• Aucun résultat trouvé

Ethologie des principales espèces

2. Modifications engendrées par les processus taphonomiques

2.2. Phénomènes post-enfouissements

2.2.1. Compaction sédimentaire

La nature du sédiment dans lequel sont enfouis les ossements joue un rôle important dans l’absence ou la présence de compaction. Les sédiments riches en eau (tourbe, argile) sont particulièrement propices à un tel phénomène.

L’action du poids des sédiments est un phénomène physique et mécanique qui agit en écrasant les os. La capacité des os à résister à de telles pressions dépend de leurs caractéristiques structurales ainsi que de leurs formes (Brain 1981 ; Yellen 1991b ; Auguste 1994b) : les épiphyses résistent mieux à la compaction que les diaphyses et les os de forme sphérique sont moins susceptibles d’être fragmentés que les os plats ou cylindriques. Des contraintes trop importantes entraînent une fragmentation des os suivant leurs lignes de faiblesse naturelles (reliefs saillants, parties spongieuses). Les fissures sont irrégulières et transverses par rapport à l’axe de l’os. Le stade ultime de la compaction réduit l’os d’origine en fragments de petite dimension.

2.2.2. Piétinement

Le piétinement par les humains ou les animaux peut entraîner des changements d’ordre spatial (mouvements horizontaux et verticaux) et physique (fracturation et modification de la surface) des os présents dans un gisement.

Déplacement de matériel

Le piétinement entraîne une dispersion des vestiges verticalement et/ou horizontalement. Les mouvements verticaux ont généralement lieu de haut en bas du fait que la pression des pieds pousse les objets dans le sol (Courtin et Villa 1982 ; Olsen et Shipman 1988). L’importance de ces déplacements dépend de plusieurs variables dont l’intensité du piétinement ainsi que la nature et l’épaisseur du sédiment. Les déplacements verticaux peuvent générer un mélange de deux niveaux distincts à l’origine sans qu’il y ait nécessairement des traces visibles de perturbations (Lenoble et Bordes 2001), ainsi qu’un biais dans la représentation squelettique (Yellen 1991b), en sous-estimant le nombre de petits éléments récupérés, ces derniers étant plus susceptibles d’être enfouis dans le sol. Les mouvements horizontaux des vestiges ont généralement lieu avant leur enfouissement (Courtin et Villa 1982 ; Olsen et Shipman 1988 ; Lenoble et Bordes 2001). Les os ayant une disposition initiale préférentielle peuvent être rapidement réorientés en une distribution aléatoire par le piétinement (Fiorillo 1989).

Modifications des surfaces osseuses

Le piétinement peut fragmenter le matériel osseux (Andrews et Cook 1985 ; Thiébaul et al. sous presse) (Fiorillo 1989), principalement les os déjà altérés (structurellement affaiblis) (Myers et al. 1980).

Le piétinement peut produire sur les ossements des stries dont la morphologie macroscopique est similaire aux stries de boucherie (Behrensmeyer et al. 1986 ; Fiorillo 1989). Cependant, au niveau microscopique, ces stries tendent à être plus courtes, moins profondes, à avoir une section en U (Cook 1986 ; Haynes 1988), des sections en V sont quelquefois observées (Fiorillo 1989), et elles ne montrent pas de lignes parallèles dans leurs sillons principaux (Olsen et Shipman 1988).

En comparaison aux stries de raclage anthropique, avec lesquelles elles peuvent être parfois confondues, les stries dues au piétinement sont plus courtes (< 3 mm) et ne sont pas localisées dans des aires anatomiquement particulières (Olsen et Shipman 1988).

Le piétinement peut altérer de façon importante les caractéristiques des stries anthropiques préexistantes, les rendant quasiment indistinctes des nouvelles marques engendrées par le piétinement (Behrensmeyer et al. 1986).

Les caractéristiques microscopiques (morphologie et profondeur) des stries fournissent une preuve insuffisante pour leur caractérisation (strie de découpe ou de piétinement). La distinction doit reposer sur l’étude de critères complémentaires (Behrensmeyer et al. 1986 ; Olsen et Shipman 1988) tels que :

Bien que la relation entre la taille du sédiment et l’incidence ou la nature des stries n’ait pas été clairement établie, le pourcentage d’os portant des stries est probablement lié à l’intensité du piétinement ainsi qu’à la taille des grains du sédiment (Fiorillo 1989).

