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Cadre conceptuel des études sur les chasseurs-cueilleurs

4. Exploitation des carcasses

Une carcasse animale fournie de nombreux produits nécessaires à la vie de l’Homme préhistorique (Djindjian et al. 1999). Ils peuvent être rassemblés en deux grandes catégories : les denrées consommables (viande, moelle, graisse, organes mous) et les éléments utilitaires (peau, bois, os, tendons). Certains éléments, comme la graisse, appartiennent aux deux catégories, pouvant être soit consommée soit utilisée à des fins techniques (huile).

Les études ethnographiques (ex. Laughlin 1968 ; Vigne et al. 2006) montrent de grandes différences dans l’exploitation des carcasses, engendrée en particulier par des choix culturels.

4.1. Denrées alimentaires

Afin de fonctionner efficacement, le corps a besoin de recevoir chaque jour une certaine quantité d’énergie (mesurée en calories). Les principales sources d’énergie sont les glucides, les lipides et les protéines. Au-delà de cette exigence énergétique, le corps doit absorber du nitrogène, du sulfure et des acides aminés essentiels, éléments fournis avec les protéines.

Protéines

Viande

La viande est la principale source de protéine de haute qualité (Stini 1971 ; Noli et Avery 1988). Néanmoins il existe un plafond dans la quantité de protéine qu’un homme peut consommer sans incidents sérieux sur sa santé. Une consommation prolongée d’une grande quantité de protéines peut dépasser le taux à partir duquel le foie à la capacité de métaboliser les acides aminés. Cela mène à l’hypertrophie et à la surcharge fonctionnelle du foie et des reins, entraînant des nausées, des diarrhées, l’anémie et la mort en quelques semaines (Speth et Spielman 1983 ; Noli et Avery 1988 ; Speth 1989). La limite supérieure théorique est de 300 g, soit 50% du total de la consommation quotidienne de calories. La valeur précise de cette limite est cependant sujette à controverse, pouvant varier entre les populations de chasseurs-cueilleurs en raison de facteurs génétiques et selon les proportions relatives de lipides et glucides incorporés dans l’alimentation. Ainsi les Hommes ne peuvent pas survivre avec une diète composée exclusivement de protéines. La moitié des besoins journaliers en énergie doivent être obtenue de sources qui ne contiennent pas de protéines, à savoir des lipides (graisse) ou des glucides (hydrates de carbone).

L’apport de lipides et de glucides est encore plus cruciale lors des périodes de pénurie alimentaire (fin hiver/printemps) puisqu’à ce moment les Ongulés connaissent eux-mêmes un stress nutritionnel qui mène à l’épuisement de leurs réserves de graisse, ne fournissant que de la viande dite maigre (Speth et Spielmann 1983 ; Speth 1987). On peut alors s’attendre à ce que durant ces périodes, les chasseurs-cueilleurs se concentrent sur des stratégies de subsistance visant à augmenter la disponibilité des glucides et/ou des lipides telles que l’acquisition et le traitement sélectif des animaux les plus gras à cette période (ex. animaux en pleine force de l’âge, castors, poissons, algues). Avec de telles contraintes, les sources de nourritures riches en protéines, et spécialement la viande maigre, peuvent

prendre un rôle secondaire et dans certains cas être même totalement évitées (Speth et Spielmann 1983 ; Speth 1987, 1990 ; Marshall et Pilgram 1991 ; Blumenschine et Madrigal 1993).

Végétaux

De nombreuses études portant sur la diète des chasseurs-cueilleurs tendent à ignorer ou minimiser la contribution des végétaux en apport protéiniques. Cela est lié au fait que les ressources végétales ont un niveau de protéines plus bas que celui de la viande et que ces protéines sont inférieures en qualité biologique et en digestibilité par rapport aux protéines animales (Couplan 1996 ; Haws 2004). Elles nécessitent aussi des coûts de traitement élevés. On suppose alors que leur inclusion dans l’alimentation devait avoir lieu uniquement lors des périodes de stress alimentaire. Toutefois deux points doivent être notés, d’une part certaines variétés de noix contiennent de forts pourcentages de protéines et de lipides, d’autre part l’alimentation végétale peut répondre à des besoins nutritionnels autre qu’énergétiques. Les racines, les feuilles, les fruits et les graines renferment en effet des quantités variables mais appréciables de vitamines, sels minéraux et glucose.

