• Aucun résultat trouvé

ARTheque - STEF - ENS Cachan | Problématiser en didactique des sciences et des techniques

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "ARTheque - STEF - ENS Cachan | Problématiser en didactique des sciences et des techniques"

Copied!
140
0
0

Texte intégral

(1)

SÉMINAIRE DE DIDACTIQUE

DES SCIENCES EXPÉRIMENTALES ET

DES DISCIPLINES TECHNOLOGIQUES

Problématiser en

didactique des sciences et des techniques

(2)
(3)

SÉMINAIRE DE DIDACTIQUE

DES SCIENCES EXPÉRIMENTALES ET

DES DISCIPLINES TECHNOLOGIQUES

Problématiser en

didactique des sciences et des techniques

(4)

LES AUTEURS

Maryline COQUIDÉ Professeur des Universités, IUFM de Bretagne et

UMR STEF, ENS Cachan — INRP

Alain CRINDAL PRAG, Docteur, UMR STEF, ENS Cachan — INRP

Patrice DURAN Professeur des Universités, ENS Cachan, Groupe d’Action Sociale Département de sciences sociales ENS Cachan.

Olivier GRUGIER Doctorant UMR STEF, ENS Cachan — INRP

Michaël HUCHETTE PRAG, IUFM Créteil et UMR STEF, ENS

Cachan — INRP

Joël LEBEAUME Professeur des Universités, UMR STEF, ENS Cachan — INRP

Jean LAMOURE Maître de Conférences, UMR STEF, ENS Cachan — INRP

Claudine LARCHER Professeur des Universités, UMR STEF, ENS Cachan — INRP

Alain LEGARDEZ Maître de Conférences, UMR « ADEF »,

Université de Provence – INRP – IUFM Aix-Marseille

Patrice PELPEL Maître de Conférences, UMR STEF, ENS Cachan — INRP et IUFM Créteil

Brigitte PETERFALVI Ingénieur de recherche, UMR STEF, ENS

Cachan — INRP

Aline ROBERT Professeur des Universités, IUFM de Versailles et DIDIREM (équipe d’accueil de l’université Paris 7)

(5)

SOMMAIRE

❄—❄—❄—❄

Introduction au séminaire ... 5 Joël LEBEAUME

Problématisation d’une évaluation didactique d’un module de ... 9 formation innovant en génie mécanique

Michaël HUCHETTE

Problématisation dans une recherche collaborative de l’INRP ... 25 « Problématiques et visées des recherches entre intelligibilité et

intervention »,

Brigitte PETERFALVI

Matériel et virtuel dans les sciences de la vie : ... 41 Enjeux de formation collaborative de l’inrp

Maryline COQUIDÉ

Des tâches prescrites aux activités potentielles des élèves ... 53 Une analyse des pratiques d’enseignement en classe sur les contenus

mathématiques et des séances ordinaires Aline ROBERT

« La structuration des connaissances dans les nouveaux dispositifs

d’enseignement » ... 69 Un exemple de recherches menées en réponse à un appel à association de l’inrp Claudine LARCHER, Alain CRINDAL

(6)

Enseigner l’économie : une perspective didactique ... 81 Alain LEGARDEZ

Intervention des enseignants de technologie... 95 Étude de pratiques effectives, évolution d’un questionnement

Olivier GRUGIER

Le pouvoir politique pris aux mots :... 107 Action publique, politique publique, service public

Patrice DURAN

La validation des acquis de l’expérience ... 119 d’un objet d’étude à des problématiques de recherche

Alain CRINDAL, Jean LAMOURE, Patrice PELPEL

(7)

INTRODUCTION AU SÉMINAIRE

Joël LEBEAUME

INTRODUCTION

Sur la base d’exemples de recherche menées et de discours construits sur ces recherches, il s’agit d’expliciter les relations entre problématique, cadre théorique, objet de recherche, type de recherche, méthodologie, voire même thème de recherche, de façon à mieux cerner les cohérences ou incohérences potentielles entre ces différents éléments dans la mise en œuvre de la recherche menée. Ces relations étant sans doute dynamiques, différentes en fonction de l’avancée du travail de recherche, c’est bien un (ou des ?) processus de problématisation dans nos disciplines de sciences humaines que nous souhaitions interroger.

PRÉSENTATION DES EXPOSÉS

L’enjeu majeur des travaux de ce séminaire est l’explicitation de ce qu’est une problématique (émergence et délimitation de l’objet, explicitation du cadre théorique qui permet de le saisir et de l’interroger, repérage de différentes visées et choix afférents) et de la façon dont le chercheur ou l’équipe de recherche la construit et la mène.

Dans cet esprit sont discutées les recherches en didactique des sciences et des techniques en tenant compte d’enjeux différents (intelligibilité, intervention), de disciplines scolaires différentes (sciences physiques, sciences de la vie et de la Terre, d’objets concernés variés et nous comparons des regards portés différents (didactique, SHS).

(8)

Dans chaque cas, sont explicités les outils disponibles pour discuter et réguler la problématique, la mettre en oeuvre et la rendre communicable. Les exposés ne sont donc pas des présentations de résultats mais des présentations des arguments, de leur signification, de leur intérêt, de leur portée, de leur validité, de leur communicabilité. Ils contribuent au travail commun réflexif et critique.

Les deux premiers exposés (M. Huchette et B. Peterfalvi) devaient centrer le questionnement sur « problématiques de recherche et visées des recherches, entre intelligibilité et intervention » :

• Travail de thèse greffé sur une commande de réalisation de module de formation innovant en génie mécanique, mettant en jeu des outils d’interactivité à distance, et articulé à un travail d’enseignant pour M. Huchette ;

• Ensemble de travaux inscrits dans une démarche de prospective ou d’intervention pour des activités scientifiques à l’école et au collège, reconstruits a posteriori de façon distanciée pour une thèse dans une perspective d’apport à la psychologie des apprentissages en sciences, pour B. Peterfalvi.

Dans les deux cas, avec des objets de recherche très différents, une part de travail a pour visée l’efficience de l’intervention ; une part de travail a une visée d’intelligibilité sur certains aspects de ce qui est en jeu dans l’intervention. La problématique est donc à double facettes.

L’exposé suivant (M. Coquidé) portait sur la distinction entre matériel et virtuel. La relation entre modèle et référent, le processus de modélisation, la place de l’informatique comme outil pour les apprentissages, la nature même des apprentissages envisagés en sciences de la vie ont été présentés compte tenu de la spécificité du vivant. Les modes d’approche de cette distinction, les cadres théoriques, la façon de penser cette distinction et de la travailler, les objets de recherche sur lesquels développer ce questionnement ont pu être comparés à d’autres travaux en sciences physiques.

Convoquant didactique des mathématiques et didactique des sciences, les exposés de A. Robert et de C. Larcher et A. Crindal, se proposaient de travailler les relations entre objet de recherche et problème de recherche, d’une part de façon comparative et compte tenu de l’histoire et du développement de ces deux didactiques, d’autre part à l’intérieur même de la didactique des sciences sur la base de la présentation d’une recherche en association entre différentes équipes.

Centrés sur les délimitations des objets et des problèmes de recherche, les exposés de A. Legardez et de O. Grugier ont porté respectivement sur

(9)

« enseigner l’économie : une perspective didactique » et sur « interventions des enseignants de technologie, étude des pratiques effectives ». Le premier désigne les savoirs comme cœur de son travail, le second s’intéresse aux pratiques réelles des enseignants ; tous deux pourtant ont pour thème de recherche des enseignements non consensuels : les questions socialement vives en économie versus la technologie au collège.

La séance suivante invitait P. Duran, pour travailler sur les spécificités de problématiques de recherche en Sciences humaines et sociales sur la base de la présentation d’un ensemble de travaux sur « le pouvoir politique pris au mot : action publique, politique publique, service public ». Des concepts moins familiers pour travailler spécifiquement sur les problématiques et les cadres théoriques en laissant de côté les méthodologies.

