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Pourtant, la question de savoir si l'on peut transposer au grand jour une pratique qui semble tirer son efficacité de son appartenance au domaine du clair-

Chapitre 3

De l'autonomie dans le travail à l'autonomie dans

la gestion de son parcours professionnel

Notre revue de la littérature nous a permis de trouver, à travers le concept de régulation conjointe, un modèle explicatif du fonctionnement de l'autonomie volée, qui a été peu à peu reconnue puis valorisée par de nombreuses écoles de sociologie des organisations. C'est ce modèle qui permet d'expliquer pourquoi cette autonomie volée peut être valorisée positivement par l'entreprise, dans la mesure où il révèle qu'elle est à la source de l'efficacité productive.

Notre questionnement, élaboré à l'issue du premIer chapitre, peut alors se préciser. Nous nous demandions comment fonctionne l'autonomie d'engagement. Nous pouvons à présent centrer notre interrogation sur les ressemblances et les différences de ce fonctionnement avec celui de l'autonomie volée positive.

Ce chapitre se propose donc de reformuler notre question de recherche et de commencer à proposer des hypothèses de réponse.

Une première hypothèse est déduite logiquement d'une synthèse entre le travail de définition opéré au premier chapitre et les éléments issus de notre revue de la littérature au second chapitre (3.1).

Pour explorer cette hypothèse, nous procédons alors à l'étude d'un cas exploratoire dans une société de conseil (3.2), dont l'analyse nous amène non seulement à affiner notre première piste mais à en lancer deux autres (3.3).

3.1

FOCALISATION SUR LE FONCTIONNEMENT DE L'AUTONOMIE D'ENGAGEMENT

3.1.1

Reformulation de la question de recherche

La question que nous nous sommes posée à l'issue du chapitre un, concernant le fonctionnement de l'autonomie d'engagement et les modalités de sa suscitation et de sa gestion, trouve après cette revue de la littérature théorique une formulation plus précise.

Si en effet nous sommes d'accord avec le modèle proposé par Gilbert de Terssac pour décrire le fonctionnement au travail lié à l'autonomie, alors

nous pouvons nous

demander plus précisément si ce modèle est toujours valable dans le cas de

l'autonomie d'engagement telle que nous l'avons définie

au chapitre un.

Le problème logique auquel nous sommes confrontée n'est plus seulement celui d'une impossibilité de prescrire l'autonomie, nous avons vu que cette objection relève d'une conception strictement kantienne de l'autonomie, sans référence au relativisme qui doit caractériser une action humaine autonome, toujours encastrée dans de nombreuses contraintes. Le problème tient plutôt à celui du fonctionnement d'un groupe social dans lequel la règle de contrôle tend à marcher sur les plates bandes de la règle autonome. Dans un hommage à Jean-Daniel Reynaud, Danielle Linhart s'inquiète du péril que court aujourd'hui la régulation conjointe dans les entreprises (Linhart, 1994b). Il est vrai qu'il est difficile de comprendre quelle place est laissée à la règle autonome lorsque la règle de contrôle accorde par avance l'autonomie exigée en échange de l'atteinte des objectifs. Il y a comme un risque de perte de main pour les acteurs du bas, qui, face à une exigence d'autonomie, perdraient la possibilité même de participer à la régulation et se retrouveraient donc dans une situation pire que celle de leurs aînés qui pouvaient au moins officieusement regagner la reconnaissance de leur autonomie, via une lutte contre la règle de contrôle. D'un autre côté, il peut y avoir aussi beaucoup à gagner dans cette reconnaissance a priori de la valeur liée à l'autonomie des acteurs. En effet, partir de là, s'il s'agit d'une véritable reconnaissance et pas d'un leurre ou d'une tentative de manipulation, peut permettre de hausser le débat et de négocier sur d'autres

points peut-être plus importants que la simple reconnaissance d'une identité, une fois que celle-ci est assurée.