La fréquence d’os modifié dans l’assemblage

Contrairement aux stries de boucherie, l’incidence des marques de piétinement est très forte sur les os (env. 70%) (Shipman 1988). Cela est dû en partie au fait que l’action du piétinement concerne les différents éléments squelettiques sans distinction alors que les stries de boucherie sont localisées sur des éléments particuliers et sur des zones particulières de ces éléments.

Le nombre de marques par os

Dans le cas du piétinement, le nombre de stries sur la surface d’un os est généralement si élevé qu’il est souvent impossible de les compter individuellement. En revanche, en cas d’activités de boucherie il n’y a généralement que quelques stries.

La localisation sur l’os

Les stries de piétinement affectent préférentiellement les surfaces planes, arrondies et/ou convexes telles que les diaphyses des os longsalors que les stries de découpe anthropique peuvent être localisées dans les zones concaves (Andrews et Cook 1985 ; Behrensmeyer et al. 1986 ; Shipman 1988).

L’orientation des stries :

Comme la localisation, l’orientation des stries anthropiques est liée à la tâche particulière qui est conduite. Les os piétinés montrent préférentiellement des stries désordonnées avec une variation considérable dans leur direction (Behrensmeyer et al. 1986).

En conclusion, l’abondance, la localisation aléatoire et le manque de profondeur des stries de piétinement représentent les traits diagnostiques les plus fiables (Olsen et Shipman 1988).

L’étude de l’action et de l’importance du piétinement portera uniquement sur les marques créées par ce phénomène puisque la fragmentation éventuelle qui peut résulter de ce processus ne peut être distinguée de celle issue d’autres phénomènes tels que la compaction du sédiment.

2.2.3. Ruissellement

Le ruissellement est un agent d’érosion, de transport et de sédimentation (Lenoble 2005). Son action dépend principalement de la nature des écoulements.

Déplacements de matériel

Le ruissellement entraîne une dispersion verticale et horizontale des vestiges (Lenoble et Bordes 2001 ; Issac 1967). Les os ont un potentiel de transport hydraulique différent les uns des autres qui dépend de leurs caractéristiques intrinsèques (taille, forme, degré de fracturation, densité, état de fraîcheur) et de leur stade d’enfouissement (Boaz et Behrensmeyer 1976 ; Schick 1987 ; Petraglia et Nash 1987 ; Coard 1999 ; Coard et Dennell 1995). Les os secs et articulés montrent le plus grand potentiel de transport, à l’inverse des os frais et désarticulés. Le matériel osseux de petite taille est particulièrement vulnérable au tri fluviatile et à la disparition et le taux moyen de déplacement est

corrélé avec la densité des éléments squelettiques. L’enfouissement permet de protéger ou au moins de retarder le processus de transport.

Les processus hydrologiques peuvent ainsi engendrer des changements dans certaines des caractéristiques majeures du site (Schick 1987 ; Petraglia et Nash 1987), notamment dans la composition des vestiges par la perte de certaines catégories, dans la distribution spatiale de ces vestiges, dans l’ajout de vestiges initialement non présents dans l’assemblage et par le mélange de vestiges issus de différentescouches.

Modifications des surfaces osseuses

Le ruissellement crée principalement deux types d’altération, l’abrasion et la fragmentation (Isaac 1967 ; Shipman et Rose 1988 ; Brugal 1994). Ces deux altérations sont inter-liées, l’une facilitant l’action de l’autre ; les surfaces osseuses cassées étant abrasées beaucoup plus rapidement que les surfaces intactes. Cependant les données expérimentales (Behrensmeyer et al. 1989) montrent que le transport fluviatile n’est pas une cause importante de fracturation à moins que les os soient structurellement déjà affaiblis (ex. weathering).

L’abrasion des surfaces osseuses peut être chimique et/ou mécanique (Brugal 1994). Les processus chimiques peuvent se traduire par la coloration des os (os noirs chargés de manganèse), par la dissolution du périoste (pitting) ainsi que par leur fossilisation, voire leur disparition. Le dépôt d’oxyde de manganèse est corrélé avec la densité osseuse mais surtout avec la dureté de l’os et sa teneur organique (Stephan 1997).

