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La pudeur se situe à l’interface du premier temps de la séance de kinésithérapie, celui de la rencontre et du deuxième temps, celui du contact singulier. Durant le temps de la rencontre, la pudeur est éprouvée pour le patient lors des questionnements du kinésithérapeute sur son mode de vie, sur sa douleur. Le kinésithérapeute cherche alors le motif de la plainte qui n’est pas forcément exactement celui de la prescription (Dominique). Ensuite, la pudeur est

éprouvée lors de l’intrusion faite par le kinésithérapeute dans ce que Hall (1984) nomme « le territoire de l’organisme » (p. 187), au moment du massage généraliste. Ces deux faits constituent une première sollicitation de la pudeur. Le « contrat social » évoqué par les professionnels interviewé(e)s, et relaté ci-dessus, ne soustrait pas le kinésithérapeute au respect de la pudeur. Effectivement, même si le kinésithérapeute pense que le patient vient consulter en connaissance de cause, pour autant, ce professionnel garde toute réserve au cours de son intervention. Son approche du patient apparaît comme se faisant avec pudicité66, c’est-à-dire

avec une pudeur exercée selon discrétion, dignité, fierté et politesse.

Le tableau 2, ci-dessous, reprend les vignettes de la modélisation proposée lors de l’approche biopsychosociale. Les thèmes principaux retenus, à partir des verbatim des professionnels interviewé(e)s, apparaissent en face de chacune des vignettes qualifiées.

Tableau 2 : La rencontre

La rencontre : un premier temps d’échange avec le patient. Le premier temps passé avec le patient conditionne la relation patient / kinésithérapeute. La rencontre prend en compte les représentations sociales du métier, le savoir-être du professionnel, le versant psycho affectif à la fois du patient et du kinésithérapeute, la culture du patient à laquelle le kinésithérapeute doit se conformer et la prescription médicale.

Entre présentation et représentation sociale du métier

Représentations du métier

Connaissance du toucher kinésithérapique Accord implicite du toucher

Le contact corporel fait partie des attendus du patient

La notion de contrat social. Les enjeux du savoir-être

dans la relation

kinésithérapeute-patient

En rapport avec le patient

Observation du comportement du patient Attitude professionnelle du kinésithérapeute.

La dimension

psychoaffective du patient Le patient dans son entité Échange verbal

Abord généraliste par le massage Apport relationnel du toucher. La distanciation

psychoaffective du kinésithérapeute

Mise à distance

Métier exigent, avec un coût psychologique Nécessaire mise en place de conditions du corps à corps

Réflexivité. L’influence des aspects

culturelle sur la pratique Prise en compte de l’appartenance sociale et sociétale. L’apport du

diagnostic médical Élément facilitant pour le diagnostic kinésithérapique. La pudeur du patient Pudeur psychologique

Pudeur éprouvée par l’abord généraliste.

L’analyse des données recueillies sous l’angle de l’approche biopsychosociale n’apparaît pas éloignée du modèle conceptuel présenté. L’approche est définie par la rencontre des deux protagonistes et se concrétise lors des échanges verbaux par des repères sur la culture du patient, son contexte social, son état psychoaffectif, sa thymie, le tout permettant d’envisager

le patient dans son contexte écologique. Si la culture n’est mentionnée directement que par trois des kinésithérapeutes interviewé(e)s, la présentation du métier au patient n’est effective que par les kinésithérapeutes exerçant en secteur salarié. La prise en compte de l’état psycho affectif du patient est verbalisée par l’ensemble des kinésithérapeutes. Ils n’ont pas tous recours aux mêmes techniques, mais ce temps se déroule au décours d’une communication verbale et non verbale marqué par un toucher relationnel pour cinq d’entre eux. S’il faut pour Dominique « un

temps pour approcher et un temps pour se détacher », il est à noter que trois d’entre eux

considèrent en plus une condition personnelle, requérant de la sérénité avant la mise en œuvre du corps à corps. Quatre des kinésithérapeutes ont verbalisé directement une condition immanente à l’exercice du corps à corps. Nous avons noté une homogénéité des discours des professionnels concernant ces dispositions personnelles inhérentes à leur pratique. Ce nouveau thème de la capacité intrinsèque du kinésithérapeute, pour la mise en œuvre du corps à corps, rattaché à cette approche, sera développé dans le chapitre de la discussion. Les kinésithérapeutes interviewé(e)s n’ont pas mentionné de positionnement identitaire particulier. Ce dernier serait lié à l’antériorité ancestrale du massage et des techniques thérapeutiques du corps. Nous pensons que ce positionnement identitaire est incorporé par le professionnel au cours de sa formation (Gaubert, 2006).

2 Le contact singulier réalisé lors de l’approche proxémique

La phase de l’approche proxémique est marquée par le temps du contact singulier pratiqué par le kinésithérapeute. Ce contact se déroule lors des examens cliniques effectués au cours des bilans kinésithérapiques. Une partie de ces examens est physique, le kinésithérapeute opère alors une palpation singulière, pour l’expertise de son diagnostic kinésithérapique. Le contact singulier concourt au choix du mode de traitement à venir, avec ou sans corps à corps. Nous retrouvons au cours de cette approche la « pudeur » déjà mentionnée durant l’approche biopsychosociale. Elle est alors éprouvée de façon psychique, comme moyen de communication lors des manœuvres généralistes. Nous l’envisagerons, dans ce paragraphe, de façon physique lors du contact singulier. Puis seront présentées les vignettes de la « palpation », du « toucher avec la main » et du « toucher avec le corps ». Ce toucher non conventionnel effectué par le kinésithérapeute pour la réalisation de ses bilans dépasse les limites du territoire intime de la proxémie du patient. Malgré les manœuvres généralistes réalisées dans le contexte

de l’approche psychoaffective, et décrites ci-dessus, le toucher palpatoire du bilan kinésithérapique constitue, pour les kinésithérapeutes interviewé(e)s la première phase de la rupture proxémique. Nous chercherons dans ce paragraphe quelles sont les données recueillies en lien avec le contact singulier. Elles compléteront les paramètres constitutifs du corps à corps au moment du contact singulier et mentionnés dans la figure ci-dessous.

(Source personnelle)

Figure 10 : Illustration du contact singulier