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3.2.2 … aux représentations médiatiques

3.2.3 Les événements sportifs et leur construction

3.2.3.2 Pour une approche globale

L’événement a fait l’objet d’une littérature abondante dans le champ pluridisciplinaire des Etudes de médias, notamment en lien avec le courant des Medias

events et de ceux qui s’y référent peu ou prou. Sans entrer dans le détail des analyses, qui

sont aujourd’hui bien connues, nous énoncerons les éléments constitutifs de l’événement, avant de revenir sur la notion « d’événement médiatique ». Les exemples que nous prendrons seront essentiellement d’ordre sportif.

Pour qu’il y ait événement, quatre conditions, exprimées ici par des verbes, doivent être réunies :

- Arriver : un événement, c’est de qui arrive de façon rituelle (la finale de la Coupe

de France de football, le départ du Tour de France, pour s’en tenir à des exemples sportifs) ou inattendue, et donc singulière (« drame du Heysel », cf. supra) dans un contexte socio-spatial et socio-temporel déterminé. Mais quelle que soit la manière dont il advient, il préexiste à la situation dans laquelle il se manifeste à travers des régularités quelquefois apparentes, quelquefois moins évidentes : la finale de la Coupe de France est un rendez-vous annuel anticipé par les acteurs sociaux du spectacle footballistique ; le « drame du Heysel » est contenu en pointillé dans des manifestations de violence antérieures de la part de certains supporters, en l’occurrence des hooligans anglais). Cela étant, si l’événement est d’abord un fait, tous les faits ne sont pas des événements… ce qui renvoie aux autres conditions.

- Faire date pour ceux qui sont concernés : un événement, c’est ce qui compte

pour quelqu’un, individu, groupe social restreint ou large, en partie en raison des enjeux matériels et symboliques qu’il exprime. De sorte que ce qui fait date pour quelqu’un, ne fera pas nécessairement date pour quelqu’un d’autre70

. En même temps, ce qui fait date se passe toujours quelque part et à un moment donné : en ce sens, il relève de l’expérience, du vécu. L’individu peut donc être touché par rapport à son histoire personnelle et ainsi donner à un moment fort le statut d’événement historique ; dans ce cas, il sera sans doute commémoré.

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Mais certains événements se réduisent à des dates. Ce qui pose le problème de la hiérarchie des événements (Arquembourg, 2008).

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- Perturber une situation, des routines, une quotidienneté, de sorte que se crée une

discontinuité, voire une rupture ouvrant sur plusieurs possibles. Ce qui arrive sera t-il très vite absorbé par les régularités structurales et pourra-t-il alors être expliqué comme un « accident de parcours » ? Ou bien est-il compris comme un élément inévitable, qui transforme la situation de départ ? Pour Jean-Pierre Boutinet (2004), l’appellation « événement » devrait être réservée à ce qui non seulement fait fonction de perturbateur, mais provoque également par sa venue une rupture structurale.

- Faire parler : l’événement se construit par le discours, parfois médiatique, et

c’est en ce sens qu’il se distingue d’un fait. Ces discours se tiennent sur des faits qui ont lieu (prévus ou non), sur les acteurs ainsi que sur leurs pratiques, sur la discontinuité ou la rupture et enfin sur les possibles.

Pour être qualifié de « médiatique » un événement doit, bien entendu, remplir ces conditions. Mais certaines sont « hypertrophiées » :

- Un ou plusieurs médias peuvent eux-mêmes figurer parmi les acteurs centraux de la construction de l’événement, parfois à double titre : en tant qu’organisateur(s)

et « héraut(s) » annonceur et amplificateurs(s) (cf. le Tour de France). L’événementialisation est alors une véritable stratégie éditoriale, mais aussi économique et communicationnelle dont on attend des « retours ».

