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3.2.2 … aux représentations médiatiques

3.3.1 Sur les publics

Joëlle Le Marec relève que « La notion de publics est entrée dans le sens commun de toute réflexion sur la culture et la communication comme étant le synonyme d’un ‘pôle récepteur’ toujours défini par rapport à un ‘pôle émetteur’ qui fabrique, crée et diffuse une

offre destinée à être proposée à des individus dans des conditions déterminées » (Le

Marec, 2001, 50). Le fait est que le(s) public(s) a (ont) fini par devenir un objet de recherche, bien au-delà du champ de la culture. Mieux encore, il(s) est (sont) un facteur d’analyse d’un spectacle, d’un événement, voire d’une dimension plus large de la configuration médiatico-sportive.

Depuis Gustave Le Bon et Gabriel de Tarde, jusqu’aux travaux récents tantôt sociocentrés, ethnocentrés, médiacentrés, sémiocentrés ou psychocentrés (plus rarement, en tout cas en France), tantôt plus ou moins transversaux, la notion de public a été (re)visitée à plusieurs reprises par les recherches francophones. De sorte qu’il ne nous paraît pas indispensable de dresser un état précis de la littérature scientifique. Sur ce point, et en plus des références déjà citées supra, on renverra volontiers à : Dayan, Katz, 1996 ; Lochard, Soulages, 1998 ; Proux dir., 1998 ; Odin, 2000 ; Cefaï, Pasquier, dirs., 2003 ; Esquenazi, 2003 ; Réseaux, 2004 ; Négrier et al., 2010 ; Béra, Lamy, 2011 ; Fleury, 2011.

Ces travaux construisent le public à travers des cadres de référence, des choix épistémologiques et méthodologiques, des terrains et des objets spécifiques (le public en général, le public du théâtre, celui des musées…). Nous avons retenu pour notre propre définition que nous mettrons à l’épreuve, surtout dans le chapitre 2, les éléments suivants :

- Qu’ils soient culturels, sportifs (…) les publics, leurs discours et leurs comportements ne peuvent être étudiés de façon autonome. Ils doivent être contextualisés par rapport à l’état et aux formes d’organisation du champ concerné (culture, sport…) dans un espace/temps déterminé, à la place de ce champ dans l’espace social global, à la configuration médiatico-culturelle (sportive) ainsi qu’aux formes et aux canaux de la médiatisation (Servanton, De Céglie, 2012). Il faudrait ajouter en relation avec les pratiques journalistiques, mais nos compétences sur cette question qui relève surtout de la sociologie du journalisme étant réduites, nous y ferons, le moment venu, référence de manière mesurée, pour ne pas dire périphérique.

76 - De façon plus précise, par rapport à notre objet, les publics doivent être replacés au centre des relations qui se tissent au sein du football entre tous les acteurs de ce sport, les médias en faisant partie. C’est encore plus vrai lorsque l’on se situe dans le cadre des spectacles sportifs. On notera au passage que si les publics font partie de ces spectacles et sont montrés comme tels -avec des variantes selon les médias et périodes, cf. infra, chapitre 273-, à travers une parole journalistique qui se veut experte du football et de ses spectacles, la parole des publics n’a pas -ou alors il s’agit d’un élément du public présenté comme un initié (ancien joueur ou entraîneur, par exemple)- sous la plume journalistique ou le regard du dispositif télévisuel cette qualité « experte ».

- Le public ne se réduit pas à sa quantification, même s’il peut faire l’objet de comptes qui font sens, non seulement pour lui, mais aussi pour ceux qui comptent et pour ceux à qui ces comptes s’adressent.

