• Aucun résultat trouvé

Climat et environnement de la basse vallée du Rhône et ses marges 1. Climat et végétation méditerranéennes actuels

La localisation du Languedoc oriental et de la Provence à proximité de la Méditerranée, leur confère un climat distinct de celui présent dans les autres régions de France. La mer Méditerranée influence ces marges continentales et joue un rôle de régulateur thermique aussi bien en périodes chaudes qu’au cours des glaciations en réduisant les écarts thermiques saisonniers (Bonifay E. 1983).

Le climat méditerranéen est caractérisé par un ensoleillement intense, la prédominance des vents violents de secteur nord et des précipitations abondantes mais courtes et brutales, à régime nettement saisonnier (étés chaud et secs et hivers doux à précipitations irrégulières) bien que cela n’exclut pas l’existence de micro-climats (Brochier 1978 ; Vernet 1997, Jalut et al. 2005). Le climat méditerranéen est un climat de transition entre les régions européennes de climats océanique et continental, et les régions d’Afrique de climat tropical sec. Globalement, le climat méditerranéen est caractérisé par :

- des flux d’air du sud-ouest qui provoquent la remontée d’air tropical humide, air qui au contact des masses anticycloniques froides se condense en précipitations violentes,

- un flux de sud-est généralement sec constitué d’air provenant du Sahara, - un flux d’air très froid entraîné par les dépressions centrées sur l’Islande, - un flux polaire continental d’air très froid entraîné par le front mobile polaire.

Ce climat est associé à une flore et à des paysages typiques caractérisés par des formations végétales riches en ligneux, buissons, arbustes et arbres formant de vastes étendues d’aspect toujours vert. La végétation méditerranéenne se subdivise en quatre étages altitudinaux (Vernet 1997) :

• Etage mésoméditerraéen (0 - 400 m)

C’est l’étage le plus répandu dans les régions méditerranéennes françaises où il s’étend du niveau de la mer jusque vers 400 m d’altitude. Il est le plus souvent caractérisé par des climats subhumides à humides avec des précipitations allant de 600 à 950 mm/an et des étés généralement secs. On peut distinguer deux sous-étages, un sous-étage inférieur composé de formations xérophiles sempervirentes (pin d’Alep, pin pignon, lentisque, chêne vert), et un sous-étage supérieur matérialisé par des formations mixtes de chênes verts et de chênes pubescents. Cet étage est celui de la culture de l’olivier, arbre qui a souvent servi de limite thermique à la « méditerranéité ». C’est aussi celui des formations de dégradation caractéristiques dont la principale est la garrigue de chêne kermès sur les sols calcaires et le maquis de bruyères sur les sols acides. Dans les stades ultimes de la dégradation, les formations à cistes puis les pelouses rases à faible couvert végétal prospèrent.

• Etage supraméditerranéen (400 - 800 m)

C’est l’étage des chênes blancs ou chênes pubescents (chênes caducifoliés) avec au niveau inférieur des populations de chênes verts souvent appauvries par rapport au cortège floristique mésoméditerranéen (absence du chêne kermès remplacé par le buis). Le sous-étage supérieur est constitué de forêts de chênes pubescents au cortège floristique très riche. Les formations basses ou de dégradation sont le plus souvent des landes à buis ou des pelouses appartenant à des associations diverses toujours riches en espèces méditerranéennes de toutes sortes et de nombreuses orchidées. Cet étage est soumis à des précipitations abondantes supérieures à 1 000 mm/an.

• Etage montagnard (800 -1500 m)

Cet étage succède, à partir de 800 m environ, à l’étage supraméditerranéen avec lequel il est en continuité notamment pour les peuplements de hêtres qui s’enrichissent alors d’espèces à bulbes ou à rhizomes. Cet étage est surtout constitué de peuplements de hêtres lorsque les conditions de climats humides prédominent. Le sapin y est généralement rare. Lorsque les conditions climatiques offrent des climats relativement moins arrosés, le pin sylvestre prospère. Les formations de dégradation de l’étage montagnard sont les prairies.

