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Caractérisation du spectre faunique

1. Détermination taxonomique et anatomique

L’attribution taxonomique et anatomique des ossements a été réalisée à partir d’une étude de morphologie descriptive et d’anatomie comparée, complétée dans certains cas par une étude biométrique (Von den Driesch 1976). Le matériel de comparaison disponible à l’UMR 6636-LAMPEA, au musée d’Orgnac (Ardèche) ainsi qu’au musée Requien (Vaucluse) a servi de référentiel pour la détermination ostéologique. Les ouvrages de R. Barone (1966), de L. Pales et M. Garcia (1981) ainsi que celui de M.-R Dawson (1969) ont servi de base à la morphologie descriptive.

Les vestiges de bouquetin, de boviné et de lagomorphe ont nécessité une étude spécialisée (morphologie et biométrie) afin de déterminer le genre et/ou l’espèce présente dans les différents gisements étudiés.

Bouquetin

Le Bouquetin appartient au genre Capra et à la sous-famille des Caprinae (Linné 1758). En France, il est représenté par deux espèces, le bouquetin alpin (Capra ibex) et le bouquetin ibérique ou pyrénéen (Capra pyrenaica) (Crégut-Bonnoure et Guérin 1996). Il n’est cependant pas possible de recourir aux aires de répartition actuelle de ces espèces pour déterminer l’espèce présente dans les sites archéologiques puisque dans le passé, notamment lors des périodes froides, ces aires ont connu de fortes extensions entraînant parfois la coexistence de ces deux espèces dans une même région (Delpech 1983).

La différence principale entre ces deux espèces réside dans la forme des chevilles osseuses. Chez le bouquetin pyrénéen, les cornes ont une « section triangulaire, tordues en demi-spirale ouverte, en

haut et en dehors puis en arrière et en dedans » présentant une double flexure alors que les cornes du

bouquetin alpin ont « une section quadrangulaire, sont arquées, décrivant une courbe à peu près

plane », ébauchant une forme de lyre (Koby 1958a ; Hainard et Perrot 1971). En raison de la non

conservation de ces éléments, la distinction entre ces deux espèces est basée sur la morphologie des restes dentaires bien que seules la troisième molaire supérieure et la troisième prémolaire inférieure présentent des différences réellement discriminantes (Crégut-Bonnoure 1992b).

Bovinés

Les restes de bovinés retrouvés dans les gisements étudiés nécessitent un examen supplémentaire afin de déterminer si l’on est en présence du bison (Bison priscus Bojanus, 1827) ou de l’aurochs (Bos

L’aurochs est une espèce relativement peu fréquente au Pléistocène, à l’exception des pays du Sud de l’Europe (Espagne, Italie). Pendant cette période les restes de bovinés appartiennent principalement au bison. L’aurochs devient plus commun au Postglaciaire, tout particulièrement à l’Holocène, à l’inverse du bison.

L’aurochs et le bison ont chacun un aspect et un port très particuliers. Ces différences externes sont liées à des différences ostéologiques qui peuvent apparaître au niveau de la taille et des proportions de chaque os du squelette. Il existe de nombreux critères de différenciation de ces deux espèces, tant au niveau du squelette post-céphalique que des éléments dentaires (Olsen 1960 ; Brugal 1983 ; Delpech 1983 ; Slott-Moller 1988, 1990 ; McCuaig Balkwill et Cumbaa 1992 ; Guadelli 1999 ; Roman 2008). Lagomorphe

L’ordre des Lagomorphes regroupe deux familles, les Ochotonidés et les Léporidés. Ces derniers sont composés de deux genres principaux : le genre Oryctolagus Lilljeborg, 1874 et le genre Lepus Linné, 1758, représentant au total trois espèces principales : Oryctogalus cuniculus Linné 1758 (lapin de Garenne), Lepus timidus Linné 1758 (lièvre variable) et Lepus europaeus Pallas 1778 (lièvre européen ou commun)(Koby 1959).

Détermination du genre : Lepus/Oryctolagus

Les éléments de diagnose utilisés reposent d’une part sur des caractères morphologiques (Callou 1997) et d’autre part sur des critères biométriques (Donard 1982). La différence de taille des ossements entre ces deux genres permet généralement de les distinguer facilement. D’un point de vue général, les os de lièvre sont plus longs et plus grêles que ceux de lapin. Seuls certains fragments crâniens, de côte et de diaphyse n’ont pu être déterminés taxonomiquement dans ce travail.