La vision biaisée de la subsistance des chasseurs-cueilleurs du Paléolithique supérieur en faveur de la viande s’appuie aussi sur la supposée disponibilité, limitée et aléatoire, des ressources végétales consommables dans les environnements de la fin du Pléistocène (Richerson et al. 2001). Elles ne pouvaient fournir un appoint intéressant uniquement pendant la belle saison (Leroi-Gourhan An. 1983). Les études écologiques des végétations actuelles ainsi que les données archéobotaniques (Mason et al. 1994 ; Couplan 1996) ont montré la richesse floristique des environnements réputés pauvres tels que la toundra-parc septentrionale qui livre des baies, des champignons ainsi que quelques plantes à tubercules (Haws 2004). Au Paléolithique supérieur, les preuves de consommation de végétaux sont quasi-absentes. Le manque de conservation obscurcit grandement la visibilité archéologique de leur utilisation. Néanmoins la mise en place d’échantillonnages archéobotaniques à grande échelle apporte des informations dans des contextes considérés comme peu favorables (Testart 1992a ; Mason et al. 1994). Des preuves d’introduction de végétaux à des fins alimentaires dans les sites archéologiques ont été trouvées sous forme de phytolithes dès le Paléolithique moyen (Israël ; Albert et al. 2000) et la première partie du Paléolithique supérieur (Grèce, Koumouzelis et al. 2001 ; République tchèque, Dolní Vĕstonice II, Mason et al. 1994). Ces quelques exemples démontrent la consommation des végétaux par les Hommes préhistoriques dès les périodes anciennes. Le réchauffement climatique du Tardiglaciaire a favorisé l’élargissement de la gamme des taxons à fruits charnus et celle des légumineuses. Dans les gisements de cette période, l’essentiel des preuves de l’exploitation des végétaux est constitué de graines ou de coques brûlées (Holden et al. 1995). A partir du Boréal, les noisettes et les glands sont les restes les plus fréquents. Pour le Mésolithique la pratique d’une cueillette intensive et variée semble indiscutable (Marinval 1988a, 1988b ; Zvelebil 1994, 1996 ; Mithen et al. 2001).

Les données ethnographiques (Speth 1989 ; Couplan 1996 ; Binford 1968) indiquent que la proportion de l’alimentation d’origine animale par rapport à celle d’origine végétale varie considérablement suivant la latitude. Dans les régions chaudes ou tempérées, les régimes alimentaires sont composés d’un grand nombre de végétaux (80% chez les Hadza et les deux tiers chez les !Kung)

tandis que dans les régions froides, la plus grande partie de l’alimentation est issue des produits animaux (plus de 90% chez les Inuits).

Lipides

Les chasseurs-cueilleurs sub-actuels sont conscients des effets nuisibles d’une diète composée majoritairement de viande maigre, recherchant de façon sélective la viande grasse et la moelle (Martin 1910 ; Speth et Spielmann 1983 ; Noli et Avery 1988, Speth 1987). Une nourriture riche en lipide, en plus de fournir un sentiment de satiété que les autres aliments n’ont pas, est une source importante d’énergie fournissant 9 kcal/g alors que les protéines et les glucides ne fournissent respectivement que 4 kcal/g. Les lipides sont aussi plus efficacement métabolisés que les protéines. Elles contiennent, de plus, des vitamines liposolubles importantes et des acides gras essentiels. La carence en acides gras essentiels, particulièrement en acide linoléique, faiblement présent dans la viande, peut entraîner chez les enfants de graves problèmes tels qu’un ralentissement de la croissance et une plus grande susceptibilité aux infections. La consommation de graisse est aussi importante dans l’absorption du calcium (Speth et Spielmann 1983).

La graisse de la plupart des ongulés est distribuée de façon inégale à l’intérieur d’une carcasse animale (Leechman 1951 ; Binford 1978b). Elle est concentrée dans des zones particulières telles que les dépôts sous-cutanés de l’arrière-train, autour des organes internes, dans les cavités médullaires des membres et de la mâchoire (moelle) ainsi que dans la partie spongieuse des os qui constitue la plus grande partie du squelette axial et des épiphyses des os appendiculaires (bone grease). Chez un animal souffrant de stress alimentaire, la mobilisation de la graisse est réalisée dans une séquence relativement fixe commençant par les tissus adipeux puis continuant aux dépôts des cavités médullaires (Speth 1987, 1990 ; Speth et Spielmann 1983 ; Blumenschine et Madrigal 1993). Dans les os appendiculaires, la moelle s’épuise dans un ordre relativement fixe commençant par celle de l’humérus et du fémur puis s’étend dans le sens proximal-distal à travers les membres. La moelle contenue dans les membres inférieurs (phalanges), la mandibule et le cerveau représente les derniers dépôts à être épuisés. Ce modèle de mobilisation des graisses n’est cependant pas systématique. Il existe de nombreuses variations selon les individus, notamment entre les tibia/radio-ulnaire et les métapodes (Lupo 2006).

