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Alain Crindal, Jean Lamoure, Patrice Pelpel

1.  UN DISPOSITIF EN ÉVOLUTION

1.1. Dispositif de validation des acquis professionnels (VAP)

Dans la période de pré-modernisation sociale, un dispositif de validation des acquis professionnels était en place en référence à deux textes complémentaires.

Le premier est le décret de 1985 (cf. bibliographie) qui prévoit la possibilité d’accueil d’étudiants qui ne possèdent pas le diplôme requis, mais peuvent faire valoir des éléments d’expérience professionnelle en relation avec la nature des études ou reprises d’études envisagées ; ce décret concerne uniquement les formations universitaires.

Le second est celui de la loi du 20 juillet 1992, qui vient modifier l’article L 335-5 du Code de l’éducation : toute personne qui a exercé pendant cinq ans une activité professionnelle en rapport avec l’objet de sa demande, peut demander la validation d’acquis professionnels qui pourront être pris en compte pour justifier d’une partie des connaissances et des aptitudes exigées pour l’obtention d’un diplôme de l’enseignement technologique.

Cette certification partielle est susceptible de s’appliquer aussi bien aux diplômes de l’enseignement scolaire qu’à ceux qui sont décernés par les universités.

Facteur de motivation pour l’obtention d’un diplôme, cette loi génère une forte demande de complément de formation puisqu’elle évite à ses bénéficiaires d’effectuer un parcours complet de formation.

On note qu’il s’agit d’instaurer une complémentarité entre expérience professionnelle et curriculum, l’obtention d’un diplôme résultant, dans tous les cas, d’une composition de ces deux éléments.

Ce dispositif de validation des acquis professionnels (VAP) a eu un certain succès et un développement important dans les dernières années, surtout en ce qui concerne l’application du décret de 1985, c’est-à-dire l’accueil dans les formations universitaires d’étudiants ne disposant pas du diplôme requis, mais d’une équivalence acquise par validation d’une expérience professionnelle.

On dispose de statistiques nationales sur l’évolution des demandes dans le cadre du dispositif VAP ; celles de l’année 2001 viennent d’être publiées par la DPD (Direction de la planification et du développement) et sont commentées en annexe.

1.2. Dispositif de validation des acquis de l’expérience (VAE)

Depuis la Loi de modernisation sociale (janvier 2002), le dispositif de validation des acquis professionnels a été modifié.

Le décret de 1985 reste en application en l’état, mais une nouvelle réglementation se substitue aux dispositions de 1993 (suite à la loi du 20 juillet 1992) et vient modifier le Code du travail et le Code de l’éducation :

• la durée de l’expérience requise est ramenée de 5 à 3 ans ;

• la nature de l’expérience prise en compte est sensiblement élargie : alors qu’il s’agissait auparavant d’une expérience professionnelle (salariée ou indépendante), il s’agit désormais de toute activité salariée, non salariée ou bénévole en rapport avec le diplôme ou titre pour lequel la demande est déposée ;

• l’étendue de la dispense susceptible d’être accordée est modifiée : désormais, c’est le diplôme en totalité (et plus seulement une partie) qui est susceptible d’être obtenu par validation des acquis de l’expérience. Il s’agit à la fois d’un assouplissement des conditions d’obtention et d’une radicalisation de la validation : le nouveau dispositif appelé validation des acquis de l’expérience (VAE, le E de expérience, remplace le P de

professionnel) propose que le diplôme puisse être obtenu sans élément curriculaire.

1-3 analyse de ces dispositifs et de leur évolution

Le dispositif VAP reconnaissait comme le précise la note de service n° 94- 201, que «… l’activité professionnelle est productrice de connaissances et de compétences… ». Il prévoyait cependant une complémentarité entre expérience professionnelle et curriculum, même si la nature de cette complémentarité n’était pas précisée.

Le nouveau dispositif, la validation des acquis -qu’ils soient professionnels comme dans la VAP ou d’expérience comme dans la VAE- donne une certification identique à celle que donne un contrôle de connaissances.

C’est ce point qui modifie qualitativement le dispositif. Il ne s’agit plus d’un aménagement du curriculum en fonction de l’expérience acquise, mais, potentiellement, de l’affirmation que l’expérience en elle-même constitue une autre forme de curriculum. Cette alternative au curriculum n’est pas seulement réputée d’égale dignité que le cursus scolaire ou universitaire, elle est aussi réputée équivalente ; la loi admet que le savoir peut être acquis en dehors de tout système de formation.

La notion de « validation » se substitue à celle d’« évaluation », non pas en tant qu’elle correspond à une procédure identique, mais parce qu’elle donne la même certification par le diplôme dans sa double dimension : reconnaissance d’une qualification d’une part, et, d’autre part, passeport permettant, notamment, de circuler à l’intérieur du système de formation. Ce faisant, en même temps qu’elle reconnaît la valeur de l’expérience, la validation en gomme la spécificité ; en même temps qu’elle la valorise, elle la dénature. Autrement dit, l’expérience est censée produire les mêmes effets qu’un curriculum de formation.

Par ailleurs, une fois « validé », le candidat acquiert le droit d’être un étudiant « comme les autres » et peut poursuivre son cursus.

La radicalisation du dispositif de la VAE introduit une rupture dans le processus cognitif et dans les élaborations didactiques et, ce faisant, créée une situation nouvelle. Jusqu’à présent en effet, l’expérience était considérée comme susceptible de compléter, d’enrichir et d’instrumentaliser les connaissances disciplinaires, notamment dans le cadre des pratiques de stages et d’alternance. Ici elle s’y substitue, en partie ou en totalité, dans l’ordre inverse de l’ordre canonique et alors qu’elle est de nature fondamentalement différente -même si l’expérience en question doit être « en rapport » avec la nature du diplôme préparé.

L’expérience (même « professionnelle ») est irréductible aux identités disciplinaires (même « technologiques »), et sa dimension sociale échappe aux principes didactiques.

La reprise d’étude post VAE est un objet d’étude pour lequel il ne s’agit pas de concevoir une improbable didactique de l’expérience, mais de déterminer les contenus de formation, les approches didactiques et les modes d’organisation pédagogique susceptibles de prendre en compte l’expérience que la procédure évoquée ci-dessus évacue en la validant.