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Metzger (2001b) dans « O que é écologie de paisagens ? » propose une synthèse des principaux termes utilisés pour décrire la structure des paysages en écologie du paysage.

Matrice : C’est l’élément dominant, englobant ou qui a le plus fort degré de connexion qui

contrôle la dynamique de paysage. La matrice abrite des taches et des corridors.

Tache : Aire homogène (à une échelle déterminée) d’une unité de paysage, qui se distingue

des unités voisines et qui présente des dimensions spatiales réduites et non linéaires.

Corridor : Aire homogène (à une échelle déterminée) d’une unité de paysage, qui se

distingue des unités voisines et qui présente une disposition spatiale linéaire.

Lisière : Aire de transition entre deux composants du paysage.

Mosaïque : C’est l’ensemble des tâches, corridors et matrices (ou au moins deux de ces

éléments).

La structure des paysages influence les fonctionnalités des écosystèmes et notamment (Burel & Baudry, 1999) :

La fragmentation d’un habitat : ce processus est généré soit par la réduction de la quantité

totale des taches qu’un organisme peut utiliser, soit par leur morcellement en fragments plus petits et éloignés.

La connectivité : c’est la capacité du paysage à faciliter les flux biologiques entre taches. La

connectivité dépend fortement de la proximité des éléments de l’habitat, de la densité en corridors, et de la perméabilité de la matrice.

L’hétérogénéité : elle est liée à la fois à la diversité des éléments (taches) et à la complexité

de leurs relations spatiales (éléments plus ou moins fragmentés et connectés). Un paysage est d’autant plus hétérogène que le nombre d’éléments augmente et que ces éléments sont fragmentés dans l’espace.

2.1.2.2.3 Des pratiques agricoles localisées (Géo-agronomie)

Notre approche du paysage s’appuie enfin sur le courant de recherche de la géo-agronomie, un courant de recherche hybride entre géographie et agronomie qui considère le paysage comme le « support, facteur et produit des pratiques observées » (Landais et al., 1988 ; Deffontaines, 1997). Ce courant propose d’analyser les relations entre localisation des pratiques agricoles et patterns paysagers. Plus précisément il s’agit de : i) comprendre dans quelles mesures les caractéristiques biophysiques des paysages et la configuration spatiale des parcelles agricoles influencent les décisions de localisation des exploitants agricoles (Thenail & Baudry, 2004 ; Mottet et al., 2006 ; Andrieu et al., 2007a) ; ii) d’étudier comment les pratiques agricoles façonnent la structure et la dynamique des paysages (Primdahl & Kristensen, 2011).

Dans cette approche, le paysage est appréhendé comme un agroécosystème spatialisé. Toutefois, cette approche n’exclut pas que d’autres activités (non agricoles) puissent faire partie des paysages et utilise pour cela une large définition. « Le paysage est une portion de territoire vue par un observateur. Y sont inscrits des faits naturels et humains, actuels ou passés, dont certains aspects sont visibles à un moment donné » (Deffontaines et al., 2006). S’inspirant de la géo-agronomie, récemment, a été proposé le concept d’agronomie des paysages (Benoit et al., 2012 ; Rizzo et al., 2013). Outre les relations entre pratiques agricoles et patterns paysagers, cette approche introduit un troisième pôle, celui de ressources naturelles. Ce cadre conceptuel considère que le choix de pratiques et leur localisation sont conditionnées par les perceptions qu’ont les agriculteurs de leurs paysages et des ressources naturelles et que les transformations des paysages sont les résultats intentionnels ou non intentionnels des interactions entre pratiques agricoles et dynamiques des ressources naturelles.

L’un des principaux apports de cette approche a été de montrer que l’hétérogénéité des paysages influence les décisions de localisation des agriculteurs et que ces derniers considèrent une multitude de facteurs dans leur stratégie d’organisation spatiale (Morlon, 2005 ; Thenail et al., 2009)

- les contraintes biophysiques : la topographie, l’altitude, le type de sols, la capacité de drainage et la profondeur, l’inondation en saison humide, le climat, la présence d’un point d’eau, d’un ruisseau ;

- les caractéristiques topologiques telles que la distance au siège de l’exploitation, aux bâtiments d’élevage, les obstacles naturels ou anthropiques aux déplacements des animaux, l’accessibilité aux véhicules (voies d’accès), la dispersion des parcelles, la taille et forme des parcelles ;

- les caractéristiques socio-économiques de l’exploitation : la structure de l’exploitation (type de ferme, taille), les caractéristiques de l’exploitant (âge, genre, éducation), du foyer (pluriactivité, disponibilité de main d’œuvre) l’âge de l’exploitation, l’orientation productive ;

- les caractéristiques culturelles de l’exploitation : tradition, objectifs individuels et collectifs ;

- les caractéristiques techniques liées à l’équipement des parcelles (réseau d’irrigation, de drainages), aux variétés, aux lots d’animaux, etc. Par exemple, les parcelles les plus éloignées sont préférentiellement utilisées pour les femelles en gestation, les plus proches pour les mises bas (meilleure surveillance) ou pour les vaches traites (facilite les déplacements à la salle de traite).