L’abrasion mécanique provient de l’impact des particules sédimentaires abrasives sur le matériel (Shipman et Rose 1983 ; Brugal 1994). Elle peut correspondre à une abrasion in situ (sans mouvement de l’os) ou bien s’effectuer lors du transport de l’os si le courant est suffisamment fort. Cette abrasion se traduit par un léger poli et plus rarement par des éraflures ou des sillons allongés. Aucun de ces sillons ne ressemblent aux stries de boucherie au niveau microscopique. Ils sont en effet peu profonds et ne présentent pas de fines striations (Bunn 1981 ; Potts et Shipman 1981 ; Shipman et Rose 1988). L’importance de l’abrasion varie selon le type de sédiment (grossier/fin) et le type d’os impliqué (frais, sec, altéré par le weathering ou fossilisé) (Fernández-Jalvo et Andrews 2003) ; les graviers étant les sédiments les plus abrasifs et l’action de l’abrasion étant plus forte sur les os minéralisés.

Le temps nécessaire au développement de l’abrasion au niveau macroscopique des os est relativement long. Cependant, les changements microscopiques ont lieu assez rapidement : les stries de boucherie présentes sur les os perdent leurs caractéristiques diagnostiques microscopiques (fines striations) après cinq heures d’abrasion (Shipman et Rose 1983, 1988).

2.2.4. Végétaux

En adhérant aux os et aux dents pour puiser le calcium dont ils ont besoin, les végétaux créent des vermiculations sur les surfaces osseuses. Ces vermiculations sont des sillons irréguliers et sinueux d’aspect dendritique avec une section en U, facilement reconnaissables à l’œil nu (Bunn 1981 ; Cook 1986 ; Lyman 1994b). Elles entraînent une transformation de la surface corticale des os, rendant d’une

part les vestiges plus sensibles et moins résistants, et d’autre part rendant difficile la lecture des stries de boucherie.

2.2.5. pH du sédiment

Les propriétés du sol environnant sont déterminantes pour la préservation osseuse. Les valeurs du pH et les concentrations de carbonate de calcium ont l’influence la plus forte (Stephan 1997). Il existe une corrélation significative entre les détériorations osseuses, en terme d’altération et donc de conservation, et l’acidité du sol (pH). D’une manière générale les sols ayant un pH neutre ou légèrement alcalin permettent une bonne conservation des os, à l’inverse des sols acides. Les os de juvéniles sont plus sensibles à ce phénomène que les os des individus adultes ; ils peuvent totalement disparaître dans des sédiments à pH faible, créant un biais taphonomique en fonction de l’âge des individus (Gordon et Buikstra 1981).

2.2.6. Bioturbation

Un grand nombre d’agents biologiques peut déplacer les os enfouis dans le sédiment. La création de terriers par les vertébrés tels que les lapins et les blaireaux peut engendrer de sérieuses perturbations à l’intérieur des niveaux archéologiques (Cochard 2004c ; Mallye 2007). Cependant d’une façon générale, les différences dans la texture et la couleur du sédiment permettent de les reconnaître assez facilement lors de la fouille.

D’autres formes moins visibles de bioturbation sont dues aux activités de certains groupes d’invertébrés tels que les lombrics qui bouleversent les niveaux supérieurs des sols (Stein 1983 ; Armour-Chelu et Andrews 1994). Les vers de terre sont présents dans la plupart des terrains où le pH du sol est supérieur à quatre et où les températures annuelles s’échelonnent entre 0 et 35 °C. Ils déplacent les os de petits mammifères sur des distances considérables, verticalement et horizontalement. La distribution verticale des os est corrélée à la taille des éléments ; les os de petite taille étant déplacés sur de plus grandes distances que les plus grands. Ces ossements peuvent aussi être cassés et abrasés. Ainsi l’action des lombrics, en entraînant la perte de certains éléments squelettiques et le mélange de vestiges provenant de différente niveaux archéologiques, affecte l’intégrité stratigraphique des vestiges, en particulier ceux de petite taille, découverts dans les paléosols.

