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Une proximité idéologique qui trouve ses racines dans la distanciation entre le Saint- Saint-Siège et les pays communistes Saint-Siège et les pays communistes

alliance idéologique ?

I. Une proximité idéologique qui trouve ses racines dans la distanciation entre le Saint- Saint-Siège et les pays communistes Saint-Siège et les pays communistes

Les Etats-Unis de Reagan et le Vatican de Jean-Paul II semblent connaître une convergence idéologique forte, qui n’est pas sans rappeler la situation qui prévalait sous Pie XII et Truman. Le pape de l’Est, qui a connu les deux totalitarismes du XXe siècle et le Président, progressivement devenu hostile au communisme à la suite de ses expériences à Hollywood (notamment sa confrontation avec les syndicats), partagent une conviction, celle de la nature profondément immorale de cette idéologie.

I. i. L’ « effet » Jean–Paul II

Au début des années 1980, on peut avoir l’impression qu’avec Reagan et Jean-Paul II aux affaires, l’ère de la détente américano-soviétique et de l’Ostpolitik vaticane est bel et bien révolue. Dès sa première conférence de presse, le 29 janvier 1981, le président américain enterre définitivement la détente à laquelle Jimmy Carter avait déjà donné de sérieux coups de canif. Interrogé au sujet de ce qu’il perçoit comme les objectifs à long terme de l’Union soviétique, il répond :

[…] jusqu’à présent la détente n’a été qu’une voie à sens unique que l’Union soviétique a utilisée pour parvenir à ses propres fins. […] leur objectif est la promotion de la révolution mondiale et d’un Etat

socialiste ou communiste unique dans le monde entier, quel que soit le mot que vous voulez employer.

Tant que ce sera le cas et tant qu’ils déclareront ouvertement et publiquement, comme ils continuent de le faire, que la seule morale qu’ils reconnaissent, c’est celle qui leur permettra de faire avancer leur cause, c’est-à-dire qu’ils se réservent le droit de commettre n’importe quel crime, de mentir et de tricher afin d’y parvenir, tout en affirmant que c’est moral et pas immoral, et que nous opérons selon des normes différentes, je pense qu’il faut avoir cela à l’esprit quand on traite avec eux1.

Quant à Jean-Paul II, certains commentateurs ont le sentiment qu’il est en passe de rompre le dialogue avec l’Est initié par Jean XXIII et repris par son successeur Paul VI et que l’on va assister à un retour à l’anticommunisme virulent de Pie XII. Ils prennent pour preuve de cela les propos cinglants tenus à l’encontre du régime polonais lors de son voyage de juin 19792. Les membres de l’Administration, dont le président Reagan3 (qui en aurait été ému aux larmes d’après celui qui deviendra par la suite son conseiller spécial à la sécurité, Richard Allen), ont eu l’occasion de suivre sur leurs écrans de télévision les images de ce voyage, voyage qui a contribué à donner l’impulsion à la création du syndicat d’opposition Solidarité4. Reagan avait évoqué son admiration pour le pontife dans une allocution radiodiffusée prononcée avant qu’il ne soit candidat à la présidence, et notamment son émerveillement face aux foules gigantesques qui s’étaient déplacées pour entendre le pape tout au long de son périple :

Il y avait longtemps qu’on n’avait pas vu un leader d’un tel courage faire preuve d’un tel dévouement à cette morale simple. […] Aujourd’hui, avec les yeux du monde entier rivés sur eux, ils [les Polonais]

ont regardé au-delà de la menace des armes et écouté la voix d’un homme qui leur a dit qu’il y a un Dieu et qu’ils ont le droit inaliénable d’adorer librement ce Dieu. Le Kremlin sera-t-il jamais le même ? Le serons-nous également ? Peut-être cet homme — le fils de simples agriculteurs — nous a-t-il fait prendre conscience que le monde a soif de renouveau spirituel et de leadership5.

