• Aucun résultat trouvé

Reprenant les figures de la théorie des jeux, Jean-Daniel Reynaud montre comment l'on peut considérer la vie sociale comme un jeu, muni de règles, dans lequel les acteurs ont des stratégies plus ou moins coopératives (Reynaud, 1989).

Reprenant la thèse de Mancur OIson selon laquelle

«

l'action collective a pour condition une régulation commune », il montre (p.70) que, dans une organisation

comme dans la société globale, la régulation est un processus continu. Contrairement à la pensée de Durkheim, les règles ne sont pas décidées une fois pour toutes. Au contraire, elles font l'objet d'une action de négociation permanente, d'un compromis entre deux types de règles: les règles de contrôle et les règles autonomes. Les règles de contrôle sont les règles imposées par les tenants du pouvoir formel; les règles du jeu officiel, déterminées par ceux qui ont le pouvoir. Les règles autonomes sont les règles des groupes qui, se voyant imposer une façon de faire, proposent un autre chemin. La

réalité sociale est un compromis permanent, une négociation, le plus souvent informelle entre ces deux types de règles (Reynaud, 1990) (p. 10).

C'est alors l'acte de réguler qui produit l'identité, en façonnant l'identité collective des groupes qui régulent ensemble. En effet, «la contrainte qu'exerce une règle sur un individu est liée avec l'appartenance à une collectivité qu'elle lui procure. Réciproquement la régulation fonde et constitue un acteur collectif.

»

(Reynaud, 1989)

(chapitre 3).

Le grand apport de la théorie de la régulation conjointe consiste à montrer comment l'autonomie des acteurs concourt à la régulation de la vie de l'organisation. Non seulement la résistance n'est pas que de la réaction à la règle du haut, mais elle est une force de régulation par l'intermédiaire de la négociation qu'elle entraîne avec les tenants de la règle formelle. De cette négociation fondée sur les ressources de chaque partie naît la régulation conjointe, véritable règle effective de fonctionnement, admise par les deux côtés. Ainsi, rejetant l'analyse de Maurice et al.(1982) sur les différences culturelles entre la France et l'Allemagne, Reynaud explique que les ouvriers ne se conforment pas àla règle de production par habitude culturelle, pour obéir àdes valeurs ou à une morale du travail. Loin d'être sorties de nulle part, les valeurs sont crées par les acteurs, constamment. L'organisation et la société sont des construits sociaux; il n'y a pas d'influence a priori et pour toujours de valeurs inculquées dès l'enfance. Certes, les acteurs partent des valeurs et des règles de départ, mais ils les transforment selon leurs ressources stratégiques pour aboutir à la construction des règles de la production d'une action collective. La culture de métier invoquée par les auteurs du LEST, n'est qu'une construction de compromis, elle n'explique rien en soi.

La difficile question de la coopération est donc réglée, selon cette théorie, par la négociation d'un compromis constant entre la régulation de contrôle et la régulation autonome, de façon à construire une action collective, légitime aux yeux de tous les acteurs parce qu'ils y placent les pions de leur stratégie. L'autonomie est donc un enjeu stratégique :

«tout groupe qui découvre la possibilité d'une régulation commune peut se constituer en communauté et revendiquer une autonomie. ( ..) L'opposition entre autonomie et contrôle est donc bien l'opposition de

définissent pas seulement par les intérêts particuliers ou les enjeux propres, ou la rationalité spécifique de chaque partie. Elles incluent généralement un enjeu commun, elles admettent une validation externe qui, malgré ses ambiguïtés, peut les départager et arbitrer temporairement les conflits.

»

(Reynaud, 1989) (pp. 106 et 107).

Cet arbitrage est souvent opéré par le marché, ou sa représentation. Le combat des groupes régulateurs est donc souvent tendu vers la reconnaissance de leur légitimité par rapport à l'objectif du tiers arbitre, ici, le marché.

Régulations autonomes et de contrôle concernent donc chaque groupe dans l'entreprise, mais le cas des exécutants est le plus explicite pour parler de régulation autonome, car il permet d'observer ce qui se passe entre la personne qui doit effectivement faire le travail et les instructions qu'elle a reçues. C'est à cette occasion, en observant le décalage entre ce que dit l'acteur et qui témoigne d'une grande autonomie, et ce qu'il fait concrètement, qu'on comprend que le travail réel est un compromis entre la règle du bas et celle du haut (Reynaud, 1989) (p. 108).

Ainsi, l'autonomie n'est pas que résistance, elle est aussi active dans la régulation sociale.

2.4.2.2

l'autonomie dans le travail, condition d'efficacité chez Gilbert de

Terssac

L'application de cette théorie aux industries très automatisées va alors permettre de montrer comment fonctionne l'autonomie dans le travail, au quotidien. Non seulement elle est source de régulation, malS surtout, elle est la seule garante de l'atteinte des objectifs de production.

Pour Gilbert de Terssac l'autonomie des acteurs est devenue

«

une condition de l'efficacité des ensembles techniques» (Terssac, 1992). Cet auteur travaille sur les conséquences de l'automatisation sur le travail humain. Il montre, à travers l'utilisation de la théorie de la régulation conjointe développée par Jean-Daniel Reynaud, que l'organisation qui va avec l'automatisation, loin de marginaliser l'homme, lui donne au contraire une nouvelle fonction. Tout ce qui peut être rationalisé l'est par les machines. D'un poste divisé et strictement défini, la tâche humaine s'élargit à une mission plus

vaste, qui est de superviser le bon fonctionnement des ensembles techniques et de

Outline

Documents relatifs