L’approche paysagère constitue enfin une entrée privilégiée pour étudier les dynamiques agraires et en particulier d’intensification et d’extensification de l’élevage (Sheeren et al., 2015). En effet, le paysage étant révélateur des usages des sols et des pratiques agricoles, l’analyse de leurs transformations spatio-temporelles peut permettre de caractériser et de comprendre ces dynamiques.

2.1.2.3 Echelle spatiale et temporelle

2.1.2.3.1 Paysage, un concept multi-scalaire et multiniveaux

Le paysage peut être étudié à de multiples échelles (Sayer et al., 2013), spatiales et temporelles. L’échelle spatiale est caractérisée à la fois par l’étendue de la zone représentée et le degré de résolution, c’est-à-dire le niveau de grain de l’information représentée. L’échelle temporelle est fonction de la durée de l’étude et du pas de temps entre deux observations. Le choix des échelles temporelle et spatiale a une grande importance du fait du phénomène de dépendance d’échelle. Une variation de l’extension et de la résolution, mais aussi du pas de temps et de la durée peut faire grandement varier le phénomène observé (Burel & Baudry, 1999). Van Noordwijk (2002) a montré par exemple que l’échelle spatiale (étendue de la zone) peut faire fluctuer par deux les trade-offs entre les stocks de carbone et la productivité des cultures.

D’après les écologues du paysage Burel & Baudry (1999), l’échelle spatiale doit correspondre à celle de la perception humaine située au-dessus de l’écosystème mais en-dessous de la région et du continent. Elle peut aller de quelques hectares jusqu’à quelques centaines de km². La délimitation du paysage va finalement dépendre de l’objet d’étude et de l’objectif. Pour ce qui est des processus biophysiques, le bassin versant constitue un périmètre d’analyse pertinent pour étudier les flux de matières et de nutriments entraînant des phénomènes d’érosion ou de pollution de l’eau (Joannon et al., 2006 ; Chaplin-Kramer et al., 2016), alors que les études sur la biodiversité sont menées à des échelles qui vont de la matrice (Cousins & Aggemyr, 2008 ; Steckel et al., 2014), à l’échelle d’un ensemble de bassins versants ou d’une région afin de pouvoir intégrer notamment les effets de connectivité et de voisinage dans les paysages (Gama et al., 2013 ; Tambosi & Metzger, 2013). Pour l’étude de processus sociaux, outre le temps et l’espace, il convient de considérer, les structures sociales (structures individuelles et organisations) et les institutions c’est-à-dire les règles, les lois, les politiques, les normes culturelles (Minang et al., 2014a). Le choix de l’échelle peut donc correspondre à

un niveau hiérarchique d’action ou de décision, individuel ou collectif, telles qu’une exploitation agricole, une communauté, une commune, une petite région.

L’approche d’un paysage comme un système socio-écologique où interagissent processus biophysiques et sociaux rend la délimitation de l’échelle spatiale encore plus délicate. En effet, les échelles spatiales pertinentes pour approcher un processus écologique ne coïncident pas nécessairement avec les unités de gestion des paysages où sont prises les décisions. Cette inadéquation d’échelles entre processus écologiques et de décision décrite par Cumming et al. (2006) comme un « spatial scale mismatch » peut affecter les fonctions des systèmes socio- écologiques et générer des inefficiences. Par exemple, les risques d’érosion hydrique nécessitent une coordination des actions à l’échelle du bassin versant (Souchère et al., 2010), alors que le choix des types de travail des sols, des cultures et de leur localisation est généralement effectué individuellement par l’agriculteur. Autre exemple, la biodiversité sera favorisée par la connectivité des paysages sur de larges étendues. Or, la décision de conserver ou pas des corridors écologiques telles que les ripisylves ou les haies se fait au niveau d’une multitude d’exploitations agricoles (Thenail & Baudry, 2004).

Le paysage peut enfin être considéré comme un système hiérarchisé constitué de niveaux inférieurs (parcelles, organismes), interagissant avec des paysages voisins et emboîtés dans une succession de niveaux supérieurs (éco-régions, continent, planète) (Minang et al., 2014a). Cette théorie de la hiérarchie suppose qu’il existe une corrélation entre échelle d’espace et de temps (les phénomènes intervenant à des niveaux englobants sont beaucoup plus lents que ceux des niveaux inférieurs) (Burel & Baudry, 1999).

2.1.2.3.2 Focaliser l’exploitation agricole et les évolutions depuis l’installation

Dans la thèse, nous avons choisi de délimiter notre analyse des paysages au niveau d’organisation de l’exploitation agricole, c’est-à-dire un paysage géré par un système de décision (l’agriculteur/l’exploitation agricole). Plusieurs raisons nous ont poussés à faire ce choix.

- A cette échelle, les connaissances font défaut dans la région.

- Par le choix des usages des sols et la structuration du territoire de l’exploitation, les paysages sont fortement façonnés par les agriculteurs (Deffontaines et al., 1995 ; Kristensen et al., 2004 ; Gibon, 2005).

