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Chapitre 2. Cadre théorique et méthode

2.3 Méthode

2.3.3 Collecte des données

Notre objectif était de recueillir des informations factuelles et compréhensives nous permettant de : i) caractériser le fonctionnement des exploitations et en particulier l’organisation du système fourrager ; (ii) comprendre les stratégies d’organisation spatiale des usages des sols ; (iii) analyser de façon diachronique les changements techniques et les dynamiques spatiales ; (iv) explorer les points de vue des éleveurs, leurs perceptions des ressources naturelles et des paysages.

2.3.3.1 Enquêtes par immersion

Notre démarche compréhensive implique une caractérisation du fonctionnement global de l’exploitation. Cela nécessite donc une connaissance fine du système et d’interroger différentes personnes dans les exploitations, les décisions liées à la gestion du système fourrager et des ressources naturelles n’étant pas uniquement prises par le chef d’exploitation. Dans les six exploitations sélectionnées, nous avons eu recours à une approche de type immersion inspirée des approches ethnographiques (Vayssieres et al., 2007). Entre avril 2014 et décembre 2016, nous avons réalisé plusieurs entretiens semi-directifs combinés à de l’observation participante, comme Jakovac et al. (2016). L’observation participante consiste à s’insérer dans la vie de l’exploitation et à observer de l’intérieur les pratiques des agriculteurs. La collecte des données a eu lieu de façon itérative, alternant phase de terrain et phases d’interprétations des données, permettant entre chaque visite de synthétiser les données collectées, de repérer les incohérences et de valider les conclusions d’une session d’enquêtes à la suivante. Le nombre de visites par exploitation varie selon la complexité du système et la taille de l’exploitation. En échelonnant dans le temps la collecte, nous avons aussi pu actualiser les entretiens à la lumière de nouveaux évènements. De plus, les visites régulières ont permis l’établissement d’un climat de confiance enrichissant dotant plus la qualité des informations collectées. Au fur et à mesure de la collecte, nous avons individualisé les guides d’entretiens.

La première session d’enquête s’est focalisée sur le fonctionnement de l’exploitation et le système d’élevage. Pour ce faire, nous nous sommes appuyés sur l’Approche Globale de l’Exploitation Agricole (Bonneviale et al., 1989). Pour étudier les changements et reconstituer les trajectoires, nous avons eu recours à des techniques d’enquêtes rétrospectives (Navegantes et al., 2012a). Il s’agissait d’identifier aux dires des éleveurs les principaux évènements inhérents à la famille, au système de production et à l’environnement ayant eu des impacts sur l’exploitation et notamment la conduite du système d’élevage. Nous avons demandé aux éleveurs de nous présenter le contexte de l’installation (usages des sols, aménagements, famille, etc.) puis les évolutions depuis l’installation. Pour identifier les facteurs d’évolution, nous avons vérifié au cours des entretiens l’importance des possibles facteurs externes identifiés par les experts et la révision bibliographique et repéré grâce aux questions ouvertes

les autres facteurs ayant induit des changements. Nous avons aussi demandé aux producteurs de se projeter à moyen terme.

Une deuxième session d’entretien de synthèse a été menée afin de caractériser et mieux comprendre les perceptions des éleveurs sur les ressources naturelles (eau verte et bleu, fertilité des sols, texture et structure des sols, géomorphologie, topographie) et leurs opinions sur les pratiques permettant d’améliorer leur gestion, pour vérifier si elles sont aujourd’hui devenues déterminantes dans les processus de décision. Nous en avons aussi profité pour combler les données manquantes, et clarifier éventuellement les incohérences.

Les informations collectées s’articulent autour de neuf thèmes et de 31 sous-thèmes (Tableau 2-8). Les guides d’entretien comportaient de nombreuses questions, principalement ouvertes. Certaines questions visaient à recueillir des données descriptives sur la gestion (« Combien de paddocks avez-vous ? » « Que faites-vous pour limiter l’enfrichement des pâturages ? »). D’autres visaient à comprendre les pratiques et l’organisation des usages des sols (« Pourquoi avez-vous laissé régénérer les forêts ripariennes ? « Que pensez-vous des systèmes sylvo- pastoraux ? »).

Tableau 2-8 : Type de données collectées

2.3.3.2 Analyse de paysage

En parallèle aux enquêtes par immersion, nous avons collecté des données sur la localisation des pratiques et des aménagements afin d’étudier les dynamiques spatiales de façon diachronique et expliciter les déterminants relatifs à l’organisation du territoire d’exploitation.