• Etage subalpin (1 500 – 2 000 m)

Cet étage débute vers 1 500-1 600 m d’altitude dans les Alpes et Pyrénées méridionales. Il est marqué par les boisements clairs de pins à crochets ou par des formations plus sombres constituées de forêts d’épicéas.

• Etage alpin (2 000 – 2 500 m)

Au-dessus de 2 000 m d’altitude, les basses températures, les vents et les faibles précipitations ne permettent plus le développement des forêts. Seules de riches séries d’herbacées prospèrent. C’est l’étage où la saison de végétation est la plus courte, seulement quelques semaines en juillet/août. Au-delà de 2 500 m, se développe l’étage nival dont toute végétation est absente à l’exception de groupements de lichens.

2.2. Paléoenvironnement

Trois zones géographiques peuvent être distinguées : le Languedoc oriental, la Provence occidentale (Nord et Sud) et la Provence orientale (Livache et Brochier 2003). Nous nous intéresserons dans ce travail tout particulièrement au Languedoc oriental et au Vaucluse dont sont issues les collections fauniques étudiées (partie III). L’ensemble des gisements cités dans le texte concernant la basse vallée du Rhône et ses marges, ainsi que quelques sites de références de Provence orientale et du Roussillon, est présenté dans la figure 6. Ces différents gisements ont livré des niveaux archéologiques s’étendant du Solutréen au Mésolithique, permettant la reconstitution des conditions environnementales présentées ci-dessous. Les caractéristiques de ces sites sont variées ; certains possèdent des stratigraphies longues (Salpêtrière), d’autres plusieurs niveaux d’une même culture (Saut-du-Loup, trois niveaux aziliens), ou un seul niveau (Le Plaisir, Mésolithique). Enfin, ces gisements n’ont pas tous livré d’assemblages fauniques (ex. Cadenet, La Rouvière).

Le Languedoc oriental (Combier 1967 ; Bazile-Robert et al. 1985 ; Bazile 1999 ; Bazile et Monnet-Bazile 2000) couvre approximativement la superficie territoriale des départements actuels du Gard, la partie orientale de l’Hérault et les marges méridionales de l’Ardèche. Il est limité à l’Ouest par l’Orb, au Nord-Ouest par la bordure méridionale du Massif central, à l’Est par le Rhône et au Sud par la Méditerranée. Il s’agit d’une région à forte unité biogéographique composée de la plaine côtière, des vastes plateaux des garrigues et d’une partie de la basse vallée du Rhône.

La Provence nord occidentale (Livache 1976a, 1976b ; Brochier 2005 ; Livache et Brochier 2003) couvre principalement les départements du Vaucluse et des Alpes-de-Haute-Provence. Le Vaucluse s’étend à l’Est du Rhône et au Nord de la Durance

A : Languedoc oriental ; B : Provence nord occidentale ; C : Provence sud occidentale ; D : Provence orientale

LANGUEDOC : 1 : Grotte de Granouly, 2 :Vessignée, 3 : Saut-du-Loup, 4 : Grotte Chabot, 5 : Grotte du Figuier, 6 : Baume d’Oullins, 7 : Le Colombier, 8 : Grotte d’Ebbou, 9 : La Rouvière, 10 : Abri des Pêcheurs, 11 : Grotte 47, 12 : Combe-Obscure, 13 : Pécoulette, 14 : Grotte des deux Avens, 15 : Colombier II, 16 : Grotte

de Chazelles, 17 : Montclus, 18 : Cadenet, 19 : Grange des Merveilles, 20 : Fontgrasse, 21 : Valorgues, 22 :