Les images de ce voyage semblent l’avoir marqué, car à l’été 1981 encore, il écrit à un ami :

« J’ai lu avec un intérêt tout particulier vos commentaires sur la résurgence de la religion. J’ai

1 Ronald Reagan, “The President’s News Conference”, January 29, 1981,

http://www.reagan.utexas.edu/archives/speeches/1981/12981b.htm (consulté le 23 novembre 2009).

2 Agostino Giovanoli, “Karol Wojtyla and the End of the Cold War”, in Silvio Pons et Federico Romero (dir.), Reinterpreting the End of the Cold War; Issues, Interpretations, Periodizations (Londres, New York: Frank Cass, 2005), p. 83.

3 La spiritualité de Ronald Reagan continue à faire débat de nos jours. Né d’un père catholique et d’une mère protestante, il a été élevé dans la foi de cette dernière, qui a exercé une influence considérable sur sa personnalité. Nelle Reagan appartenait à l’église des disciples du Christ, dont elle était une fidèle très dévouée. A ce titre, Reagan a été actif dans cette Eglise pendant son enfance et sa jeunesse. Pourtant, une fois à la Maison-Blanche, il lui sera reproché une certaine duplicité, car s’il invoque constamment Dieu et Jésus dans ses discours, il ne fréquente aucune Eglise et n’assiste à aucun service religieux. Interrogé à ce sujet, il aurait répondu qu’il ne voulait pas faire courir de risque ou de désagrément aux fidèles d’une paroisse en allant assister aux offices religieux etc., ce qui ne l’aurait pas empêché de prier très régulièrement. Pour plus de détails sur le rapport de Reagan à la religion, voir Paul Kengor, God and Ronald Reagan: A Spiritual Life (New York: Regan Books, 2005).

4 Bernstein et Politi, His Holiness, p. 8.

5 Ronald Reagan, edited by Kiron Skinner, Annelise Anderson et Martin Anderson, Reagan, in His Own Hand (New York: The Free Press, 2001), p. 176.

eu le sentiment, particulièrement au regard du voyage du pape en Pologne, que la religion pourrait très bien se révéler être le talon d’Achille des Soviétiques6 ».

I. ii. L’Europe de l’Est, source commune de préoccupation

Les homélies et discours prononcés par Jean-Paul II tout au long de son voyage en Pologne sonnent comme une véritable leçon d’espoir pour une population en liesse venue en masse l’écouter et le voir. Ils constituent également un électrochoc pour le régime polonais et pour le Kremlin, notamment quand il exige la liberté pour l’Eglise, le droit des travailleurs à s’organiser, et qu’il s’attaque aux fondements moraux du système. Le 2 juin, lors d’une messe célébrée place de la Victoire à Varsovie, il déclare ainsi : « Exclure le Christ de l’histoire de l’homme est un acte contre l’homme. Sans lui, on ne peut pas comprendre l’histoire de la Pologne … ». Même son invocation au Saint-Esprit sonne comme un appel au changement politique dans le pays : « Que descende ton esprit ! Que descende ton esprit ! Et qu’il renouvelle la face de la Terre. De cette Terre7 ! ».

Jean-Paul II cherche à mobiliser directement l’Eglise et la société civile. Ce faisant, il rompt avec la politique traditionnelle de négociations avec les autorités, que ce soit par le biais de concordats ou d’une confrontation. Pour l’historien Scott Appleby, « […] Jean-Paul II a eu conscience que dans un monde où les communications globales étaient en pleine émergence, l’action de l’Eglise aurait plus d’impact si elle s’exerçait auprès de la société civile plutôt que dans le cadre d’une alliance ou d’une opposition aux Etats-nation. Le pape a porté son message directement auprès des masses8 ». Il s’agit pour Jean-Paul II de maintenir en vie la culture des pays sous emprise soviétique et d’éviter qu’ils ne sombrent dans le désespoir. Ceci n’est pas sans rappeler les propos de Ronald Reagan lors de son discours au Parlement britannique, discours au cours duquel il avait présenté son programme pour favoriser une évolution vers la démocratie à l’Est :

L’objectif que je propose est assez simple à exposer : il s’agit d’encourager les infrastructures de la démocratie, une presse libre, des syndicats, des partis politiques, des universités, qui permettent au peuple de déterminer lui-même les moyens de développer sa culture et de résoudre ses différences par des moyens pacifiques9.

