• Aucun résultat trouvé

La psychanalyse et l'humanisme

Dans le document Québec en mutation (Page 194-196)

1 Une vieille interrogation dans des ternies nouveau

3. La psychanalyse et l'humanisme

Retour à la table des matières

La psychanalyse apporte une toute autre contribution que le marxisme à la connaissance de l'homme. C'est l'univers intérieur de ce dernier qu'elle fouille en profondeur pour mettre en lumière les voies tourmentées de la motivation, les forces actives de l'inconscient, les impulsions secrètes et étouffées, les censures que la conscience s'impose à elle-même. En réalité la psychanalyse se présente comme une démystification de nos démons intérieurs.

À la différence du marxisme, ce n'est pas vers les sociétés historiques, les masses humaines, les classes sociales que la psychanalyse jette les yeux. Elle se penche plutôt sur l'homme individuel aux prises avec lui-même et son histoire personnelle, ses angoisses, ses rêves.

Comme le marxisme, mais d'une manière différente, la psychanalyse a mis en question la morale et la religion. Les fondements de la conduite humaine trouvent dans la psychanalyse une nouvelle explication. L'homme n'est pas l'être libre et raisonnable que nous avaient enseigné à croire les moralistes du Moyen-Age. Sa conduite est téléguidée par des impulsions instinctives qui sont d'autant plus puissantes qu'il refuse de les reconnaître et qu'il les refoule. Par conséquent, le problème de la responsabilité morale de la conduite prend un nouvel éclairage, puisqu'on sait maintenant que l'homme obéit à des motifs qu'il ignore et à des motivations qu'il refuse.

Par ailleurs, le sentiment de culpabilité prend une dimension jusqu'ici insoupçonnée : sur lui se serait construite la représentation d'un dieu qui punit ou qui pardonne et qui ne serait trop souvent que l'image d'un tribunal inté- rieur que nous aurions ainsi personnalisé et objectivé. Suivant une autre voie, Freud rejoint l'univers des idéologies et des rationalisations cher à Karl Marx.

Bien qu'ils soient profondément différents l'un de l'autre et même parfois à l'opposé l'un de l'autre, la psychanalyse et le marxisme sont deux modes d'ex- plication de l'homme qui présentent un étonnant parallélisme. Comme le marxisme, la psychanalyse adopte comme point de départ une expérience dou- loureuse de l'humanité. Elle s'est penchée sur l'angoisse psychique de l'homme, que l'on trouve à l'état le plus pur chez le déséquilibré affectif et chez le malade mental. Ici, c'est sous son aspect pathologique que l'homme est saisi et expliqué. Bien sûr, dira-t-on de la psychanalyse qu'elle n'est pas une théorie de l'homme, mais une méthode d'analyse ; bien sûr, dira-t-on aussi de la psychanalyse qu'elle n'est pas une philosophie, et l'on aura parfaitement raison. Mais il n'en reste pas moins que la psychanalyse comporte une descrip- tion de l'homme, de sa conduite et de ses sentiments, dont l'ensemble constitue une représentation cohérente et pratiquement globale de la personnalité hu- maine et de la souffrance de vivre. D'ailleurs, la psychanalyse promet aussi, comme le marxisme, une libération de l'homme, qui est non pas collective mais individuelle : libération de ses tourments, de ses angoisses, de ses démons.

Un autre caractère rapproche la psychanalyse du marxisme. Ce sont deux représentations diachroniques, dynamiques de l'homme. Le marxisme est une philosophie de l'histoire qui se veut explicative de l'évolution antérieure et présente. Ce n'est pas un monde figé qui apparaît au regard marxiste, mais des sociétés travaillées par de puissants mouvements contraires à travers lesquels s'écrit l'histoire.

De son côté, la psychanalyse nous enseigne que la conduite de chaque personne ne peut se comprendre qu'en la rapportant à son histoire personnelle la plus lointaine, en remontant jusqu'à sa naissance et même au-delà. Rompant avec la psychologie statique qui l'avait précédée, la psychanalyse interprète toute conduite humaine à la lumière des expériences passées qu'a vécues une personne et qu'elle porte encore profondément en elle.

Un autre trait rapproche ces deux représentations de l'homme: elles ne sont ni l'une ni l'autre des conceptions que j'appellerais essentialistes. Dans un cas comme dans l'autre, leur connaissance de l'homme s'appuie sur une analyse de besoins concrets, d'aspirations, d'angoisses. C'est une philosophie de l'homme qui suit un donné vécu et senti, plutôt qu'un humanisme correspondant à un modèle abstrait, intellectuel ou rationnel. C'est d'ailleurs ce qui fait le réalisme du regard que l'homme contemporain porte sur lui-même; plus que jamais, l'homme se regarde aujourd'hui avec lucidité et même avec une certaine dureté. La littérature et le cinéma modernes sont empreints de cette attitude. C'est l'homme en gros plan qu'on examine, dont on fouille les sentiments, dont on cherche à saisir les tics et les traits. Cette perception approfondie de l'homme par l'homme emprunte beaucoup au marxisme et à la psychanalyse.

Sans les rapprocher indûment l'un de l'autre, on peut donc dire que le marxisme et la psychanalyse ont entre eux certains points communs. L'un et l'autre offrent une nouvelle conception de l'homme ; l'un et l'autre ont refusé de suivre les voies traditionnelles de la réflexion sur l'homme ; l'un et l'autre ont adopté comme point de départ l'humanité souffrante, qu'il s'agisse du prolétaire ou du malade ; l'un et l'autre promettent la libération.

4. Le regard de l'évolutionnisme

Dans le document Québec en mutation (Page 194-196)