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CHAPITRE I : LE CONTEXTE D’ETUDE

CHAPITRE 2 : CADRE THEORIQUE DE L’ETUDE

2.2. Quelques résultats des études empiriques

Plusieurs auteurs sont parvenus à des résultats intéressants quant à la relation du niveau de vie avec la fécondité.

En effet, Ketkar a trouvé une relation négative entre le revenu et la parité atteinte en 1979 en Sierra Leone dans le cadre d'une étude relative à la pauvreté. Dans une étude réalisée au Kenya, par l'approche de conditions de vie, Vimard et Fassassi ont abouti à une constatation suivante: « un niveau de vie élevé est un facteur significatif du désir d'évolution des mentalités vers une famille de taille réduite » (2008). Une autre étude réalisée sur 25 pays d'Afrique subsaharienne par Schoumaker s'avère aussi concluante, il a été montré que les femmes issues d'un ménage aisé ont moins d'enfants que leurs homologues autres qui vivent dans le ménage pauvre (2004). Au Rwanda, les femmes riches et "pauvres" ont tous le même

leur parité tandis que celle des pauvres reste encore élevée ayant leur désir de réduire la taille de leur famille (Mwambali, 2010). Par ailleurs, les enquêtes démographiques et de santé utilisées par la Banque Mondiale pour 22 pays d’Afrique subsaharienne nous donnent des résultats, datant des années 1990, qui indiquent que dans la plupart de ces pays, la fécondité baisse clairement avec le niveau de vie. Une étude récente de Vimard (2003) sur la Côte d’Ivoire va également dans ce sens.

Une autre idée, illustrée par Lipton (1983) cité par B. Schoumaker et D. Tabutin (1999), part du principe que, dans des sociétés rurales et agraires, les enfants constituent une main d’œuvre dans la lutte contre la pauvreté ; dès lors, les femmes et les familles ayant eu peu ou moins d’enfants ont plus de risques de devenir pauvres. Enfin, Merwyn (1986), cité par les mêmes auteurs, évoque la possibilité d’une moindre demande d’enfants parmi les plus déshérités, comme cela a été suggéré pour expliquer la plus faible fécondité des paysans sans terre au Bangladesh, ceux–ci ne pouvant bénéficier du travail de leurs enfants.

En Guinée, les résultats de la thèse de Kourouma Nounké ont révélé que l’effet brut du niveau de vie est négativement associé à la fécondité des femmes en union. Cette relation négative est apparue un peu contrastée, car on remarque étonnamment que les femmes des groupes pauvres et intermédiaires ont une fécondité plus élevée que les plus pauvres.

Une autre étude réalisée sur 25 pays d'Afrique subsaharienne par Schoumaker en 2003 montre l’existence de différences de fécondité en fonction du niveau de vie dans l’ensemble des pays, différences s’expliquant à la fois par l’âge au mariage et la pratique contraceptive.

Dans l’ensemble, les femmes les plus pauvres ont plus d’enfants, se marient plus jeunes et utilisent moins la contraception moderne. Dans la totalité des 25 pays, la fécondité des femmes les plus pauvres est supérieure à 5 enfants par femmes, et elle est supérieure à 6 enfants dans 20 de ces 25 pays. A l’opposé, la fécondité des femmes aisées est inférieure à 5 enfants dans les 25 pays, et elle ne dépasse 4 enfants par femme que dans 3 pays (Niger, Tchad, Zambie). Les différentiels de fécondité persistent également après le contrôle de l’instruction et du milieu de résidence, suggérant que la pauvreté constitue un frein à la baisse de fécondité (Schoumaker, 2003).

A partir d’une revue comparative de la littérature empirique (32 études et 7 enquêtes du Center for disease Control d’Atlanta), B. Schoumaker et D. Tabutin recensent 5 relations possibles entre niveau de vie et fécondité : peu ou pas de relation ; relation plutôt positive ; relation légèrement négative ; relation en U ou J renversé et relation fortement négative. Ils expliquent la diversité des résultats par les indicateurs de mesure du niveau de vie. Toutefois

la relation fortement négative est de loin la plus fréquente avec 21 cas sur 39 (Schoumaker et Tabutin, 2003).

o Instruction et fécondité

Notons que certaines études ont montré que la variable instruction n'a pas la même influence sur la fécondité dans tous les milieux géographiques.