Enfin A. Crindal, J. Lamoure et P. Pelpel ont présenté un travail naissant sur un nouvel objet de recherche : la « validation des acquis de l’expérience ». Il s’agit d’un nouveau dispositif, qui va exister en dehors de toute recherche qui le définit en tant qu’objet d’étude et qui le construit en tant qu’objet de questionnement en s’appuyant sur un cadre théorique. La perspective est à la fois descriptive et prospective, d’intelligibilité et d’intervention.

BILAN ET PERSPECTIVES

Une difficulté de cette interrogation d’ordre métacognitif est qu’il faut donner à voir suffisamment de la recherche menée elle même pour que le discours sur la recherche menée soit compréhensible et discutable.

Une deuxième difficulté est la polysémie du terme « hypothèse ». On peut expliciter les « hypothèses » de travail si le terme hypothèse renvoie à l’usage qu’en font les physiciens par exemple : proposition que l’on souhaite tester, dont on se propose de tester la validité ou la pertinence. Toutes les recherches ne peuvent pas se glisser dans un tel format.

Mais le terme hypothèse peut renvoyer aussi à l’usage qu’en font les mathématiciens : proposition qu’on ne remet pas en cause mais qui au contraire impose des contraintes, un cadre, au travail ultérieur. Ces « hypothèses » là sont probablement celles qu’on développe dans ce qu’on appelle le cadre théorique. Elle sont ainsi rendues explicites, discutables. Encore faut il s’entendre sur les mots.

Une troisième difficulté est le mythe du contrôle de l’explicitation. D’une part celui qui expose un travail mené antérieurement le reconstruit bien sûr différemment de la façon dont il l’a mené ; d’autre part, ce n’est pas celui qui expose qui peut interroger, remettre en cause, sa propre représentation du travail qu’il a mené. Toute recherche s’inscrit dans un mode de pensée

(10)

paradigmatique personnel, implicite, par nature non questionné ; d’autres personnes ne partagent pas forcément la même représentation et peuvent donc percevoir une incohérence que celui qui expose n’a pas perçue comme telle. C’est de la confrontation du discours produit par une personne et de son analyse par une autre que peut se mettre en évidence un implicite non partagé. Reste l’implicite partagé par une communauté et qu’il vaut sans doute mieux rendre explicite à des fins de meilleure compréhension interculturelle.

RÉFÉRENCES

BERTHELOT, J.-M., (1990). L’intelligence du social. Paris : PUF.

DE LANDSHEERE, G., (1970). Introduction à la recherche en éducation. Paris : Armand Colin-Bourelier.

(11)

PROBLÉMATISATION D’UNE ÉVALUATION

DIDACTIQUE D’UN MODULE DE FORMATION

INNOVANT EN GÉNIE MÉCANIQUE

Michaël Huchette

Ce texte a pour objectif d’expliciter la démarche de problématisation développée pour ma thèse de doctorat, soutenue en septembre 2002.

Mon travail consistait à évaluer un nouveau module de formation en licence de technologie mécanique à Cachan, qui vise des capacités de conception distribuée de machines industrielles.

1. ENJEUX

Nous nous intéressons aux formations technologiques de concepteurs de produits industriels, techniciens et ingénieurs spécialisés dans le génie mécanique. Les contenus des enseignements technologiques sont définis en références aux réalités industrielles et les pratiques de référence sont pour nous les pratiques de conception dans les bureaux d’études des entreprises de production de machines ayant une partie opérative.

Or ces pratiques changent, parce que l’organisation du travail dans les entreprises industrielles évolue vers un modèle d’ingénierie concourante, parce que les postes de travail s’informatisent et parce que de nouvelles méthodes formalisées sont appliquées.

(12)

Pour assurer la pertinence des contenus d’enseignement par rapport à ces pratiques professionnelles prises comme référence, il est nécessaire de prendre en compte ces évolutions dans les formations à la conception.

Dans ce contexte, notre travail a pour objectif de mieux connaître et d’accompagner les possibilités d’évolution de l’enseignement de la conception mécanique. Plus précisément, nous centrons notre analyse sur les activités réelles des étudiants dans un nouveau dispositif de formation que nous présentons ci-dessous.

2. TERRAIN D’EXPÉRIMENTATION : LE MODULE CODIMI

Le module de formation Codimi que nous avons contribué à mettre en place constitue, depuis l’année universitaire 1998-1999, un module de vingt heures de la licence de technologie mécanique de l’École Normale Supérieure de Cachan. Il est construit comme la simulation d’activités professionnelles de Conception Distribuée de Machines Industrielles, qui vise l’apprentissage de capacités correspondant aux trois évolutions des pratiques professionnelles énoncées précédemment. Les étudiants y effectuent des activités nouvelles par rapport aux travaux pratiques de bureau d’études mécaniques antérieurs.

Pour ce module de formation, les quatre-vingt étudiants d’une promotion sont groupés par deux ou trois.

Le travail qui leur est demandé est de concevoir l’avant-projet d’une pompe doseuse qui permet d’envoyer du méthanol en fond de puits de pétrole à partir d’une plate-forme pétrolière. Le méthanol sert en effet d’antigel et permet d’éviter les bouchons lors de la remontée en surface du pétrole, qui gèle à cause de la détente des gaz qu’il contient. La pompe devra assurer un débit réglable de 20 litres par heure maximum sous une pression de refoulement de 400 bars.

Chaque groupe est jumelé avec un autre groupe, et travaille avec lui simultanément, mais à distance (dans un autre bâtiment). Les deux groupes constituant une telle unité de travail peuvent communiquer par messagerie électronique (chat) et par visioconférence (voir figure 1). Les postes de visioconférence sont munis d’un banc-titre qui permet de retransmettre l’image d’un document disposé sur la table. Ils disposent de plus du logiciel de calcul Mathcad et d’une base de données en réseau sur les pompes doseuses existantes.

(13)

Figure 1 : Deux groupes de 2 ou 3 étudiants travaillent ensemble, à distance. Ils constituent une « unité de travail ». Ils peuvent communiquer par messages

électroniques ou lors de visioconférences.

La production attendue de chaque groupe est un plan partiel de la machine à concevoir, qui doit compléter celui du groupe jumelé.

Chaque groupe travaille d’abord quatre heures à une recherche documentaire des pompes doseuses existantes, hors coopération. Ensuite, pendant seize heures (deux fois huit heures consécutives), deux trinômes jumelés travaillent selon un protocole de conception distribuée. L’un s’occupe de la chaîne de transformation de puissance, constituée des sous-structures suivantes : le moteur électrique, l’accouplement élastique, le réducteur, le système de transformation de mouvement, le coulisseau et la cellule de dosage. L’autre s’occupe de la conception du carter et du système de réglage du débit avec blocage. Chaque trinôme produit le plan d’avant-projet de la partie de la pompe doseuse dont il a la responsabilité, sur une feuille de calque millimétrée (voir figure 1). Excepté à la pause de midi, où ils peuvent se voir à l’extérieur des salles de classe, les étudiants ne peuvent communiquer que par visioconférence ou par messages électroniques synchrones (ou chat).

(14)

3. PROBLÉMATISATION

De ce module de formation, qu’allons nous évaluer exactement ? Quel est notre objet de recherche ? Dans le panorama des recherches sur l’innovation en éducation et formation, dressé par Françoise Cros (Cros, 1998, p. 19), notre questionnement ne porte ni sur le « processus d’innovation » qui a consisté à concevoir cette formation par des acteurs particuliers dans un contexte particulier, ni sur le « transfert d’une innovation » à un système éducatif, ni sur « l’origine » de cette innovation, autrement dit la naissance de l’idée première de faire cette formation. Il porte sur « le nouveau et ses qualités » dans cette formation Codimi, c’est-à-dire sur les nouvelles tâches prescrites aux étudiants, par rapport aux travaux pratiques de bureau d’études mécaniques antérieurs. Notre objet de recherche est l’ensemble des difficultés auxquelles sont confrontés les étudiants lorsqu’ils effectuent ces nouvelles tâches.

