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Les opinions nationales

Dans le document Québec en mutation (Page 62-67)

Première partie : les opinions nationales

Présentation

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Les quatre essais qui constituent cette partie ont en commun qu'ils discu- tent tous d'un même sujet, l'évolution présente et l'avenir de la francophonie québécoise et canadienne-française. J'ai dit dans ces articles mon insatis- faction et mon inquiétude devant la situation actuelle des francophones canadiens et québécois et devant les options qui nous sont offertes. L'avenir de notre francophonie m'apparaît en effet plus incertain aujourd'hui que jamais, non seulement dans le contexte canadien mais plus encore dans celui de la civilisation états-unienne qui nous entoure et qui pénètre jusqu'au plus intime de nos vies et de nos consciences.

Mais j'ai le malheur de n'avoir réussi à me convaincre ni de la thèse séparatiste ou souverainiste, ni de la thèse fédéraliste officielle. Cela me prive de beaucoup d'amis et probablement aussi de beaucoup de lecteurs. Je continue à adhérer à une thèse qui n'est pas très populaire chez les francopho- nes canadiens, et qui l'est moins encore chez les anglophones, celle dune refonte de la Constitution canadienne à partir du postulat de la co-existence de deux sociétés ou deux nations, l'une de langue française et Vautre de langue anglaise. le n'ai cependant jamais cru qu’une idée n'était pas vraie ni valable du fait qu'elle n'était pas reçue immédiatement.

Dans un monde où l’on aime à polariser les options, il semblerait Parfois qu'il n'y ait que deux sortes de Canadiens : les séparatistes et les fédéralistes. C'est sans doute ce qui permet de croire qu'il est plus simple d'être l'un ou

l'autre. J'ai le tort de n'être tout à fait ni l'un ni l'autre, ou peut-être puis-je dire que je suis un peu l'un et l'autre. le crois qu'il est possible d'allier la marge d'autonomie dont a besoin la francophonie québécoise et canadienne aux avantages qu'il y a d'appartenir à un pays plus étendu que le seul Québec, plus diversifié, plus riche culturellement et qui serait probablement Plus en mesure de conquérir une certaine indépendance économique à l'endroit des États- Unis.

Mais le rattachement de la francophonie québécoise à la terre canadienne me paraît compromis tout autant par ceux qui prônent un fédéralisme dépassé que par la thèse indépendantiste. C'est ce qui fait que les chapitres deux et trois qu'on va lire dans cette partie furent d'abord des articles polémiques dirigés contre un certain fédéralisme. Le Chapitre II fut écrit à la demande de la direction de la Revue canadienne de Sociologie et d'Anthropologie, dans le cadre d'un débat sur les Livres I et II du Rapport de la Commission royale d'enquête sur le Bilinguisme et le Biculturalisme, publiés en 1968. J'ai surtout voulu dire dans cet article combien je regrettais que les membres de la Commission n'aient pas poursuivi leur analyse de la crise canadienne dans des termes aussi vigoureux que ceux qu'ils avaient employés dans leur Rapport préliminaire. Plusieurs passages de ce dernier paraissaient laisser croire que la Commission avait compris la thèse des deux nations canadiennes et l'avait faite sienne. Malheureusement, en regard du Rapport préliminaire, les Livres I et II m'avaient paru bien conservateurs, cherchant plutôt à plâtrer la situation présente qu'à proposer le remue-ménage nécessaire.

Je dois dire qu'il m'a paru que la Commission retrouvait une partie de sa vigueur dans les Livres III et IV. Ce dernier en particulier me paraissait heureusement éviter de tomber dans un multiculturalisme angélique. Or, voilà le Gouvernement Trudeau qui se lance tête baissée dans une redéfinition du Canada que n'avait ni proposée ni recommandée la Commission Gagnon- Dunton. Dans le chapitre III, j'ai voulu montrer en quoi la position du Gouvernement Trudeau a dérogé de la thèse soutenue par la Commission Gagnon-Dunton et dire pourquoi elle est à mon avis une malheureuse innova- tion, avec laquelle je suis en très profond désaccord, parce que j'y vois la menace la plus grave à la survie de la francophonie canadienne et peut-être à l'avenir du Canada.

le considère que les travaux de la Commission royale d'enquête sur le Bilinguisme et le Biculturalisme ont marqué un moment important dans la vie et l'histoire du Canada. Le Rapport de la Commission méritait qu'on l'analysât soigneusement, tout aussi bien que la réaction qu'a exprimée à son sujet le Gouvernement canadien. C'est cette réflexion que j'ai menée dans les deux articles dont je viens de parler.