6 Peter Schweizer, Reagan’s War (New York: Doubleday, 2002), p. 173.

7 Stanislas Dziwisz, entretiens avec Gian Franco Svidercoschi, Une vie avec Karol (paris : Le seuil/ Desclée de Brouwer, 2007), p. 133.

8 Scott Appleby, “Pope John Paul II”, Foreign Policy n°119 (summer 2000), p. 13.

9 Ronald Reagan, “Address to Members of the British Parliament”, June 8, 1982,

http://www.reagan.utexas.edu/archives/speeches/1982/60882a.htm (consulté le 1er février 2010).

Il semble donc au premier abord que le pape ait opéré une rupture avec ses prédécesseurs Jean XXIII et Paul VI, deux pontifes dont les orientations avaient troublé des Etats-Unis qui voyaient dans le dialogue entamé avec les régimes du bloc soviétique une possibilité pour ces derniers de revendiquer une nouvelle légitimité sur la scène internationale à moindre frais, tout en continuant les persécutions et les menaces contre l’Occident.

La grande inquiétude suscitée par l’élection du pape dans le monde communiste semble confirmer cette intuition. D’après le biographe du pape Tad Szulc,

[é]tant donné les tensions croissantes dans le monde communiste en général et en Pologne en particulier

— et étant donné la revendication forte de son identité polonaise — il était inévitable que son attention [de Jean-Paul II] se porte immédiatement sur le pays de sa naissance. Bien sûr, cette réalité a constitué un choc considérable pour les dirigeants à Varsovie et Moscou, car il représentait un défi politique potentiellement majeur à la stabilité du communisme dans la région. L’élection de Karol Wojtyla a constitué une surprise totale10.

L’intérêt pour les Etats-Unis d’avoir un pape polonais à Rome n’est pas passé inaperçu du côté de l’Agence centrale de renseignement (CIA). Dans une note parue quelques jours après l’élection du nouveau pontife, l’agence tente d’anticiper les conséquences de l’élection de Jean-Paul II :

L’élévation de l’archevêque de l’ancienne capitale royale de Pologne […] Cracovie va sans doute inquiéter considérablement Moscou, ne serait-ce que pour les réactions que son pontificat est susceptible de provoquer dans les pays communistes d’Europe de l’Est. Le choix d’un pape polonais, qui reflète la vitalité unique de l’Eglise polonaise, rendra encore plus difficile les efforts traditionnels de Moscou de lier culturellement la Pologne occidentale à l’Est, d’intégrer de plus près les Polonais dans le système d’alliances bilatérales et multilatérales dominé par les Soviétiques et de promouvoir une plus grande discipline sociale et politique en Pologne en consolidant le pouvoir du Parti communiste polonais. A cause de l’impact de Jean-Paul II, tout particulièrement son impact sur le nationalisme polonais, les Soviétiques auront désormais du mal à contrôler la gravitation instinctive de la Pologne vers l’Ouest sur les plans culturels et politiques. […] L’élévation au pontificat du cardinal Wojtyla va donner un élan formidable à une fierté nationale déjà considérable ; il sera ainsi plus difficile pour le régime d’ignorer les desiderata de l’Eglise. […] A long terme […] l’élection d’un pape polonais contribuera à l’essor du nationalisme en Europe de l’Est et générera une prise de conscience parmi les églises et les chefs orthodoxes de la région.

