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1.2 Devenir kinésithérapeute aujourd’hui

1.2.1 Les contours du métier

Nous déclinons les caractéristiques du métier en commençant par le sens étymologique du terme. Le mot métier vient du mot latin ministerium, office, tiré de minister, serviteur, qui vient lui-même de minus, moins, plus petit. Il est décliné en français par menestrier ou mestrier. La locution gens de métier désigne initialement ceux dont le métier exige des connaissances abstraites, soit les gens de lettres. Le terme change de sens à partir du XVème siècle et désigne

progressivement les artisans puis les ouvriers. Le métier est proprement l’art manuel ou mécanique auquel un individu consacre son activité et d’où il tire ses moyens d’existence. Ainsi une personne apprend son métier ou exerce le métier de… Ce mot indique aussi l’habileté de celui qui exerce un métier tout comme avoir du métier, faire partie d’un métier, c’est aussi être initié à une activité et en détenir les savoirs.

Le métier est aussi défini à partir de l’art. Les arts sont l’objet d’une activité désintéressée dans laquelle le travail de l’esprit a plus de place que celui des mains. Le métier apparaît alors comme le gagne-pain faisant appel à la dextérité manuelle, mais aussi aux conceptions de l’esprit. Pour exemple, la sculpture, donnant création à des œuvres d’art, est reconnue comme un art alors que la taille de pierre, réalisée selon des normes architecturales, l’est comme un métier. Pourtant les deux termes peuvent être associés, comme l’École ou le Conservatoire des Arts et Métiers. L’idée d’art sous-tend une intellectualisation initiale de l’activité. La kinésithérapie est élevée au rang d’un art en 1937 par le Docteur Leclainche dans un projet de loi présenté au Sénat (Rémondière, 1995). Il est à noter que cette ancienne spécialité médicale est toujours notée comme telle dans le texte de loi L4321.123 de janvier 2016 (annexe

1). Ainsi, l’article L4321-1 du code de la Santé publique qui précise :

Lorsqu’il agit dans un but thérapeutique, le masseur-kinésithérapeute pratique son art sur prescription médicale et peut adapter, sauf indication contraire du médecin, dans le cadre d’un renouvellement, les prescriptions médicales initiales d’actes de masso-kinésithérapie datant de moins d’un an, dans des conditions définies par décret.

Le code de la Santé publique reconnaît la kinésithérapie comme un art. La définition du métier, vue ci-dessus, comme étant proprement l’art manuel ou mécanique auquel un individu consacre son activité et d’où il tire ses moyens d’existence, coïncide avec les activités du

kinésithérapeute dont le métier a été défini comme un art. Le kinésithérapeute exerce le massage et la mobilisation des tissus, art manuel, et la mécanothérapie, art mécanique. Pour autant, l’art est pratiqué sur prescription médicale. En fait, les conditions sociales et médicales24 de la fin

du XIXème siècle25 ont fait que le médecin n’a plus pratiqué l’exercice du massage, délaissant

l’art manuel, mais il a poursuivi l’encadrement et la supervision de ces activités qui faisaient

partie du « métier médical ».

Le corps à corps fait partie des arts du métier, impliquant plusieurs parties du corps du kinésithérapeute. Est-ce pour autant un art corporel ?

La thérapeutique kinésithérapique relève d’une prescription, mais qui ne dicte plus les actes à effectuer, ni leurs conditions de rythme ou temps ou de renouvellement. Elle permet ainsi à celui qui l’exerce de devenir « maître en son métier », « maître de métier » signifiant « ceux qui se sont élevés dans les services mineurs » (CNRTL). Le kinésithérapeute, « maître

en son métier », dans l’exercice de son art est le seul professionnel de Santé utilisant les savoirs

disciplinaires et les savoir-faire des techniques du corps, dans un but thérapeutique. Ces techniques du corps, comme pratiques corporelles, reposent sur des habiletés, simples ou complexes, manuelles, mais aussi des habiletés intellectuelles, élaborées à partir de l’ensemble des savoirs fondamentaux en kinésithérapie. L’acquisition du raisonnement clinique pour l’élaboration du diagnostic kinésithérapique, comme habileté intellectuelle, est progressive, elle dépasse les technicités élaborées, les domaines spécialisés et les corpus hiérarchisés des savoirs. Cette acquisition du raisonnement clinique est connexe à celle des compétences, acquises par les étudiants, avec l’expérience clinique au cours de la formation. Si l’on reprend le sens des mots artisan puis d’ouvrier utilisé entre le XVème et le XVIème siècle (Rey, 1998), les activités

kinésithérapiques recouvrent tant la mise en œuvre du geste que la résolution de problèmes complexes. Elles contribuent à l’élaboration de l’expertise du kinésithérapeute lui permettant d’être « gens de métier ».

Cette expertise est-elle nécessaire ou déterminante pour pratiquer un corps à corps ?

24 Le corps médical ne pouvait faire la preuve des thérapies manuelles et estimait la représentation manuelle des

actes médicaux comme dévalorisant (Monet 2003)

25 Les manques de preuves scientifiques de thérapies comme le massage ont contribué à l’abandon de cette

Le « cœur du métier » expression reprise aux infirmier(ère)s, a trait aux savoir-faire, il est défini par ces professionnels, comme des compétences relevant du rôle propre du professionnel. Pour le kinésithérapeute, le « cœur de métier » repose sur le diagnostic kinésithérapique26. Il est élaboré à partir du raisonnement clinique, du massage thérapeutique,

de la gymnastique médicale, des techniques du corps et de la physiothérapie, l’ensemble effectué selon une technicité établie, selon les règles de l’art. Le kinésithérapeute pratique avec savoir-faire des activités médicales déléguées qui font l’objet d’un décret de compétences et de règles déontologiques. L’ensemble de ces activités répond à des formations initiales qui sont décrites à partir des savoirs fondamentaux, des sciences et ingénierie27 en kinésithérapie et des

apprentissages et pratiques cliniques. Ces dernières permettent aux kinésithérapeutes d’intervenir pour la rééducation des dysfonctionnements.