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Maryline Coquidé

EXPERIENCE décrit

2.  ENJEUX DE FORMATION

L’importance des évolutions de ces pratiques scientifiques et les multiples enjeux scientifiques, épistémologiques et économiques qui leurs sont associés rendent indispensables une réflexion sur les enjeux de formation, avec tout un ensemble d’interrogations relatives :

• à l’enseignement des sciences de la vie et à l’ éducation à la santé des jeunes,

• à la formation du citoyen et à la culture scientifique, • à la formation des étudiants scientifiques,

• à la formation des enseignants de SVT.

Formation de futurs scientifiques

Ainsi, pour permettre la formation de nouveaux ingénieurs ou celle de futurs chercheurs, plusieurs établissements supérieurs en France ont mis en place et développé, ces cinq dernières années, des DEA ou des DESS, centrés sur la bioinformatique ou sur l’informatique appliquée à l’agronomie ou aux sciences de la vie et de la Terre.

Formation du citoyen

La compréhension de ce qu’est une simulation ou une image de synthèse, des principes simplifiés de leur construction et de leurs usages, représente

un important enjeu de citoyenneté pour appréhender certaines informations, provenant des médias ou de l’environnement social. Pour pouvoir, par exemple, se positionner face aux nécessités de « recalage » de simulations numériques avec une réalité empirique dans le domaine de poursuite éventuelle d’essais nucléaires, pour effectuer certains choix raisonnés relatifs à sa santé ou pour interagir avec du personnel de santé…

Enseignement des sciences de la vie

Bâtir de nouvelles situations d’apprentissage

Certaines activités, issues de la recherche, peuvent être formatrices pour des élèves. La mise à la disposition et l’adaptation pour le scolaire de pratiques et d’outils scientifiques permettent parfois de bâtir de nouvelles situations d’apprentissage.

Ainsi, certains TP de biologie ont recours à des logiciels de simulation. Je n’aborde pas ici les didacticiels élaborés uniquement dans un but pédagogique (par exemple le logiciel Drosolab d’expérimentation virtuelle de croisement de drosophiles), mais les logiciels provenant de la recherche scientifique et adaptés dans un but scolaire (par exemple le logiciel Rasmol de visualisation en 3D de molécules biologiques, voir Barrere, Dupont & Salamé, 1997). Par ailleurs, nombreuses sont les pratiques scolaires ou de formation actuelles qui utilisent des images numériques. Le statut de ces images et leurs usages dans des pratiques sociales sont parfois explicites (par exemple les images biologiques pour le diagnostic d’élevage, voir Gay, Gréa & Sabatier, 1996), mais ce n’est malheureusement pas toujours le cas.

Éclaircir des contraintes d’appropriation

Aussi sommes-nous conduit à nous interroger sur les pratiques scolaires, en particulier les travaux pratiques. Si les travaux pratiques peuvent contribuer à apprendre à « faire de la science » et pas seulement un « texte de science », il est nécessaire d’interroger en quoi, face aux évolutions des pratiques scientifiques analysées ci-dessus, les travaux pratiques actuels sont-ils épistémologiquement fondés ?

Depuis longtemps, Jean-Louis Martinand (1986) soutient, dans l’éducation scientifique, une distinction d’un registre de familiarisation pratique à la nature, aux objets et aux phénomènes et d’un registre d’élaboration intellectuelle, comme la condition indispensable d’une approche rationnelle progressive du monde. Les expériences et les expérimentations peuvent représenter aussi, dans les enseignements scientifiques, les références empiriques nécessaires pour la mise à l’épreuve et la validation des savoirs conceptuels et des modèles. Dans le schéma de modélisation qu’il propose

élaboration intellectuelle en interaction avec la constitution d’une phénoménologie. MODÈLE (ou Concepts) Paradigmes épistémiques Ressources théoriques simulation MATRICE COGNITIVE RÉFÉRENT EMPIRIQUE ÉLABORATION REPRÉSENTATIVE construction application Phénoménographie

Objets, phénomènes, procédés, rôles sociotechniques Phénoménotechnique

Phénoménologie

Figure 2 : Schéma général de la modélisation (Martinand, 1996)

Cependant, tout comme l’expérimentation, le recours scolaire à la simulation nécessite d’identifier des contraintes de possibilité d’appropriation par les élèves. Il peut s’agir de connaissance de procédures instrumentales, mais aussi de la mobilisation de ressources théoriques (langages, schémas et théories) et d’éléments épistémiques, indispensables à la mise en œuvre concrète de procédures, et que Martinand regroupe dans un ensemble qu’il nomme « matrice cognitive ».

Formation des étudiants et des enseignants scientifiques

Tous les enseignants actuels de SVT ont recours régulièrement à l’informatique, pour des usages scolaires très variés, qu’il ne convient pas d’analyser en détail dans le cadre de ce séminaire. Cependant, il apparaît que nombre d’entre eux méconnaissent ce qu’est une modélisation scientifique et les usages autres que pédagogiques de l’informatique dans l’enseignement, ou sont peu conscients des enjeux de la virtualité (Coste & Salamé, 1997). Nous sommes donc de nouveau face à des enjeux didactiques et épistémologiques de formation initiale et continue des enseignants de sciences.

Par rapport à la formation initiale des étudiants et des enseignants scientifiques, on peut rappeler ici que, dès 1991, le statut des technologies dans l’enseignement scientifique avait déjà été vivement débattu dans un

colloque (Duval & Salamé, 1991). Naoum Salamé y argumentait que les ordinateurs étaient devenus des moyens essentiels pour saisir et représenter les phénomènes dans de nombreux domaines de la biologie et de la géologie. Et il pointait une nécessité pour une articulation, dès la formation initiale, entre connaissances fondamentales et maîtrise des instruments informatiques en tant qu’outils scientifiques et professionnels.

Le renouvellement de l’instrumentation, le développement de nouveaux outils et de nouveaux usages de l’ordinateur dans les pratiques éducatives que le développement de la modélisation et de la simulation impulse, supposent aussi de s’interroger sur les registres de technicité qui seraient nécessaires aux enseignants.

Émergence d’une recherche : la représentation en 3D des molécules biochimiques dans l’enseignement des SVT (Flavienne

Ntchalengani)

Les représentations en 3D des molécules biologiques sont désormais présentes dans les classes de SVT de lycée. Cependant le transfert des logiciels de visualisation du domaine de la recherche vers celui de l’enseignement n’est pas encore stabilisé et leur utilisation dans l’enseignement secondaire soulève de nombreuses questions. En effet, les usages que font les enseignants de ces outils restent méconnus. La recherche que Flavienne Ntchalengani (UMR STEF) vient de commencer vise à mieux connaître ces usages, les facteurs qui les déterminent (intérêts, contraintes et limites aussi bien d’un point de vue pédagogique, didactique que technique) et les compétences requises.

Pour débattre

Pour terminer, je souhaitais soulever à nouveau une question en débat relative à l’importance des enjeux éducatifs de la confrontation à la matérialité dans l’initiation et l’éducation scientifique. En effet, comme vous avez pu le percevoir dans la trame de ce séminaire, l’indispensable recours à l’informatique dans les pratiques scientifiques accélère une tendance à la « dématérialisation ». L’écriture digitale, en particulier, célèbre une perte d’inscription et peut conduire à se débarrasser de toute trace. Cette tendance à la dématérialisation, peut conduire à une certaine disparition du sensible et du support qui, si elle d’amplifiait dans les pratiques scolaires, serait à questionner.

RÉFÉRENCES

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DES TÂCHES PRESCRITES AUX ACTIVITÉS