Ainsi, notre but est de répondre, de manière empirique, à la question suivante : quelles sont les difficultés rencontrées par les étudiants dans les nouvelles activités de conception ? Nous avons choisi de nous limiter à trois tâches de conception particulièrement nouvelles de la formation Codimi : la recherche de produits concurrents dans une base de données hypertexte, la conception collective d’une sous-structure de machine, et la conception à distance des interfaces entre deux sous-structures d’une machine, à la charge de deux groupes différents.

Pour caractériser cet objet, « les difficultés des étudiants », qu’allons nous observer, et quels points de vue, quels cadres théoriques allons nous adopter ?

Avant de répondre à ces questions, notons d’abord que nous posons comme postulat qu’il existe une relation de causalité réciproque entre réussite dans l’action et apprentissage. En effet, la réussite dans l’action est à l’origine d’une « conceptualisation » par « prises de conscience ultérieures » (Piaget, 1974, p. 232). Elle est donc cause d’apprentissages. Réciproquement, évidemment, l’apprentissage mène vers une efficacité de l’action, donc la réussite. Notamment, « la conceptualisation fournit à l’action […] un renforcement de ses capacités de prévision et la possibilité, en présence d’une situation donnée, de se donner un plan d’utilisation immédiate » (Piaget, 1974, p. 234).

Partant de ce postulat, l’accès le plus direct à notre objet « difficultés des étudiants » est l’observation des activités des étudiants et de leurs productions, autrement dit ce qu’ils font pour effectuer ces tâches.

(15)

étudiants font ce qui est prescrit, c’est-à-dire ce qui était prévu par les concepteurs de la formation Codimi, de manière plus ou moins implicite, lorsqu’ils ont construit les tâches, en définissant les consignes et les moyens mis à la disposition des étudiants.

Le deuxième ensemble d’indicateurs nous permet d’identifier les difficultés, causes des écarts mesurés par rapport au prescrit (i.e. des erreurs). Ces indicateurs seront choisis en caractérisant au préalable les capacités théoriquement nécessaires pour réaliser les tâches prescrites. Des concepts issus des champs de recherche de psychologie cognitive, de pédagogie, de psychosociologie, de didactique et d’épistémologie nous aideront à prévoir ces capacités nécessaires, en particulier en ce qui concerne le travail en groupe, l’utilisation de l’ordinateur, et la conception mécanique. Une difficulté sera pour nous une capacité non ou mal mise en œuvre, qui a causé une erreur.

4. MÉTHODE DE CONSTRUCTION DES DONNÉES

Quelle sera donc la forme de notre réponse à la question : « quelles sont les difficultés des étudiants dans les nouvelles tâches » ? Comment allons nous parvenir à une telle réponse ?

Conformément au développement de notre problématique, nous avons établi une méthode et nous l’avons appliquée à trois tâches particulièrement nouvelles prescrites aux étudiants.

• T1. La recherche de produits concurrents dans une base de données hypertexte ;

• T2. La conception collective d’une sous-structure de machine ;

• T3. La conception à distance des interfaces entre deux sous-structures d’une machine, à la charge de deux groupes différents.

Cette méthode se décline en trois étapes : 1re étape : Caractériser le prescrit

Il s’agit d’abord de préciser et de caractériser ce qui est prescrit aux étudiants. Pour cela, il est nécessaire d’analyser les consignes et les moyens donnés aux étudiants, et d’identifier les positions épistémologiques qui y sont adoptées et les pratiques professionnelles qui y sont prises comme références.

On décompose ainsi la tâche prescrite en une production attendue et une méthode de référence. La méthode de référence est un ensemble cohérent d’actions, plutôt qu’une procédure, qu’il faut savoir faire pour effectuer la tâche « correctement ». Elle est à la fois une méthode attendue et une méthode à apprendre.

(16)

2e étape : Caractériser les capacités nécessaires

Dans un deuxième temps, nous précisons les capacités que les étudiants doivent mettre en œuvre pour réaliser la tâche prescrite. Nous étudions en priorité les champs de compétences qui ont trait au travail en groupe, à l’utilisation de l’ordinateur comme outil, et à la conception mécanique. Pour chaque capacité identifiée, on choisit des indicateurs permettant de vérifier par l’observation que les étudiants ont effectivement mis en œuvre cette capacité.

3e étape : Observer et analyser les activités des élèves

L’observation consiste à filmer les étudiants et à enregistrer leur discours. Les films sont retranscrits.

Leur analyse permet ensuite de repérer grâce aux indicateurs précédents :

• les moments passés par les étudiants à réaliser la tâche étudiée,

• dans quelle mesure la tâche a été réalisée conformément à la prescription,

• les capacités mises en œuvre par les étudiants.

Le prescrit : production attendue et

méthode de référence

Capacités nécessaires pour réaliser le prescrit

Activités réelles des étudiants Difficultés des

étudiants

Consignes et moyens donnés aux étudiants

Activités observées observation indicateurs confrontation interprétation analyse théorique déduction 1 2 1 2 3 Caractériser le prescrit

Caractériser les capacités nécessaires Observer et analyser les activités des élèves Etapes de la méthode :

3

Figure 2 : Objets de recherche manipulés lors de la problématisation et étapes de la méthode de construction de données

(17)

La réponse à la question initiale sera donc, pour chacune des trois tâches étudiées, une liste de difficultés et les conséquences qu’elles ont eu sur la production effectivement obtenue par les étudiants et la méthode qu’ils ont utilisée, par rapport au prescrit.

Nous avons appliqué cette méthode à trois tâches prescrites aux étudiants lors du module de formations Codimi. Nous développons l’exemple d’une tâche ci-dessous.

4.1. Caractérisation du prescrit (étape 1)

 Consignes données aux étudiants

Ensemble, deux groupes jumelés doivent concevoir une pompe doseuse : en partant du schéma cinématique qui a été dessiné à la séance précédente, ils doivent dessiner un plan d’avant-projet. Plus précisément, chaque groupe doit dessiner sur une feuille de calque, à l’échelle 1, la partie de la machine dont il a la charge. Ils travaillent à distance, et, lors du rassemblement final des étudiants, les dessins ainsi produits par les deux groupes doivent se compléter par superposition des feuilles.

Cette feuille de consigne (figure 3) propose une méthode de conception des interfaces en prévoyant l’encombrement des sous-structures, puis précise la répartition des sous-structures entre deux groupes jumelés. Elle propose aussi une organisation des visioconférences autour de la notion de « contrainte d’un groupe sur l’autre ».

 Moyens donnés aux étudiants

Deux groupes jumelés travaillent à distance dans deux salles différentes. Ils disposent pour communiquer d’une part d’un logiciel de messagerie électronique synchrone (dialogue électronique ou chat), utilisable sur l’ordinateur de chaque groupe et d’autre part d’un poste de visioconférence avec un banc-titre, dont l’utilisation est partagée entre les cinq groupes qui suivent la formation simultanément.

Le logiciel de dialogue électronique est le logiciel ICQ. Il permet d’afficher dans une fenêtre, à l’écran d’ordinateur, ce que l’interlocuteur tape au clavier, de manière quasi-simultanée. Il permet de répondre par un texte, de manière aussi rapide.

Le poste de visioconférence avec banc-titre permet de communiquer de manière synchrone avec le groupe distant, oralement et visuellement. En effet, un haut-parleur retransmet en direct le discours des interlocuteurs, et un téléviseur retransmet l’image de leur buste et l’image des documents qu’ils ont posés sur le banc-titre, sur une table.

(18)

CONSTRUCTION DES DIFFÉRENTES ENTITÉS, PAR GROUPE

1°) Donnez les limites d’encombrement des sous-structures, dont vous êtes responsables,

groupe distant avec lequel vous êtes jumelé.