Camparnaud, 23 : La Salpêtrière, 24 : Mas de Mayan, 25 : Piles Loins, 26 : Le Plaisir, 27 : Grotte du Salpêtre, 28 : Laroque II, 29 : Bois des Brousses, 30 : Fontaine du Pila, 31 : Grotte de Bize, 32 : La rivière, 33 : Lassac PROVENCE : 34 : Eden-Roc, 35 : Charasse, 36 : Gramari, 37 : Edward, 38 : Les Sablons, 39 : Unang, 40 :

Chinchon 1, 41 : Chinchon 2, 42 : Roquefure, 43 : Bois sauvage, 44 : La Combette, 45 : La Font Pourquière,

46 : Combe-Buisson, 47 : La Montagne, 48 : Fanfarline, 49 : Pey de Durance, 50 : L’Adaouste, 51 : Soubeyras, 52 : Cornille, 53 : Mourre-Poussiou, 54 : Abri Capeau, 55 : Abri des Bœufs, 56 : Carry-le-Rouet, 57 : Châteaunneuf-les-Martigues, 58 : La Montade, 59 : Saint-Marcel, 60 : Marcouline, 61 : Station du Sansonnet,

62 : Abri Gauthier, 63 : Vauloubeau, 64 : Les Agnels, 65 : Rainaude, 66 : La Bouverie Figure 6 : Localisation des gisements mentionnés dans le texte (en gras : gisements étudiés)

2.2.1. Languedoc oriental

Le contexte paléoenvironnemental du Languedoc oriental est reconstruit à partir des analyses anthracologiques (Bazile-Robert 1981b, 1983), sédimentologiques (Miskovsky 1974 ; Brochier 1978 ; Debard et al. 1986) et fauniques (Chaline 1981 ; Brugal 1981 ; Vilette 1983) issues de plusieurs

gisements du Gard (Salpêtrière, Valorgues), de l’Hérault (Bois des Brousses, Laroque II) et d’Ardèche (Baume d’Oullins, Chabot, Colombier).

La corrélation entre les domaines continental et marin souffre de l’absence d’une bonne séquence de référence au large des côtes françaises de la Méditerranée. Seules les carottes de la Mer Tyrrhénienne dont la carotte Ket 8022 (Paterne et al. 1984/1985, 1986, In Bazile 1999) permettent des corrélations précises basées sur des événements isotopiques datés.

L’évolution du contexte climatique et environnemental en Languedoc oriental est connue dans les grandes lignes mais la chronologie de certaines phases manque de dates précises. C’est pourquoi, il se base principalement sur des dates non calibrées.

Période 23 - 21 ka BP

D’une façon générale il s’agit d’une période froide et sèche. La faune du niveau 30A de la Salpêtrière confirme le caractère rigoureux du climat avec la domination du couple renne/cheval (Brugal 1981), la présence du Lemming à collier (Chaline 1981)ainsi que l’apparition d’oiseaux de la forêt boréale (Vilette 1983). La flore (Bazile-Robert 1981b, 1983) témoigne aussi de paysage ouvert avec une végétation microtherme héliophile, caractérisée par l’association pin sylvestre/bouleau/argousier. Les chênes à feuillage caduc (Quercus), le pin de Salzmann (Pinus nigra ssp. salzmannii) et le buis (Buxus sempervirens) sont rares. Cette végétation suggère un climat de type continental à humidité estivale.

Cependant dans ce contexte climatique généralement froid et sec, deux épisodes, principalement humides, enregistrés dans les sédiments (altération) pourraient témoigner d’une amélioration relative des conditions climatiques, sans trouver cependant confirmation dans la paléontologie et l’anthracoanalyse (Debard 1988 ; Bazile et Guillerault 1981a, 1981b ; Bazile et al. 1986) : une première phase humide est enregistrée vers 23 ka BP à la Baume d’Oullins et à la Salpêtrière et une deuxième phase est sensible vers 22 ka BP dans les deux même gisements.