3.1.2

Première piste de réponse

3.1.2.1 Une extension du modèle de la régulation conjointe

Face à ce péril présumé d'une perte irrémédiable d'autonomie suite à son injonction par les tenants de la règle de contrôle, une alternative s'offre à nous:

Soit on rejète le modèle de la régulation conjointe, en arguant du fait qu'il ne peut plus servir à expliquer ce qui se passe dans le cas d'une demande officielle de comportements autonomes.

Soit on garde le même modèle et on Imagme un déplacement de la régulation autonome vers d'autres terrains plus vierges sur lesquels il reste quelque chose à négocier avec les tenants de la règle de contrôle.

Nous penchons plutôt vers la seconde solution dans la mesure où l' œuvre de Jean-Daniel Reynaud permet de comprendre les mécanismes sociaux de toutes sortes de sociétés et nous ne voyons pas ce qui changerait fondamentalement aujourd'hui dans le fonctionnement social, qui viendrait remettre en question la validité de cette théorie. Il ne s'agit pas que de faire confiance à un modèle théorique qui nous semble solide. Il nous semble disposer de plusieurs arguments pour opter pour ce choix:

Tout d'abord, il nous semble plus simple de commencer par explorer cette piste, avant de se lancer dans d'autres directions moins explorées. Si nous ne parvenions pas à éclairer les comportements liés à l'autonomie d'engagement il serait alors toujours temps de chercher d'autres modèles de fonctionnement.

Mais surtout, il nous semble que cette position est en parfaite cohérence avec la définition que nous nous sommes donné de l'autonomie. En effet, à partir du moment où nous affirmons que l'autonomie est toujours relative et attachée à un domaine, il est logique de postuler qu'une reconnaissance a priori d'une certaine autonomie peut se traduire par une demande d'une autonomie plus grande ou portant sur des objets différents.

De plus, nous avons insisté dans notre définition sur le fait que l'autonomie dans l'entreprise est un tout, qui regroupe les notions d'autonomie volée et d'autonomie d'engagement. Ainsi, il est cohérent d'opter pour une posture qui ne différencie pas a priori leurs modèles de fonctionnement.

Le choix d'explorer comment le modèle de la régulation conjointe peut expliquer les comportements liés à une demande d'autonomie de la part des dirigeants nous semble donc parfaitement justifié.

3.1.2.2

Formulation d'une première hypothèse de travail

Ainsi, si l'on se représente le fonctionnement de la régulation conjointe comme dans la figure 5, inspirée de Terssac et Reynaud (1992), on peut se demander ce que devient ce schéma lorsque l'objectif des tenants de la règle de contrôle n'est plus de sortir la production prévue, mais de disposer de salariés qui s'adaptent en permanence aux modifications de la demande, de l'état des matières premières et de l'outil de production pour parvenir à rendre le service demandé, au moindre coût et dans le meilleur délai, sachant qu'ils reconnaissent volontiers que cette faculté dépend de leur compétence et de leur bon vouloir.

FIGURE 5 :FONCTIONNEMENT DE LA RÉGULATION CONJOINTE

Objectif: sortir la Production préwe

Règle de contrôle \ Règle réelle de production

Constitution de groupes SOCIaux

Les questions qui se posent sont:

de savoir ce que devient l'objectif des tenants de la règle autonome, puis, en conséquence, de savoir sur quoi porte la négociation,

et à quoi elle aboutit.

On peut supposer qu'il n'y a pratiquement plus de règle réelle de production, dans la mesure où les règles fluctuent en permanence. Quid de la constitution ou de la modification des identités des groupes sociaux ?

Si l'on considère que ce qui vient des tenants de la règle de contrôle relève de la prescription, on peut penser que l'objectif des acteurs de l'autonomie va relever d'une autre sorte d'autonomie, soit plus élevée, soit d'un autre ordre, déplacée d'un point de notre tableau 2 de la p.39 vers un autre, plus élevé aux yeux des salariés, et/ou non reconnu a priori par la direction.

Nous formulons donc une première hypothèse, nommée Hl, de la façon suivante:

Hl:

Lorsque la règle de contrôle reconnaît par avance la valeur de

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