Détermination de l’espèce de Lièvre : L. timidus/L. europaeus

Le caractère le plus distinctif est le blanchissement de la robe en hiver chez le lièvre variable(Koby 1958b),critère cependant inutilisable en contexte archéologique.

Les incisives supérieures et la troisième prémolaire inférieure fournissent les meilleurs éléments de diagnose (Koby 1959, 1960 ; Callou 1997) (fig. 11). Chez le lièvre variable (L. timidus) les incisives supérieures ont une section plutôt carrée, un sillon antérieur déporté mésialement et des lobes antérieurs avec une très faible convexité. Chez le lièvre européen (L. europaeus), elles se caractérisent par une section rectangulaire, un sillon antérieur situé au milieu de la face vestibulaire et des lobes antérieurs fortement convexes.

Figure 11 : Caractères dentaires distinctifs (en coupe) de Lepus europaeus et de Lepus timidus (d’après Koby 1959 et Callou 1997) (Pour la P3 inférieure, les flèches indiquent les différences permettant une diagnose)

L’analyse biométrique réalisée par E. Donard (1982) a montré que si les lièvres communs actuels sont de plus grande taille que les lièvres variables actuels, ces derniers étaient au Paléolithique supérieur, plus grands que toutes les populations de lièvre commun qui se sont succédées.

La distribution chronologique de chacune de ces espèces apporte des informations intéressantes. Le lièvre commun n’est pas connu en France avant le Mésolithique. Lors des stades glaciaires, il était cantonné en Europe méridionale (Espagne, Italie) (Donard 1982 ; Fontana 1998a). Le lièvre variable est presque toujours présent en France, du moins dans le Sud-Ouest, lors du Pléistocène moyen et supérieur. Enfin, l’existence synchronique de ces deux espèces n’a pas encore été mise en évidence (Donard 1982).

2. Quantification

Les unités de décompte employées en archéozoologie sont extrêmement nombreuses (Grayson 1984 ; Casteel et Grayson 1977 ; Lyman 1994a). Seules les plus couramment employées sont utilisées dans ce travail. Elles se composent d’unités descriptives et d’unités interprétatives. Ces données quantifiées apportent des informations sur l’abondance relative des espèces et des éléments anatomiques présents, décomptes fondamentaux pour la reconstitution paléoenvironnementale et la caractérisation des stratégies économiques.

Unités descriptives

Le Nombre Total de Restes (NRT) comprend le Nombre de Restes Déterminés (NRD) et le Nombre de Restes non déterminés (ND) (Brugal et al. 1994). Le Nombre de Restes Déterminés (NRD) est composé de deux catégories: le Nombre de Restes Déterminés anatomiquement et taxonomiquement (NRDt ou NISP) et le Nombre de Restes Déterminés anatomiquement (NRDa). Ces derniers peuvent être rapportés à une classe de taille. Nous ajoutons une troisième catégorie correspondant aux restes déterminés uniquement en terme de classe de taille (tableau 9.).

Classes de taille Espèces animales correspondantes

Microfaune Rongeurs, insectivores, Passereaux Très petits mammifères Renard, Lièvre, Lapin, Blaireau, certains oiseaux

Petits mammifères Loup, Chamois, Antilope saïga, Chevreuil, Lynx Moyens mammifères Renne, Bouquetin, Cerf, Sanglier, Hydruntin

Grands mammifères Bovinés, Cheval, Ours Très grands mammifères Rhinocéros, Mammouth

Tableau 9 : Classes de taille des principales espèces de mammifères (d'après Castel 1999)

Dans le calcul des différentes composantes du NRT, chaque vestige compte pour un (Chaplin 1971). Le terme « élément » est utilisé pour désigner un os entier ou une portion d’os (tibia distal, diaphyse distale de tibia,), alors que le terme « fragment » désigne les vestiges non déterminés (Brugal et al. 1994).