Période 20 - 18 ka BP

A la Baume d’Oullins, la couche d (20 290 ± 350 ans BP, MC 2358 ; 24 210 ± 468 ans cal. BP) s’individualise du reste du remplissage par l’importance des phénomènes d’humidité (concrétions, solifluxions limitées) dans un contexte cependant généralement froid (Debard 1988; Miskovsky 1974). L’analyse anthracologique (Bazile-Robert 1983) témoigne d’une végétation plus fournie et nettement différente des niveaux précédents. Le cortège floristique montre à côté du pin sylvestre dominant, de nombreux taxons avec des chênes à feuillage caduc ainsi que des espèces habituellement associées au chêne pubescent telles que le cerisier (Prunus mahaleb), l’érable (Acer monspessulanum,

A. campestre), le filaire à feuilles larges (Phyllyrea cf. latifolia) et le buis (Buxus sempervirens). Cette

végétation forestière correspond à un climat de type méditerranéen-montagnard à tendance continentale.

Cet épisode humide et relativement tempéré, dont la durée n’excède pas un millénaire, occupe la position chronologique traditionnelle de l’oscillation de Laugerie. L’absence de taxons méditerranéens et le fait que cet épisode ne s’individualise pas dans l’analyse isotopique (Ket 8022) tend à minimiser le rôle de cet épisode en tant que coupure climatique majeure et à replacer cette oscillation au rang

d’un simple épisode climatique plus humide sans amélioration thermique (Bazile 1997, 1999 ; Bazile et Guillerault 1981a ; Bazile et al. 1986 ; Debard et al. 1996).

Le maximum de froid du Pléniglaciaire est atteint entre 19,1 et 18 ka BP (Salpêtrière) en parfait accord avec les données isotopiques et le maximum de la régression würmienne (Miskovsky 1974 ; Bazile E. et Bazile F. 1978 ; Bazile et Guillerault 1981a, 1981b ; Bazile et Monnet-Bazile 2000 ; Bazile et al. 1986 ; Bazile 1997, 1999). L’éloignement du volant thermique méditerranéen a certainement contribué en grande partie à accroître la continentalité du climat. La couche 6 de la Salpêtrière livre à nouveau une flore dominée par le pin sylvestre, le bouleau et l’argousier (Bazile-Robert 1981b, 1983). Les taxons méditerranéens et subméditerranéens sont particulièrement rares, voire absents. La végétation appartient à un climat de type continental. La nature du sédiment fait apparaître un cryoclastisme peu marqué et des actions éoliennes fortes, en faveur également d’un climat sec et froid.

Période 18 - 10 ka BP

Postérieurement à 18 ka BP, un lent réchauffement s’amorce avec une amélioration générale du climat et le balancement d’un climat continental à humidité estivale jusqu’alors prédominant vers un climat à tendance plus méditerranéen à humidité hivernale (Bazile 1997, 1999).

Le bouleau (favorisé par une humidité estivale) et l’argousier amorcent un déclin observé dans la couche 5 de la grotte de la Salpêtrière (17 960 ± 600 ans BP, MC 2167 ; 21 497 ± 791 ans cal. BP) bien que le pin sylvestre reste l’élément dominant de la végétation (Bazile E. et Bazile F. 1978). Parallèlement, les sédiments se caractérisent par une augmentation du cryoclastisme et une diminution de l’action du vent impliquant une augmentation globale de l’humidité en saison froide (Bazile 1997, 1999 ; Bazile et Guillerault 1981a, 1981b ; Bazile-Robert 1979, 1981b). La faune de grands mammifères de ce niveau (Brugal 1981) confirme cette tendance générale à l’humidification avec une diminution des équidés et du bouquetin et une augmentation des cervidés principalement du renne. Ainsi différentes données floristiques, sédimentologiques et faunistiques tendent à situer une coupure chronologique majeure aux environs de 18 ka ans BP qui marquerait le début du Tardiglaciaire en Languedoc rhodanien.