La présence d’un pape polonais risque d’avoir des effets au-delà des frontières du pays, d’après la CIA :

D’autres pays tels que la Tchécoslovaquie feront pression pour une plus grande liberté d’expression si les Soviétiques sont perçus comme trop arrangeants avec la Pologne. […] D’ailleurs, les éventuelles répercussions d’un accroissement du nationalisme polonais dans tous les pays de l’Europe de l’Est vont inciter la direction soviétique à surveiller de très près le moindre signe de réaction à ce pontificat polonais dans les pays d’Europe de l’Est. Le choix d’un pape polonais vient s’ajouter aux problèmes d’une direction âgée et fatiguée, qui connaît déjà des difficultés préalables à sa succession […]. L’effet ricochet potentiel du nationalisme d’Europe de l’Est sur l’Union soviétique est également considérable, tout particulièrement en Ukraine, où l’Eglise uniate compte de nombreux fidèles, en Biélorussie, qui comprend d’anciens territoires polonais jadis très catholiques, et dans les Pays baltes, qui comptent plusieurs millions de catholiques […]. Un pape polonais va revigorer la foi catholique dans ces régions

10 Szulc, Pope John Paul II, p. 308.

et risque de donner de l’audace aux dissidents catholiques qui vont manifester plus vigoureusement [leur opposition]11.

L’inquiétude est donc grande à Moscou, et si elle l’était déjà au moment de l’élection de Jean-Paul II, le voyage triomphal de ce dernier en Pologne la porte à son paroxysme. Moscou décide donc de frapper fort pour contrer l’influence du pontife. Une campagne à l’échelle mondiale est ainsi lancée depuis l’Union soviétique. Le secrétariat du Comité central du Parti communiste adopte le 13 novembre 1979 la résolution « d’œuvrer contre les politiques du Vatican au sujet des Etats socialistes ». Cette décision comporte un plan d’action en six points, avec entre autres la mobilisation des partis communistes dans les pays comptant de fortes minorités catholiques (Lituanie, Lettonie, Ukraine…), ainsi que celle des Académies des sciences et de l’agence Tass « afin de lancer une campagne de propagande contre les politiques de l’Eglise12 ».

I. iii. La théologie de la libération, autre source commune d’inquiétude

Au-delà du potentiel déstabilisateur pour le bloc soviétique de la présence de Jean-Paul II à Rome, l’Administration Reagan conclut à l’existence d’intérêts communs avec le Saint-Siège au sujet de l’Amérique latine. Les Etats-Unis de Reagan et le Vatican de Jean-Paul II semblent partager une même préoccupation au sujet de la théologie de la libération, préoccupation quant à ses implications politiques pour le premier et à ses implications religieuses pour le second. Dès février 1981, le département d’Etat note, avec une certaine satisfaction :

Les positions conservatrices et fermes du pape quant aux obligations pastorales ont constitué une surprise pour beaucoup de catholiques libéraux […]. Lors de ses voyages au Mexique (janvier 1979), en Afrique (mai 1980) et en France (2-4 juin 1980), il a demandé aux prêtres de ces pays de se concentrer plus sur leur travail pastoral et moins sur le militantisme politique13.

La théologie de la libération naît dans les années 1960 en Amérique latine. Ce mouvement s’est développé dans le contexte de la décolonisation et des réformes entreprises par l’Eglise sous Jean XXIII et Paul VI. Il défend l’idée selon laquelle l’Eglise doit participer à l’émancipation des peuples opprimés par un ordre politique, économique et social injuste, et en faire des artisans de leur propre libération. Pour certains, la résistance à l’oppression peut

11 Mémo, “The Impact of a Polish Pope on the USSR”, CIA National Foreign Assessment Center, October 19, 1978, cia.foia.gov (consulté le 21 octobre 2009).

12 Szulc, Pope John Paul II, p. 336.

13 Department of State Briefing Paper, “The Pope’s Visit to the Far East”, February 1981, box 3 folder 14, William A. Wilson Papers, Special Collections (ci-après SC), Georgetown University Library (ci-après GUL).