Moelle

La moelle est composée de graisse, d’eau et de résidus sans matière grasse. Les teneurs en graisse et en eau varient inversement l’un par rapport à l’autre, changeant en proportion selon l’état nutritionnel de l’animal. Les animaux en pleine santé ont des teneurs en graisse plus forte que ceux souffrant de stress alimentaire (Blumenschine et Madrigal 1993).

Il existe une variabilité11 dans le rendement énergique brut (quantité de moelle) des différents éléments squelettiques d’une carcasse (membre antérieur/membre postérieur), entre des individus d’une même espèce de différentes tailles, âge, sexe et état de santé ainsi qu’entre les individus de

11 Le poids total de moelle des 12 principaux os longs varie entre 5,2 g pour un impala nouveau-né à 400g pour

différentes espèces. Ces variabilités font qu’aucun classement précis par rang n’est réalisable. Il apparaît cependant que le rendement total de moelle est plus faible chez les équidés (zèbre) et les suidés (phacochère) d’Afrique de l’Est par rapport aux bovinés. Ceci est en relation avec la taille des animaux, ainsi qu’avec leurs adaptations locomotrices et la structure des cavités médullaires particulièrement en ce qui concerne la faible quantité de moelle fournie par les os longs de suidés par rapport à ceux d’équidés (Blumenschine et Madrigal 1993).

R.-L. Binford (1978) a développé un indice de moelle (marrow index) pour chaque élément squelettique de renne basé sur la quantité de moelle, sa qualité (quantité d’acides oléiques) et le temps de traitement, afin de déterminer un ordre prédictif selon lequel les Nunamiuts exploitent ces différents éléments. Il conclut que le critère de qualité est le plus important dans la décision des Nunamiuts. Ces derniers favorisent les os longs par rapport aux autres éléments du squelette. Cependant, K.-T. Jones et D. Metclafe (1988) dans une nouvelle analyse de ces données, mettent en avant que le volume de la cavité médullaire, en relation avec la quantité de moelle, expliquerait mieux la variabilité des os sélectionnés pour la récupération de la moelle par les Nunamiuts ; le tibia, le fémur, le métatarse puis l’humérus obtenant les valeurs les plus hautes. E. Morin (2007), sur la base des mêmes données, montre que certaines parties anatomiques (métapodes, radio-ulnaires, carpes, tarses) étaient sélectionnées plus souvent que prédit par la seule quantité de moelle. Ces os sont tous caractérisés par des forts pourcentages d’acide oléique, excepté l’extrémité proximale du radio-ulnaire. Il apparaît ainsi qu’au-delà de l’importance du pourcentage d’acide oléique et de la quantité de moelle, la quantité d’acides gras insaturés dont l’acide oléique n’est qu’un composant, soit une variable importante pour prédire les parties squelettiques choisies pour l’extraction de la moelle.

Pour permettre la récupération de la moelle, les Nunamiuts fracturent les os au milieu de la diaphyse (Binford 1978). Dans les assemblages archéologiques du Paléolithique supérieur et du Mésolithique, la récupération de la moelle est couramment attestée pour des espèces de taille très différente : renne (ex. Fontana 1999 ; Audouze 1988, 1994 ; Morel et al. 1998 ; Castel 1999a), cheval (ex. Poplin 1977 ; Bignon et al. 2006 ; Morel et al. 1998 ; Turner 2002 ; Castel 1999a ; Bridault et Bémilli 1999), bouquetin (ex. Delpech et Villa 1993 ; Morel et al. 1998), bovinés (ex. Morel et al. 1998 ; Castel 1999a), cerf (ex. Moigne et al. 1998), lapin (ex. Cochard 2004). Il apparaît donc que la récupération de la moelle est une activité majeure, signe d’une exploitation optimale des carcasses animales.Le degré de récupération de cette denrée chez les ongulés peut être différent selon le rang de l’espèce dans la diète (dominante ou secondaire). Par exemple dans certains gisements magdaléniens français (La Madeleine, Limeuil, Reignac : Boyle 1994, 1997 ; Grotte de Conques : Moigne et al. 1998), les espèces secondaires (cheval, saïga, sanglier, cerf) montrent des preuves de traitement plus intensif que l’espèce dominante (renne, bouquetin). Cette différence dans l’intensité d’exploitation est en grande partie liée à la disponibilité de la ressource, l’espèce dominante étant suffisamment abondante et son apparition suffisamment prévisible pour justifier une stratégie de traitement très sélective des produits fournissant les plus hauts rapports nutritionnels (Boyle 1997). A l’inverse, le traitement intensif des espèces secondaires, qui ont pu être chassées lorsque l’espèce dominante était rare, vise à obtenir un rendement maximal.