2°) Vous êtes responsables du dessin fini des entité suivantes : Moteur, sa bride, son axe

Accouplement Vis-roue

Plateau inclinable

Liaison pivot manivelle-plateau Laison pivot plateau-carter Liaison complète roue-manivelle Liaison pivot vis-carter

Deux liaisons rotules bielle Liaison coulisseau piston Liaison coulisseau-carter

formes carter/moteur

formes carter/cellule de dosage formes carter/coulisseau formes carter/sol

formes carter/pivot de vis

formes carter/système de réglage formes carter/plateau

système de réglage

blocage du système de réglage liaison plateau inclinable/système de réglage

les nervures

formes du carter/lubrification par barbotage

formes carter/crochet de manutention 3°) Préparez une revue de projet, qui aura lieu par visio-conférence, à partir de 10 heures,

pour 10’ au maximum et dont le but est de fixer : - les contraintes d’un groupe sur l’autre

- les décisions déjà acquises sur ces contraintes

- l’heure du prochain rendez-vous de visio-conférence ainsi que le travail qui devra être fini pour ce rendez-vous (vous vous inscrirez au tableau pour

votre passage)

Figure 3 : Feuille de consigne n° 29 donnée aux étudiants au début de la séance 4

 Production attendue

D’après la consigne, le but de cette tâche est donc de dessiner le plan d’avant-projet de la pompe doseuse, en deux parties sur deux feuilles de calques différentes. Sur unefeuille de calque, chacun des deux groupes jumelés représente la partie de la machine qu’il a en charge. Le plan complet est constitué des deux feuilles de calque qui doivent donc être complémentaires.

(19)

Lors de la conception de la machine, des moments doivent être consacrés par chaque équipe à régler les problèmes de compatibilité de leur sous-structure avec celles des autres. Ces problèmes concernent uniquement certaines caractéristiques de la sous-structure, à savoir des éléments d’architecture, des composants ou/et certaines dimensions. C’est l’ensemble de ces caractéristiques que nous appelons "interface" entre deux sous-structures.

Type d’interface Incompatibilités éventuelles Paramètres déterminants Interférence de position de

deux pièces statiques Positions et volumes des pièces Écart de forme des surfaces

théoriques de contact* de deux pièces en mouvement relatif

Les formes (type de forme géométrique et dimensions) des surfaces théoriques de contact et jeu.

Écart de position des surfaces théoriques de contact* de deux pièces en mouvement relatif

La position des surfaces

théoriques de contact par rapport au reste de la machine.

Jeux de

fonctionnement

Interférence cinématique (collisions)

Surface enveloppe des trajectoires des points d’une pièce mobile.

Jeux de montage Interférence de montage

Surface enveloppe des trajectoires des points d’une pièce au cours de son montage. Dimensions des orifices de passage.

Écart de forme des surfaces fictives de jonction

Les formes (type de forme géométrique et dimensions) des surfaces théoriques de contact. Surfaces fictives de jonction (qui séparent une pièce en deux parties au sein de la matière)

Écart de position des

surfaces fictives de jonction

La position des surfaces

théoriques de contact par rapport au reste de la machine.

Écart de forme des surfaces de contact de deux pièces assemblées

Les formes (type de forme géométrique et dimensions) des surfaces théoriques de contact. Surfaces

d’assemblage (entre deux pièces en liaison

complète)

Écart de position des surfaces de contact de deux pièces assemblées

La position des surfaces

théoriques de contact par rapport au reste de la machine.

Le milieu

intérieur Milieu intérieur incohérent

Les solutions techniques dessinées pour assurer la lubrification et l’étanchéité.

Figure 4 : proposition d’une typologie des interfaces possibles entre deux sous-structures d’une partie opérative de machine, incompatibilités éventuelles et

(20)

Pour que ces interfaces soient conçues, c’est-à-dire que les problèmes d’incompatibilités soient réglés, il est nécessaire que les équipes de concepteurs prennent des décisions définissant les paramètres déterminant l’interface et se les communiquent. Ce sont ces informations qui définissent entièrement l’interface.

Nous proposons en figure 4 une typologie des interfaces possibles entre deux sous-structures d’une partie opérative de machine, en indiquant les incompatibilités éventuelles ou potentielles à éviter et les paramètres déterminant ces interfaces.

Les « jeux » (de fonctionnement et de montage) sont des espaces qu’il est nécessaire que l’une ou l’autre des équipes de concepteurs laisse libre pour placer une pièce ou un ensemble de pièces que l’autre équipe a en charge. Les « surfaces de jonction » séparent deux parties de la machine conçues par deux équipes différentes. Enfin, il faut que le « milieu intérieur » de la machine (conditions de lubrification, de température…) soit choisi de manière cohérente par les différents concepteurs, et que toutes les solutions techniques retenues soient compatibles avec ce milieu intérieur.

 Méthode de référence

Deux sous-tâches semblent alors fondamentales pour concevoir les interfaces : décider les paramètres déterminant l’interface et communiquer ces paramètres au groupe jumelé.

Nous considérons une autre sous-tâche prescrite par la feuille de consigne 29 : anticiper les interfaces et adopter une stratégie de coordination explicite.

Ce que nous avons désigné par « méthode de référence » se compose donc de ces trois sous-tâches.

4.2. Caractérisation des capacités nécessaires

Pour analyser cette activité de conception des interfaces, nous avons distingué 4 champs de compétences, correspondant à 4 aspects de la tâche.

La coordination entre les deux groupes jumelés.

Un étudiant-concepteur ne connaît pas, à un moment donné, les solutions adoptées sur une autre partie de la machine par un autre étudiant-concepteur (parce qu’elles n’ont pas encore été conçues ou sont en cours de conception), alors qu’il en a besoin pour avancer son travail. Il y a donc nécessité de coordination. Nous avons abordé cet aspect de l’activité grâce à des notions issues d’analyses des pratiques professionnelles de

(21)

La première consiste à attendre qu’un concepteur ait entièrement conçu une partie de la machine, avant de concevoir celles qui en dépendent. Elle s’accompagne d’une planification de la conception de toutes les sous-structures de la machine, en fonction des besoins d’informations à leurs interfaces. La deuxième stratégie de coordination consiste à faire des hypothèses a priori sur les interfaces entre les sous-structures à la charge de différents concepteurs en définissant par exemple une « surface enveloppe » (Nicquevert, p. 9-11). Chacun de leur côté, les concepteurs partent de cette décision, quitte à négocier cette « surface enveloppe » par la suite. Nos indicateurs de difficultés concernant la coordination devront nous permettre de vérifier si les étudiants ont ou pas une stratégie de coordination commune, parmi les deux précédentes, et si cela a eu des conséquences sur leur production.

 La prise en compte du travail du groupe jumelé.

Pour analyser cet aspect, nous avons utilisé des notions développées par Yves Cartonnet dans sa « boucle d’actualisation ». La prise en compte des solutions techniques du groupe jumelé intervient à deux moments de la conception locale des sous-structures que l’étudiant a en charge : l’anticipation d’un problème technique, en particulier une incompatibilité potentielle ou éventuelle avec une sous-structure conçue par le groupe jumelé, et la simulation, dans le but de vérifier qu’une solution technique proposée est compatible avec celle du groupe jumelé.

 L’utilisation des outils de communication à distance : la messagerie électronique et le poste de visioconférence.

Nous utilisons ici le concept d’« instrument » développé par Pierre Rabardel [6]. En tant qu’artefacts, au sens de Pierre Rabardel, l’utilisation efficace des outils de communication nécessite que les étudiants aient construit des schèmes d’utilisation. L’auteur distingue deux types de schèmes d’utilisation. Les schèmes d’usage sont les constructions mentales qui permettent la maîtrise des modes opératoires propres à l’utilisation d’un artefact pour lui-même. Les schèmes d’action instrumentée sont celles qui permettent d’incorporer l’utilisation appropriée de l’artefact dans une action plus globale. Des indicateurs sont construits pour chacun des deux types de schèmes, pour savoir s’ils sont mobilisés par les étudiants, et si cela est cause d’erreurs.

L’utilisation d’un vocabulaire compréhensible et univoque pour communiquer à distance.

C’est une condition pour que les informations communiquées soient bien interprétées et correctement utilisées.