L’avantage principal du NRDt est d’être relativement facile à compter, ne nécessitant pas de nouveaux calculs lors de l’ajout de matériel (Cruz-Uribe et Klein 1986). Cette unité de décompte est néanmoins fortement critiquée (White 1953a ; Poplin 1976 ; Grayson 1979, 1984 ; Plug 1984 ; Cruz-Uribe et Klein 1986 ; Klein 1988 ; Lyman 1994a) notamment en raison du fait qu’elle peut être affectée par les techniques de boucherie (carcasse apportée entière ou non, fracturée intensément ou non), par le potentiel différentiel de détermination et le nombre d’os contenu dans le squelette des différentes espèces (QsP), par la conservation différentielle des espèces et des éléments, par la taille de l’échantillon ainsi que par les méthodes de collecte. De plus, cette unité de décompte ne permet pas d’aborder directement les questions de biomasses et de poids de viande. Certaines de ces difficultés peuvent être résolues grâce à des études taphonomiques détaillées des assemblages osseux, et par l’application de procédures statistiques qui garantissent la comparabilité des données.

Le plus grand inconvénient de cette unité est l’interdépendance potentielle des éléments décomptés, autrement dit que chaque élément déterminé soit indépendant des autres. Du fait que les méthodes statistiques utilisées pour analyser les échantillons (pourcentages, chi²…) supposent que chaque élément soit indépendant, l’application d’une méthode basée sur le décompte en NRDt est inappropriée (Grayson 1973, 1979, 1984).

Unités interprétatives

Le NMPS et le MAU sont plus spécifiquement désignées pour l’étude des représentations squelettiques.

Nombre Minimal de Parties Squelettiques (NMPS)

Le Nombre Minimal de Parties Squelettiques (équivalent au Nombre Minimal d’Elément utilisé par les Anglo-saxons) est le nombre minimal de chaque élément particulier d’un taxon quel que soit l’âge, le sexe et le côté (e.g., Watson 1979 ; Ringrose 1993 ; Brugal et al. 1994 ; Lyman 1994a). Cette unité est fondée sur le concept de zone diagnostique (landmark) qui permet de ne pas décompter deux fois le même os. Le calcul prend en compte les épiphyses et les diaphyses. Le calcul de l’abondance des éléments squelettiques à partir des épiphyses peut être biaisé en raison de leur conservation différentielle (carnivores…). Dans ce cas, seules les estimations calculées sur les fragments de la diaphyse reflètent précisément l’abondance d’origine des éléments (Marean et Spencer 1991 ; Marean et Frey 1997 ; Marean et al. 2004 ; Lam et al. 1998 ; Pickering et al. 2003).

Le nombre minimal est d’abord estimé séparément sur les éléments gauches et droits en essayant d’y adjoindre les éléments non latéralisés ; la somme donne le Nombre Minimal de Parties Squelettiques total pour chaque élément.

Deux remarques doivent être faites quant au calcul du NMPS de vestiges fauniques. Tout d’abord, le NMPS des mâchoires (inférieures et supérieures) prend en compte les dents isolées. Ensuite, les restes de métapode indéterminé sont inclus dans les NMPS des métacarpes et des métatarses.

Nombre minimal d’unités animales (MAU)

La seconde unité régulièrement utilisée est le MAU (minimum number of animal units) défini par L.-R. Binford (1978b). Cette unité consiste à diviser le nombre minimal de parties squelettiques (NMPS) de chaque élément anatomique par le nombre de fois que celui-ci se retrouve dans un squelette complet. L’avantage de cette unité de quantification est, pour les os pairs, d’intégrer les fragments non latéralisés (Fosse 1994).

Dans les analyses des représentations squelettiques, le NMPS sera préféré au MAU du fait que ce dernier ignore les variables de côté, de sexe et d’âge et qu’il peut masquer certaines données de distribution entre éléments droits et gauches qui ne sont pas dus à des biais de conservation ou d’échantillonnage (White 1953a ; Lyman 1994a).

