• Aucun résultat trouvé

Quels indicateurs de mobilité durable ?

Jean-Pierre Nicolas

TRANSPORTS / URBANISME

1.1. Quels indicateurs de mobilité durable ?

Le développement durable reste une notion ouverte qui peut véhi- culer des valeurs et porter des projets de société extrêmement diffé- rents. De façon générale, pour qu’une démarche soit reconnue comme relevant d’une préoccupation de développement durable, il faut aujourd’hui qu’elle s’attache à la fois à articuler court et long terme, local et global, ainsi qu’à prendre en compte simultanément les dimen- sions économique, sociale et environnementale de la question qu’elle traite (Theys, 2000 ; Zuindeau, 2006). D’autres acceptions existent néanmoins, souvent plus centrées sur une dimension particulière2,

mais nous avons privilégié celle-ci, qui apparaît tout à la fois comme la plus ouverte et la plus en phase avec les préoccupations émergentes de notre époque (Verry et Nicolas, 2005).

L’ambition du projet est d’abord de montrer que d’un point de vue opérationnel, pour juger des conséquences à long terme d’une politi- que de transports urbains, il est possible de disposer d’un outil analyti- que qui reprenne de manière cohérente des indicateurs économiques, environnementaux et sociaux (Joumard et Nicolas, 2010). Elle consiste également à plaider en faveur d’approches évaluatives ouvertes, évi- tant de se refermer sur des logiques peut-être fortement cohérentes du point de vue de leur logique interne, mais du coup parfois trop fermées sur elles-mêmes pour éclairer des choix publics de manière politique- ment pertinente. L’idée sous-jacente est que, quoique l’on fasse, en abordant les conséquences environnementales, économiques, sociales (etc.) d’une action publique, une évaluation croise des dimensions en partie irréductibles les unes aux autres (Costanza et al., 1997). Ainsi, la nécessaire prise de décision qui tranche pour une option plutôt qu’une autre, quelle que soit la procédure sur laquelle elle repose (prise de responsabilité d’une seule personne, débat public, calcul technico- économique, etc.), assume à un moment ou à un autre, un, voire plusieurs sauts logiques qui lui permettent d’agréger et de comparer les résultats obtenus au sein de chaque dimension. Le rôle de l’outil que nous proposons est de fournir un spectre suffisamment large pour éclairer ce choix de manière explicite, ainsi que de montrer les éven- tuelles synergies et contradictions que les évolutions de mobilité peu- vent avoir sur les différentes dimensions prises en compte. Dans le cadre du projet SIMBAD, la pertinence des dimensions à retenir du

2. Voir par exemple les revues de H. Gudmunsson et M. Hojer (1996) ou L. Giorgi (2003) pour ce qui concerne le transport, de J. Pezzey et M. Toman (2002) dans le domaine de l’économie, ou encore de P. Hardi et P. Muyata (2000) ou F.D. Vivien (2005) de façon plus générale.

fait des impacts des transports a peu été discutée. Ce sont les trois dimensions de la notion de développement durable, économique, envi- ronnementale et sociale, qui ont été retenues et qui servent donc d’illustration pratique à l’intérêt d’une approche ouverte en matière d’évaluation.

La réflexion menée pour mettre en œuvre des indicateurs de mobi- lité durable dans SIMBAD (Verry et Nicolas, 2005) repose sur la représentation des interactions entre transport et urbanisme en trois systèmes de localisation, de déplacements et de pratiques sociales, telle qu’elle a été proposée par A. Bonnafous et H. Puel (1983) :

– le sous-système de localisations renvoie aux différents usages du sol et à leur inscription dans l’espace ;

– le sous-système des déplacements est constitué d’une part des flux de personnes et de marchandises et d’autre part du système de transport qui permet physiquement l’expression de cette mobilité ;

– le sous-système des pratiques et relations sociales, dans lequel s’inscrivent les activités de la vie quotidienne, est lié au mode de fonctionnement de la société.

Le sous-système des déplacements est privilégié dans SIMBAD, puisque ce sont ses impacts qui sont évalués. Cependant, ce sous- système ne peut être saisi dans sa dynamique et ses évolutions à long terme qu’à travers ses interactions avec les deux autres sous-systèmes (Wegener et Fürst, 1999). La notion clé marquant cette interaction est celle d’accessibilité, qui caractérise le service rendu par un système de déplacements dans une configuration spatiale et sociale donnée3.

L’amélioration de l’accessibilité constitue l’un des objectifs prioritaires de toute politique de transport, mais elle reste complexe à caractériser puisqu’elle mêle des aspects liés à l’espace, au temps, à la localisation des activités et aux systèmes de transport et aux pratiques sociales. La relation entre l’accessibilité et les trois composantes du système urbain peut être représentée par la Figure 1.

Les indicateurs de mobilité durable concernent donc les services rendus ainsi que les coûts et les nuisances des déplacements réalisés au sein de l’aire urbaine. Pour rendre compte de l’évolution des services rendus par le système, nous avons retenu l’évolution des accessibilités moyennes des ménages à l’emploi et aux commerces ainsi que, pour les entreprises, de l’accessibilité moyenne aux activités économiques ; pour éclairer la dimension sociale, un rendu plus fin est fait en fonction

de leur revenu (distingué en trois classes) et de leur localisation. Du côté des coûts :

– les impacts environnementaux sont mesurés par l’évolution des émissions de CO2, NOx, particules et hydrocarbures (la pollution

atmosphérique locale et globale est donc privilégiée ici et d’autres impacts comme le bruit ou l’occupation de l’espace n’ont pas été intégrés dans cette première version, même s’ils pourront l’être par la suite) ;

– le coût économique du système de transport est établi dans l’esprit des « comptes déplacements », avec une estimation des dépen- ses réalisées par la puissance publique, les ménages et les entreprises (CERTU, 2005) ;

– d’un point de vue social, le coût ressenti par les ménages est mesuré par la part relative du revenu consacré à la mobilité quoti-

Figure 1

Le système transport-urbanisme à travers le concept d’accessibilité

dienne locale en distinguant les ménages comme précédemment, selon leur revenu et leur localisation.

Enfin, en amont de ces indicateurs mettant en balance services rendus et coûts induits, quelques indicateurs synthétiques permettent de caractériser le contexte général dans lequel ils ont été calculés. Ceci concerne d’une part les hypothèses générales d’évolution de la société (évolutions démographique, économique, technologique, et des modes de vie) et d’autre part les grandes résultantes du modèle concernant l’interface entre transports et urbanisme (localisation des activités et de la population, indicateurs de mobilité globaux, etc.).

1.2. La démarche prospective : évolutions du contexte