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Pour lui, le management est affaire de décision Ce qui compte n'est pas la structure au sens où elle divise le travail, mais l'organisation des décisions Au lieu de

s'intéresser comme ses prédécesseurs à la division horizontale du travail, Simon se

focalise sur sa division verticale, conçue comme une hiérarchisation des décisions

possibles.

S'appuyant sur les écrits de la philosophie du positivisme logique, et en particulier sur Rudolf Carnap, Simon montre que toute décision intègre des éléments de deux natures différentes, factuels et éthiques.

- «

Les propositions factuelles sont des énoncés concernant le monde observable et la façon dont il fonctionne» (Simon, 1947) (p.42). On les reconnaît aisément au fait qu'on peut leur attribuer un caractère de vérité. Elles sont vraies ou fausses.

- L'élément éthique, quant à lui, constitue un impératif quant au choix d'une situation future.

Ainsi, par exemple, dans la décision d'augmenter les parts de marché de 10%, il y a l'élément factuel, chiffré de l'augmentation réelle, mais il y a aussi, en arrière plan, l'élément éthique qui juge bon d'augmenter ses parts de marché.

Toute décision est donc mixte, mais on ne peut évaluer scientifiquement que sa partie factuelle, le reste relevant des valeurs et donc pas de la vérité.

Une organisation peut être alors regardée comme une pyramide d'objectifs emboîtés les uns dans les autres, comme une chaîne de moyens et de fins (p. 57). Tout en haut, on trouve les buts finaux de l'organisation, exprimés en termes génériques, plus éthiques que factuels. Pour être atteints, ces buts doivent être traduits en objectifs organisationnels, plus factuels, mesurables ; qui seront eux mêmes subdivisés en sous- objectifs organisationnels, assignables à un individu ou à un groupe. Chaque objectif de niveau n devient un moyen pour atteindre les objectifs du niveau n+ 1. De cette manière, la concordance des buts est atteinte ex-ante, par la bonne déclinaison des objectifs.

Chaque individu, disposant de buts à atteindre, va en effet élaborer une stratégie pour atteindre ces buts de la façon la plus efficace possible. Pour cela, il va utiliser sa rationalité, définie comme

«

le choix des alternatives qui seront préférées en fonction d'un système de valeurs permettant d'évaluer les conséquences d'un comportement. »

Malheureusement, cette déclinaison des objectifs du plus éthique au plus factuel va entraîner un déplacement des buts13, source d'une mauvaise convergence et dû en particulier aux limites de la rationalité.

2.3.1.2 La rationalité limitée ou le renoncement

à

l'optimisation individuelle

Le grand apport de Simon à 1'histoire de la théorie des organisations, c'est l'invention du concept de «rationalité limitée»; concept qui vient combattre à tout jamais la vision classique d'un homo economicus à la raison toute puissante, qui se

détermine parfaitement en toute connaissance de causes et de conséquences.

En effet, si la rationalité objective conduit au choix d'un

«

comportement correct qui maximisera les valeurs données dans une situation donnée» (p. 70), alors, son existence

«

impliquerait que le sujet modèle son comportement dans un système intégré a) en prenant une vue panoramique de l'ensemble des solutions qui s'offrent à lui avant d'arrêter sa décision, b) en examinant le complexe des conséquences de chacun de ses choix, c) en prenant le système des valeurs comme critère de sélection d'une solution parmi toute la série d'alternatives possibles» (p. 73). Or, Simon observe que les

comportements réels, même ceux qui sont jugés comme rationnels, présentent un grand nombre d'incohérences et s'écarte à trois égards au moins de cette définition:

«

1) La rationalité exige la connaissance parfaite et l'anticipation des conséquences de chacun de ces choix. En fait, la connaissance des conséquences est toujours fragmentaire.

2) Comme il s'agit de conséquences futures, l'imagination doit suppléer au manque d'expérience en leur affectant une valeur. Mais l'anticipation des valeurs reste toujours imparfaite.

3) La rationalité oblige à choisir entre diverses alternatives possibles de comportement. En pratique, on n'envisage qu'un nombre très

limité de cas possibles.

»

(p. 74).

Par opposition à l'image classique d'une raIson toute puissante, capable de calculer tous les avantages et tous les inconvénients des conséquences d'une décision,

Simon démontre que chaque individu ne dispose que d'une rationalité limitée par ses talents, ses valeurs, ses réflexes personnels, par l'incomplétude de l'information dont il dispose et enfin par l'impossibilité physique de traiter toute cette information et de prévoir les conséquences de ses choix.

De ce fait, les comportements ne procèdent pas de l'usage d'une rationalité infinie, mais de celui de la rationalité limitée de chacun, du fait de sa situation particulière. Cette limitation a une conséquence particulièrement importante pour l'organisation en ce sens que les individus ainsi limités ne vont pas chercher à optimiser leurs choix, mais se contentent de solutions satisfaisantes.

L'organisation est alors vue comme un réseau de contraintes au sein desquelles les individus vont être conduits à choisir parmi les quelques possibilités qui leur restent apparentes. Ils sont comme maillés par la structure.

«L'organisation permet à l'individu de s'approcher à une distance raisonnable de la rationalité objective» (p. 73) ; c'est ce qu'affirme Simon au début du chapitre 5

d'Administration et processus de décision. En effet, sa conviction est que la structuration formelle des décisions permet à l'ensemble de l'organisation de diriger a priori les décisions des individus. C'est à la structure de pallier les limites de la rationalité en organisant par avance les possibilités de décider. Ainsi, le bon organisateur est celui qui crée une structure capable de générer un ensemble de décisions localement satisfaisantes, mais globalement optimales, grâce à une coordination par le design organisationnel.

2.3.1.3

Analyse critique de l'apport du concept de rationalité limitée

On peut reprocher à Simon une vision de l'organisation comme un construit machiavellien servant à orienter les décisions des individus et des groupes dans le sens apparaissant comme nécessaire à ceux qui dessinent la structure. L'individu simonien, que nous proposons d'appeler« homo psychologicus », est donc bien totalement opposé à l'homo economicus des économistes néoc1assiques et des premiers théoriciens de l'organisation, en ce sens que ses limites dispositionnelles sont alourdies de limites situationnelles, de façon à restreindre sa liberté au maximum. Il est donc privé d'autonomie. Puisque plus il est bas dans la chaîne des moyens et des fins, moins il a de

jusqu'à la limite ultime où son choix se limite à accepter de produire le comportement

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