• Aucun résultat trouvé

1.2 Devenir kinésithérapeute aujourd’hui

1.2.4 L’appartenance à une profession

Les professionnels kinésithérapeutes, quels que soient leurs modes d’exercice, libéral ou salarié, sont soumis aux règles de déontologie et de gouvernance ordinale qui constituent un point de reconnaissance et l’appartenance à une même profession. Le sentiment d’appartenance à une profession rend compte de l’expression « profession de foi » au cours de laquelle l’individu déclare ses convictions ou « fait profession de » dans son acceptation de l’activité de travail, socialement signalée et affichée (Hillau, 2006). La profession de foi en kinésithérapie n’existe pas dans le sens où la kinésithérapeute ne prête pas serment, comme les médecins, mais elle y répond par l’existence d’un décret de compétence qui cadre les actes thérapeutiques. Le droit d’exercice des compétences est symbolisé par la plaque réglementaire apposée à l’entrée du cabinet pour l’exercice libéral. Cette plaque, pour les professionnels exerçant en libéral, atteste du diplôme, qui certifie les compétences, connues du public et reconnues par le législateur. Elle mentionne l’appartenance au conseil de l’ordre qui est garant des règles déontologiques de l’ensemble des professionnels, et, vis-à-vis de tout public et patientèle, des règles et procédés employés lors des différents traitements.

Cette appartenance à la profession est renforcée par les professionnels qui contribuent aussi à la reconnaissance progressive des activités qui se sont diversifiées et ont investi tous les champs de la médecine. Ces activités diversifiées constituent un creuset pour le développement de l’identité professionnelle. Pour Prel (2001), cette dernière est issue, chez les kinésithérapeutes, en partie lors de l’apprentissage du massage chez l’étudiant avec l’expérience du masseur-massé, qui réalise aussi une expérience du corps à corps. Pour Gaubert (2006), l’identité est la résultante d’un ensemble de facteurs qui ont marqué l’étudiant au moment de son choix pour cette profession. Les facteurs promoteurs de l’identité sont alors liés aux difficultés auxquelles l’étudiant est confronté pour accéder à la formation. Actuellement, en contexte français, l’étudiant doit opérer, dès la sortie du lycée, des arbitrages hasardeux entre tenter une Première Année Commune aux Etudes de Santé (PACES) ou en Sciences et Technologie des Activités Physiques et Sportives (STAPS) ou en biologie34 (il est à noter

qu’avant l’arrêté du 16 juin 2015, 80% des étudiants avaient déjà effectué une première année de médecine). L’auto détermination dans la recherche de trajectoire universitaire, alors que la formation est déjà choisie par l’étudiant, contribue à renforcer l’identité professionnelle avant même l’entrée en formation. Gaubert écrit en 2006 dans un ouvrage intitulé : « Le sens des

limites : structuration du corps des masseurs kinésithérapeutes, définition sociale de leur compétence et imposition scolaire de la domination médicale » :

Le sens de l’appartenance à la profession (c’est-à-dire aussi le sens de la position relative au sein du champ médical) est assez systématiquement inculqué par l’intermédiaire de l’orientation vers la kinésithérapie plutôt que la médecine ou la profession infirmière, etc. L’élève, parce que son statut particulier est assez clairement inscrit dans la division entre formation, filière, etc, « sait presque toujours à chaque progrès dans la carrière scolaire, la signification sociale de sa position dans le système scolaire et, plus précisément, la signification sociale de ce qu’il est » (p. 633).

Cette situation sociale se fonde à partir des connaissances préalables de l’univers médical, pensé par les intéressés, futurs kinésithérapeutes, dans la double opposition aux médecins et aux infirmières (Gaubert, 2006). Le kinésithérapeute sait appartenir à une

34 Arrêté du 16 juin 2015 relatif à l'admission dans les instituts préparant au diplôme d'Etat de masseur-

kinésithérapeute. Article 1 : Peuvent être admis en première année d'études préparatoires au diplôme d'Etat de masseur-kinésithérapeute, dans la limite des places autorisées :

- les étudiants ayant validé la première année commune aux études de santé (PACES) ;

- les étudiants ayant validé la première année de licence en sciences mention « sciences et techniques des activités physiques et sportives » (STAPS) ;

profession intermédiaire, entre le docteur et le technicien qui ne ferait qu’appliquer la prescription médicale. Son positionnement est qualifié aujourd’hui d’ingénieur depuis la réingénierie de la formation. Les orientations scientifiques et techniques du cursus permettent aux professionnels de concevoir et diriger les travaux et participer à la recherche.

Si une activité pour être reconnue comme faisant partie d’une profession, doit avoir son opération de travail intellectualisée, et non plus seulement une pratique appliquée, alors la description du diagnostic kinésithérapique, faite par la Caisse Nationale d’Assurance Maladie (CNAM), organe du Ministère de la Santé, y est conforme. Ainsi, l’opération intellectualisée que représente le raisonnement clinique hypothético-déductif a pour aboutissement le diagnostic kinésithérapique. C’est le seul diagnostic paramédical à ce jour reconnu comme acte préalable nécessaire aux soins et le seul remboursé par la Caisse Nationale d’Assurance Maladie. Cette opération intellectualisée contribue à l’identité du kinésithérapeute et à la reconnaissance de la kinésithérapie comme science, reposant sur une ingénierie de formation. Dans la même lignée que la reconnaissance du diagnostic kinésithérapique, le Ministère de la Santé mentionne dans la monographie du kinésithérapeute (2008), « Le professionnel, du fait du corps à corps, de la fréquence, comme de la durée des prises en charge, doit être mûr sur le plan de la relation “ kinésithérapeute, patient et maladie” » (p. 20).

Ainsi le corps à corps sans n’avoir jamais été défini, se trouve institutionnalisé.