(22)

Corpus de données Indicateurs (les étudiants…) Résultats Erreurs = écarts par rapport au prescrit 42 paires de dessins (promotions de 1999, 2000 et 2001)

… ont produit des dessins présentant au moins une incompatibilité

31 UT*/42 (74%)** … n’ont pas exprimé ni

appliqué une stratégie de coordination

8 UT /14 (57%) … ont été bloqués en attente

d’informations du groupe jumelé

3 UT /14 (21%) Défaut de

coordination

… ont fait une modification dans l’urgence à la cause d’une incompatibilité dessinée

1 UT /14 (7%) (1 erreur /23) … n’ont pas communiqué sur

une interface, et ont dessiné une incompatibilité 6 UT /14 (43%) (10 erreurs /23) Défaut de prise en compte du travail du groupe jumelé

… ont communiqué et se sont accordés sur les paramètres déterminant une interface, mais ont dessiné une incompatibilité

4 UT /14 (29%) (4 erreurs /23)

… ont effectué un mauvais mode opératoire qui a conduit à dessiner une incompatibilité

2 UT /14 (14%) (2 erreurs /23) Défaut d’utilisation des outils de communication

… ont communiqué une information géométrique sans utiliser le banc-titre, ce qui a conduit à dessiner une incompatibilité 3 UT /14 (21%) (3 erreurs /23) Défaut d’utilisation d’un langage compréhensible et univoque 14 UT* pendant 8 heures (promotion de 2000) : - Messages électroniques échangés, - Retranscription des visioconférences.

… ont utilisé un vocabulaire équivoque, et ont dessiné une incompatibilité

2 UT /14 (14%) (2 erreurs /23)

* UT = Unité de travail constituée de deux groupes d’étudiants

** Sur la sous-population de la proportion de 2000, 23 incompatibilités ont été dessinées

Figure 5 : Données, indicateurs et résultats d’observation qui ont permis de caractériser les difficultés des étudiants à concevoir les interfaces.

4.3. Observation et analyse des activités des étudiants

Le corpus de données utilisé pour repérer les difficultés des étudiants est constitué de l’enregistrement intégral de leurs communications : chat et visioconférences. Les textes échangés par chat et les retranscriptions écrites des visioconférences ont été analysés pour reconstituer les décisions et les échanges concernant les interfaces, précisément là où les élèves ont dessiné des solutions techniques incompatibles. Pour chacune de ces interfaces, on

(23)

a d’abord identifié les paramètres déterminants, puis on a repéré, parmi les informations échangées, celles qui concernent ces paramètres.

La fiche de suivi donnée en figure 7, retrace l’historique des décisions et des échanges concernant le jeu de fonctionnement nécessaire entre deux pièces A et B du mécanisme, la pièce A étant conçue par le groupe A3, l’autre par le groupe B3. Cette interface doit être conçue de telle manière que la trajectoire de l’extrémité de la pièce A n’entre pas en collision avec la pièce B (voir figue 6). Ce n’est pas le cas sur le plan d’ensemble produit par les groupes A3 et B3.

Figure 6 : extrait du plan d’ensemble de la pompe doseuse : la trajectoire de l’extrémité de la pièce A ne coupe pas la surface externe de la pièce B au moment du réglage de la pompe doseuse

Erreur de compatibilité : La roue, dessinée à 7,5° au bord du carter, rentre en collision avec

lui si l’angle d’inclinaison est plus grand

Interface concernée : Jeu entre la roue et le carter, nécessaire à l’inclinaison de la roue au

moment du réglage

Historique des décisions et échanges Sources

A3 énonce la défaillance à éviter : la collision du plateau avec le carter, en haut du carter, quand le plateau tourne. B3 propose une marge de sécurité « en gros ».

A3 et B3 définissent le rayon de la roue et la cote du système de réglage pour éviter la collision de la roue avec le système de réglage, lorsque le plateau tourne d’un angle de 15°

VISIO.1[60-65]

VISIO.1[86-116]

A3 dessine sur le calque le système de transformation de mouvement et en

particulier la roue dentée VISIO.6[420-425] B3 demande les coordonnées du point extrême de la roue dessinée (elle

est dessinée à un angle d’inclinaison de 7,5°), A3 les donne (1)

VISIO.6[420-425] B3 dessine le carter de façon à laisser la place pour la roue à un angle

d’inclinaison de 7,5° (mais pas 15°) (1) VISIO.8[462]

Figure 7 : Fiche de suivi des décisions et des échanges concernant une interface que les groupe A3 et B3 ont dessinée erronée

(24)

5. RÉSULTATS : DIFFICULTÉS OBSERVÉES

Les figures 5 et 8 mettent en évidence les difficultés rencontrées par les étudiants, spécifiques à la conception des interfaces.

Figure 8 : Synthèse des difficultés observées qui ont amené les étudiants à effectuer une erreur sur les dessins.

Le premier résultat est que les étudiants organisent peu leur travail de conception en fonction des problèmes de compatibilité aux interfaces. Et, d’après nos indicateurs, cela est la cause d’une erreur pour une unité de travail (1 erreur sur 23).

Le deuxième résultat est que la grande majorité des erreurs faites par les étudiants sont dues à un défaut de prise en compte du travail du groupe jumelé au cours de la conception de leurs propres sous-structures. Souvent (dans 6 unités de travail sur 14), les étudiants n’ont même pas anticipé la possibilité d’une incompatibilité, et ne l’ont jamais évoquée.

En ce qui concerne les défauts d’utilisation des outils de communication, elles sont trois fois moins fréquentes.

On en distingue deux types :

• ceux qui correspondent à un défaut de mobilisation de schèmes d’usage ; qui se traduit par des modes opératoires inefficaces (observé deux fois, voir le figure 5). Par exemple un groupe a déréglé la caméra du banc-titre de la visioconférence et n’a pas pu distinguer nettement le dessin montré par le groupe jumelé, ce qui a conduit à mal interpréter des dimensions et à dessiner des solutions incompatibles.

• le défaut de mobilisation des schèmes d’action instrumentée ; qui se traduit par l’utilisation inadaptée de la messagerie électronique, sans utiliser le banc-titre, pour communiquer des informations de description géométrique d’une solution technique (observé trois fois).

(25)

Enfin, mais dans une seule unité de travail, nous avons observé que l’utilisation d’un vocabulaire ambiguë, utilisé pour décrire une solution technique, a eu comme conséquence une mauvaise interprétation et conduit à des dessins incompatibles.

Le schéma de la figure 9 synthétise de manière qualitative les résultats empiriques obtenus : les difficultés, leurs conséquences sur la méthode mise en œuvre par les étudiants, et les conséquences sur leur production, par rapport à la prescription.

Les lieux de l'interface ne sont pas anticipés : espaces enveloppes pas prévus, pas de

planification

L'interface n'est pas évoquée et aucun paramètre déterminant

l'interface n'est communiqué

Des informations communiquées sur les paramètres déterminant

l'interface ne sont pas ou sont mal prises en compte

Solutions techniques dessinées par deux groupes jumelés incompatibles à leur interface

Sous-structure pas dessinée à son interface avec une

sous-structure du groupe jumelé Incapacité d'organiser la conception distribuée

Manque de savoir-faire en communication de descriptions de solutions techniques Shèmes d'usage du poste de visioconférence pas

construits (contrôle et réglage) Incapacité d'anticiper l'existence d'une solution

technique conçue par une autre personne

Shèmes d'action instrumentée du poste de visioconférence pas construits pour communiquer

une donnée géométrique Difficultés de coordination

Difficultés d'utilisation des outils de communication

Difficultés d'utilisation d'un vocabulaire Difficultés de considérer le travail des autres

compréhensible et univoque

Figure 9 : Schéma synthétique des difficultés des étudiants concernant la conception des interfaces, et leur conséquences sur les écarts par rapport au prescrit (méthode de

référence et production attendue). Les flèches représentent les relations de causalité, orientées de la cause vers la conséquence.

6. CONCLUSION

Pour conclure, revenons sur l’objectif de cette recherche. Comme nous l’avons annoncé, notre objectif est de fournir des résultats sur les difficultés réelles des étudiants dans de nouvelles activités de travail pratique, qui permettent de mieux connaître et d’accompagner les possibilités d’évolution de l’enseignement de la conception mécanique.

