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Ethologie des principales espèces

4. Quantification et caractérisation de la fragmentation

L’action des différents processus taphonomiques pré- et post-enfouissements présentés précédemment peut être quantifiée à l’aide de la caractérisation et du décompte des traces laissées par chacun de ces processus (stries de boucherie, dépôt de manganèse, poli d’abrasion, etc.). Le critère de fragmentation est plus difficile à utiliser puisqu’il peut résulter de différents processus taphonomiques (compaction du sédiment, récupération de la moelle par les Hommes et les carnivores, etc.) (Todd et Rapson 1988). Ainsi il est tout d’abord nécessaire de quantifier et de caractériser la fragmentation avant de pouvoir déduire l’agent responsable. A cette fin, plusieurs éléments dont la dimension et la circonférence des vestiges osseux ainsi que les modèles de fracture peuvent être utilisés.

Dimension des vestiges fauniques

La manière la plus sûre de décrire le niveau de fragmentation est de mesurer la dimension des fragments osseux (Lyman et O’Brien 1987 ; Villa et Mahieu 1991 ; Outram 2001), soit la longueur maximale par rapport à l’axe longitudinal de l’os (mesurée au pied à coulisse). Pour les fragments mesurant moins de quatre cm, la mesure est réalisée à partir d’un quadrillage centimétré (Outram 2001, 2005). Afin d’obtenir une plus grande clarté graphique, ces mesures sont réparties par classes de

taille de 2 cm d’intervalle. L’unité quantitative utilisée est le Nombre de Restes. Ces résultats sont ensuite exprimés dans un histogramme de fréquence en fonction des différentes tailles de classes. Circonférence

L’état de la circonférence est généralement codifié en trois stades par rapport à la circonférence d’origine (Bunn 1983, 1989). Nous utilisons cette méthodologie à laquelle nous ajoutons un quatrième stade. Ainsi, nous utilisons (du moins bien conservé au mieux conservé), 1 : < un quart ; 2 : > à un quart et < à la moitié ; 3 : > à la moitié et < aux trois quarts ; 4 : > aux trois quarts. Dans le cas de la présence de plusieurs stades de conservation sur le même vestige, le plus fort état de conservation est enregistré. Seuls les os longs du squelette appendiculaire sont pris en compte dans cette étude.

Modèles de fractures

La méthode utilisée pour étudier les différents types de fractures est basée sur trois critères visibles sur les plans de fracture (Myers et al. 1980 ; Shipman et al. 1981 ; Haynes 1983a ; Patou 1985 ; Johnson 1985 ; Villa et Mahieu 1991) :

- l’angle formé par la surface de la fracture avec la surface corticale de l’os (the fracture angle). Il est oblique (obtus et aigus), droit, ou oblique et droit recouvrant les fractures à angles variables. Les angles sont estimés visuellement.

- la conformation générale de la cassure (the fracture outline). Les cassures peuvent être transverses, c’est-à-dire droites et transverses par rapport à l’axe longitudinal de l’os ; ou courbes, possédant une fracture spirale (courbe de type hélice) ou des portions de fractures spirales combinées avec des fractures V-shaped. Ces fractures représentent des morphologies complexes, multidirectionnelles. Elles s’opposent ainsi aux morphologies simples, transverses et rectilignes. Enfin les cassures peuvent être intermédiaires incluant les fractures qui ont une morphologie droite mais qui sont diagonales à l’axe longitudinal de l’os.

-la texture du plan de fracture (fracture edge) : il est soit lisse, soit rugueux.

L’étude des différents types de fractures permet principalement de savoir si elles ont été réalisées sur os frais ou sur os sec ; la structure interne de l’os contrôlant les caractéristiques de la fracture (Hill 1976). Les fractures sur os frais produisent des formes spiralées ou en hélice avec des bords lisses et un angle aigu ou obtu par rapport à la surface corticale. Quand l’os commence à sécher, il perd son contenu organique et des lignes de fissures se développent. Il y a ainsi une plus grande tendance pour que la fracture soit droite (diagonale, longitudinale ou transverse), l’angle de la fracture droit et la texture de la fracture rugueuse (Outram 2001). Cependant, pour P. Villa et E. Mahieu (1991) la texture du bord (lisse/rugueuse) ne semble pas être un critère réellement discriminant entre os frais et os sec. Il serait plus probablement induit par le type de force exercée, à savoir dynamique ou statique.

