accueil de tous les élèves. Les classes accueillent ainsi un public scolaire diversifié. La prise en charge de l’hétérogénéité des classes suppose des adaptations qui ne se réduisent pas forcément à des ajustements mineurs. L’enseignement dans le secondaire est découpé en séances disciplinaires qui se suivent les unes après les autres. Les collégiens, suivant leur emploi du temps, passent dans une journée d’un enseignement de mathématiques, à un enseignement de langue vivante, de sciences de la Vie et de la Terre ou de technologie. Sur l’emploi du temps, la technologie, occupe comme les autres disciplines, un créneau horaire, généralement d’une séance hebdomadaire.

Les pratiques des enseignants sont limitées par des contraintes fortes. Les contraintes sont selon Aline Robert (2002), pour les mathématiques, de deux types : internes à l’enseignant (conceptions personnelles, compétences, expériences, habitus…) et externes (programmes, horaires, composition des classes, habitus à l’institution).

Les contraintes restreignent les choix, mais laissent néanmoins des marges de manœuvre dans la mise en œuvre des prescriptions. Par ailleurs, en technologie, les vécus professionnels et personnels influent sur les conceptions qu’ont les enseignants de la discipline qu’ils ont en charge

1.2. Prescriptions ministérielles pour la technologie au collège

Les programmes de technologie sont organisés en deux parties, d’un côté les « unités d’apprentissage » et de l’autre les activités de « réalisation sur projet ». Ce sont deux logiques différentes qui sous-entendent deux types d’organisation, chacune correspondant à une visée éducative affichée dans les prescriptions. Ces deux logiques se conjuguent cependant pour la construction des compétences des élèves.

Les « unités d’apprentissage » sont des groupes d’une dizaine d’heures qui sont « pilotées par les compétences », comme le précise Jean-Louis Martinand (1998). Les activités proposées aux élèves visent avant tout l’acquisition de compétences utiles. L’objectif est que chaque élève acquiert les compétences attendues à la fin de chaque unité par l’intermédiaire d’un ensemble d’activités proposées.

Les unités d’apprentissage visent des compétences pratiques, et la réflexion sur l’usage d’outils spécifiques comme l’ordinateur, le fer à souder, la perceuse à colonne.

Ces compétences sont censées pouvoir être réinvesties, dans les « réalisations sur projet ».

Ces « réalisations sur projet » constituent un autre moment de l’enseignement de la technologie. La visée est alors plus de familiarisation avec l’activité technologique et c’est la pédagogie de projet qui prédomine alors par rapport à la pédagogie par objectif.

Jean-Louis Martinand, dans son étude sur la discipline, distingue deux registres d’activités technologiques : la réalisation, qui permet « la familiarisation pratique commune avec les objets, des procédés, des tâches,

des rôles socio-techniques »1 et la technologie qui « favorise l’élaboration

intellectuelle : concepts, schémas modèles, normes qui organisent la pensée technique »2.

Au cours du dernier cycle de l’école obligatoire, une majeure partie du temps est consacrée à la « réalisation sur projet ». C’est l’occasion d’aborder les étapes essentielles d’un projet et de réfléchir à leurs différentes articulations. Les activités développées au cours de cette partie du programme font appel aux compétences notionnelles et instrumentales acquises les années précédentes, qu’elles consolident et étendent. Elles visent l’appropriation de démarches et de méthodes de pensée, de méthodes d’observation et avant tout de réflexion.

Dans ce cadre d’une éducation générale au collège, non professionnelle ni même pré-professionnelle, il s’agit en ce qui concerne la technologie, que chaque élève ait éprouvé et vécu l’expérience collective de réalisation et ait pu mener à terme un projet.

Les textes de cadrage de la « réalisation sur projet » laisse, pour l’enseignant, des éléments de liberté que ce soit sur le plan pédagogique

1 MARTINAND, J.-L. (1995). Rudiments d’épistémologie appliquée pour une

discipline nouvelle : la technologie. In. M. Develay (Coord.), Savoirs scolaires et

didactiques des disciplines (pp. 339-352). Paris : ESF. p 350.

pour l’organisation de la classe ou sur le plan didactique dans le choix des tâches à prescrire aux élèves.

Les choix sont sans doute liés au contexte d’enseignement, à la classe, aux matériels disponibles, mais sont aussi fonction des interprétations du programme par chaque enseignant. Ces choix peuvent aussi être mis au service de la gestion de l’hétérogénéité des classes par l’enseignant.