Nous pouvons maintenant préciser que, étant données les conditions d’observation (échantillon non représentatif, faible échantillon), les résultats obtenus ne peuvent pas être généralisés en terme quantitatif : les proportions observées ne seront probablement pas les mêmes avec d’autres étudiants qui réaliseraient les mêmes tâches. Par contre, ces résultats ont un intérêt qualitatif, parce qu’ils donnent un panel des difficultés possibles. Par ailleurs, afin d’accompagner de nouvelles formations, le schéma synthétique des difficultés des étudiants (figure 9) pourrait servir d’outil de

(26)

diagnostic des difficultés des étudiants dans des tâches similaires à celles observées.

RÉFÉRENCES

CARTONNET, Y. (2000). L’actualisation de la technologie structurale pour la formation de la technicité d’un concepteur de produits

industriels. Mémoire d’Habilitation à Diriger des Recherches. Orsay : Université Paris Sud.

CROS, F. (1998). L’innovation en éducation et en formation : vers la construction d’un objet de recherche ? Éducation permanente, 134. DARSES, F. (1997). L’ingénierie concourante : un modèle en meilleur

adéquation avec les processus cognitifs de conception. In P., Bossard, C., Chanchevrier, et P., Leclair, (Dir.), Ingénierie concourante : de la technique au social (pp. 39-55). Paris : Economica.

HUCHETTE, M., CARTONNET, Y (2001). CoDiMI : une nouvelle formation d’ingénieurs concepteurs de produits qui intègre

l’utilisation des technologies d’information et de communication, Actes du 7e colloque sur la conception mécanique intégrée, AIP-PRIMECA, 302-309.

HUCHETTE, M. (2002). Evaluation expérimentale de l’apport, pour une formation d’ingénieurs, d’un simulateur informatique en travaux pratiques de bureau d’études mécaniques. Thèse de doctorat. Cachan : ENS de Cachan.

LUZI, F. (1997). La prise en compte des fabricants dans le projet : La démarche socio-technique chez Renault. In P., Bossard, C.,

Chanchevrier, et P., Leclair, (Dir.) Ingénierie concourante : de la technique au social (pp. 59-76). Paris : Economica.

MOISDON, J.-C. & WEIL, B. (1992). L’invention d’une voiture : un exercice de relations sociales. Gérer et comprendre, 28 et 29, 30-41 et 50-58.

NICQUEVERT, B. (2000). Ressources, contraintes et difficultés dans les pratiques de conception d’un grand projet scientifique.In Y. Cartonnet, J. Lebeaume, et P. Vérillon (Dirs.), Actes du séminaire de didactique des disciplines technologiques, LIREST, 1999-2000.

RABARDEL, P. (1995). Les hommes et les technologies : Approche cognitive des instruments contemporains. Paris : Armand Colin.

(27)

PROBLÉMATISATION DANS UNE RECHERCHE

COLLABORATIVE DE L’INRP

« Problématiques et visées des recherches entre intelligibilité

et intervention »,

Brigitte Peterfalvi

Comment se construit la problématique des recherches collaboratives entre chercheurs et équipes d’enseignants, telles que nous en avons menées successivement plusieurs dans le cadre de notre équipe de didactique des sciences expérimentales de l’INRP ? Nous proposons ici une réflexion épistémologique à partir d’une recherche qui visait à élaborer des situations d’apprentissage correspondant à l’idée d’objectif-obstacle, réalisée à l’INRP dans les années 90, et qui a donné matière ensuite à une série d’articles (Aster 24 et 25, 1997) et à une reconstruction sous forme d’une thèse (Peterfalvi, B., 2001). Le travail réalisé concerne un champ conceptuel transversal à l’enseignement de la biologie, de la chimie et de la physique, celui des transformations de la matière. Ce type de recherche pose le problème des dissonances entre les constructions théoriques de départ et les mises en oeuvre réelles en classe. Comment interpréter ces dissonances, quel statut leur donner, quelles conclusions en tirer par rapport à la problématique de la recherche ? Pour donner quelques éléments de réponses à ce type de question, nous exposerons le fonctionnement de cette recherche, en questionnant le statut des résultats produits et leur utilité pratique et théorique.

(28)

   OBJET DE RECHERCHE ET CHOIX ÉPISTÉMOLOGIQUES

Les choix épistémologiques de cette recherche et le dispositif adopté pour la réaliser sont fortement liés à son objet. En effet, celle-ci se proposait d’éprouver la fécondité pratique du concept d’objectif-obstacle. Ce concept, proposé par Martinand en 1984 à partir de considérations sur les tentatives de la Pédagogie par Objectifs, de théories de l’apprentissage et de réflexions épistémologiques, esquisse des pistes pour résoudre conjointement deux problèmes : celui de la prise en compte des représentations des élèves dans l’enseignement et celui de l’émiettement des objectifs rencontré dans les perspectives de la Pédagogie par Objectifs. Se donner comme objectif le franchissement de quelques obstacles sélectionnés, correspondant à des progrès décisifs dans les apprentissages conceptuels, devait fournir aux enseignants des repères pour mieux comprendre le mode de fonctionnement des représentations de leurs élèves et orienter leur action éducative. Malgré sa préoccupation pragmatique de fournir des outils utilisables pour l’enseignement, cette proposition n’avait donné lieu qu’à peu de réalisations pratiques. La mise en œuvre effective de situations d’enseignement s’appuyant sur ce cadre théorique, devait contribuer à en préciser les contours et à explorer les modalités possibles de la prise en compte des obstacles dans l’enseignement. Elle devait contribuer à en cerner les implications, qui restent nécessairement inaperçues tant que la façon dont la réalité résiste aux propositions théoriques n’a pas été éprouvée. Conjointement, le cadre théorique a été retravaillé, dès l’origine et au fur et à mesure, pour prendre en compte au maximum ce qu’une référence à la conception bachelardienne des obstacles pouvait impliquer du point de vue des possibilités de prise en compte didactique.

Il s’agit donc d’une étude de « faisabilité », mais ceci à plusieurs niveaux : celui de l’appropriation de la problématique et de la réalisation de situations de travail correspondantes par les enseignants, celui de la possibilité institutionnelle de les mettre en oeuvre de façon effective, mais aussi celui du travail intellectuel réellement effectué par les élèves sur leurs propres obstacles et leur « dépassement » éventuel.

Ce projet impliquait, pour sa réalisation, un mode d’association particulier avec des enseignants. Une vingtaine d’enseignants, familiarisés de façon variable aux problèmes didactiques, ont donc été invités à construire et expérimenter des séquences d’enseignement dans leurs classes à différents niveaux scolaires, à partir d’un cadre théorique de départ et d’une réflexion commune sur la nature des obstacles et les stratégies possibles pour leur dépassement par les élèves. Leur part importante dans l’élaboration des situations de travail et leur association aussi étroite que possible à la

(29)

l’insertion des séquences expérimentées dans le projet et leur compatibilité avec les conditions qu’impose le système scolaire. C’était en effet nécessaire pour éprouver la faisabilité scolaire du projet. Leur association aux analyses des situations réalisées devait jouer plusieurs rôles : leur permettre une meilleure compréhension des processus en jeu chez leurs élèves et par là rendre possible des ajustements de leurs dispositifs ; par ailleurs, le croisement de leur point de vue avec ceux des chercheurs devait limiter la part subjective dans les interprétations et jouer un rôle de contrôle.

Le schéma 1 peut nous donner une idée de la façon dont s’agencent dans ce travail les aspects théoriques et la mise à l’épreuve du réel d’une part, les aspects relatifs aux processus d’apprentissage et à l’enseignement de l’autre.

Pour mieux comprendre le choix épistémologique de cette recherche, on peut se reporter au schéma 2. Nous n’avons pas retenu une option expérimentaliste, représentée par la colonne de gauche, dont le but aurait été principalement de tester la faisabilité intellectuelle du travail sur les obstacles par les élèves et l’efficacité de tel ou tel procédé dans ce but. Elle

ENSEIGNEMENT APPRENTISSAGE Étude (générale et spécifiée) des processus d’apprentissage et obstacles Cohérence théorique

Contraintes, sélections par les enseignants,

représentations sociales de l’enseignement

Connaissances sur les possibles : enrichissements, rectifications PLAN THEORIQUE PLAN EMPIRIQUE : MISE A L’EPREUVE régulation Références théoriques

Interprétations (par les enseignants, par nous) des

productions d’élèves dans les situations mises en

oeuvre situations d’enseignement / apprentissage mises en oeuvre effectivement, principes, ressorts employés Principes à mettre en oeuvre pour la construction de situations d’apprentissage Schéma 1

(30)

aurait conduit à établir à l’avance des protocoles de travail que les enseignants auraient été invités à "exécuter". La cohérence des situations proposées avec le cadre théorique de départ aurait été de ce fait davantage garantie, puisqu’on se situait dans une perspective d’application du cadre théorique. Cependant de nouveaux problèmes se seraient posés.