Par exemple : Malgré le fait que les Enquêtes Démographiques et de Santé (EDS) aient montré, dans l'ensemble, que les femmes moins instruites ont généralement plus d'enfants que celles qui ont reçu une bonne éducation. Il a été cependant observé que la fécondité des femmes ayant le niveau d'instruction primaire est plus élevé que celle des femmes qui n'ont jamais été à l'école (c'est le cas par exemple du Sénégal ((EMF 1981 et EDS 1988) ou du Mali (EDS 1989)) (Wakam., 1992). Le niveau d'instruction primaire en tant que facteur de différenciation de la fécondité ne présente donc aucune signification.

L'enquête ivoirienne à passage répété (1978-1979), en considérant le milieu rural dans son ensemble, fait remarquer que les femmes alphabétisées ou ayant un niveau d'instruction primaire (inférieur ou équivalent au certificat d'études primaires) ont une fécondité supérieure aux femmes analphabètes. Au contraire en milieu urbain, la fécondité des analphabètes est supérieure à celle des femmes alphabètes ou ayant un niveau d'instruction primaire.

- Ronny Schoenmaeckers10 , dans une analyse du nombre moyen d'enfants des femmes de 25 à 34 ans de huit pays africains, a montré que les femmes des milieux ruraux ont pratiquement le même nombre d'enfants, quel que soit leur niveau d'instruction et a conclu que le facteur instruction semble être beaucoup plus significatif en ville qu'en campagne.

-Sala Diakanda 11 a montré que le pouvoir de différentiation du niveau d'instruction de la femme sur la fécondité est plus fort à Kinshasa qu'en milieu rural, pour les nouvelles générations féminines (25-34 ans). Pour les anciennes générations (45-54 ans) au contraire, l'influence de l'éducation de la femme sur la fécondité est significative en milieu rural qu'en milieu urbain.

- Gaye A .12 , dans l'analyse de la fécondité à Eseka (Cameroun) a observé qu'il n'y a pas un grand écart entre la fécondité totale des femmes ayant un niveau d'instruction élevé et celle

10 Schonmareckers R : Niveaux et tendances de la fécondité, in population et sociétés en Afrique au sud Sahara, pplll-140, 1998 D

11 Sala Diakanda cité par Saîd Abseh : Fécondité et caractéristiques socio-économiques et culturelles selon le milieu d'habitat au Zaïre (RDC), canadien studies in population, vol 9, 1982. pp45-69.

des femmes ayant un niveau d'instruction bas. Il a conclu que ceci est dû au faible effectif des femmes ayant un niveau secondaire. Nous pouvons déduire de ce constat que le niveau d'instruction en tant que facteur de différenciation de la fécondité ne présente aucune signification en milieu rural.

-DOUMBIA (1989), examinant l’effet de quelques caractéristiques socioculturelles sur la fécondité au Burkina Faso a pu montrer qu’il y’a un lien entre le niveau d’instruction de la femme et sa fécondité. Les femmes qui ont fait des études très avancées ont une fécondité plus faible que celles qui ont fait peu d’étude ou pas du tout. L’instruction sera probablement un facteur de changement social du fait des valeurs occidentales que l’école véhicule à travers la formation des individus. Ces femmes instruites sont entrées très tardivement dans leur vie féconde à cause de la durée passée à l’école et donc elles auront moins d’enfants que leurs consœurs qui n’ont jamais été à l’école et qui sont entrées en union très tôt.

o Activité économique et fécondité

-S’agissant des variables socioéconomiques, DOUMBIA(1989) a pu montrer que le statut d’occupation de la femme exerce une influence sur la parité atteinte des femmes rurales, comparées aux femmes du milieu urbain. Les femmes sans emploi ont moins d’enfants que les autres et ceci quel que soit le milieu de résidence. Cette situation nous amène à nous demander si les théories sur les conflits des rôles de l’activité économique et celle de la forte fécondité des femmes telles que énoncées, peuvent encore s’appliquer dans toutes les sociétés africaines et singulièrement au Burundi.

- Les ménages dans lesquels le mari travaille ont un niveau de vie plus élevé que ceux des lesquels le mari est inactif, toute chose qui contribue à la réduction de la fécondité dans les premiers types de ménages cités. Néanmoins Allarabaye montre que cette relation n’est pas vérifiée au Tchad où l’occupation du conjoint n’influence pas significativement la fécondité des femmes en union. L’occupation du conjoint n’a qu’une influence indirecte sur la fécondité car l’effet de cette variable qui était significatif à 5 % au niveau brut a disparu lorsque sont contrôlés les effets des autres variables. L’effet de cette variable a été ainsi médiatisé par les autres variables (Allarabaye, 2008).

o Exposition aux médias et fécondité

Des informations sur la santé sexuelle et reproductive et sur la contraception y sont véhiculées afin d’atteindre un maximum de personnes. Ainsi une forte exposition des femmes aux médias peut s'avérer favorable pour une parenté « responsable ».