Le Tardiglaciaire apparaît comme une période généralement froide, de plus en plus humide, avec un maximum d’humidité atteint vers 12,5 ka BP. Les informations sont cependant encore limitées pour la période 17 - 15 ka BP en raison d’une lacune d’érosion dans la plupart des gisements languedociens (Salpêtrière, Oullins). Cependant, l’étude sédimentologique du site de plein air de Fontgrasse (Gard) (16 - 15 ka BP) laisse envisager une action éolienne encore importante pour le début du Tardiglaciaire et l’existence d’une phase loessique plus récente (Bazile 1999).

La recrudescence des flores méditerranéennes (chêne vert) dans le niveau 1A du Bois des Brousses daté de 15 800 ± 300 ans BP (MC 2247 ; 19 033 ± 324 ans cal. BP) (Bazile-Robert 1980, 1981b, 1983 ; Bazile et Monnet-Bazile 2000 ; Bazile et al. 1986 ; Bazile 1997, 1999) est difficile à corréler avec l’oscillation dite de Lascaux ou celle du Pré-Bölling de la zonation pollinique archéologique (Leroi-Gourhan A. et Arl. 1964). L’hypothèse d’un refuge de végétation méditerranéenne dans les gorges de l’Hérault paraît la plus plausible, basée notamment sur le fait que les végétaux

méditerranéens sont assez bien représentés dans les niveaux sous-jacents et sus-jacents et sur le fait que cet épisode passe totalement inaperçu au niveau isotopique.

Un épisode tempéré est clairement marqué vers 13 ka BP dans plusieurs gisements (couche 3 de la Salpêtrière, 13 100 ± 300 ans BP, MC 919, 15 937 ± 603 ans cal. BP ; couche b de Laroque II) (Bazile E. et Bazile F. 1978 ; Bazile-Robert 1981b, 1983 ; Bazile et al. 1986 ; Brochier 1978 ; Brugal 1981). Cet épisode est enregistré à la fois par les sédiments (pause dans sédimentation et altération), par la faune (accroissement du cerf au détriment du renne), et par la flore avec une recrudescence de la végétation forestière (augmentation des taxons méditerranéens et subméditerranéens, régression du bouleau (Betula verrucosa) et de l’argousier (Hippophae rhamnoïdes) alors que le pin sylvestre (Pinus

sylvestris) est toujours dominant. Cette oscillation est corrélable avec le Bölling classique de la

zonation pollinique.

Postérieurement, le Dryas moyen est parfaitement marqué dans les remplissages karstiques (Bazile 1997, 1999 ; Bazile et Monnet-Bazile 2000) comme un épisode froid et humide à très fort cryoclastisme, contemporain du Magdalénien supérieur à harpon (Salpêtrière). Cet épisode n’est pas enregistré par la palynologie (Bazile-Robert 1981b, 1983 ; Bazile E. et Bazile F. 1978) qui regroupe les oscillations de Bölling et d’Alleröd avec, vers 12,5 ka BP, le développement d’une végétation à caractère méditerranéen. Alors que l’argousier disparaît, le pin sylvestre et le bouleau sont toujours présents, accompagnés des chênes à feuillage caduc et sclérophylles et de l’amandier.

Cependant la forte cryoclase et la persistance du renne confirment un certain caractère froid du climat. La durée de cette phase est difficile à évaluer faute de datations précises. Elle est postérieure à la couche 2 de la salpêtrière (12,7 - 12,5 ka BP) et antérieure aux premières manifestations de l’Epipaléolithique régional vers 12,2 ka BP soit une durée de 3 à 4 siècles. Cette courte durée pourrait expliquer l’absence de modification significative dans la végétation de type encore semi-aride