Nombre minimal d’individus (NMI)

Le Nombre minimal d’individus (NMI) d’une espèce est le nombre minimal nécessaire pour rendre compte de l’ensemble des restes fauniques identifiés taxonomiquement dans un assemblage (White 1953a ; Ducos 1968 ; Chaplin 1971 ; Poplin 1976 ; Grayson 1979 ; Horton 1984 ; Cruz-Uribe et Klein 1986 ; Klein 1988 ; Fosse 1994 ; Lyman 1994a). Le NMI peut être de fréquence (NMIf), correspondant au nombre le plus élevé d’un élément anatomique latéralisé, ou de combinaison (NMIc), se basant alors sur l’utilisation de clés d’exclusion tels que l’âge, le sexe et la taille. Ce dernier calcul permet généralement d’augmenter le NMI.

Contrairement au NRDt, le NMI n’est pas affecté par le nombre de parties squelettiques qui constituent le squelette ; il n’exagère pas l’importance d’une espèce dont les carcasses ont été apportées entières sur le site ; il est moins sensible au degré de fragmentation des os (Cruz-Uribe et Klein 1986 ; Klein 1988) ; enfin, il n’est pas affecté par le problème d’interdépendance (Grayson 1979, 1984).

Toutefois, les inconvénients du NMI sont nombreux : il doit être recalculé lors de chaque apport de matériel ou d’agrégat d’assemblages fauniques (Grayson 1984 ; Ducos 1988) ; il surestime l’abondance des espèces rares et sous-estime celle des espèces bien représentées (Ducos 1968,1988) ; son utilisation entraîne une grande réduction de la taille de l’échantillon par rapport à celui du NRDt alors que les analyses statistiques nécessitent souvent des grands échantillons (Ducos 1968) ; enfin, il peut être affecté par les méthodes utilisées pour le calculer (Cruz-Uribe et Klein 1986 ; Klein 1988) ainsi que par la taille de l’échantillon (Poplin 1976 ; Grayson 1978). Le NMI est généralement plus fort dans les petits échantillons et plus faible dans les grands.

Comme aucune des mesures (NRDt, NMI) n’est plus juste ou plus pertinente que l’autre (Poplin 1976 ; Lyman 1994a), les deux seront calculées et comparées. En effet, l’association du NMI et du NRDt livre une information qui dépasse celle fournie par chacune d’elle, permettant notamment de

comprendre la manière dont s’est constitué l’échantillon (Plug 1984 ; Cruz-Uribe et Klein 1986 ; Ringrose 1993). Si les classements des différentes espèces animales, en terme d’abondance, donnés par les deux mesures sont identiques ou statistiquement équivalents, alors il peut être conclu que l’une ou l’autre des mesures fournit une estimation précise du rang d’abondance. Dans le cas d’une faible corrélation entre le rang en NMI et le rang en NISP, il est nécessaire de rechercher si des informations taphonomiques (taille de l’échantillon, fragmentation…) ou anthropique (« schlepp effect ») peuvent révéler quel rang est le plus pertinent pour refléter la composition taxonomique d’origine de l’assemblage (Ducos 1968 ; Castel et Grayson1977 ; Grayson 1984).

Poids de viande et d’abats (PVA)

En raison des différences de taille entre les espèces, certains taxons peuvent être représentés de façon égale (en NR ou NMI) mais avoir contribué de façon très différente à la diète des Hommes préhistoriques (Müller 2004). Afin de prendre en compte cette variable, le poids de viande et d’abats fourni par chaque taxon est calculé (Grayson 1984). Cette méthode, décrite par T.-E. White (1953a), est basée sur le NMI : le NMI du taxon est multiplié par le poids moyen d’un individu moderne vivant (live weight) du même taxon. Les estimations du PVA sont connues pour différentes espèces. Elles ont été déterminées par différents auteurs puis rassemblées par J.-D. Vigne (1996). Pour les espèces dont ce calcul n’est pas disponible (hydruntin, renne), seul le poids de viande est considéré (poids de viande par adulte environ 60% du poids total) (tableau 10). Dans les niveaux archéologiques où les restes de boviné n’ont pas pu être déterminés au niveau spécifique, le PVA pris en compte correspond au PVA moyen de l’aurochs et du bison, soit 400 kg.