Les questions formulées portent sur les variables pédagogiques et didactiques avec lesquelles les enseignants jouent pour mettre en oeuvre cette partie de programme que sont les activités de « réalisation sur projet » dans l’enseignement de la technologie au collège.

Quelles sont ainsi les variables didactiques, dans un contexte déterminé, que l’enseignant prend en compte pour mettre en œuvre cette partie du programme ?

Quelles sont les pratiques enseignantes dans le cadre de la mise en place de ces réalisations sur projet en classe ?

1.3. Gestion de l’hétérogénéité des classes par les enseignants

Lors d’une précédente recherche « discipline scolaire et prise en charge de

l’hétérogénéité »3, nous avions cherché à repérer les possibilités et les

modalités des pratiques enseignantes adaptées à la diversité des élèves et des contextes au collège.

Partant du postulat que les programmes de technologie « offre une palette très large d’activités possibles, prenant leur sens dans l’école et dans le

monde économique »4, les pratiques des enseignants de technologie avaient

été considérées comme favorables à l’étude de l’adaptation des enseignants à l’hétérogénéité de leur classe.

L’enquête, par entretiens, réalisée auprès d’enseignants formateurs et d’enseignants de technologie rend compte de diverses modalités d’adaptation. La recherche révèle que les enseignants agissent principalement sur le registre pédagogique plutôt que sur le registre didactique pour s’adapter alors même que l’orientation des entretiens privilégiait le registre didactique.

Les professeurs interrogés mentionnent leurs actions pour organiser des groupes ainsi que leur fonctionnement avec les différents élèves. Les pratiques évoquées de prise en compte de l’hétérogénéité en jouant sur

3 LEBEAUME, J. ( Coord.) (1999). Discipline scolaire et prise en charge de

l’hétérogénéité. Pratiques enseignantes en technologie au collège. Rapport de

l’organisation sont multiples. Sont ainsi cités des ateliers tournants, des groupes de travail, de groupes d’aide, d’équipes pour lesquels l’enseignant propose des tâches plus ou moins complexes, plus ou moins nombreuses afin de gérer la différence de rapidité d’exécution des opérations par les différents élèves. Il s’agit principalement de mettre en place ce que l’on nomme en France une pédagogie différenciée ou différenciation de la pédagogie, comme le rappelle Louis Legrand (1994), avec un modèle de différenciation du traitement pédagogique fondée sur une classification préalable des élèves.

Cette approche, ainsi que le souligne Philippe Meirieu (1996), convient à un enseignement principalement centré sur des compétences à atteindre pour chacun des individus du groupe ou de la classe comme le sont les unités d’apprentissage, mais difficilement pour les parties de « réalisations sur projet ».

L’étude réalisée auprès d’enseignants de technologie enseignant en ZEP5

met en évidence que certains enseignants sélectionnent les compétences à atteindre par l’élève : « au niveau des compétences, au final… avec des classes… on fait un peu plus que la moitié et avec d’autres on arrive à toutes les faire (…), il vaut mieux faire et qu’ils aient compris plutôt qu’atteindre toutes les compétences et qu’ils n’aient rien compris à la fin ». L’adaptation se traduit ici par une sélection des compétences à atteindre. Autrement dit, toutes les compétences, stipulées dans les programmes, ne seront pas abordées avec les élèves.

Les enseignants interviennent également au niveau du temps accordé. Les enseignants choisissent de modifier le temps prescrit, dans les textes, qui doit être consacré aux parties « réalisations sur projet » afin de laisser plus de temps aux élèves pour finir les productions en cours.

Les pratiques d’adaptation à l’hétérogénéité des élèves se situant dans le registre didactique, qui se caractérisent par une relation fondamentale aux contenus, à la structure de la discipline et à sa matrice, sont nettement moins nombreuses.

Le choix porte sur les scénarios à mettre en place durant les deux années du cycle central (5e et 4e).

Dans cette recherche antérieure centrée sur la gestion de l’hétérogénéité par les enseignants de technologie au collège, les entretiens ne permettent pas de repérer quels sont les éléments qu’un enseignant peut prendre en compte, en tant que variable, pour mettre en œuvre la partie du programme

5 Cf. GRUGIER, O. (1999). Les professeurs de technologie en ZEP et l’hétérogénéité

des élèves et la diversité des contextes. Mémoire de stage tutoré. DEA. Cachan,

« réalisation sur projet » dans une classe de troisième. dans un contexte déterminé.