Thème Sous-thème

Le système d’exploitation agricole dans sa globalité

Données générales sur l’exploitation : famille, statut foncier Moyens de production : terres, matériel, bâtiments, main d’œuvre Environnement socio-économique et écologique

Histoire : évènements familiaux et de l’environnement ; état successif du système de production (parcellaire, bâti, matériel, productions animales et végétales, l’organisation spatiale)

Conduite du système de culture Espèces cultivées

Itinéraire technique, rotation des cultures, performances techniques Commercialisation

Conduite du système d’élevage bovin

Effectifs, Race, allotement Reproduction

Pratiques sanitaires Performances techniques Commercialisation

Système fourrager Alimentation : fourrage, concentrés, minéraux

Conduite technique des parcs, ilôts : implantation, entretien, réforme (fertilisation et gestion des adventices), mode de pâturage (tournant, alterné), abreuvement

Chargement / ha

Gestion environnementale Respect APP

ARL : évolution surface et localisation, valorisation du bois et des produits non forestiers

Documentation environnementale : CAR, LAR

Perception des différentes ressources dans les paysages

Eau verte : capacité de rétention, exposition au vent

Eau bleu : qualité eau rivière, eau pour consommation humaine, processus d’érosion

Fertilité : processus dégradation fertilité des pâturages, choix des parcelles pour l’implantation (types de végétation)

Structure des sols : processus de dégradation des sols

Gestion des ressources naturelles

Eau verte: choix des espèces fourragères, plantations d’arbres et régénération, irrigation, gestion différenciée selon les parcs

Eau bleu : gestion des ripisylves, abreuvement, usages de pesticides Fertilité : types d’engrais utilisé, valorisation des déjections animales, compost, utilisation de légumineuses, usage du feu, gestion différenciée selon les parcs

Structure des sols : type de travail du sol, gestion de la charge, de la couverture du sol, localisation des différents usages

Organisation spatiale des usages et pratiques

Caractéristiques du parcellaire : surface, pente, qualité des sols, accessibilité, distance au siège et au corral, aménagement (subdivision, abreuvoir, irrigation)

Déterminants : les ressources naturelles, critères topologiques, critères socio-économiques (main d’œuvre, statut foncier….)

Projets Intensification du système d‘élevage : où et comment ?

Diversification : où et comment ? Abandon de surfaces : où et pourquoi ?

Nous nous sommes appuyés sur l’Approche Spatiale de l’Exploitation Agricole (Naïtlho et al., 2003).

Plusieurs techniques ont été couplées. Lors de la première interview, nous avons demandé aux éleveurs familiaux de dessiner sur la base de leur carte mentale des croquis représentant la localisation des usages des sols et l’organisation territoriale de l’exploitation (Figure 2-18). Sur ces croquis nous avons demandé aux exploitants de localiser :

- Le siège de l’exploitation ; - Les bâtiments (étable, hangar...) ;

- Les usages des sols (cultures, types de pâturages, forêt, régénérations forestières) ; - Les paddocks ;

- Les aménagements (corral, abreuvoirs, couloir d’alimentation, système d’irrigation, etc) ;

- Le réseau hydrographique.

Lors de cette première visite, nous avons aussi réalisé des observations de paysage et collecté des points GPS sur le relief, le réseau hydrographique, l’état des pâturages, des forêts, des régénérations forestières, les aménagements et les limites foncières de l’exploitation (lorsque l’exploitation n’avait pas encore réalisé de CAR).

De retour au laboratoire, nous avons collecté d’autres données secondaires que nous avons croisées à l’aide d’un logiciel SIG (ArcGis 10.1) pour cartographier l’évolution de la végétation, le relief, les types de sol, le réseau hydrographique. Pour ce faire, nous avons utilisé des images satellites historiques Landsat 5, Landsat 7, Landsat 8 et Rapid’Eyes révélant la couverture des sols à différentes dates (avant l’installation, pendant le cycle d’installation, et actuellement), le CAR des exploitations (les limites foncières, les zones environnementales et le réseau hydrographique), les données de relief du SRTM (Valeriano & Rossetti, 2012) et de types de sol (Laurent et al., 2017).

Lors d’une seconde visite, nous avons montré ces cartes aux exploitants et nous y avons positionné les éléments préalablement identifiés avec la carte mentale. Lors de cette visite, nous avons également demandé aux exploitants d’expliciter et de projeter (oralement) leur projet d’intensification dans l’espace de leur exploitation. Pour ce faire, nous leur avons posé des questions telles que : Avez-vous prévu de diviser des paddocks ; si oui quels sont ceux que vous choisiriez en priorité ? Avez-vous prévu de vous diversifier dans des cultures annuelles ou pérennes ; si oui où les implanteriez vous ? Avez-vous prévu d’investir dans un système d’irrigation ; Si oui où l’installeriez vous ?

De retour au laboratoire, nous avons produits des représentations graphiques en 3D retraçant les évolutions des paysages à différentes périodes (types d’usages des sols et organisation spatiale, réseau hydrographique, principaux aménagements, contraintes physiques). Nous

avons également produit un schéma visualisant le projet d’intensification préféré par l’éleveur.

Lors d’une ultime visite, nous avons restitué aux agriculteurs ces représentations graphiques. Nous avons demandé aux enquêtés de confirmer les dynamiques spatio-temporelles et les projets d’intensification ou de les infirmer et d’en expliquer les raisons.

Figure 2-18 : Exemple de croquis représentant les usages des sols et l’organisation territoriale des exploitations.

2.3.4 Méthode d’analyse des systèmes de décision et des paysages