Notons brièvement qu’au-delà de son rôle alimentaire, la moelle des os peut être récupérée à des fins utilitaires pour imperméabiliser les peaux (Chahine 2002), traiter les cordes (Binford 1978b), pour l’éclairage (Burch 1972 ; Poplin 1994) ainsi qu’à des fins médicinales et cosmétiques (Outram et Mulville 2005).

Graisse des os spongieux

R.-L. Binbord (1978b) a développé un indice de graisse (Grease Index) pour chaque élément squelettique de renne fondé sur la qualité de la graisse. Les Nunamiuts font une distinction entre la graisse jaune et la graisse blanche. La graisse jaune trouvée dans les vertèbres et les côtes n’est pas considérée comme très désirable à l’inverse de la graisse blanche située dans les extrémités articulaires des os longs. R.-L. Binford supposait que la distinction entre la graisse blanche et la graisse jaune était conditionnée par des contenus d’acide oléique différents (qualité différente), ce que confirme les mesures chimiques puisque la graisse blanche tend à être plus riche en acide oléique que la graisse jaune. Les fémurs, humérus et tibias étaient préférentiellement choisis alors que les scapulas, carpes et phalanges étaient généralement ignorés par les Nunamiuts.

Cependant comme pour la moelle, J.-W. Brink (1997) montre que le volume et la densité des os, déterminant la quantité de graisse, rendent mieux comptent des activités des Nunamiuts que ne le fait la qualité de la graisse, alors que E. Morin (2007) considère que la quantité d’acides gras insaturés est la variable la plus importante dans l’évaluation de l’utilité de la graisse.

Afin de récupérer cette graisse (Leechman 1951 ; Binford 1978b ; Lupo et Schmitt 1997 ; Saint-Germain 1997, 2005 ; Outram et Mulville 2005), les extrémités articulaires et les éléments axiaux sont brisés en petits morceaux afin d’augmenter la surface de l’os exposée. Il a toutefois été démontré (Church et Lyman 2003) que la fracturation des os en fragments de différentes tailles (1 à 5 cm) n’influence pas le rendement de l’acquisition. Ces fragments sont ensuite mis à bouillir dans un récipient (bois/peau) rempli d’eau dans lequel est ajouté des pierres chauffées. La graisse remonte à la surface où elle se solidifie en se refroidissant au contact de l’ajout d’eau froide ou de neige. Le temps de cuisson varie de quelques heures à plusieurs jours selon la quantité d’os concernés. La graisse récupérée peut ensuite être stockée dans un récipient (estomac de renne) et gardée pendant deux à trois ans. La confection de bone grease est le processus le plus destructif des différentes étapes de boucherie et le dernier réalisé, imprimant ainsi une signature particulière sur celle des activités précédentes (Brink 1997). Il résulte principalement par la présence en grand nombre de fragments d’épiphyses de petite dimension, non brûlés comportant des stigmates de percussion (Delpech et Rigaud 1974 ; Binford 1981). Toutefois l’interprétation de ces concentrations de fragments d’épiphyses en contexte archéologique faisant suite à la préparation de bouillon gras ne fait pas l’unanimité (Tillet 2007).

Les expérimentations(Lupo et Schmitt 1997 ; Saint-Germain 1997, 2005 ; Lucquin et March 2003 ; Church et Lyman 2003) ont montré que la confection de bouillon gras engendrait une dépense importante d’énergie (broyage des os, entretien du feu sur une longue période…) pour des bénéfices nutritionnels relativement faibles. Pour 160 g de graisse obtenue, les protéines, les glucides et les minéraux représentaient seulement 0,5 g, le reste étant composé d’eau. Ainsi la confection de bouillon

ne semble pas motivée par la quantité de gras obtenu mais par sa qualité, riche en acides oléique, stéarique et palmitique, ainsi que par sa valeur énergétique, essentielle lors des périodes de pénurie alimentaire.

Il est généralement admis que l’intensité de l’exploitation de la moelle et de la graisse est intimement liée aux niveaux de stress nutritionnel (Binford 1978b). Cependant chez les indiens des Plaines d’Amérique du Nord, le « pemmican » (mélange de viande séchée, de graisse et de baies) est un élément fondamental de la nourriture utilisée principalement lors des déplacements. Il serait ainsi inadéquat de supposer que les preuves archéologiques de ces exploitations (Delpech et Rigaud 1974 ; Binford 1981) indiquent systématiquement des conditions de stress alimentaire (Brink 1997).

