• Aucun résultat trouvé

Chapitre 2. Cadre théorique et méthode

2.2 Zones d’étude

2.2.4 Histoire de la colonisation : une succession de cycles économiques

Les trajectoires d’évolution de Paragominas et Redenção se caractérisent par une succession de cycles.

Avant la colonisation officielle

Jusque dans les années 1950 et le début de la colonisation officielle, ces deux régions étaient encore peu peuplées et l’agriculture quasiment inexistante. Les usages des sols à cette époque étaient donc essentiellement constitués de forêts primaires. On note que dans le Sud du Pará, la découverte d’une zone très riche d’un arbre à latex, le caucho (Castilla eslastica), avait favorisé l’essor démographique et économique de la région entre 1890 et 1920. Mais depuis, la région était dans une phase de récession suite à la baisse des prix et la concurrence du marché Sud-Asiatique (Ianni, 1978). A Paragominas, les seules occupations que l’on rapporte sont celles de communautés caboclas qui s’étaient installées le long des principaux cours d’eau et en particulier du Rio Capim (Vaz et al., 2012).

Le cycle de l’or (années 60-80)

Dans le Sud du Pará, la construction de la BR-010 et de la PA-150 a coïncidé avec la découverte de l’est de Redenção, notamment sur les rives droites du Rio Branco, dans l’actuel municipe de Cumaru do Norte, et au nord au niveau de la Serra Pelada dans les années 80. Cela va générer un afflux massif de dizaines de milliers de personnes et d’argent qui a profondément transformé la taille et la structure de l’économie régionale. Cette course à l’or a connu son apogée dans les années 80, avant de péricliter du fait de l’épuisement des ressources (Tourrand et al., 2004).

Le cycle de l’élevage des années 60 à aujourd’hui :

L’élevage bovin extensif démarre au début des années 1960 et s’est développé progressivement jusqu’aux années 90. La proximité de Belém a fait de Paragominas une place de choix pour l’élevage. A Redenção, l’implantation de ranchs a été encouragé dès 1967 par l’octroi de programmes d’incitations fiscales de la Sudam et de la Basa à des chefs d’entreprise du sud et sud-est du Brésil (Tourrand et al., 2007). Outre l’attribution officielle de lots, à partir des années 70, des éleveurs venant de bassins d’élevage du Sud, Sudeste et Centre-Ouest du Brésil (Minas Gerais, Goiás, Bahia, São Paulo) ont migré spontanément et ont occupé ou racheté des propriétés abandonnées par des investisseurs (Vaz et al., 2012). En trois décennies, Paragominas et Redenção sont devenues les « capitales du bœuf » avec les

plus grands cheptels de l’Etat du Pará (1er

et 4ème), l’implantation d’industries frigorifiques et même de laiteries à Redenção. Depuis les années 90, le nombre de bovins tend à diminuer (Figure 2-10). Trois facteurs peuvent expliquer cette évolution : le Plan real en 1994, les nouvelles exigences sanitaires (notamment liées à la fièvre aphteuse) et la dégradation des pâturages. Malgré cette décapitalisation, la productivité par hectare s’est maintenue du fait d’une augmentation des poids carcasse et du taux d’abattage (Hurand, 2015).

Figure 2-10 : Evolution du cheptel de bovins entre 1983 et 2015 à Paragominas et Redenção.Source des

données : IBGE (2016a). La chute et la hausse brutale des effectifs au milieu des années 90 pourraient être dues à une anomalie des données IBGE.

Le cycle du bois natif des années 1970 à 2000, puis de la sylviculture :

A partir des années 70, Paragominas et Redenção ont également été deux principaux pôles d’extraction de bois natifs d’Amazonie orientale, du fait de la richesse en bois précieux, principalement d’acajou (Switenia macrophylla) à Redenção. Paragominas a enregistré jusqu’à près de 200 scieries à la fin des années 90 (Vaz et al., 2012). Les éleveurs étaient largement impliqués dans cette activité, soit par la vente de droits d’exploitation à des forestiers, soit par l’exploitation du bois par leurs propres moyens (Almeida & Uhl, 1998). Mais gérée de façon minière et illégale, la ressource en bois a rapidement diminué dans ces deux communes. Au moment de l’Arc de feu, la plupart des scieries de Paragominas ont été fermées. A partir des années 2000, tant à Paragominas que dans le sud du Pará, une diversification s’est opérée vers la plantation d’espèces à croissance rapide (Eucalyptus et Paricá à Paragomminas, Teck dans le sud du Pará) impulsée par des investissements privés (DP Amazonie, 2013).

Le cycle de l’agriculture depuis la fin des années 90 :

A Paragominas, le cycle du grain a été initié chez les moyens et grands éleveurs pour récupérer les pâturages dégradés. L’intégration entre agriculture et élevage permet de financer

0 100000 200000 300000 400000 500000 600000 700000 800000 No m br e de t êt es de bo vi ns Paragominas Redenção PPCDAm Législation fièvre aphteuse

le coût de la réforme (Bendahan et al., 2013). Les éleveurs forestiers se sont plus facilement diversifiés dans la production de grains, ayant l’habitude de gérer du matériel. Les éleveurs qui n’avaient pas d’équipements, ont fait appel aux agriculteurs du Sud du Brésil en leur louant des terres à bas prix, à charge d’en récupérer les pâturages. La croissance des volumes produits en maïs et soja a été notable depuis la fin des années 90. Alors que la production de soja était quasiment inexistante dans le municipe en 2000, elle a atteint près de 72 000 tonnes en 2010 et 275 500 tonnes en 2015, faisant de Paragominas le plus gros producteur de soja de l’Etat du Pará (IBGE, 2016b). De même, la production de maïs a triplé entre 2000 et 2015, passant de 46 200 tonnes à 121 000 tonnes (Figure 2-11). A Redenção, le mouvement de diversification est encore timide, mais la croissance récente de l’agriculture dans des communes voisines, notamment Santana do Araguaia, laisse présager un développement similaire.

Figure 2-11 : Evolution de la production en maïs, soja, riz et manioc entre 2000 et 2015 à Paragominas et

Redenção.Source des données : IBGE (2016b)