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Caractérisation du spectre faunique

3. Age, sexe et saisonnalité d’acquisition

3.1. Détermination de l’âge Matériel dentaire

La détermination de l’âge à partir des restes dentaires est basée sur les principes fondamentaux de l’éruption et de l’usure des dents.

Eruption dentaire

La plupart des mammifères sont diphyodontes, c’est-à-dire qu’ils présentent dans l’enfance une dentition lactéale ou temporaire, qui laisse progressivement la place à une denture permanente ou définitive (Hillson 2005). La chronologie d’éruption dentaire des espèces animales est principalement obtenue à partir de sources vétérinaires. Cependant, ces sources font référence à l’âge où la dent

transperce la gencive, lequel est postérieur à sa percée de l’os. Cette divergence crée un degré d’incertitude sur les dates d’éruption ainsi que sur la séquence d’éruption. Dans un but pratique, ces différences sont généralement négligées (Chaplin 1971 ; Hillson 2005 ; O’Connor 2006).

Alors qu’il est considéré que l’ordre d’éruption des dents est constant pour une espèce donnée (Whittaker et Enloe 2001 ; O’Connor 2006), l’âge où la dent fait irruption est sujet à de considérables variations. Les principaux facteurs impliquent les conditions environnementales, le sexe ainsi que l’état nutritionnel des animaux. En raison de ces variations, les dates considérées sont des moyennes (Saxon et Higham 1969 ; Chaplin 1971 ; Hillson 2005).

Usure dentaire

L’âge des individus adultes est déterminé à partir de l’usure dentaire. L’usure commence à partir du moment où la dent a émergé de la gencive. Le taux d’usure dépend de plusieurs facteurs dont la morphologie générale de la dent (hauteur et profondeur des cuspides, épaisseur et microstructure de l’émail…) ainsi que de la nature de la nourriture (quantité de particules abrasives). Le schéma d’usure observé pour chaque population est constant mais l’âge assigné peut varier (Chaplin 1971 ; Whittaker et Enloe 2001 ; Hillson 2005 ; O’Connor 2006).

Les méthodes qui emploient les rangées dentaires offrent une estimation plus sûre de l’âge de la population que celles fondées exclusivement sur l’étude des dents isolées (Enloe et Turner 2006). Afin de réaliser des rangées dentaires, des remontages ont été réalisés chaque fois que cela était possible. Il existe plusieurs types de remontages (Poplin 1981) : le recollage ou raccord (ajustement des plans de fracture des morceaux provenant d’un même élément), la restitution articulaire, l’appariement (rapprochement de deux éléments symétriques entre eux), et l’association (réunion des éléments anatomiques non suivis mais pouvant appartenir au même individu en raison de leur taille ou de leur usure). Ces différents types de remontages peuvent être combinés à l’intérieur d’une même rangée dentaire.

La comparaison entre le matériel archéologique et le référentiel se base sur le principe mis en place par S. Payne (1987) qui consiste à prendre en compte l’usure de chaque cuspide en vue occlusale (cuspides saillants ou arasés) ainsi que l’avancée de la jonction de ces différentes cuspides. Toutes les mâchoires montrant un stade similaire de développement sont regroupées. Les stades sont ensuite rangés selon l’ordre dans lequel ils se produisent. Enfin, en comparaison avec le référentiel, une classe d’âge est estimée pour chacun de ces stades

Epiphysation des os

A la naissance, les épiphyses osseuses sont séparées de la diaphyse par une section de cartilage qui va s’ossifier au cours de la croissance en unifiant ces deux éléments. L’épiphysation intervient suivant chaque type d’os et extrémités d’un même os (proximale et distale) à des âges différents. Pour une extrémité donnée, l’âge auquel la fusion se produit est variable, dépendant de facteurs individuels tels que le sexe (les dates d’épiphysation sont un peu plus tardives chez les mâles) et de facteurs environnementaux (Chaplin 1971). Cette fusion n’est jamais un événement instantané, se réalisant sur une certaine période de temps (Monks 1981). Toutefois, l’ordre chronologique dans lequel les diverses

épiphyses se soudent est à peu près invariable et reste assez uniforme chez tous les mammifères (Barone 1966).

L’étude des espèces actuelles fournit des données assez précises concernant l’âge auquel les différentes fusions des épiphyses interviennent (tableau 11). Toutefois, il ne s’agit pas d’âges absolus mais plutôt d’une fourchette de temps permettant de dire qu’un animal donné n’a pas atteint tel âge ou,

a contrario, a au minimum tel âge (Barone 1966). En l’absence de données comparatives, comme c’est le cas pour le cerf, la détermination des âges se base uniquement sur le caractère de présence/absence de l’épiphysation (extrémités osseuses ossifiées : adultes ; extrémités non ossifiées : jeunes). Les extrémités de chaque os s’ossifiant à des âges différents, la détermination de ces classes d’âge n’a de valeur que pour un type d’extrémité déterminé (ex. tibia distal, fémur distal).