Glucides

Les mollusques sont composés principalement d’eau (80%), de protéines en proportion inférieure aux autres espèces animales et d’une très faible quantité de graisse (Parmalee et Klippel 1974 ; Klippel et Morey 1986). En revanche ils contiennent en quantités certes variables mais néanmoins notables, des glucides qui sont totalement absents dans les autres nourritures animales, tant terrestres qu’aquatiques. Ils sont de plus, riches en minéraux (calcium, phosphore) et contiennent des traces de vitamines et d’oligoéléments. Du fait que les mollusques fournissent relativement peu de viande et qu’ils sont pauvres en calories comparés à d’autres espèces animales telles que les mammifères terrestres, ils devaient représenter plus une ressource de complément qu’une ressource de base même lorsqu’ils sont retrouvés en très grande quantité. Il est peu probable que des groupes humains aient pu subsister entièrement avec des mollusques, comme l’atteste d’ailleurs les données ethnologiques. Cependant l’exploitation des mollusques n’est pas une stratégie de subsistance totalement inefficace (Erlandson 1988 ; Chenorkian 1990). D’une manière générale, deux rôles peuvent leur être attribués dans les diètes alimentaires. Ils ont pu être consommés pour leur apport protéinique en complément d’une diète composite ou pour leur apport calorique dans le cas de régimes constitués exclusivement de viande maigre et donc dépourvus de glucides et de lipides.

4.2. Eléments utilisés à des fins utilitaires et artistiques Industrie en matière dure animale

La matière dure animale (os, dent, bois de cervidés, ivoire, coquillage) est utilisée en fonction de son aptitude (propriétés mécaniques) à être transformée en outillage (armes, objets domestiques), en support à des confections artistiques et/ou symboliques (parures) ou pour les potentialités combustibles des os.

Industrie et parure

L’industrie sur matière dure animale connaît un véritable développement dès le début du Paléolithique supérieur (Aurignacien) avec l’apparition de techniques et de méthodes propres au travail de ces différents matériaux. Ces dernières vont s’améliorer et se diversifier tout au long du Paléolithique supérieur (Leroi-Gourhan An. 1983 ; Taborin 1995a, 1995b ; Djindjian et al. 1999 ;

Averbouh 2000 ; Arbogast 2006). Toutefois les techno-complexes du Paléolithique supérieur récent ne présentent pas la même richesse en terme quantitatif et qualitatif. Pendant le Solutréen et le Badegoulien, malgré l’invention de l’aiguille à chas et l’apparition du propulseur, l’outillage osseux reste pauvre. Le Magdalénien moyen et supérieur est au contraire caractérisé par une industrie et une parure en matière dure animale abondante et diversifiée : pointes de sagaies en bois de renne ou en ivoire de mammouth, poinçons en os, dents d’animaux percées, spatules, lissoirs, propulseurs. Le soin apporté au décor de certaines pièces leur confère une dimension artistique. Les techniques de fabrication sont sophistiquées et spécialisées (rainurage, façonnage…). Pour ces périodes, l’industrie en bois animal est tirée presque exclusivement du renne.

Par la suite, l’Azilien se caractérise par la diminution quantitative de l’outillage osseux et par une rareté des décors ornant ces éléments (Straus et al. 1996). Ceci peut s’expliquer en partie par la disparition du renne. Bien qu’il puisse être remplacé par le cerf, la forme différente de ses bois rend difficile une exploitation similaire.

La période mésolithique voit se poursuivre cette diminution dans le travail des matières dures animales, bien que cette activité soit encore attestée par la présence d’outils en bois animal et en os (Cupillard 1998 ; Testart 1982a). Pour cette période, le cerf et le sanglier constituent les espèces de prédilection pour la confection de l’outillage et des parures (craches de cerf percées, d’Errico et Vanhaeren 2002).

Utilisation des os comme combustible

Les os ont un fort potentiel combustible en raison de leur teneur en graisse. Ce potentiel varie en fonction de l’état de fraîcheur des os, de leur nature histologique ainsi que de leur état de fragmentation (Castel 1999a ; Costamagno et al. 1999, 2005, 2009 ; Théry-Parisot et al. 2004, 2005 ; Théry-Parisot et Costamagno 2005). Seuls les os frais et spongieux participent à la combustion ; les os secs ainsi que la partie minérale de l’os se consument mais n’apportent aucune énergie au foyer. La fracturation intentionnelle des parties spongieuses favorise la libération de la graisse facilitant ainsi la combustion. Un feu ne peut cependant pas être démarré uniquement avec des os. Il doit au préalable