- Sur les fronts pionniers et post-pionniers d’Amazonie, l’exploitation agricole constitue le niveau principal de prise de décision concernant la gestion de l’espace fourrager et des paysages. En effet, dans ces territoires, les comportements des colons sont plus individualistes et les niveaux supérieurs d’organisation collective (que ce soit les organisations collectives comme les communautés ou les territoires administratifs comme les municipalités) ont encore peu d’influence sur les décisions dans les systèmes d’exploitation et la coordination dans la gestion des ressources. Toutefois, les paysages des exploitations sont emboîtés dans des étendues spatiales plus larges et nous

n’occultons pas le fait que leur dynamique peut résulter de processus ayant lieu à une plus large échelle et d’interactions avec d’autres acteurs et paysages : par exemple la propagation de feu d’une exploitation à une autre (Cammelli, 2013), la régénération forestière par la dispersion de graines d’une surface forestière à proximité (Cassiano et al., 2013).

- La structure des territoires d’exploitation dans notre terrain d’étude présente des spécificités. Les parcelles des exploitations agricoles sont contiguës et forment un espace continu. De plus, les exploitations, même familiales occupent de très larges surfaces, jusqu’à plusieurs dizaines de milliers d’hectares dans les fazendas.

- En nous positionnant à l’échelle de l’exploitation, nous pouvons étudier les paysages à une fine résolution et ainsi tenir compte de la diversité des caractéristiques paysagères (sur le plan topographique, pédologique et des usages de sol intra et inter parcelles) dans l’étude de l’organisation spatiale des paysages de l’exploitation.

La délimitation de l’échelle spatiale ne se fait pas indépendamment de l’échelle temporelle (Martin et al., 2006). Nous avons ici défini une échelle de temps qui nous permette de tester l’hypothèse selon laquelle il existe dans cette phase de transition agraire de nouvelles interactions entre système d’élevage et ressources naturelles. Ceci implique d’étudier ces relations à deux périodes clés : dans un contexte de déforestation et un contexte post- déforestation. Plutôt que de définir une date et une durée précise, nous avons préféré étudier ces relations depuis la date d’arrivée des colons sur l’exploitation et donc nous intéresser à l’ensemble du cycle de vie de l’exploitation.

2.1.2.4 Synthèse

Afin d’analyser l’éco-efficience des paysages dans le processus d’intensification des systèmes d’élevage en Amazonie orientale brésilienne, nous proposons dans la thèse une approche par le paysage qui s’appuie sur des apports conceptuels de trois disciplines : géographie, écologie du paysage et agronomie (Figure 2-2). Le paysage est conceptualisé comme un agroécosystème spatialisé où interagissent des pratiques agricoles (pilotées par un ou plusieurs systèmes de décision), des processus écologiques et des ressources naturelles qui ont une localisation bien précise (Figure 2-3). Le paysage est l’expression visible de cet arrangement spatial. Dans ce cadre conceptuel, le choix et la localisation des pratiques agricoles sont influencées à la fois par les perceptions qu’ont les agriculteurs sur les ressources naturelles et par d’autres déterminants socio-économiques et topologiques tels que la forme des parcelles, la distance, leur accessibilité. Ce qui nous intéresse particulièrement ici c’est la façon dont le paysage est piloté pour l’intensification de l’élevage.

En analysant les interactions spatiales entre pratiques agricoles, ressources naturelles et processus écologiques, le paysage offre un cadre pour raisonner dans l'espace des équilibres entre production agricole et conservation de la forêt et faire ainsi des propositions pour la construction de paysages éco-efficients. Multi-scalaire, le paysage peut être mobilisé à

différentes échelles. Nous avons choisi de délimiter leur analyse à l'échelle de l'exploitation agricole.

Figure 2-2 : Cadre conceptuel mobilisé pour analyser l’éco-efficience des paysages en Amazonie orientale.

Notre approche s’appuie sur les apports théoriques de la géographie, la géo-agronomie et l’écologie du paysage.

Figure 2-3 : Le Paysage dans la thèse : un agroécosystème spatialisé. Le paysage est conceptualisé comme un

agroécosystème spatialisé où interagissent des pratiques agricoles pilotées par un ou plusieurs systèmes de décision, des processus écologiques et des ressources naturelles qui ont une localisation bien précise. Il constitue

2.1.3 Approche systémique de l’exploitation agricole pour comprendre les décisions d’intensification d’usage des sols

2.1.3.1 L’exploitation agricole, un système socio-écologique ouvert et piloté

Pour comprendre les décisions des éleveurs, nous avons eu recours à une approche systémique de l’exploitation agricole. Cette approche permet d’identifier les causes directes des changements des usages des sols et de les interpréter en référence aux moteurs sous- jacents (Mottet et al., 2006). Même si notre focus concernait l’usage des sols et le système d’élevage, la compréhension de ces décisions nécessite une approche globale de l’exploitation afin de tenir compte des interactions et possibles rétroactions entre les différents composants de l’exploitation, ses finalités et son environnement.