- Si l’on suit la pensée de Gérard Derèze (2000), qui se réfère lui-même à Abraham Moles, l’événement possède une « massivité » définie comme « le produit du nombre de personnes qui en sont affectées dans leur sphère personnelle par le

degré d’affection [ou de participation ou d’émotion] qu’elles en subissent »

(Moles, 1972, 91). Ses résonnances sociales sont à la fois larges et fortes et plus les médias en parlent, plus d’autres s’interrogeront, discuteront, échangeront. Parce qu’il « fait l’actualité » à un moment et dans un espace donnés, l’événement médiatique mérite d’être non seulement partagé, mais encore co-construit par une fraction significative de la population (Prestini-Christophe, 2006). Selon Jackie Simonin, « il nous semble devoir admettre que médias et public co-produisent l’événement médiatique, participent au processus même de sa définition, qu’ils en sont les co-auteurs du texte, les co-acteurs de sa

performance » (Simonin, 1999, 96). A la limite, on attend des publics des

« performances » discursives. Mais pas seulement avec une volonté de correspondre à une attente en termes de pratiques à la hauteur et à la (dé)mesure de ce qui est annoncé.

- La rupture est le plus souvent « discursivement grossie » et présentée comme centrale : d’une part, parce que l’événement est ouvertement traité comme « notable » à l’aide de procédés linguistiques, rhétoriques et scénographiques et

74 reçu comme tel71. Il est « notable » en raison de l’importance (quantitative et qualitative) anticipée des situations d’échange et de partage et de sa spectacularité en partie fondée sur l’exacerbation de certaines dimensions ; d’autre part parce que l’on passe de l’événement à l’événementialité : tout d’abord sur le plan de la narration (Derèze, 2000 ; Diana, Lochard 2004) dans la mesure où la narration obéit aux critères du récit médiatique (Lits, 1997, 2008)72 et où l’objet de la narration tend à saturer l’espace médiatique ; ensuite parce que les discours médiatiques s’articulent de plus en plus sur des pratiques managériales et marketing d’organisation « d’événements sportifs » (Ferrand, 1993, 1995 ; Desbordes, Falgoux -Préface de Michel Platini-, 2007).

Il faut bien comprendre que ces « grands événements sportifs » ou présumés tels ne requièrent pas seulement l’attention et la participation des publics dits « sportifs ». Il s’agit d’enrôler, avec leur participation, des publics les plus larges possibles (Paillette, Delforce, Wille, 2002). On en conclura donc avec Eliseo Veron (1981) que l’événement médiatique concerne toujours des publics plus larges que les publics immédiats… et que les grands événements recherchent des publics très larges.

Enfin, le surinvestissement médiatique cherche à faire arriver ce qu’il propose « en mettant en œuvre et en tentant de canaliser la frange d’incertitude, la part d’imprévisible,

constitutive de l’information sportive » (Derèze, 2000, 21).

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3..33 DDeess ppuubblliiccssaauuxxppuubblliiccssssppoorrttiiffss

« Plusieurs centaines de militants et sympathisants sont rassemblés dans un meeting pour entendre un homme ou une femme politique » ; « au Stade de France les spectateurs acclament les équipes de France et du Brésil qui entrent sur le terrain de football » ; « théâtre de L’Odéon : fin de la pièce, le rideau tombe, le public applaudit » ; « 20h30 : la retransmission en direct du show de Johnny Hallyday va commencer, réunis pour la circonstance dans le salon de l’un d’eux, un groupe de fans allume le poste de télévision » : quatre situations sociales différentes et pourtant, des situations reliées par un élément

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Dans la presse écrite, les images illustrent le récit. A la télévision, les images (et les sons) sont partie intégrante du récit.

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Selon Jocelyne Arquembourg, les événements médiatiques appellent le récit médiatique et ses mises en intrigue. Mais le récit médiatique s’écarte partiellement des critères de l’approche herméneutique développée par Paul Ricoeur, (Arquembourg, 2008, 50 et s).

75 structurant commun : ceux qui regardent et/ou écoutent participent à un spectacle soit in vivo, soit ex praesentia. Tous appartiennent à des publics.

Après avoir brièvement explicité la notion de « public » à partir des travaux existants, nous nous attacherons de façon plus précise aux publics sportifs.