Cheval Bœuf Mouton/Chèvre Porc Renne Lapin

Os Noyaux qui se soudent Barone1966/Curgy 1965 Barone 1966 Barone1966 Barone 1966 Hufthammer 1995 Jones 2006

Occipital Exoccipital-basioccipital 3-6 mois 10-12 mois 6 mois 8-10 mois -

-Exoccipital-écaille 12-15 mois 12-15 mois 12-15 mois 12-15 mois -

-Interpariétal-écaille 12-24 mois Avant la naissance Peu après la naissance Absent -

-Corps et aile du présphénoïde Avant la naissance Avant la naissance Avant la naissance Avant la naissance -

-Sphénoide Corps et aile du basisphénoïde 6 mois 6 mois 34-48 mois 12 mois -

-Basisphénoïde et présphénoïde 24-48 mois 30-48 mois 48-60 mois 6-12 mois -

-Suture sphéno-basilaire 36-60 mois 24 mois 12-24 mois 12-24 mois -

-Pariétaux Suture interpariétale 15-36 mois 6 mois 1 mois 6-15 mois -

-Frontaux Suture interfrontale 60-84 mois - 60-84 mois 12-24 mois -

-Temporal Pétreux-tympanique 2-4 mois A la naissance Jamais ou très tard 6 mois -

-Pétreux-squamosa Jamais ou très tard 2-4 mois 4-6 mois Vers la naissance -

-Maxillaire Noyaux accessoires Avant la naissance Avant la naissance Avant la naissance Avant la naissance -

-Mandibule Noyaux de chaque os Avant la naissance Avant la naissance Avant la naissance Avant la naissance -

-Union des deux os 6 mois Jamais complète Jamais complète Peu après la naissance -

-Vertèbres Corps vertébraux 54-60 mois 54- 60 mois 48-60 mois 48-84 mois -

-Scapulum Noyau coracoïdien 10-12 mois 7-10 mois 5-7 mois 12 mois 2-6 mois

-Humérus Extrémité proximale 42 mois 42-48 mois 25-36 mois 42 mois 42-54 mois 8 - 9 mois

Extrémité distale 15-18 mois 15-20 mois 3-4 mois 12 mois 6-18 mois 2 - 3 mois

Radius Extrémité proximale 15-18 mois 12-15 mois 3-6 mois 12 mois 2-10 mois

-Extrémité distale 42 mois 40-48 mois 23-30 mois 42 mois 38-48 mois

-Ulna Extrémité proximale 42 mois 42 mois 25-35 mois 42 mois 38-50 mois

-Extrémité distale Au radius: 2-3 mois 36 mois 26-32 mois 36 mois 38-48 mois

-Métapodes Extrémité distale 15 mois 24-30 mois 16-18 mois 24 mois 18-30 mois

-1ière phalange Extrémité proximale 12-15 mois 20-24 mois 7-10 mois 13 mois 6-18 mois

-2ième phalange Extrémité proximale 10-12 mois 15-18 mois 6-8 mois 12 mois 6-18 mois

-Coxal Centres principaux 10-12 mois 7-10 mois 5 mois 12 mois -

-Tubérosité ischiale 48-60 mois 60 mois 48-60 mois 72-84 mois -

-Crête iliaque 54-60 mois 60 mois 54-60 mois 72-84 mois -

-Fémur Extrémité proximale 36 mois 36 mois 20-26 mois 36 mois 36-48 mois 8 - 9 mois

Extrémité distale 42 mois 42 mois 18-26 mois 42 mois 36-48 mois 4 - 5 mois

Tibia Extrémité proximale 42 mois 48 mois 20-26 mois 42 mois 36-48 mois 9 - 10 mois

Extrémité distale 24 mois 24-30 mois 12-18 mois 24 mois 18-30 mois 3 - 5 mois

Fibula Extrémité proximale - Au tibia: 42 mois - 42 mois -

-Extrémité distale Au tibia: 3-5 mois - - 24-30 mois -

-Calcaneus Sommet 36 mois 36 mois 36 mois 24-30 mois 18-42 ans

-Tableau 11: Récapitulatif des dates de soudures des éléments osseux chez différentes espèces

