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Que peut-on expliquer par une étude écologique?

Le plus souvent, l’étude écologique est utilisée pour tenter d’interpréter de façon plausible les tendances en matière de fardeau de la tuberculose au fil du temps et d’une zone géographique à l’autre (à l’intérieur d’un pays ou d’un pays à l’autre). Cependant, elle s’est également révélée utile pour explorer les variations dans la proportion des cas confirmés sur le plan bactériologique et pour explorer les raisons expliquant la variation dans les proportions de tuberculose pulmonaire par rapport à la tuberculose extra-pulmonaire.

Une étude écologique exploratoire simple peut être menée par le personnel du programme de lutte contre la tuberculose. Son utilité a été prouvée dans les milieux fortement touchés par la maladie, étant donné qu’elle permet de montrer comment un développement économique et social apparemment distal peut influencer la notification des cas de tuberculose (1). Les principes analytiques et les travaux décrits dans le cadre de ce chapitre font référence à la notification des cas de tuberculose (en tant qu’indicateur de l’incidence de tuberculose) mais restent également valables pour décrypter des éléments déroutantsliés à l’attribution dans le cadre de la lutte contre la tuberculose.

4.2 TB incidence

L’incidence est le nombre de nouveaux épisodes de tuberculose survenant sur une période donnée, en règle générale une année calendaire pour la tuberculose. Au vu des limites des outils de diagnostic actuels de la tuberculose, de l’importante période de latence entre l’infection et la maladie et de la pluralité des manifestations de la tuberculose, la mesure directe de l’incidence de tuberculose dans la population générale s’avère peu pratique et nécessite d’importantes ressources. À ce jour, aucun pays n’a mené d’enquête relative à l’incidence qui soit représentative sur le plan national. Les enquêtes relatives

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à l’incidence devraient inclure une vaste cohorte de personnes (par exemple plus de 125

50000) et cette dernière devrait faire l’objet de tests réguliers sur une période d’au moins une année, avec une perte de suivi minimale pour garantir la validité des résultats.a L’incidence se calcule donc généralement sur la base des cas de tuberculose notifiés en routine aux PNLT, bien qu’il demeure une incertitude quant au nombre de cas diagnostiqués mais non notifiés (aux PNLT) et au nombre de cas non diagnostiqués (Figure 1).

FIGURE 1

Rapport entre l’incidence des (nouveaux) cas de tuberculose et la notification des cas au cours d’une année calendaire

Incidence des cas de tuberculose

Cas de tuberculose non diagnostiqués

Cas de tuberculose diagnostiqués mais non notifiés

Notification des cas de tuberculose (enregistrés

par le PNLT)

écart entre l’incidence et la notification des cas (non enregistrés

par le PNLT)

a L’incidence de la tuberculose pulmonaire à frottis d’expectoration positif ne peut pas être calculée d’après les résultats des enquêtes relatives à la tuberculine chez les écoliers. Bien que l’on ait recouru à cette méthode par le passé, elle a récemment fait l’objet d’un examen attentif et les hypothèses sous-jacentes ne sont plus considérées comme étant satisfaisantes [van Leth F, van der Werf MJ, Borgdorff MW. Prévalence de l’infection tuberculeuse et incidence de la tuberculose : réévaluation de la règle de Styblo Bulletin de l’Organisation mondiale de la Santé, 2008 ; 86 : 20-6.]

Dans les pays à revenu élevé disposant de systèmes de surveillance de la tuberculose et de systèmes de santé extrêmement performants (par exemple aux États-Unis et au Royaume-Uni), les systèmes de notification des cas parviennent à capturer la totalité ou presque des nouveaux cas.

Cependant, dans d’autres pays, les notifications systématiques des cas fournissent des données biaisées.

• premièrement, le secteur privé a davantage tendance à ne pas notifier les cas

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126 nouvellement diagnostiqués, comme cela a pu être largement observé en Asie et dans d’autres régions du globe.

• deuxièmement, il se peut que tous les cas ne soient pas diagnostiqués, en particulier dans les pays où l’assurance maladie, la protection sociale ou des mécanismes équivalents sont inexistants, ou dans les pays où la couverture et le fonctionnement des services de santé et des laboratoires laissent à désirer. Les raisons communément invoquées pour expliquer les faibles taux de diagnostic sont par exemple : l’absence de symptôme chez une proportion significative de cas de tuberculose existants ; des symptômes que les patients n’estiment pas assez sévères pour justifier une consultation médicale ; ou des patients ayant bel et bien sollicité les services de santé sans pour autant que les prestataires n’aient détecté leur tuberculose.

• troisièmement, seule la moitié environ des cas de tuberculose notifiés dans les pays à revenu faible et intermédiaire se révèlent être réellement des cas de tuberculose – c’est-à-dire des cas confirmés sur le plan bactériologique. Dans bon nombre de pays, les procédures de diagnostic se limitent principalement à l’examen microscopique du frottis d’expectoration, dont la sensibilité est limitée.

