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3.2.2 … aux représentations médiatiques

4.1.2 L’Equipe ou la gestion d’un héritage

Nous l’avons souligné, L’Equipe, c’est d’abord l’histoire d’un héritage : celui de

L’Auto, le grand quotidien sportif d’avant-guerre. Un héritage lourd à porter car L’Auto est

interdite de publication à la Libération. Jacques Goddet, qui porte le projet du nouveau quotidien nouveau journal sportif, doit faire face aux contraintes imposées par une Société

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Pour leur part, l’usager et, de plus en plus, l’usagère paient, et parfois fort cher, pour vivre l'événement : comme lecteur ou lectrice, s'il en veut le commentaire ou l’analyse ; comme abonné à des chaînes payantes et/ou à Internet ; comme auditeur ou téléspectateur, en qualité de contribuable et au titre de la taxe sur la possession de récepteurs ; comme consommateur des produits dérivés…

97 Nouvelle des Entreprises de Presse (SNEP) très méfiante : ni papier jaune, ni titre en lettres gothiques comme son prédécesseur, obligation de compter des résistants parmi les rédacteurs (Ejnès, 2006). Dès sa parution, le 28 février 194698, l’héritière doit faire face à une double concurrence : celle de Sports, journal financé par le Parti Communiste, et celle

de Elans dont le financement est obscur : certains évoquent l’argent des services secrets

(Montérémal, 2010, 61). Très vite, la question posée par Elans est réglée : en juin 1946

L’Equipe le rachète. C’est en revanche plus compliqué avec Sports. D’une part, parce que

la différence idéologique très marquée séduit nombre de lecteurs « très à gauche », d’autre part, en raison des ventes ; en effet, Sports se vend nettement mieux que L’Equipe : 514 000 exemplaires contre 283 000 entre le 21 mars et le 19 avril 1946 (Montérémal, 2010, 72). La question de la concurrence se règle d’elle-même avec la disparition de Sports en 1948, entre autres pour des raisons financières. Conséquences quasi-immédiates : les ventes de L’Equipe augmentent rapidement (elles dépassent 100 000 exemplaires par jour), tandis que le titre paraît quotidiennement (Ejnès, 2006).

Les années 1960-1980 sont une période clé pour son développement et sa reconstruction. En mai 1965, le titre est absorbé par les Editions Amaury, qui par la même occasion, s’approprient les courses cyclistes (dont le Tour de France, attribué à L’Equipe

en 1946) ainsi que d’autres compétitions qui étaient dans son giron. C’est au cours de ces années que se crée le supplément hebdomadaire, disponible tous les samedis : L'Équipe

Magazine99.

Les années 1990 sont riches en « événements ». Tout d’abord, le journal est sous le feu des projecteurs dans la mesure où il joue des rôles divers mais réels dans ce que l’on a appelé les « affaires » : Tapie, Jacquet… (Garcia, 2008). Le 31 août 1998, il développe une version télévisée, L'Équipe TV, qui trouve rapidement ses marques en s’éloignant des canons de la version papier. Après la disparition de Philippe Amaury en 2006, le groupe est repris en main par son épouse, Marie-Odile Amaury et leurs enfants. Dès lors, il se lance dans une série d’opérations : rachat, en 2006, du mensuel gratuit Le Journal du Golf ; création d’un site Internet, puis de L'Equipe Junior (ce bi-hebdomadaire disparaîtra en décembre 2008) ; création en octobre 2007 de la radio-web RTL-L'Équipe, en collaboration avec RTL, qui obtiendra le 27 mai 2009 l'autorisation d'émettre en numérique dans trois villes : Paris, Marseille et Nice. Envers du décor, en novembre 2008, L'Équipe voit arriver deux concurrents pour la première fois depuis 1988 : Le 10 Sport et Aujourd'hui Sport. Ils

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Elle s’est alors organisée pour éditer trois numéros par semaine.

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Il sera complété à partir de 2005 par le trimestriel Sports et Style et, dès 2006, par L'Équipe Féminine.

98 ne vont pas longtemps le rester… Le premier, quotidien à bas prix, devient hebdomadaire à partir du 28 mars 2009, avant de disparaître des rangs de la presse papier. Le second, créé par le groupe Amaury le même jour que Le 10 Sport pour le concurrencer, cesse de paraître le 30 juin 2009, soit quelques jours après son concurrent.

Si L’Equipe se maintient depuis sa création au cœur du sport c’est qu’elle en est

directement ou indirectement un des instigateurs et organisateurs principaux. Depuis son rachat par le groupe Amaury, la société Amaury Sport Organisation (ASO) entretient cette tradition d’organisation d'événements sportifs « spectaculaires »100

:

- Tour de France,

- Paris-Roubaix,

- Paris-Nice,

- Critérium du Dauphiné Libéré,

- Rallye Paris-Dakar,

- Marathon de Paris,

- 10 km L’Equipe (course à pied),

- Open de France (golf),

- Rencontres internationales des disciplines équestres, - Tour de France à la voile.

Cette histoire rapide et factuelle met en évidence la place centrale du journal dans l’information sportive et au-delà, dans le sport français. Cette importance se traduit aussi, mais plus partiellement, au niveau des chiffres.