Espéces animales Age (années) Sexe Poid sur pied (kg) PVA (kg) Références

Lepus sp. non spécifié non spécifié 5 2,5 Saint-Girons 1973, in : Vigne 1996

Oryctolagus cuniculus adulte non spécifié 1,3 0,6 Vigne 1996

1 à 3 non spécifié 300 150

2 à 5 non spécifié 450 225

adulte mâle 600 300

Equus hydruntinus adulte non spécifié 190 114* Patou-Mathis et Chabaï 2003

1 à 2 non spécifié 150 120 > 3 non spécifié 220 132 1 à 2 femelle 60 47,4 6 à 8 femelle 75 59,25 8 à 10 mâle 150 118,5 12 à 14 mâle 155 122,45

Capreolus capreolus adulte non spécifié 25 12 Boisaubert, Boutin 1988, in : Vigne 1996

Capra pyrenaica adulte non spécifié 50 25 Couturier 1962, in : Vigne 1996

Rupicapra rupicapra non spécifié non spécifié 20 10 Couturier 1938, in : Vigne 1996

Bos primigenius adulte non spécifié 1000 500 Guintard 1988, in : Vigne 1996

Bison priscus adulte non spécifié 512 307 Hainard et Perrot 1971

Rangifer tarandus adulte non spécifié 150 90 Delpech et Guérin 1996

Equus caballus Sus scrofa Cervus elaphus Vigne 1996 Vigne 1996 Vigne 1996

Tableau 10: Récapitulatif des estimations des poids de viande et d’abats (PVA) des différentes espèces animales (pour le cerf les chiffres donnés ne sont pas des poids sur pied mais des poids de carcasses vidées ; pour l’hydruntin, le bison et le renne, seuls les poids en viande sont considérés)

Les inconvénients de cette méthode sont d’une part qu’elle ne prend pas toujours en compte les variations dans la taille des individus et d’autre part qu’elle repose sur l’utilisation du NMI alors que les valeurs de ce dernier ne correspondent pas systématiquement à la présence d’un animal entier (Lyman 1979 ; Grayson 1979, 1984 ; Avery 1984b). De plus, l’hypothèse de T.-E. White (1953a) de la consommation complète de la carcasse peut résulter dans des estimations inexactes du poids de nourriture consommé. Il existe un écart entre la nourriture disponible (available meat) et la nourriture consommée (consumed meat) (Steward et Stahl 1977 ; Stahl 1982) qui peut varier au niveau interspécifique mais aussi intraspécifique (Lyman 1979). La distinction entre nourriture disponible et

nourriture consommée est nécessaire puisqu’elle peut témoigner de l’efficacité et de l’intensité de l’exploitation de la ressource.

Diversité

Les données écologiques (cf. partie I) indiquent que la plupart des organismes vivants peuvent être catégorisés soit en généraliste exploitant une large variété d’espèces dans des proportions relativement similaires, soit en spécialiste exploitant un grand nombre d’individus de quelques espèces particulières.

Les spectres fauniques peuvent être comparés sur la base de deux critères (Grayson 1984 ; Rhode 1988 ; Edwards 1989 ; McCartney et Glass 1990 ; Grayson et Delpech 1998, 2002 ; Stiner et Munro 2002 ; Jones 2004a) :

- la richesse taxonomique (richness) qui se réfère au nombre de taxons qui ont contribué à l’assemblage,

- la diversité taxonomique (evenness) qui se réfère à l’abondance relative de chacun des taxons dans un assemblage.

Ainsi un assemblage faunique peut être composé d’un grand nombre de taxons mais montrer une faible diversité si la grande majorité des individus appartient à un nombre limité de taxons.

La richesse taxonomique est mesurée par la formule : [(S-1)/logn N] où S se réfère au nombre d’espèces et N se réfère au NMI ou au NRDt (Margaleff 1958, in : Bridault 1997a ; Grayson 1984 ; Cruz-Uribe 1988).