Cette étude n’apporte pas d’informations sur l’agent responsable ; la fragmentation produite par différents agents (carnivores, Hommes, etc.) crée des profils de fracture semblables, en particulier des fractures spirales (Myers et al. 1980 ; Binford 1981 ; Haynes 1980, 1983a, 1988 ; Lyman 1984b, 1989 ; Behrensmeyer et al. 1989 ; Agenbroad 1989 ; Villa et Mahieu 1991 ; Auguste 1994a). Seule leur fréquence permet de déterminer l’agent responsable ; elles sont très fortement représentées dans les assemblages archéologiques et assez rares dans les assemblages paléontologiques (Agenbroad

1989). Cependant les proportions varient largement d’un assemblage à un autre (Myers et al. 1980 ; Haynes 1988), dépendant des circonstances locales de l’accumulation ainsi que de la taille du taxon. L’étude des plans de fracture concerne les éléments déterminés et indéterminés, un fragment possédant plusieurs plans de fracture. Les fragments d’épiphyses sans diaphyse sont exclus car celles-ci se fragmentent différemment des diaphyses. Enfin, les cassures récentes (Lyman et O’Brien 1987), réalisées lors de la fouille ou en post-fouille, ne sont pas prises en compte.

Etendue et intensité de la fragmentation

Plusieurs éléments permettent de quantifier l’étendue et l’intensité de la fragmentation :

*Ratio NRDt/NMPS ou NMI

Ce ratio, construit pour chaque taxon, permet de déterminer si une espèce a été plus intensément exploitée qu’une autre (plus l’indice est fort, plus la fragmentation a été intense) ou si une plus grande proportion d’éléments squelettiques d’un taxon a été déposée dans le site (Lyman 1994a). La plus grande fragmentation des Ongulés de grande taille par rapport à ceux de plus petite taille peut être due à des processus taphonomiques post-enfouissement (piétinement, activité des racines) (Yeshurun et al. 2007). Ce ratio étant en grande partie dépendant de la taille de l’échantillon (plus la taille de l’échantillon sera petite, plus le ratio sera grand), son intérêt devient faible dans les petits échantillons (Chaplin 1971 ; Grayson 1981, 1984).

* Taux de complétude

Le taux de complétude est le pourcentage d’os complets par rapport aux os fragmentés. Il peut être calculé pour chaque élément squelettique (Todd et Rapson 1988 ; Morlan 1994). L’action des processus taphonomiques pré- et/ou post-dépositionnels entraîne généralement des faibles pourcentages d’éléments complets à l’intérieur d’un assemblage.

La complétude des os compacts (carpe, tarse, sésamoïde) fournit une description de l’étendue de la destruction post-enfouissement d’une part parce que la fracturation anthropique et le charognage par les carnivores entraînent rarement la fracturation de ces éléments, et d’autre part parce qu’ils ne sont pas concernés par la fragmentation et le transport différentiels créés par les agents accumulateurs (Marean 1991).

* Représentation différentielle des extrémités proximales et distales des os longs

La différence de représentation des extrémités proximales et distales des os longs (Binford 1981 ; Todd et Rapson 1988) est une mesure qui peut être utile dans la reconnaissance des modèles de destruction différentielle des extrémités articulaires. Deux os, l’humérus et le tibia, sont particulièrement diagnostiques de l’action d’agents destructeurs. Il existe une grande différence dans le potentiel de survie entre les extrémités proximales et distales de ces os. Ainsi, la comparaison entre la fréquence standardisée des extrémités proximales versus celle des extrémités distales d’humérus peut être utilisée comme indice pour estimer le degré de destruction des parties squelettiques qu’un assemblage a subi. Cependant, si cette approche documente un modèle de destruction différentielle, elle n’indique pas directement le processus responsable des différences observées. Plusieurs processus,

dont l’écrasement des extrémités articulaires pour l’extraction de la graisse par les humains, et les détériorations chimiques post-dépositionnelles, peuvent résulter dans une destruction des parties de faible densité à forte teneur en graisse.