Par exemple l’adhésion des enseignants au projet aurait été moindre, or celle-ci est particulièrement importante dans la perspective d’enseignement proposée. Nous adoptons une perspective qui vise plutôt à cerner la faisabilité scolaire de l’idée d’objectif-obstacle. De ce fait, notre paradigme de recherche prend en compte une plus grande complexité. Outre les possibilités intellectuelles pour les élèves du dépassement des obstacles à l’apprentissage de tel ou tel concept, il prend en compte les résistances du système scolaire à ce type de travail. La perspective choisie conduit à entretenir des relations beaucoup plus dialectiques entre cadre théorique propositionnel et réalisation concrète.

Par exemple l’adhésion des enseignants au projet aurait été moindre, or celle-ci est particulièrement importante dans la perspective d’enseignement proposée. Nous adoptons une perspective qui vise plutôt à cerner la faisabilité scolaire de l’idée d’objectif-obstacle. De ce fait, notre paradigme de recherche prend en compte une plus grande complexité. Outre les possibilités intellectuelles pour les élèves du dépassement des obstacles à l’apprentissage de tel ou tel concept, il prend en compte les résistances du système scolaire à ce type de travail. La perspective choisie conduit à entretenir des relations beaucoup plus dialectiques entre cadre théorique propositionnel et réalisation concrète.

La mise en oeuvre d’un tel dispositif de travail a abouti à la construction d’une grande diversité de situations, qui s’intégraient de façon plus ou moins cohérente dans le cadre conceptuel de départ. L’analyse de scénarios établis par les enseignants avant la mise en oeuvre des situations, du déroulement effectif des séquences, du contenu des discussions du groupe de recherche, et d’entretiens avec les enseignants, ont permis de repérer un certain nombre de décalages ou de dérives par rapport au projet théorique et de réfléchir aux limites de la faisabilité de ce projet dans la réalité de l’enseignement.

En effet, même si elle implique une modification importante des modalités habituelles d’enseignement, la perspective de travail par "objectifs-obstacles" reste soumise aux mêmes contraintes. Les séquences produites sont donc la résultante d’une élaboration théorique et d’un faisceau de contraintes de plusieurs ordres qui en déterminent le caractère réalisable : contraintes institutionnelles, représentations de la discipline et des

(31)

liés à la gestion de la classe, attitudes des élèves. Les interprétations de l’évolution des idées des élèves doivent prendre en compte cette complexité et sont différentes de celles qu’on aurait pu tirer de situations plus épurées.

Schéma 2

2. DÉCALAGES : COMPROMIS NÉCESSAIRES OU DÉRIVES ?

Le projet théorique précisait certaines caractéristiques de la dynamique de fonctionnement des obstacles dont il était pertinent de tenir compte dans la conception des situations didactiques : leur résistance au changement, liée à la fonction positive qu’ils jouent en tant que système d’idées conférant une intelligibilité aux phénomènes, leur transversalité par rapport à plusieurs contenus, leur structure en réseaux, leur caractère multiforme. Il optait pour quelques principes fondamentaux dans leur traitement didactique : jeu sur une complémentarité entre déconstruction des idées en place et (re)construction des concepts visés ; prise en compte des aspects sociaux et affectifs mis en jeu dans ce renversement des cadres de pensée, délimitation de moments plus spécifiquement centrés sur le travail des obstacles. En cela, il s’agissait d’un cadre à la fois théorique et propositionnel.

Options sur ce qui est testé par la recherche

Validation d’un MODÈLE THÉORIQUE

Mise à l’épreuve d’un MODÈLE THÉORIQUE DANS LE MILIEU SCOLAIRE

Effort maximum de conformité des réalisations avec le projet Tendance expérimentale :

situations épurées

Exploration des possibles élaborés par une variété d’enseignants Situations réelles variées

Résultats possibles sur

- la « faisabilité » intellectuelle du travail sur l’obstacle - l’efficacité de « procédés » didactiques

- les obstacles en jeu

Résultats possibles sur

- la « faisabilité » scolaire du travail par objectif-obstacle : les situations réalisées et leur cohérence au projet, les tendances et dérives, les compétences nécessaires des enseignants

- les processus intellectuels engendrés

(32)

Ce cadre général laissait toutefois une latitude importante quant aux modalités précises du travail didactique, ce qui explique la grande diversité des situations explorées. Cependant, dans certains cas, les situations proposées débordent ce cadre général. Ces décalages, qui révèlent la résistance du système scolaire au projet, se manifestent :

• dans le mode de construction des séquences par les enseignants, par exemple par le rôle privilégié donné aux contradictions logiques, alors que beaucoup de choses se jouent sur un plan moins rationnel en ce qui concerne les obstacles ;

• dans la gestion de ces séquences, lorsque l’enseignant autorise plus ou moins effectivement l’expression de l’erreur et du doute - nous en verrons un exemple plus loin - ou encore lorsque son respect scrupuleux d’un protocole préétabli l’éloigne de l’écoute des élèves ;

• dans les réactions d’étonnement ou d’inquiétude par rapport aux processus intellectuels qui apparaissent dans ces séquences (comme les évitements des conflits par les élèves, les régressions apparentes…) ; et même parfois, mais ceci est une situation limite, par des séquences où on ne repère plus vraiment de travail sur les obstacles.

Ces décalages, que l’on peut qualifier de dérives lorsqu’ils ne sont plus en cohérence avec le projet, deviennent à leur tour objet d’analyse dans la recherche. Il convient alors de s’interroger sur leur caractère évitable. Dans les cas où on peut penser qu’il s’agit de décalages incontournables, de compromis nécessaires, c’est le cadre propositionnel qu’il est pertinent de remanier ou de moduler. Dans d’autres cas, les analyses conduisent à des réélaborations ou régulations dans les principes de construction des séquences ou dans les modalités d’intervention des enseignants. La plupart du temps, ces décalages révèlent des points de tension pour l’enseignant, qui doit prendre en compte dans une même action le projet de travail sur les obstacles et les exigences du système scolaire, vécus comme contradictoires. On peut les rapporter à des contraintes institutionnelles (par exemple, la nécessité de donner des notes, plus ou moins fréquemment selon les établissements et les niveaux scolaires), à des nécessités de gestion de la classe (sauf à l’école primaire où la souplesse est plus grande, le cadre de l’heure ou des deux heures de cours doit former une unité achevée, qui supportera une semaine d’interruption). Les conceptions de l’apprentissage et de l’enseignement généralement partagées dans le contexte social et les conceptions privées des enseignants de la recherche peuvent également jouer un rôle explicatif.

L’exemple qui suit page suivante peut donner une idée de ce système de tensions. Après une phase où la majorité des élèves d’une classe de sixième exprime l’idée que le dioxyde de carbone est un gaz respiratoire nocif pour

(33)

matière pour la croissance de tomates, un document est distribué qui relate une expérience de l’INRA et montre que, contrairement à la prévision des élèves, l’augmentation du taux de dioxyde de carbone dans l’air des serres conduit à une augmentation de la masse des tomates cultivées. L’un des élèves, Pierre-Yves, ne peut pas accepter cette idée. Lorsque l’enseignante lui demande de lire le document à haute voix, il s’en montre incapable.

« C’est impossible, dit-il, puisque le CO2 est le gaz rejeté ». C’est

finalement un autre élève qui lit le document à sa place.

