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Faire confiance : une construction pour le patient

Nous distinguerons, la confiance que l’on attribue à autrui ou à ses intentions futures, confiance porteuse d’incertitude, et le fait d’entrer dans une relation de confiance. Cette dernière sous-tend des degrés différents comme un curseur que l’on pourrait déplacer entre aucune confiance, soit la défiance et la confiance dite inconditionnelle, soit la foi. C’est pourquoi nous nous appuyons sur l’axe imaginaire de Servet (figure 13), pour qui il existe une pluralité des relations ; ce postulat permet une installation progressive de la confiance et donc sa construction.

(Selon Servet)

Ainsi, nous posons comme postulat à la confiance, la question de sa possible construction. Luhmann (2006) illustre la construction progressive de la confiance en mentionnant qu’« une relation personnelle fondée sur les bienfaits réciproques débute de manière typique par des opérations de petites doses […], car dans les premières étapes personne ne joue gros ». Les liens à établir entre le kinésithérapeute et le patient, pour la relation de confiance, sont envisagés dès la rencontre. Ils peuvent être biaisés par la réputation du kinésithérapeute, qui servira préalablement la confiance, mais en l’absence de toute réputation, la relation est alors à établir pleinement. La réputation peut ainsi servir ou desservir la confiance, elle se transmet, mais pas la confiance qui se construit.

Quant à l’attribution de sa confiance à autrui, elle peut être entendu comme accordée sa foi, il est aussi possible, dans les relations interpersonnelles, d’accorder sa confiance. Dupuy et Torre (2004) proposent que :

La confiance interpersonnelle s’appuie sur un apprentissage fait d’engagements mutuels, de signes que l’on donne à l’autre pour justifier sa confiance. Il s’agit d’une grandeur attachée à la personne. De ce fait, la confiance interpersonnelle n’est pas une donnée qui préexiste à la relation sociale, une information stockée ni une ressource dans laquelle les acteurs peuvent puiser.

Le patient qui vient en traitement chez le kinésithérapeute lui accorde progressivement sa confiance. Cette construction débute au cours de la rencontre. Elle est poursuivie et entretenue durant le contact particulier du corps à corps. La posture réflexive du kinésithérapeute permet à tout moment d’ajuster la relation avec le patient. Les échanges que les kinésithérapeutes ont mentionnés comme étant progressifs viennent alimenter la confiance. Ils sont verbaux, d’une part, comprenant des explicitations du kinésithérapeute prodiguées au regard de sa pathologie, les circonstances de son suivi kinésithérapique et les perspectives à venir. D’autre part, ces échanges sont physiques, ils sont constitutifs de la rupture proxémique qui doit être bien menée et à laquelle sont attachées les kinésithérapeutes interviewé(e)s. Ils mentionnent à plusieurs reprises leur attention à la décontraction, au relâchement du patient, à leur abord progressif qui peut aller jusqu’à débuter par une palpation au travers des vêtements.

Nous reprenons les facteurs structurels de la confiance exposée par Luhmann (2006) et les transposons pour la confiance établie entre le kinésithérapeute et le patient. Nous proposons

pour le patient, des facteurs structurels lui permettant la construction de sa confiance à partir de « points d’appui servant à la formation de la confiance » exposés par Luhmann (2006).

Ø Le premier facteur est en lien avec les conditions écologiques du patient. Pour faire confiance, le patient doit être en capacité de reconnaître une situation, se trouver dans un environnement familier, pouvoir faire appel à des connaissances antérieures. Son éducation au cours de laquelle il lui aura été fait confiance est essentielle pour qu’il puisse à son tour reproduire le modèle. Ainsi, la mémoire du vécu interpellée lors de la rencontre par Théo apparaît comme une recherche d’appui. Pour la mise en place de la confiance, il est plus facile pour le patient de s’installer dans un milieu familier en se remémorant une situation connue plutôt que de s’installer dans l’inconnu. Pour autant, Solange insiste sur le fait que « même si on a des confidences ce n’est pas pour ça que l’on fait partie de la sphère intime des gens », il faut donc pouvoir proposer au patient non des gages, mais au moins des perspectives en lien avec sa situation.

Ø La motivation constitue un deuxième facteur structurel. Elle est à la fois liée aux facteurs intrinsèques, à l’environnement immédiat et aux perspectives du patient. La motivation du patient est relayée par le comportement du kinésithérapeute. Il entretient et favorise cette motivation lors des explications données au patient pour la compréhension de son problème de santé, en clarifiant les orientations du traitement à venir, en explicitant les manœuvres et gestuelles du corps à corps. Ce dernier requiert la participation et la collaboration du patient en vue de l’interaction, il est essentiel pour le kinésithérapeute qu’il obtienne la motivation du patient.

Ø Le troisième facteur structurel, présenté par Luhmann, est celui de l’influence, qui est peu représentée dans la confiance interpersonnelle. Dans notre cas, elle intervient uniquement dans la représentation que se fait le patient de la connaissance et du savoir du kinésithérapeute à propos de son problème de santé. Elle peut être en lien avec la pédagogie déployée par le kinésithérapeute lors de ses explicitations.

1.3 Les modèles de confiance exprimés par les kinésithérapeutes