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Pour construire notre axe, nous situons, plus simplement, d'un côté les pensées positivistes, qui posent que l'homme peut connaître la nature par sa raison et donc la

maîtriser. Paradoxalement ces pensées ont une orientation déterministe dans la logique

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de Astley et Van de Ven (1983), dans la mesure où la notion de maîtrise du monde touche à l'instrumentalisme. Dans cette perspective, l'organisation est bâtie de façon scientifique, selon des lois naturelles, et les hommes qui y travaillent ne peuvent pas influencer sa structure.

Al' opposé, nous situons les conceptions du rapport au monde qui relèvent plus du relativisme lié au constructivisme, sans aller jusqu'au nihilisme. Cette conception se rapproche alors des approches faiblement déterministes, dans lesquelles les hommes peuvent agir en partie sur l'organisation, car les structures ne sont pas perçues comme relevant d'une loi naturelle inébranlable et universelle.

2.1.2.2

Typologie issue du croisement des deux dimensions

Le croisement des deux dimensions permet alors de se donner une idée des conceptions implicites ou explicites de l'autonomie au travail, de chaque école théorique .

• Si nous considérons l'homme comme uni et que nous avons une posture positiviste, alors la question de l'autonomie ne peut même pas émerger. En effet, un homme sans intériorité ne se pose pas de questions éthiques qui lui permettent de se déterminer pour l'action. Il agit automatiquement, de la même façon que tous les autres, motivé par son seul intérêt. Selon le type d'intérêt qu'on lui prête, financier ou d'appartenance, on en déduira le comportement uniforme que chacun de manquera pas de montrer. Dans la version purement économique de cette posture,

l'homme uni est motivé par l'argent, il suffit donc de bâtir une organisation qui le motive financièrement à bien se comporter, en concevant des postes de travail uniformes, uniquement différenciés par types de qualifications. Dans la version plus humaniste de cette posture, celle de la théorie Y de Mac Grégor par exemple, il faudra alors concevoir des systèmes de motivation qui prennent en compte la volition universelle de bien travailler, mais dans le même type de structure fondée sur des postes de travail uniformes par classe de qualification .

• Dans la posture de l'homme pluriel, au contraire, la question de l'autonomie se pose entièrement. En effet, un homme à l'identité particulière, traversé par de multiples tensions, se pose à chaque acte important des questions éthiques sur le

comportement à tenir. Il va alors construire peu à peu une façon autonome de penser et d'agir qui le distingue des autres, qui construit en retour son identité. Selon que le chercheur qui est muni de cette vision de 1'homme considère que le monde est connaissable en partie ou non, il va se doter d'une théorie de l'organisation différente.

Le croisement des deux dimensions permet de caractériser deux aspects de l'autonomie: sa reconnaissance plus ou moins grande et sa valorisation plus ou moins importante. La figure 4 relate les quatre types de conception de l'autonomie que nous avons relevés dans la littérature en théorie et en sociologie des organisations, nommés d'après les définitions que nous avons données au chapitre précédent; chaque case fournit des représentations de l'autonomie plus ou moins reconnues et valorisées.

FIGURE 4 :TYPOLOGIE DES CONCEPTIONS DE L'AUTONOMIE

CD

Homme uni

o

Autonomie volée négative Monde

maîtrisable

Autonomie volée positive

Autonomie déléguée ou discrétion officielle Monde non déterminé Autonomie d'engagement nécessaire Homme pluriel

1. La case nO} traite des théories de l'organisation dans lesquelles l'autonomie est niée. On la considère le plus souvent comme impossible, inutile à l'entreprise. Lorsqu'elle existe, elle est de l'ordre de l'autonomie volée et elle est négative pour l'organisation puisqu'elle s'inscrit dans une lutte contre la hiérarchie, au seul profit des ouvriers. Ces théories s'inscrivent dans le modèle taylorien de production. Elles correspondent au modèle classique dans la typologie précédente.

2. La case n02, concerne les cas dans lesquels la diversité des hommes est relativement prise en compte, mais sans que leur rôle dans la modélisation des organisations soit reconnu. Il s'agit alors d'une autonomie volée, mais dont on reconnaît l'existence. Elle n'est ni positive, ni négative. Elle existe et il faut gérer avec. Elle ne va pas forcément à l'encontre de l'intérêt de l'entreprise, dans la mesure où l'on reconnaît que les motivations des acteurs ne relèvent pas uniquement de l'égoïsme ou de l'opportunisme, mais plutôt de facteurs complexes, incluant de nombreux éléments sociaux. Cette conception est globalement celle de l'école des relations humaines.

Ces deux premières conceptions font l'objet de la première partie de notre revue de la littérature, intitulée

«

l'autonomie volée négative

».

3. La troisième case comprend les théories qui ne se préoccupent plus tellement de la diversité humaine, pour se concentrer sur la difficulté à maîtriser toutes les incertitudes de la même façon. Elles prônent donc une modélisation de l'autonomie déléguée, que l'on peut nommer ici discrétion, en fonction de différents paramètres. Cette autonomie est toujours mesurée, relative, différente selon les cas, mais officielle et figée sur le moyen terme pour chacun. Cette conception se retrouve notamment chez les théoriciens inspirés de la contingence, qui admettent les apports du concept de rationalité limitée de l'école de Carnegie et qui commencent peu à peu à prendre conscience de l'impact des jeux de pouvoir dans l'organisation. Elle relève d'une conception relativement unifiée de l 'homme, dans la mesure où elle fait l 'hypothèse que tous les hommes recherchent un accroissement de leur pouvoir.

Elle fait l'objet de la seconde partie de notre revue de la littérature.

4. La dernière case concerne les théories qui combinent une conception plurielle de l'homme avec une vision de ses rapports au monde emprunte de relativisme. Ces théories auraient alors une conception de l'autonomie, beaucoup moins formalisée que dans la case précédente: autonomie à la fois volée et déléguée, mais sans que les frontières de la délégation soient très figées. Cette autonomie correspond le plus à ce que nous avons appelé "autonomie d'engagement". C'est sur elle que porte notre recherche, alors que nous nous inscrivons dans ce dernier cadran de la matrice. Nous tenterons de la caractériser plus complètement dans le chapitre trois, une fois que

nous aurons passé en revue les trois autres cadrans pour voir ce qu'ils peuvent nous

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