2.2.7. Méthodes de fouille Tamisage

Le choix de la taille du tamis a un impact considérable sur la nature du matériel osseux retrouvé, en terme d’abondance relative des taxons de différentes tailles et de leur représentation squelettique (Thomas 1969 ; Casteel 1972 ; Avery 1984b ; Grayson 1984 ; Yellen 1991b ; Shaffer 1992 ; Gordon

E.-A. 1993 ; Cannon 1999). Plus la maille du tamis est grande, plus le risque de ne pas prélever les taxons de petite taille (rongeurs, lagomorphes, poissons) ainsi que les éléments de petite dimension d’animaux de plus grande taille (carpe, tarse, phalange, sésamoïde) augmente, créant un biais en faveur des grandes espèces, et des déséquilibres dans leur représentation squelettique.

Bien que chaque site archéologique soit unique, et que la méthode de tamisage choisie doive considérer les caractéristiques spécifiques du site, il apparaît que l’utilisation des tamis de petite maille (1 ou 3 mm) permet d’augmenter significativement le nombre et le type de vestiges fauniques récupérés lors de la fouille (Clason et Prummel 1977 ; Gordon E.-A. 1993 ; Shaffer et Sanchez 1994 ; James 1997 ; Zohar et Belmaker 2005). Cependant, la découverte des taxons de petite taille ne permet pas systématiquement d’avoir une image plus juste de la diversité de la diète du fait que ces taxons n’ont pas tous été consommés par les Hommes (Dye 1994).

Taille de l’échantillon

Les collections d’ossements provenant de fouilles archéologiques ne sont que des échantillons de l’assemblage d’origine (Poplin 1976 ; Leroi-Gourhan An. 1953 ; Gautier 1984 ; Grayson 1984). La taille de l’échantillon peut fortement influencer l’estimation de l’abondance taxonomique. Au-delà de ce problème de diversité taxonomique déjà envisagé, les petits échantillons peuvent résulter dans une compréhension incomplète voire fausse du gisement considéré (O’Neil 1993).

La distinction entre petits sites (« pauvres ») et grands sites (« riches ») est essentiellement basée sur une valeur quantitative (Brugal 2006) ; les petits sites livrant des ensembles archéologiques peu abondants en nombre de vestiges et peu diversifiés, et les grands sites livrant des ensembles très abondants et diversifiés. Cependant, les petits sites peuvent apporter des renseignements plus détaillés du fait qu’ils correspondent souvent à des durées et à des intensités d’occupations limitées. Les analyses de différents types d’assemblages observés chez les Hadza (Nord de la Tanzanie) (Lupo 2001) suggère que les décisions de transport/abandon des différents éléments squelettiques sont plus précisément reflétées par les sites correspondant à un événement de chasse unique. Les assemblages osseux de plus grande taille représentant des mélanges de nombreux événements de boucherie reflètent pauvrement les modèles de transport/abandon observés. Il apparaît nécessaire d’introduire une distinction entre petit site et petite collection, les deux se caractérisant par un matériel archéologique quantitativement pauvre. Cette faiblesse numérique résulte dans les « petits » sites des modalités de gestion du territoire et de l’exploitation du milieu par les Hommes (durée d’occupation très courte, groupe humain numériquement restreint) alors que dans les petites collections, elle résulte des biais taphonomiques ou méthodologiques (sondage). Cette distinction est essentielle car les possibilités d’interprétation en terme de comportement humain sont totalement différentes.

L’analyse

La détermination différentielle des vestiges osseux peut biaiser les analyses (Poplin 1976 ; Lyman et O’Brien 1987 ; Lyman 1994b ; Fontana 1998b). Bien que l’aptitude à la détermination de l’analyste puisse influencer les mesures, notamment le NRDt, la principale cause de détermination différentielle est l’état de fragmentation des vestiges. Il existe une relation significative entre la taille des fragments osseux et leur détermination taxonomique, les fragments identifiés étant plus grands que les fragments indéterminés. A partir d’une certaine dimension, variant d’un taxon à l’autre et d’un élément

squelettique à un autre, la détermination taxonomique devient impossible. Cela entraîne l’absence analytique de ces éléments qui étaient présents sur le site et récupérés lors de la fouille.