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Génération des sorties du domicile par micro-simulation aléatoire

Jean-Pierre Nicolas

TRANSPORTS / URBANISME

2. T RANSPORTS : DE LA GÉNÉRATION DES MOBILITÉS À LA REPRÉSENTATION DES FLU

2.1. Génération des sorties du domicile par micro-simulation aléatoire

Dans la procédure à quatre étapes, le modèle de génération est le plus souvent construit par régression linéaire sur des données d’EMD. Le nombre de déplacements par zone est « expliqué » par un vecteur de variables socioéconomiques décrivant les zones du périmètre d’étude. Cette modélisation présente des limites importantes, avec un pouvoir explicatif généralement faible, lié notamment à une considé- ration insuffisante de la logique structurant l’enchaînement des activi- tés entre un départ et un retour au domicile, une mauvaise prise en compte de la variabilité des comportements individuels, et l’utilisation d’un zonage assez grossier. L’exercice prospectif est également limité par une difficulté à rendre compte d’une part des évolutions démogra- phiques au niveau zonal, et d’autre part des évolutions comportemen- tales (Bonnel, 2004 ; Ortuzar et Willumsen, 2001).

2.1.1. Analyse des sorties et micro-simulation : deux choix méthodologiques originaux

Pour dépasser ces limites, deux choix méthodologiques originaux ont été retenus. Ils concernent d’une part le choix des sorties du domicile pour rendre compte de la mobilité des individus, et d’autre part une modélisation qui s’appuie sur les travaux en micro-simulation (Wannel et Gravel, 2002 ; Dupont et al., 2003).

Le premier choix méthodologique renvoie à l’indicateur retenu pour représenter les mobilités, à savoir la sortie du domicile de préfé- rence au déplacement. Un déplacement se définit comme « l’action de relier une origine et une destination pour un motif donné ». Une sortie correspond quant à elle à « un enchaînement de déplacements réalisés entre la sortie et le retour au domicile ». Par exemple, une personne qui part de chez elle, s’arrête pour déposer son enfant à l’école, va au travail puis rentre le soir chez elle en s’arrêtant sur le trajet du retour pour acheter de l’essence, réalise une seule sortie, mais quatre dépla- cements : domicile-dépose, dépose-travail, travail-achat, achat- domicile. Cela correspond également à deux déplacements liés au domicile et deux déplacements dits « secondaires » (dépose-travail et travail-achat). Dans la modélisation classique, tous ces déplacements secondaires sont regroupés pour estimer une loi de génération dont le pouvoir explicatif est généralement très faible. Le problème subsiste pour les étapes suivantes de distribution ou de répartition modale, où chaque déplacement est modélisé de manière indépendante. Ainsi, à l’issue de l’étape de répartition modale, la sortie de l’exemple précé- dent peut très bien commencer à pied pour aller à l’école, continuer en TC pour aller au travail, se poursuivre en VP pour acheter de l’essence et se terminer en deux-roues… Face à ce problème, l’approche en termes de « sortie » permet de conserver la cohérence de l’enchaîne- ment entre les déplacements, même si, dans notre cas, l’information sur leurs motivations est appauvrie avec un unique motif principal qui est privilégié pour décrire la sortie. Ainsi, un fichier des sorties du domicile a été établi à partir du fichier déplacements de l’enquête ménages, en définissant le motif principal de ces sorties à partir de la hiérarchie suivante : travail→école→collège/lycée→université→ achats/services→accompagnement→loisir→autre.

Le second choix concerne la méthode de modélisation par micro- simulation. Celle-ci consiste à construire des typologies de profils de comportements. Ensuite, les individus de la population simulée sont représentés de manière exhaustive et se voient attribuer le comporte- ment d’un individu de même profil, tiré aléatoirement au sein d’une base établie sur une population réelle. Dans notre cas, par exemple, l’EMD de Lyon, qui sert de base de tirage pour la simulation, a permis de segmenter la population en 55 types aux profils de mobilité bien différenciés (Gitton, 2006). La population simulée a été reconstituée de manière exhaustive à partir du RGP de 1999, et chaque individu est caractérisé par les variables socioéconomiques utilisées lors de la cons- truction des profils de mobilité. Pour la prospective, cette population

évolue en respectant les distributions statistiques issues des projections démographiques de l’INSEE5.