Un Alleröd assez court, vers 11,5 ka BP, se distingue principalement par la végétation (Bazile-Robert 1981). Il s’agit d’un épisode tempéré mais surtout humide dans un climat général plus sec et de plus en plus tempéré. Au Colombier, le niveau 6 (12 150 ± 240 ans BP, LY 4811 ; 14 312 ± 457 ans cal. BP) présente une végétation assez diversifiée avec de l’érable (Acer), du tilleul (Tilia), du cerisier (Prunus mahaleb), du Noisetier (Corylus) et du Pin de salzmann (Pinus nigra ssp. salzmannii) abondant malgré la persistance du Bouleau (Betula rhamnoïdes) et du Pin sylvestre (Pinus sylvestris). A Valorgues (Bazile et Monnet-Bazile 2000 ; Bazile-Robert et al. 1985), la présence de l’If (Taxus

baccata) (couche 10) atteste une certaine humidité atmosphérique. Ainsi, l’Alleröd correspond à une

coupure chrono-climatique majeure caractérisée par un changement important au niveau floristique. Le younger Dryas n’est pas marqué par une coupure majeure sauf peut-être dans les gorges de l’Ardèche (Colombier, abri Dumas) (Renault-Miskovsky et al. 1977 ; Brochier 1978 ; Bazile-Robert et

al. 1985). Ces gisements témoignent d’un amoindrissement de la couverture forestière (raréfaction des

taxons arboréens au seul profit du pin sylvestre dans le niveau 5 du Colombier (11 230 ± 420 ans BP, Ly 4810 ; 13 167 ± 419 ans cal. BP), et d’une reprise, sans doute limitée dans le temps, de l’action du gel. Le Dryas III est bien individualisé dans l’échelle isotopique sans cependant atteindre les

caractères drastiques enregistrés lors des épisodes froids du Pléniglaciaire (Bazile 1999 ; Bazile et Monnet-Bazile 2000 ; Bazile-Robert 1980). Il faut ainsi relativiser la signification de cette oscillation froide qui apparaît seulement comme un incident mineur au sein d’un réchauffement amorcé dès 18 ka BP.

Période 10 - 7 ka BP

Les gisements possédant des remplissages sédimentaires correspondant au Préboréal et au Boréal sont rares en Languedoc oriental. Dans la plupart des sites une lacune sépare les derniers niveaux tardiglaciaires des premiers niveaux néolithiques, voire même chalcolithiques. Cette période est une phase d’érosion plutôt que de sédimentation (Brochier 1978, Bazile et Guillerault 1981a ; Bazile et al. 1986). Le ruissellement et même le colluvionnement deviennent les agents prépondérants de sédimentation des grottes et des abris, témoignant de rythmes saisonniers contrastés.

Il s’agit d’une période sèche et tempérée, marquée sur le plan de la végétation par une association originale qui se caractérise par une fruticée à genévrier accompagnée de rosacées (amandier), d’oléacées, de rhamnacées, de cistacées et d’érables (Bazile-Robert 1980).

Vers 7,5 ka BP, les chênes caducifoliés déjà présents, se généralisent, le genévrier et l’amandier persistent encore avant le passage effectif à la chênaie caducifoliée vraie au début de la période Atlantique vers 7 ka ans BP (Bazile et al. 1986 ; Bazile-Robert et al. 1985 ; Vernet 1989 ; Bazile 1997, 1999).

Au niveau isotopique (Bazile et al. 1986), l’Holocène est peu détaillé. Des épisodes climatiques, sans doute mineurs sur le plan thermique, passent totalement inaperçus dans une courbe générale des températures sans cesse croissante jusqu’à la période Atlantique.

Bilan chrono-climatique en Languedoc oriental (tableau 2) : Plusieurs points doivent être relevés :

- Le passage d’un climat continental (humidité estivale) à un climat méditerranéen (humidité hivernale) s’amorce vers 18 ka BP (couche 5 de la Salpêtrière, 17 960 ± 600 ans BP ; 21 497 ± 791 ans cal. BP) et devient effectif vers 12 ka BP (couche 2 de la Salpêtrière) (Bazile-Robert 1981b, 1983 ; Bazile-Robert et al. 1985 ; Bazile 1999). Cela a notamment pour conséquence la disparition de l’argousier et la quasi-disparition du bouleau.