- Le public est-il une « cible », auquel cas il est constitué à son insu ou contre son gré, ou peut-on considérer qu’il se constitue, au moins en partie, ce qui suppose une intentionnalité ? La réponse n’est pas simple. Tout dépend en fait de savoir si l’on place le public parmi les instances habilitées à le constituer (médias, organisateurs de spectacles, spécialistes de la publicité ou du marketing…) ou si l’on considère qu’il ne peut y être placé dans la mesure où il n’y a pas de traces de collectif social existant avant sa constitution. Dans le cas qui nous intéresse -certaines initiatives, comme l’organisation de spectacles, qu’ils soient sportifs ou culturels- notre réponse sera celle de Joëlle Le Marec dans son étude sur les éco-musées (2001). Dans ce type d’initiative, la volonté de constituer un public à partir d’un collectif préexistant est évidente. En effet, la population ou la communauté de référence correspond à un territoire culturel couvert par l’établissement. Mais dans les faits, et au travers de l’exemple de l’éco-musée nous pouvons constater que le lien se fait avec la communauté de référence, via ses représentants (par exemple les associations). Il faut savoir que la relation à cette communauté de référence se passe en amont des expositions et de la présentation des collections, lors de collectes et d’enquêtes. Ce constat s’applique aux spectacles. Il existe donc bien deux types de publics : un public « communauté de référence » (par exemple, les publics qui soutiennent leur

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Les publics font partie de spectacles devenus de plus en plus audiovisuels, et ce depuis la montée en puissance de la télévision à partir des années 1960, au sein desquels se montrer et se faire entendre, ainsi qu’être vu et entendu est presque aussi important que le match lui-même (Lochard, 2008).

77 équipe de football car pour eux elle représente le territoire)74 et de plus larges publics, qui sont attirés soit par des membres de la communauté de référence (fils, fille, épouse, la « petite amie »…), soit par un ciblage organisé.

- Certains publics des spectacles ont une dimension imaginaire ou imaginée (au sens de Benedict Anderson, 1996). Cette caractérisation découle du constat précédent. Ils sont de ce fait unis temporairement par des liens et des finalités qui existent avant leur présence dans le lieu du spectacle et qui se perpétuent après. Liens et buts existent aussi en dehors de tout rassemblement physique, ce qui se manifeste entre autres par leur appartenance à des communautés de lecteurs de journaux (par exemple de L’Equipe ou des pages sportives de leur quotidien régional) ou de téléspectateurs.

- Autre corrélat qui découle des remarques de Joëlle Le Marec, là où il y a intentionnalité et communauté de référence, il ne peut y avoir passivité : « comme un public esthétique, un public sportif est agent et non patient. Il est partie prenante dans la réalisation de la performance réalisée » (Lochard, 2008, 19). D’ailleurs, ces publics peuvent s’organiser pour exister de façon plus institutionnelle et pour être vus dans l’événement proprement dit, mais aussi en dehors (cf. infra, les développements sur le « supporteurisme »).

- Dernière caractéristique, que l’on peut également déduire en partie des remarques précédentes : il n’y a pas un public, mais des publics. Parler de public au singulier c’est oublier, d’une part, les dimensions intentionnelles et actionnelles, d’autre part que le spectacle suppose des interprétations multiples, puisque nous avons souligné supra que chacun ne regarde pas de la même façon ce qui lui est donné à voir. Ainsi que Norbert Elias (1991) l’a relevé, l’individu ne se perd pas totalement au sein du public : en tant qu’être subjectif, il reste maître de ses émotions, passions et opinions, en tant qu’être social, il est lié par ses appartenances. Il peut d’ailleurs relever de plusieurs publics, constat maintes fois établi par les fonctionnalistes américains, avec d’autres mots et dans d’autres cadres théoriques et méthodologiques.

Pour conclure, et avant de passer de façon plus explicite et plus précise à la question des publics sportifs et footballistiques, on fera -toujours avec Joëlle Le Marec (2001)- l’hypothèse que les publics sont désormais considérés comme des collectifs de pratiques, de passions, d’opinions (…) susceptibles non seulement d’agir et de se mobiliser

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Un spectateur qui entre dans un stade a le plus souvent conscience de faire partie du public sans que l’exercice de connaissance pratique ne demande une adhésion quelconque ou une prise de position de sa part autre que l’achat du billet d’entrée ou la souscription à un abonnement.

78 sous des formes multiples, mais aussi d’être régulièrement sollicités, mobilisés et parfois enrôlés par ceux dont la fonction ou le métier (journalistes) est de les montrer, de les faire parler, et parfois de parler en leur nom, et ceux dont la fonction ou le métier (publicitaires, marketeurs, organisateurs…) est de les interpeler comme consommateurs.