Ce processus de fuite de l’information dérangeante par Pierre-Yves manifeste son désir de cohérence. C’est un processus que nous avons rencontré dans de nombreuses situations de classe : la « cécité » à l’égard de ce qui pourrait remettre en question le réseau d’idées qui rend intelligible la situation pour le sujet est une des modalités selon lesquelles l’obstacle résiste aux tentatives de déstabilisation. Gardant le fil de son idée préalable, Pierre-Yves nie ainsi les faits rapportés tout en en ayant perçu la contradiction potentielle. Face au refus de l’élève d’admettre l’information, et donc à la manifestation de l’idée-obstacle (E1), l’enseignante est tout d’abord décontenancée.

P1 - Explique-nous pourquoi tu n’es pas d’accord ?

E1 - Ben le CO2, c’est le dioxyde de carbone, c’est le gaz que rejettent les plantes et pas ce… celui qu’elles absorbent !

P2 - Bon. Qu’est-ce que… quand l’INRA augmente la quantité de dioxyde de carbone, qu’est-ce que ça entraîne sur les tomates ? Qu’est-ce que te dit le texte ?

E2 - ... (regarde en bas, vers le texte)

P3 - Qu’est-ce qu’on obtient quand on augmente la quantité de dioxyde de carbone ?

E3 - (moue)

P4 - Qu’est-ce qu’on te dit ? On obtient quoi ? (montre le texte) E4 - ...

E, à côté - On obtient une augmentation de masse, de volume et puis de matière !

P5. - Oui, on a de plus grosses tomates, on en a en nombre plus grand, donc ? E5 - Ben… [incompréhensible] (baisse la tête et rit)

P6 - Non mais est-ce que tu comprends ? E6 - Oui… (ton résigné)

P7 - Ah ?

E7 - Donc, le CO2 est une nourriture pour les plantes ?

P8 - Le CO2 est une nourriture pour les plantes. Alors qui veut encore rajouter quelque chose ? Est-ce que ça vous semble curieux ?

(34)

Peut-être est-ce comme préalable nécessaire dans son esprit à la prise de conscience de la contradiction entre l’idée primitive et l’information nouvelle, qu’elle a recours à l’autorité du document pour la faire accepter (P2). La suite de l’échange vise à faire dire à l’élève lui-même l’information indiscutable puisque donnée dans un document scientifique. Ce que l’élève fait d’un ton interrogateur, manifestant encore son doute (E7), que l’enseignante ne relève pas. Cependant, après avoir confirmé l’information de façon affirmative, celle-ci renvoie à tout le groupe la question de la contradiction entre cette information et les idées exprimées dans la phase précédente (P. 8). Or, pour Pierre-Yves, le premier refus de l’information était déjà une réponse : il ne lui est plus possible dans cette nouvelle phase de manifester son doute, disqualifié. Alors que sur l’invitation de l’enseignante, les autres élèves explorent la compatibilité entre l’information nouvelle et leurs idées préalables, il se tait.

L’enseignante intervient donc un moment en contradiction avec la logique de la situation qu’elle a elle-même mise en place. En effet, l’information relatant les résultats obtenus par l’INRA avait pour fonction de départager les prévisions discutées auparavant par les élèves et de provoquer un conflit cognitif chez ceux pour lesquels ce résultat était contraire aux prévisions. Les interventions de l’enseignante, pendant ce bref moment, empêchent l’explicitation du conflit chez le seul élève pour lequel il se manifeste spontanément. Elle ne tardera pourtant pas à rétablir la logique prévue et à relancer l’explicitation du conflit (P8). Elle semble elle-même prise dans un système de tension entre deux logiques, qui l’incite à balancer entre deux attitudes. L’une peut être interprétée en référence à une logique d’appropriation rapide des connaissances, dominante dans l’enseignement, et l’autre au cadre de la recherche qui privilégie le travail sur ce qui s’oppose à cette acquisition. L’alternance du professeur entre ces deux logiques traduit peut-être en même temps la nécessité d’un compromis entre la prise en compte du cheminement d’un élève et la conduite du groupe dans son ensemble. Ce type d’analyse peut contribuer à modérer les jugements rapides qu’on pourrait faire sur des situations, comme dérives par rapport au projet. On voit en effet ici que la tension du professeur est liée à des aspects multiples dont certains sont incontournables.

3. PRISE EN COMPTE DES DÉCALAGES ET PROBLÉMATISATION

Si nous avons développé ici l’analyse de cet épisode critique c’est qu’il attire notre attention sur les tensions qui se manifestent chez les enseignants lorsqu’ils tentent de réaliser sur un plan pratique ce qu’ils se sont approprié

(35)

dans la façon dont l’enseignante régule la séance au cours de cet épisode par rapport à son intention de départ, elle-même liée à la façon dont elle s’est approprié l’idée de travail sur les obstacles, est à situer par rapport à d’autres types d’écarts que nous avons figurés dans le schéma 3 :

Schéma 3 : Écarts observables par rapport à la problématique de départ

Ce que nous avons nommé « écarts 1 » concerne les décalages entre le projet théorique et les situations mises en œuvre par les enseignants. Les réalisations, que ce soit au niveau des dispositifs ou de la régulation de la situation par l’enseignant, s’écartent plus ou moins du projet théorique, c’est ce que nous avons noté par « écart + » et « écart - ». L’interprétation qui peut être faite des résultats obtenus chez les élèves est évidemment différente dans les deux cas.

Ce que nous avons appelé « écart 2 » est le décalage qui apparaît entre les attentes des enseignants et les résultats qu’ils obtiennent auprès des élèves. La réaction de Pierre - Yves dans l’épisode dont nous avons rendu compte plus haut relève de ce type d’écart par rapport à l’attente de l’enseignante : celle-ci a été surprise du fait que celui-ci refuse de regarder le document qui donnait une information susceptible de remettre en question son idée préalable. Mais la propre réaction de l’enseignante, dans sa gestion de la situation (et non dans le scénario qu’elle avait prévu) relève d’un « écart 1 ».

Quant aux « écarts 3 », ils désignent ceux qui apparaissent entre les attentes liées aux présupposés théoriques de la recherche et ce qui se passe pour les élèves. On ne peut les saisir que dans le cas où les « écarts1 » sont relativement faibles. De ce point de vue, la réaction de Pierre-Yves est relativement prévisible, étant donné ce que l’on sait du caractère résistant des obstacles : on peut dire que l’« écart 3 » correspondant est faible.

Ecart 3

Réalisations

Résultats obtenus auprès des élèves

Ecart 1

Ecart 2

Ecart + Ecart -Projet théorique

Figure

Figure 1 : Deux groupes de 2 ou 3 étudiants travaillent ensemble, à distance. Ils constituent une « unité de travail »
Figure 2 : Objets de recherche manipulés lors de la problématisation et étapes de la méthode de construction de données
Figure 5 : Données, indicateurs et résultats d’observation qui ont permis de caractériser les difficultés des étudiants à concevoir les interfaces.
Figure 6 : extrait du plan d’ensemble de la pompe doseuse : la trajectoire de l’extrémité de la pièce A ne coupe pas la surface externe de la pièce B au moment du réglage de la pompe doseuse
+7

Références

Documents relatifs

formes : Abatacept ; Acétylisovaléryltylosine (tartrate d’) ; Acide 5-aminolévulinique ; Acide carglumique ; Adalimumab ; Adéfovir dipivoxil ; Agalsidase alfa ; Agalsidase bêta

Une étude anglaise parut dans le JAMA [19] en août 2018, avait pour objectif de comparer deux dispositifs de management des voies aériennes supérieures dans le cadre de

La tendance relevée par l'ESMA semble être une forte progression du marché des agences de conseil en vote dans les années à venir 81 , ce qui peut notamment

Parmi les signalements qui n’ont pas été retenus, 22,7 % ne l’ont pas été parce que les parents ont pris les moyens nécessaires pour protéger leur enfant ou se sont

La Commission a pourtant cédé aux pressions françaises et a accepté un taux de rémunération nettement inférieur à celui escompté (environ 8%). Pour justifier son aval quant à

[r]

MISE fN SOLUTTON D'ESPECf,S TONIQU ES OÙ

Si l’interprétation du monopole de fait réside bien dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, la qualification de service public national a posé, dans le