Plusieurs mesures de la diversité taxonomique existent dont les plus communes sont l’indice de diversité de Shannon (Grayson 1984 ; Cruz-Uribe 1988) et l’inverse de l’indice de Simpson(Grayson 1984 ; Bridault 1997a ; Grayson et Delpech 2002 ; Stiner et Munro 2002 ; Jones 2004a). Bien que R.-L. Bettinger (1980) considère que les différences obtenues par ces deux indices sont faibles, l’indice de Simpson semble être une mesure plus appropriée pour les études archéologiques que l’indice de Shannon du fait que ce dernier suppose d’une part, l’existence d’un échantillon aléatoire d’une population infiniment grande et d’autre part que toutes les espèces de la population sont représentées dans l’échantillon (Zohar et Belmaker 2005). L’inverse de l’indice de Simpson sera donc utilisé dans ce travail. Il est calculé par la formule : 1/∑ ((n i (n i-1)/ (N (N-1)) ou 1/∑pi2 with pi = n i/N où n i se

réfère au nombre de restes ou au NMI de l’espèce, et N au NRDt ou au NMI total. Plus les valeurs sont basses, plus l’assemblage est dominé par un seul taxon, et plus les valeurs sont hautes, plus les espèces sont distribuées de façon égale.

Pour mesurer la fréquence relative (n i) et le nombre total (N), le NRDt sera utilisé (Grayson 1984 ; Munro 2004) en raison de la taille réduite de plusieurs assemblages fauniques étudiés, les indices étant moins performants en deçà de 25 individus (Cruz-Uribe 1988).

Sachant que la diversité taxonomique peut varier en fonction du taux de rencontre des proies de plus haut rang (Jones 2004a), il est également intéressant de mesurer l’indice d’abondance relative des proies (relative abundance indices), calculé sous la forme : ∑ NISP large taxon / (∑ NISP large taxon

+ ∑ NISP small taxon). Cette indice pourra fluctuer dans le temps, diminuant (devenant

rapport aux proies de faible rang et augmentant (devenant progressivement plus proche de 1) lorsque les proies de haut rang deviennent plus disponibles par rapport aux proies de faible rang.

Certains facteurs peuvent faire varier les indices de diversité sans pour autant refléter des changements dans la largeur de la diète générale, tels que :

- la taille de l’échantillon (nombre d’éléments déterminés) : en général, plus la taille de l’échantillon augmente, plus la probabilité que des taxons rares soient inclus dans l’assemblage augmente (Grayson 1981, 1984 ; Edwards 1989 ; Byrd 1997 ; Baxter 2001 ; Hiscock 2001). Toutefois même les grands échantillons contenant des milliers de restes peuvent ne pas livrer la totalité des taxons présents à l’origine dans l’assemblage. Il n’existe pas de taille absolue d’échantillon qui assure la récupération de toutes les catégories de vestiges (Grayson 1984 ; Meltzer et al. 1992), contrairement à ce que K. Cruz-Uribe (1988) avait tenté de démontrer. Il est supposé que la limite à laquelle un échantillon devient « suffisamment grand » pour inclure toutes les espèces animales est dépendant des caractéristiques de la population d’origine, qui elles-mêmes varient selon les circonstances (Meltzer et

al. 1992). Il est ainsi nécessaire d’estimer la corrélation entre la diversité et la taille de l’échantillon

avant de comparer la diversité de différents assemblages (Grayson 1981 ; Rhode 1988 ; McCartney et Glass 1990 ; Stiner 1992 ; Meltzer et al. 1992 ; Leonard 1997 ; Bridault 1997a ; Cannon 2001). Pour évaluer la force d’une telle relation, les méthodes les plus fréquemment utilisées sont les tests statistiques (paramétriques et non-paramétriques) tels que les coefficients de corrélation de Spearman et de Pearson (Grayson 1981). Bien que les statistiques non paramétriques (Pearson) soient les plus appropriées, les résultats obtenus par les deux coefficients sont quasiment similaires (Meltzer et al. 1992).

Il est généralement admis que les variations d’effectifs dans les échantillons sont principalement le résultat de biais taphonomiques ou de collecte. Cependant, la relation diversité/taille de l’échantillon est plus complexe (Grayson 1981, 1984 ; Lupo et Schmitt 2005 ; Edwards 1989 ; Plog et Hegmon 1993, 1997 ; Jones 2004a). La variation dans le comportement des Hommes préhistoriques peut entraîner des changements dans la taille de l’assemblage et sa composition (ex. un camp de base livre une plus large gamme de vestiges qu’un site spécialisé). Autrement dit, une forte corrélation entre la taille de l’échantillon et la diversité n’est pas à elle seule une preuve suffisante pour rejeter les facteurs