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Qu’est ce qu’un système ?

Aurore Cambien

FONDEMENTS HISTORIQUES

3. L A RÉVOLUTION SYSTÉMIQUE

3.1. Qu’est ce qu’un système ?

Au début du 20esiècle, les découvertes de la mécanique quantique

lent assez violemment certains fondements scientifiques considérés comme acquis. Cet ébranlement aurait ainsi favorisé la prise de cons- cience des limites de la pensée classique pour comprendre un monde qui apparaît de plus en plus dans toute sa complexité. La volonté de dépasser les limites de l’approche analytique héritée du cartésianisme va aboutir au développement d’un courant de pensée connu sous le nom de systémique. La portée philosophique de ce paradigme nou- veau est aujourd’hui établie, les efforts de théorisation des concepts par des auteurs comme L. Von Bertallanfy (1950), ou J.L. Lemoigne (1970) en France, ayant fortement contribué à forger une véritable épistémologie. A l’origine, pourtant, c’est dans le champ scientifique et technique que les bases de cette approche vont se constituer à travers l’émergence de la notion de système.

Du grec sustema qui signifie « ensemble », le mot système renvoie à de nombreuses définitions selon le domaine considéré. Ainsi du point de vue de l’histoire des sciences, par exemple, un système est une construction théorique que l’esprit forme sur un sujet. Dans le cadre de la théorie des systèmes, le mot système signifie « ensemble d’éléments en interaction ». Cette définition, un peu trop générale, est complétée par J. de Rosnay (1975) qui propose de définir un système comme « un ensemble d’éléments en interaction dynamique, organisés en fonction d’un but ». Outre la caractérisation de l’interaction, dynamique (et donc non statique), cette définition introduit l’idée de finalité.

C. Tannier (2000) s’appuie sur l’exemple de la cellule pour explici- ter les principes de fonctionnement d’un système : « Selon le para- digme systémique, le fonctionnement d’un système doit permettre le maintien de sa structure. Pour comprendre les tenants et aboutissants de cette affirmation, prenons l’exemple d’un système biologique repré- sentant une cellule. Sa structure est constituée d’un ensemble de com- posants (membrane, noyau, composants de régulation, etc.) en interac- tion. Elle lui permet une bonne absorption de l’énergie et des apports nutritifs qui lui sont nécessaires pour vivre. La cellule meurt si :

– l’un des éléments essentiels de sa structure (le noyau par exem- ple) manque ;

– les interactions entre les éléments essentiels de la structure ne se font pas ;

– elle ne peut trouver dans son environnement3 suffisamment

d’énergie ou d’éléments nutritifs ;

– les échanges avec son environnement ne sont pas possibles ».

3. « En termes systémiques, l’environnement désigne le milieu dans lequel le système évolue et avec lequel il entretient des échanges » (Le Berre, 1987).

La notion de système peut également être appréhendée à travers la description des principales caractéristiques et propriétés des systèmes. Quelque soit le niveau de complexité des systèmes, ceux-ci présentent un certain nombre de caractéristiques communes (De Rosnay, 1975) : – tout d’abord, sous peine de disparaître, les systèmes sont en relation permanente (on parle de l’ouverture du système) et en inte- raction constante avec leur environnement, qu’ils modifient, et qui les modifie en retour ;

– ensuite, les systèmes peuvent être décrits par un certain nombre d’éléments tels que leurs composants, les relations entre ceux-ci, leur frontière, etc. Une méthode classique utilisée pour étudier un système est la double caractérisation par l’aspect structural et l’aspect fonction- nel. L’aspect structural correspond à la description des différents élé- ments du système, de la manière dont ils sont organisés, notamment les uns par rapport aux autres, à l’identification de la frontière du système, etc. A travers l’analyse fonctionnelle, il s’agit plus particulièrement de caractériser les phénomènes dépendant du temps : flux, échanges, transfert, etc. Ainsi, les principaux traits structuraux de tout système sont sa frontière, ses éléments constitutifs, les réservoirs (ou stocks), et les principaux réseaux de communications. Les traits fonctionnels du système, quant à eux, sont les flux d’énergie, de matière ou d’informa- tion, les vannes contrôlant les débits des différents flux, les délais et les boucles de rétroaction, etc. ;

– les systèmes sont ensuite caractérisés par le principe d’arbores- cence : leurs éléments sont hiérarchisés en niveaux d’organisation, ce qui légitime en particulier la décomposition d’un système en sous- systèmes ;

– les systèmes sont finalisés : la finalité qui détermine le comporte- ment du système se manifeste par exemple par leur capacité à mainte- nir leur équilibre par des phénomènes de régulation ;

– les systèmes ont besoin de variété, condition sine qua non de leur capacité d’adaptation, et donc de leur survie ;

– enfin, les systèmes sont auto-organisés, c’est-à-dire qu’ils possè- dent la double capacité d’adaptabilité et de maintien de leur cohérence interne en vue de la finalité qui est la leur. Cette capacité repose en grande partie sur l’équilibre assuré par la complémentarité des rôles amplificateur des boucles de rétroaction positives et régulateur des boucles de rétroaction négatives.

Ces définitions et ces caractéristiques permettent de mieux saisir l’apport théorique que représente l’introduction de la notion de sys- tème dans le champ scientifique. La plupart des problèmes qui se posent aujourd’hui peuvent en effet être considérés comme comple-

xes. Nous entendons par là qu’ils font intervenir un grand nombre de variables reliées entre elles, qu’ils sont difficiles à appréhender et qu’ils ne présentent pas de solution de représentation unique. L’approche systémique a notamment permis de mettre en évidence le rôle des boucles de rétroaction entre des systèmes de décision et des systèmes d’action, et l’existence de dynamiques non linéaires qui contribuent à cette complexité. Or, c’est précisément lorsque nous sommes confron- tés à ce type de problèmes que l’apport de la systémique se révèle utile. En effet, ici, le réductionnisme analytique consistant à descendre au niveau des éléments montre rapidement ses limites. Il conduit à propo- ser des solutions partielles qui ne traitent qu’un aspect du problème et qui, par ailleurs, ont souvent des conséquences indirectes non maîtri- sées sur un autre aspect de ce problème.

La démarche systémique, à l’inverse, consiste à envisager tout problème complexe comme un ensemble d’éléments faisant système. E. Morin (1990) insiste sur les apports de la systémique : elle a « mis au centre […] non une unité élémentaire discrète, mais une unité com- plexe, un tout qui ne se réduit pas à la somme de ses parties constituti- ves ». Par ailleurs, elle invite à « se situer à un niveau transdisciplinaire, qui permet à la fois de concevoir l’unité de la science et la différencia- tion des sciences ». Ce faisant, elle permet une saisie beaucoup plus globale des problèmes, et elle encourage à la proposition de solutions globales, qui prennent en compte l’ensemble de ces effets.