- Au Tardiglaciaire, il n’existe pas d’améliorations thermiques marquées. Le climat se caractérise plus par des variations importantes de l’humidité que par celles de la température (Debard et al. 1996). - La végétation, arboréenne pendant les épisodes humides, tempérés ou froids, et steppique pendant les phases froides et sèches, garde cependant un caractère souvent méditerranéen grâce à la survivance et au développement sporadique d’essences thermophiles cantonnées dans des zones de refuges privilégiées (Renault-Miskovsky 1976a).

- Les données floristiques et sédimentologiques tendent à situer une coupure chrono-climatique majeure aux environs de 18 ka BP, qui marquerait le début du Tardiglaciaire en Languedoc oriental (Bazile-Robert et al. 1985). Comme vue dans le chapitre I, la limite Pléniglaciaire/Tardiglaciaire est placée à 15 ka BP selon la définition du Chronozone LGM établie par A.-C. Mix et al. 2001. Cette date relativement récente représente la limite maximale du Pléniglaciaire, les températures les plus basses ne se produisent pas en même temps selon les différentes régions du monde. Une autre coupure

chrono-climatique majeure, correspondant à la limite Pléistocène/Holocène, semble pouvoir être définie en Languedoc oriental entre 12,5 et 11,5 ka BP, jalonnée par des événements floristiques et sédimentologiques (Bazile-Robert et al. 1985 ; Bazile 1999). Sur le plan de la végétation, cet intervalle de temps correspond à la disparition de l’argousier, au déclin progressif du pin sylvestre, à l’effacement du bouleau et à l’apparition de l’amandier. En sédimentologie, on remarque une diminution puis une disparition quasi-totale du cryoclastisme et une augmentation du colluvionnement qui devient l’agent prépondérant de la sédimentation en milieu karstique. Comme pour la coupure chronologique précédente, les caractéristiques environnementales de l’Holocène semblent apparaître plus précocement en Languedoc oriental que ce qui est communément admis pour les autres régions de l’Hémisphère Nord (10 ka BP).

Date B.P. OIS Grandes Evénements Phases Climat Végétation

uncal Périodes Heinrich palynologiques

8 000 Tempéré et sec Installation de la Chênaie caducifoliée accompagnée d'Orme, Optimum climatique en fin de période de Tilleul et de Frêne

9 000 Forte augmentation de la Pinède, des sapins et des Hêtres,

Holocène Déclin des Genévriers et des Bouleaux

10 000

11 000 Pin sylvestre/Bouleau

Erable, tilleul, Cerisier, Noisetier

12 000 Dryas II Froid et humide Pin sylestre, Bouleau, Chênes, Amandier, Disparition Argousier Bölling Tempéré et humide Pin sylvestre dominant, régression Bouleau et Argousier

13 000

Pin sylvestre dominant, Augmentation des méditerranéens

14 000 et subméditerranéens (Chêne vert, Buis, Pin de Salzmann)

15 000

Hiatus

16 000 2 Pléistocène sédimentaire

17 000 Pin sylvestre dominant

Déclin du Bouleau et de l'Argousier

18 000

Pin sylvestre/Bouleau/Argousier

19 000 Taxon méditerranéens et subméditerranéens rares

20 000

H2 1

Raréfaction des taxons arboréens à l'exception du Pin Alleröd Tempéré et humide

Dryas I Froid et plus humide

Pléniglaciaire Froid et sec Boréal

Préboréal Tempéré et sèche

Dryas III Froid

H1

Tableau 2 : Cadre environnemental en Languedoc oriental (d’après la bibliographie citée dans le texte)

2.2.2. Provence nord occidentale

Les analyses sédimentologiques (Brochier 1976, 1977) et polliniques (Renault-Miskovsky 1976b, et

al. 1977) de plusieurs gisements (Eden-Roc, Charasse II, Sablons, Edward, Chinchon 1, Soubeyras,

Bois sauvage, Roquefure, Combette) permettent de suivre l’évolution du paysage en Vaucluse depuis