Courbes de mortalité

Dans un milieu naturel, sans intervention de l’Homme, la plupart des profils de mortalité des mammifères prennent la forme de deux modèles, présentés sous la forme d’histogrammes de fréquence des individus selon différentes classes d’âges (Klein 1978 ; Lyman 1987a ; Stiner 1990, 1991) :

- le modèle catastrophique ou de masse est un profil dans lequel le nombre d’individus décroît progressivement au cours de l’âge. La mortalité de masse produit un instantané synchrone, non sélectif, d’une structure d’âge d’une population entière. Ce profil apparaît comme une courbe unimodale (L-shaped), en forme de demi-pyramide ou d’escalier. Le dynamisme de la population (stable, croissance, déclin) est reflété par la pente de la demi-pyramide : le profil d’une population croissante est relativement large à la base et possède une pente relativement douce, alors que le profil d’une population déclinante a une base plus étroite et une pente plus raide. Ce modèle de mortalité peut résulter d’une variété de causes dont les catastrophes soudaines telles que les inondations, le feu,

les éruptions volcaniques et certaines épizooties. Ce modèle peut aussi être engendré par les effets cumulatifs d’une prédation si les proies sont acquises sur la base du taux de rencontre et que les individus sont tués en proportion de leur abondance naturelle.

- le modèle attritionnel est un profil d’âge dans lequel les individus très jeunes et les très âgés sont sur-représentés par rapport à leur abondance dans une population vivante. Les adultes reproducteurs sont quant à eux sous-représentés. Le profil est typiquement bimodal (U-shaped). Ce modèle de mortalité est le plus commun dans les écosystèmes naturels. Il peut être engendré par une mortalité dépendante de l’âge tels que la maladie, les accidents et la malnutrition. Il peut aussi résulter d’une stratégie de prédation qui cible les individus les plus vulnérables (individus âgés, très jeunes ou malades).

A ces deux profils, s’ajoute un troisième dominé par les individus en pleine force de l’âge

(prime-dominated) (Stiner 1990 ; Fosse 1994). Ce profil est caractérisé par une sur-représentation des adultes

reproducteurs par rapport aux individus juvéniles et âgés. Ce profil est rare dans la nature mais il est typique des restes d’Ongulés (cervidés, bovinés, équidés) retrouvés dans un grand nombre de gisements archéologiques. L’abattage ciblé des adultes reproducteurs allant à l’encontre de leur abondance naturelle et de leur vulnérabilité, implique une sélectivité de la part des chasseurs, sélectivité facilitée par des avantages techniques (armes à longue portée) ou par des stratégies d’embuscade coopératives.

Ces trois modèles de mortalité (fig. 12) décrivent la majorité des cas produits par une mort naturelle aussi bien que par des prédateurs humains et non humains.

Figure 12 : Les trois profils de mortalité théoriques, surimposés sur le profil d’une population vivante stable (Stiner 1990).

Le profil de mortalité n’indique ni la cause de la mort ni son « timing » (diachronique ou synchrone). Seule l’étude d’autres variables telles que l’éthologie de l’espèce et les données topographiques, géographiques et contextuelles apporte des compléments d’informations sur la cause de la mort (Wilkinson 1976 ; Lyman 1994b). De plus, l’interprétation des courbes de mortalité a besoin d’être soutenue par des analyses taphonomiques sur la formation de l’assemblage osseux (Stiner 1990 ; Lubinski 2001). La conservation différentielle peut mener à une sous-représentation des

individus les plus jeunes en raison de la minéralisation incomplète de leur squelette (Levine 1983 ; Enloe et Turner 2006).

Pour la construction des courbes de mortalité, l’unité utilisée est le NMI et non le NRDt en raison du problème d’interdépendance des éléments squelettiques créé par cette unité. Une déduction fiable du modèle de mortalité à partir du profile d’âge nécessite un minimum de 30 individus. Un plus faible effectif peut fausser la forme de la distribution (Klein 1978 ; Levine 1983 ; Lyman 1987a). Les profils de mortalité catastrophique seront comparés à celui d’une structure de population vivante afin d’évaluer statistiquement l’existence ou non de similitudes (Chenorkian 1996). Alors que certains auteurs (Enloe et Turner 2006) utilisent le chi², d’autres(Klein 1978 ; Turner 1984) emploient le test de Kolmogorov-Smirnov qui, contrairement au chi², est sensible au nombre d’éléments inclus dans les différentes classes et à l’ordre dans lequel les classes sont organisées. Comme dans les profils de mortalité, les segments de la durée de vie sont rangés dans un ordre précis (du plus jeune au plus vieux) le test de Kolmogorov-Smirnov sera privilégié.