2.1.2. Une bonne reconstitution des comportements observés

La méthode a été testée sur les données de l’EMD de 1995 en utilisant 75 % de l’échantillon pour établir le modèle et en vérifiant qu’il reproduisait correctement les comportements des 25 % de la population restante. Ces deux sous-échantillons ont été constitués par tirage aléatoire. On a ensuite comparé le nombre de sorties estimées par le modèle au nombre de sorties réellement observé dans l’enquête. Enfin, afin de mesurer un écart moyen qui ne dépende pas de la simulation, l’opération a été renouvelée 100 fois, et un écart moyen a été calculé. Globalement, le nombre total de sorties est bien reconsti- tué, avec une erreur moyenne globale de 1,1 % et inférieure à 2,8 % pour 95 % des simulations6. La méthode permet donc de reproduire

l’observé avec une qualité tout à fait appréciable si on la compare avec les méthodes plus classiques par régression, qui ne permettent pas une désagrégation aussi fine des motifs de sorties.

Reste à tester l’hypothèse de constance des comportements à struc- ture sociodémographique donnée. Le test a été réalisé à l’aide des données des enquêtes de 1985 et 1995 (l’enquête de 2006 n’était pas encore disponible au moment du test ; Gitton, 2006). Il en ressort que la mobilité des sorties les plus contraintes (travail, étude) est assez bien simulée et les changements de structure de population expliquent une bonne part des évolutions de mobilité en termes de sorties. En revan- che, les résultats sont moins satisfaisants pour les motifs moins contraints (loisirs, achats-services), avec une augmentation de la mobi- lité entre 1985 et 1995 qui ne résulte pas d’un effet de structure de population et qui n’est pas prévu par la simulation. Deux interpré- tations sont possibles, qui se combinent sans doute dans les faits sans qu’il y ait moyen de le vérifier. On peut d’abord considérer que les écarts observés sont dus à des évolutions de comportements (i.e. l’hypothèse initiale n’est pas bonne). La seconde hypothèse est que la comparabilité temporelle entre les enquêtes ménages déplace- ments n’est pas strictement respectée ; en effet, l’analyse des résultats

5. Modèle OMPHALE : Outil Méthodologique de Projection d’Habitants, d’Actifs, de Loge- ments et d’Elèves.

6. Si l’on entre dans le détail, les erreurs moyennes restent faibles pour les sorties les plus fréquentes. Par exemple, l’écart est inférieur à 3,6 % pour la moitié des simulations pour la sortie simple achats/service et l’écart moyen calculé sur les 100 simulations est de 4,4 %. L’écart moyen reste inférieur à 10 % pour toutes les sorties simples, mais est supérieur pour certaines sorties complexes.

pour les agglomérations disposant de quatre enquêtes ou plus met en évidence des évolutions souvent erratiques (CERTU, 2009), en partie explicables par les aléas liés aux méthodes d’échantillonnage, et en partie très probablement liées aux aléas introduits par la complexité de réalisation de ces enquêtes sur le terrain7(Bonnel, 2004).

Cette limite du modèle, qui repose sur l’hypothèse de constance des comportements à caractéristiques socio-démographiques données, est commune à toutes les méthodes de génération. Nous envisageons de tenter de la réduire dans des travaux ultérieurs en analysant l’estima- tion du modèle à quatre étapes sur chacune des EMD afin de tenter de dégager des tendances d’évolutions qui pourraient alors être introdui- tes dans les simulations sous forme de scénarios d’évolution de com- portements.