Tous quotidiens nationaux confondus, L’Equipe est un des journaux les plus vendus. Selon l’OJD101

, en 2013 et pour 15 titres recensés, avec 243 378 exemplaires diffusés en moyenne chaque jour, elle arrive en troisième position, derrière Le Figaro (317 209) et Le Monde (275 310). Ces chiffres ne concernent que l’édition générale (du lundi au samedi). Or il convient d’ajouter L’Equipe Dimanche (232 785). Enfin, la version en ligne occupe la troisième position (sur 173 sites recensés par l’OJD) en termes de nombre de visites (65 764 542), très loin derrière les deux premiers sites (Orange.fr : 403 066 760 et

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Ces informations, mais aussi bien d’autres encore, sont disponibles sur le site Internet du groupe ASO (http://www.aso.fr/fr/homepage.html).

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Source : http://www.ojd.com/Chiffres/La-Presse/La-Presse-Payante/Presse-Quotidienne-Nationale

99 Leboncoin.fr : 250 446 466), mais devant Lemonde.fr (sixième) et Lefigaro.fr (septième)102.

L’Equipe est aussi le quotidien le plus lu (2 400 000 lecteurs quotidiens en 2009)

parce qu’elle est présente dans de nombreux lieux publics très fréquentés comme les cafés, qu’elle est en position hégémonique dans son secteur et qu’elle s’adresse à des publics sportifs dont on sait qu’ils ne s’intéressent pas qu’aux résultats, mais aussi à l’amont et à l’aval des compétitions ainsi qu’aux coulisses.

Comme pour ses confrères d’information générale, les grands événements augmentent ses ventes dans d’importantes proportions : 1 645 907 exemplaires vendus le 13 juillet 1998, après la victoire de la France en finale de la Coupe du Monde de football.

Enfin, L’Equipe est ancrée sur l’ensemble du territoire français : en 2013, 82%

de la diffusion en régions est réalisée en région (source :

http://www.amaury.com/lequipe.shtml).

Ses lecteurs ont des profils bien précis, si l’on veut bien se référer aux données que le groupe Amaury publie sur son site (cf. supra) :

- Hommes : 85 % (moins de 35 ans : 42 %)

- Femmes : 15 % (moins de 50 ans : 71 %(

- Cadre supérieur ou Profession intermédiaire : 34 % (et 51% dans les villes de plus 100 000 habitants)

- En résumé : le lecteur moyen est un homme, relativement jeune, actif et relevant d’une CSP+

Ultimes données chiffrées : L’Equipe propose un traitement exhaustif du sport : 5800 pages par an concernant 70 sports traités par une Rédaction composée de 350 journalistes. Mais 30 % de ses pages sont dédiées au seul football103.

De même que tous les titres de la presse quotidienne nationale et régionale,

L’Equipe voit sa diffusion baisser régulièrement, surtout depuis le milieu des années 1980.

On peut voir là, entre autres, le signe d’une crise spécifique à la presse qui affecte l’ensemble de sa chaîne de conception et de fabrication (Eveno, 2008), l’effritement des pratiques de lectures des français (tous supports confondus : livre, journal…), la concurrence des médias en ligne et enfin, depuis 2008, ce qu’il est convenu d’appeler la

102

Source : http://www.ojd.com/Chiffres/Le-Numerique/Sites-Web/Sites-Web-GP

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100 crise économique et financière qui frappe la plupart des pays et qui se traduit principalement par la chute des recettes publicitaires.

Les tableaux ci-dessous donnent une idée plus précise de cette régression, ou plutôt de cet effritement plus ou moins régulier, mais semble t-il inexorable.

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Tableau 1

Tirage et diffusion de L’Equipe (2008-2013)

Période Tirage France payée Payée Totale

2013 339 723 243 378 248 815 251 436 2012-2013 375 233 264 422 270 716 273 953 2012 394 724 274 828 281 568 285 133 2011104 407 043 285 407 292 645 296 239 2010 432 989 302 158 310 513 314 566 2009 435 390 303 106 311 579 315 504 2008 450 475 311 060 319 424 323 403

Source : OJD : http://www.ojd.com/Support/l-equipe-edition-generale

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Ce document intègre dans des colonnes spécifiques, à partir de janvier 2011, les versions numériques issues de l’application de la nouvelle réglementation OJD concernant la diffusion numérique. Il convient donc de tenir compte de ces modifications pour interpréter les évolutions entre 2010 et 2011

102 Tableau 2 Le bilan de L’Equipe (2008-2011) En milliers d'euros 2011 2010 2009 2008 Chiffre d'affaires 218 571 230 559 217 991 226 881 Charges d'exploitation 235 241 234 735 232 984 235 182 Bénéfice ou Perte 7 693 4 388 9 652 -1 691 Fonds propres 16 942 36 799 48 615 43 515 Immobilisations nettes 52 580 62 619 71 103 76 587 Trésorerie -1 765 -1 444 -0 885 67 Dettes financières 2 217 2 375 3 038 1 541 Total bilan 111 183 118 446 127 526 125 943

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Source : http://www.verif.com/bilans-gratuits/L-EQUIPE-332978485

Voilà donc pour les chiffres ; mais on le sait, les chiffres ne servent pas uniquement à compter, à se compter pour s’évaluer soi-même ou par rapport aux autres, alliés ou concurrents. Ils servent aussi à (se) faire voir et faire savoir que l’on compte, au sens où il faut prendre au sérieux la position de celui qui est compté. Enfin, s’ils ne parlent pas à proprement parler, ils font parler. Ils nous ont donc fait parler. Mieux encore, ils nous ont aidé à vérifier que notre choix était pertinent pour constituer ce quotidien en corpus. Mais on ne peut s’en contenter et il est nécessaire d’aller au-delà des chiffres.