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Chapitre 1. Contexte : Des systèmes d’élevage efficaces sur les fronts pionniers

1.4 Question de recherche, hypothèses et objectifs de la thèse

Pour résumer la problématique développée dans le Chapitre 1, depuis les 50 dernières années, la colonisation de l’Amazonie brésilienne orientale a été marquée par l’expansion de l’élevage bovin extensif. Plusieurs déterminants ont favorisé cette activité, comme par exemple, l’accès non contraint au foncier et à la fertilité forestière, la flexibilité et la productivité du travail ou encore les marchés et l’organisation de la filière viande dans des territoires marqués par la précarité des services publics et des réseaux de communication caractéristiques. Efficaces dans ce contexte, l’élevage a été en contrepartie l’un des principaux moteurs de déforestation et de dégradation des sols, générant d’immenses surfaces de prairies peu productives. La fermeture de la frontière agricole, résultant de la mise en place de mesures de lutte contre la déforestation, remet en cause ces systèmes extensifs. En réponse, un mouvement d’intensification et de diversification des usages des sols a émergé. Il s’oriente vers de meilleures productivités à l’hectare, chemin privilégié pour retrouver des performances économiques satisfaisantes. Au-delà des objectifs de la déforestation zéro, favoriser une transition vers des pratiques d’élevage qui valorisent mieux les ressources naturelles et les processus écologiques et qui puissent être adaptées par une large diversité de profil d’éleveurs est devenue un enjeu clé pour tendre vers une intensification plus durable de l’élevage bovin. En Amazonie, notre équipe de recherche a exploré la notion de paysage éco-efficient pour raisonner les pistes d’intensification. Les paysages éco-efficients sont appréhendés comme des paysages où les pratiques et leur localisation permettent une mobilisation forte des processus écologiques, et une utilisation efficiente des ressources naturelles en adéquation avec la distribution spatiale de ces ressources. Comprendre les logiques spatiales d’intensification des usages des sols à l’échelle des exploitations devient alors crucial. Pourtant, à notre connaissance, il existe peu de connaissances empiriques à ce sujet. Il en est de même pour les dynamiques et impacts sur les ressources naturelles, dont la spatialité a été peu investiguée. Notre étude s’inscrit dans une perspective de combler ces lacunes. La question de recherche qui en découle est :

Comment les éleveurs des fronts post-pionniers d’Amazonie orientale brésilienne adaptent leurs pratiques et l’organisation spatiale de ces pratiques, pour reconstruire

des paysages plus éco-efficients, c’est à dire qui utilisent de façon plus efficiente les ressources naturelles pour leur système d’élevage?

Deux hypothèses guideront la recherche :

 Le processus d’intensification de l’élevage conduit à une reconfiguration des paysages à l’échelle des exploitations agricoles, pour mieux profiter de la distribution spatialement hétérogène des ressources naturelles.

A travers la première hypothèse, nous voulons tester si face à l’impossibilité de continuer à exploiter les ressources naturelles sous un mode pionnier et à étendre leur espace fourrager, les éleveurs adaptent leurs pratiques et l’organisation spatiale de ces pratiques, en se basant sur une meilleure mobilisation des ressources naturelles présentes sur leur territoire d’exploitation. Nous sommes notamment intéressés de savoir si les éleveurs prennent davantage en considération la distribution spatialement hétérogène des ressources naturelles dans le paysage et si cela se traduit par de nouvelles logiques de localisation des usages des sols. Plusieurs questions nous guident pour tester cette hypothèse : Est-ce que l’intensification fait partie des projets et si oui quelles sont les adaptations apportées au système de production et à l’arrangement spatial des pratiques dans l’exploitation ? Quelles sont les perceptions des éleveurs les ressources naturelles ? Cherchent-ils à être plus éco-efficients ? Quels sont les principaux déterminants de la localisation des pratiques, notamment d’intensification ? Existe-t-il des différences entre situations agraires et selon le degré d’intensification ?

A travers la seconde hypothèse, nous voulons analyser si les projections spatio-temporelles peuvent servir d’aide à la réflexion et même d’outils d’accompagnement du processus d’intensification vers la construction de paysages plus éco-efficients. Même si les éleveurs tiennent davantage compte des ressources naturelles et des paysages dans leurs décisions de localisation, c’est une nouveauté pour beaucoup et les connaissances des effets des pratiques et de leur localisation sur les processus écologiques sont limitées. Une réflexion prospective, même avec un outil simple, pourrait nous permettre d’explorer ce qui pourrait se passer et nous aider à tester une hypothèse dans des dimensions spatiales et temporelles qu’il serait impossible de vérifier avec des expérimentations in situ (Gaucherel & Houet, 2009). Deux questions sont adressées : Comment les ressources naturelles évoluent dans les paysages selon le type de pratiques et leur localisation (est-ce que les ressources naturelles s’améliorent ou se dégradent) ? Peut-on identifier des trade-offs entre éco-efficiences et la mobilisation d’autres ressources (travail, capital, terre) ?

La thèse a trois objectifs.

 Produire des connaissances sur les systèmes de décision des éleveurs afin de mieux comprendre, dans l’actuelle dynamique d’intensification de l’élevage, les processus de construction des paysages et leurs causes ;

 Analyser le rôle des pratiques dans l’éco-efficience des systèmes d’élevage et des paysages ;

 Construire un modèle multi-agents représentant la diversité des stratégies d’intensification et l’hétérogénéité des paysages et de leurs ressources, dans le but d’évaluer les impacts et interactions entre ces composants et analyser la faisabilité d’adoption de ces nouvelles stratégies à l’échelle de l’exploitation.

Les résultats de la thèse pourront ainsi servir à proposer des voies d’amélioration pour concevoir des paysages plus éco-efficients.