Allant dans ce sens, Talnan et al. Font remarquer, dans une étude sur les adolescents ivoiriens, que les filles qui regardent chaque jour la télévision ont moins de chances de vivre l'expérience d'une relation sexuelle précoce quand on les compare aux filles qui sont rarement exposées à ce médium. Et ces auteurs poursuivent en montrant que le fait de regarder régulièrement la télévision diminue, chez les filles, les risques d'être engagée dans des pratiques sexuelles sans utilisation du condom (Talnan et al., 2003).

o Religion et fécondité

Les comportements des individus en matière de sexualité et de procréation diffèrent selon qu’ils appartiennent à la religion musulmane, chrétienne ou autre.

Une étude réalisée au Niger et en Côte d'ivoire montre que l'appartenance à une religion chrétienne, par opposition à la religion musulmane, est un facteur significatif de l'évolution des mentalités vers le désir de famille de taille réduite (Fassassi et Vimard, 2008).

Le résultat trouvé par Evina (2007) au Cameroun va dans le même sens du fait que les femmes adeptes de la religion musulmane et les animistes désirent et ont plus d'enfants que celles issues de la religion chrétienne.

o Milieu de résidence et fécondité

Les différences entre ces deux milieux (rural et urbain) impactent sur la fécondité. En effet les études antérieures ayant établi le lien entre le milieu de résidence de la femme et la fécondité, convergent sur le fait que les femmes du milieu urbain ont moins d’enfants que leurs congénères du milieu rural.

Dans une étude menée au Benin, Rwenge montre que la fécondité réalisée en milieu urbain est plus faible qu'en milieu rural, mais reste encore supérieure à ce qui peut être observé ailleurs (Rwenge, 2000a). Il explique cela par le calendrier de primo nuptialité, l’instruction et la contraception entre autres qui diffèrent d’un milieu à l’autre.

o Contraception et fécondité

La pratique contraceptive moderne est ainsi négativement associée à la fécondité (Tabutin et Schoumaker, 2001). Cependant dans une étude menée sur les femmes en union à Mbalmayo et Bafoussam, en vue d’analyser l’impact de leur statut sur la fécondité, Rwenge parvient à une influence plutôt positive de l’utilisation des méthodes contraceptives modernes sur la fécondité.

o L’âge en union et fécondité

Pour Tabutin et Schoumaker, plusieurs études ont montré une forte relation entre l’âge au premier mariage et la fécondité. A partir d’une étude réalisée sur 32 pays africains et considérant les 149 régions logées de ces pays, ces auteurs constatent que toutes les régions (nombreuses) à mariage très précoce ont aussi une forte fécondité, toutes celles à mariage tardif (une quinzaine au-delà de 21 ans) ont une fécondité en transition, tandis qu’entre 4 et 6 enfants par femme, les âges au mariage vont de 17 à 22 ans (Tabutin et Schoumaker, 2001).

o Ecart d’âge entre conjoint et fécondité13

Les seules analyses de ce type réalisées sur l’écart d’âge entre conjoints ont été entreprises par John Casterline et son équipe (Casterline et al. , 1986) à partir des enquêtes mondiales de fécondité réalisées à la fin des années soixante-dix dans 28 pays en développement (9 en Afrique, dont 5 en Afrique sub-saharienne, 11 en Asie et 8 en Amérique latine). Par la suite Mead Cain (1984, 1993) a utilisé ces résultats sur la différence d’âge comme marqueur du statut de la femme et du degré de patriarcat et les a mis en relation avec les niveaux de fécondité. Ses travaux attestent de l’existence d’une corrélation importante, à l’échelle des 28 pays, entre l’écart d’âge médian et le niveau de fécondité. Cette corrélation résulte principalement de la mise en opposition de deux groupes de pays : d’un côté les pays d’Amérique latine et du Sud-Est asiatique (avec un faible écart d’âge et une faible fécondité), de l’autre les pays africains et de l’Asie du Sud et de l’Ouest (avec des écarts d’âge et une fécondité élevés). Les analyses distinguaient ainsi les pays où la transition était engagée de ceux où elle n’avait pas encore débuté. En revanche, il n’apparaissait pas de relation claire entre la différence d’âge des conjoints et le niveau de fécondité au sein de chacun de ces deux groupes. La situation a pu se modifier depuis avec le démarrage de la baisse de la fécondité en Afrique. Les enquêtes démographiques et de santé permettent de reprendre la question avec des données récentes.

2.3. Cadre conceptuel