En même temps, ces deux articles complètent le premier (Chapitre 1), dont la perspective est par ailleurs beaucoup plus large. Dans ce dernier, c'est le problème global de l'autodétermination culturelle, politique et économique du Canada français que j'ai voulu poser, en le situant dans le contexte nord- américain autant que canadien. C'est particulièrement dans cet article que j'ai cherché à dire pourquoi, à mon avis, l'avenir de la francophonie canadienne et québécoise est tellement incertain et quelles sont les difficiles conditions d'une authentique survie. On verra que je suis d'un optimisme modéré quant à la possibilité d'une francophonie nord-américaine originale dans l'avenir.

le suis par ailleurs d'avis que la recherche d'identité culturelle et le désir d'autodétermination ne sont pas réservés à la francophonie québécoise. Les Canadiens anglais traversent eux aussi une crise culturelle très difficile, mal connue des Canadiens français, Il y a pourtant intérêt à comparer les deux, pour mieux souligner à la fois ce qui les apparente et ce qui les distingue. C'est ce que j'ai voulu faire dans le Chapitre IV, où l'on verra, me semble-t-il, que le contexte nord-américain du Québec francophone comprend tout autant la culture canadienne-anglaise à la recherche de son autonomie que la civilisation états-unienne.

Un dernier point demande à être clarifié, On notera que dans ces articles je parle tantôt du Canada français, tantôt du Québec. Si l'on y regarde de près, on verra cependant qu'il ne s'agit pas de ma part d'une hésitation ou dune imprécision. À mes yeux, le Canada français et le Québec existent tous les deux et forment des entités différentes : on pourrait plus exactement dire que ce sont deux systèmes sociaux différents, qui en pratique se recouvrent partiellement, mais pas totalement. Le Canada français est une communauté ethnique et culturelle: il correspond à la notion francophone du Canada et il s'étend d'un océan à l'autre. Cette société francophone n'a pas de frontières précises : elle est plus concentrée dans le Québec, moins dans le Nouveau- Brunswick, très peu dans l'Ouest canadien. De son côté, le Québec est tout à la fois un territoire, un État délimité, une société multiple, et il a pris récemment pour plusieurs le caractère d'un pays. Il est le lieu principal de la francophonie canadienne et son gouvernement est le porte-parole de la seule province à majorité francophone de la Confédération, ce qui lui confère un caractère unique. Ces dernières années, on a pris l'habitude de parler du Québec pour désigner la francophonie québécoise. C'est peut-être là une réaction normale, mais qui n'en constitue pas moins une erreur de langage et de perception. La réalité québécoise est complexe et nous devons l'assumer telle qu'elle est et non telle qu'elle aurait pu être ou telle qu'on aurait aimé qu'elle fût.

Dans les articles qu'on va lire, l'analyse porte parfois sur le système du Canada français et à d'autres moments sur le système du Québec. Ces années- ci, il est plus à la mode de parler du Québec que du Canada français, comme

s'il n'existait déjà plus. Le réalisme commande pourtant de reconnaître qu'il est toujours là, tout autant que le Québec.

Il importe cependant de ne pas les prendre l'un pour l'autre. J'ai cherché à éviter cette confusion. En tout cas, le lecteur doit savoir que je n'emploie pas indistinctement les deux expressions. Ce sont pour moi deux unités diffé- rentes, que j'ai toujours cherché à maintenir distinctes tout au long de l'analyse que j'en ai faite.

Première partie : les opinions nationales

Chapitre I

Dans le document Québec en mutation (Page 62-67)