La mesure des taux ainsi que des tendances de l’incidence de la tuberculose dans les pays à revenu faible et intermédiaire constitue donc un véritable défi. La solution provisoire consiste à mener des études écologiques sur la base des données disponibles (c’est-à-dire la notification des cas) pour favoriser la compréhension des déterminants de l’épidémie de tuberculose et la façon dont ils influencent l’évolution des tendances. Dans l’intervalle, il faudrait également chercher à renforcer le fonctionnement des systèmes de surveillance de la tuberculose afin qu’ils couvrent tous les prestataires de soins de santé et que le taux de sous-notification soit réduit au minimum. Si nous savons que la notification des cas était éloignée de l’incidence réelle par le passé - et c’est encore le cas aujourd’hui -, nous nous attendons à ce qu’à l’avenir, la multiplication des progrès en matière de lutte contre la tuberculose conduise tôt ou tard à une convergence. Vous trouverez ci-dessous un exemple de tendances temporelles pour l’estimation de l’incidence de tuberculose et la notification des cas pour l’Indonésie (Figure 2), où le développement du système de surveillance au cours des dernières années, visant à égalementinclure les notifications émanant des principaux hôpitaux privés et publics, a permis de réduire l’écart par rapport à l’estimation de l’incidence.

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1990 1995 2000 2005

résorption de l’écart

grande incertitude déclin (lent)

2010

0100200300taux d’incidence pour 100’000 habitants

FIGURE 2

Tendances temporelles pour l’estimation de l’incidence de tuberculose (trait bleu) et la notification des cas de tuberculose (trait rouge) en Indonésie, 1990–2011. Les lignes bleues en pointillés montrent l’intervalle d’incertitude pour les estimations de l’incidence de la tuberculose.

Source: Base de données de l’OMS relative à la tuberculose

4.3 Utilisation de l’étude écologique pour la compréhension des épidémies de tuberculose

La compilation et l’examen des données relatives à des facteurs connus comme étant des vecteurs de changement pour la tuberculose sur le plan épidémique devraient être effectués de façon systématique et peuvent fournir de précieuses indications permettant de comprendre l’ampleur et les tendances de la charge de la tuberculose, en particulier dans les pays avec un système de surveillance faible produisant des données de qualité discutable. Pour évaluer la pertinence de la notification des cas de tuberculose en tant qu’indicateur de l’incidence réelle de la tuberculose, par exemple, nous devons déterminer si les tendances observées sont plausibles compte tenu de ce que nous savons des facteurs qui déterminent l’évolution de l’épidémie de tuberculose. Nous cherchons les liens logiques entre la tendance observée sur le plan de la notification des cas et tous les éléments ayant une influence sur l’épidémie de tuberculose. Dans ce chapitre, nous désignerons ces éléments en utilisant le terme « déterminants »,« facteurs » ou « paramètres » de façon interchangeable. Les types de travaux que nous effectuons au titre de l’étude écologique et leurs objectifs sont résumés dans le Tableau 1.

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Travaux d’analyse Objectif des travaux

Méta-analyses publiées dans le cadre d’études et, en leur absence, la littérature disponible (base factuelle) sur l’impact des facteurs spécifiques sur les épidémies de tuberculose

Évaluer la vraisemblance des rapports potentiels sur le plan social, économique, politique et biologique Pouvoir évaluer la force de l’association Étudier des graphiques de séries

chronologiques de notification des cas (tant en chiffres absolus qu’en taux par habitant) et les facteurs communément associés à la tuberculose

Identifier et expliquer les évolutions dans les tendances étudiées

Évaluer la relation temporelle entre les facteurs et la notification des cas Émettre des hypothèses quant à la façon dont chaque facteur fait pencher la balance pour ce qui est de la charge de morbidité de la tuberculose

Étudier les variations dans la notification des cas pour l’âge, le sexe, la région et les formes de tuberculose

Évaluer la cohérence des tendances observées

Étudier l’ampleur des changements dans les déterminants et effectuer une comparaison avec l’ampleur des changements observés sur le plan de la notification des cas

Détecter toute relation dose-réponse potentielle

Établir des comparaisons avec d’autres pays de la région présentant des caractéristiques similaires

Évaluer la cohérence des raisons hypothétiques expliquant les tendances TABLEAU 1

Liste des travaux d’analyse écologiques recommandés et objectifs visés

Vous trouverez à l’Annexe 4 une liste détaillée des types de facteurs pouvant faire l’objet d’une analyse dans le cadre d’études écologiques de la tuberculose, ainsi que des exemples correspondants et des suggestions d’interprétation.

4.4 Cadre conceptuel pour l’étude écologiques

Pour aider votre public cible à comprendre ce qu’est une étude écologique, nous vous recommandons d’établir un cadre conceptuel détaillant l’hypothèse sous-jacente que vous avez avancée au sujet des rapports entre les principales variables. Il peut s’agir de descriptions succinctes des convictions initiales des experts au sujet du rôle de différents facteurs, tel qu’illustré dans la Figure 3.

Les cadres conceptuels pourraient également se présenter sous la forme d’hypothèses plus nuancées et situées à différents niveaux, comme le montre l’exemple à l’Annexe 5.

AnAlyse des fActors épidémiologiques de lA tuberculose FIGURE 3 129

Cadre conceptuel : quelle évolution la charge de morbidité de la tuberculose va-t-elle connaître sous l’influence des facteurs associés à la maladie ?

Plus la présentation du cadre conceptuel est simple, plus vous parviendrez à faire ressortir les rapports positifs et négatifs que vous explorez tout en justifiant de façon implicite la série de facteurs que vous avez choisis. Le public cible devrait être en mesure de comprendre rapidement le fondement de l’étude écologique. Il se peut qu’un public saisisse immédiatement la logique épidémiologique sous-jacente sans aide visuelle, tandis qu’un autre aura besoin d’un cadre conceptuel clair pour pouvoir percevoir les influences positives et négatives.