aller jusqu’à justifier des soulèvements. La théologie de la libération utilise le système de pensée marxiste pour analyser la situation du continent, qu’elle perçoit en termes de lutte entre les classes pauvres, dénuées de tout, et les classes possédantes. Ce seraient les conclusions de la deuxième conférence du Conseil épiscopal latino-américain (CELAM) en 1968 qui, en reprenant et développant l’« option préférentielle pour les pauvres » affirmée lors du concile Vatican II, et en en faisant un devoir central pour l’Eglise d’Amérique latine, auraient encouragé l’émergence de la théologie de la libération. Auparavant, les membres les plus défavorisés de la société étaient incités à accepter leur sort avec résignation. Dorénavant, ils sont encouragés à lutter. De plus, on leur dit que Dieu est de leur côté. En Amérique latine, cela revenait souvent à s’opposer à des régimes répressifs et oligarchiques qui bénéficiaient bien souvent du soutien des Etats-Unis. D’autre part, l’engagement politique des jeunes prêtres impliqués dans l’accompagnement de la lutte des pauvres n’était pas vu d’un bon œil par des hiérarchies épiscopales souvent proches du pouvoir, d’où de profonds clivages au sein des églises locales.

L’essor de la théologie de la libération s’accompagne de la création de communautés ecclésiastiques de base, formule née au Brésil dans les années 1960 pour pallier le manque de prêtres dans la région : en Amérique latine dans les années 1980, il n’y a qu’un prêtre pour 1 700 catholiques, comparé à un prêtre pour 800 fidèles aux Etats-Unis. Ces groupes de dix à trente fidèles se réunissent, sans la présence d’un prêtre, pour jouir d’une instruction religieuse, prier et s’entraider. En 1983, le continent latino-américain en compte entre 100 000 et 150 000 ; c’est la naissance d’une véritable « Eglise du peuple » ou « Eglise populaire », comme l’avait appelé de ses vœux le concile, où les fidèles jouent un rôle plein et entier aux côtés des personnes consacrées. Ces communautés vont souvent participer à l’action de groupes qui se battent pour le progrès social, ce qui conduit des religieux à s’impliquer directement dans des mouvements insurrectionnels. Au Nicaragua, l’Iglesia Popular est impliquée dans le mouvement sandiniste depuis le milieu des années 1970.

L’essor que connaît la théologie de la libération est perçu comme une menace potentielle par le Vatican, d’abord parce que le continent américain est celui qui abrite le plus grand nombre de catholiques au monde ; dans les années 1980, sur les 900 millions de catholiques recensés, 370 millions vivent en Amérique latine et centrale14. Au-delà des considérations d’ordre statistique, le fait que la théologie de la libération et ses prolongements ne soient pas du goût de Jean-Paul II est sans doute lié en partie aux origines du pontife. Natif

14 James Kurth, “The Vatican’s Foreign Policy, The National Interest n°32 (summer 93), p. 40.

d’un pays où Eglise et société sont soumises à un gouvernement marxiste répressif, il craint que ce mouvement ne contribue à l’essor du marxisme. De plus, son expérience en Pologne lui a enseigné que le seul moyen pour l’Eglise de survivre dans un environnement totalitaire est de faire preuve d’une unité sans faille reposant sur une stricte hiérarchie, principe qu’il cherchera à appliquer à l’Eglise dans son ensemble tout au long de son pontificat. Pour Tad Szulc, la théologie de la libération révèle les contradictions qui traversent la pensée du pontife :

Cette théologie constituait […] un défi intellectuel majeur pour ce prêtre de Pologne qui croyait profondément en la justice sociale mais qui craignait — sur la base de son expérience polonaise sous le communisme — que, dans la pratique, elle ne tombe sous la coupe du marxisme. […] Fidel Castro menait sa révolution « socialiste » à Cuba depuis vingt ans, et le pape partageait sans doute les craintes de l’Occident quant à son exportation à d’autres régions de l’Amérique latine catholique15.

Il formule sa première critique de la théologie de la libération lors de la conférence du CELAM de janvier 1979 à Puebla, au Mexique, premier voyage à l’étranger du nouveau pontife. Pour l’un des biographes du pape, Jonathan Kwitny, « lors de son premier voyage en Amérique latine, Jean-Paul II fut porteur d’un message en provenance d’Europe de l’Est16 ».

Lors de son discours aux évêques, à ceux qui « prétendent que Jésus était politiquement engagé, qu’il a lutté contre l’oppression et les autorités romaines, et qu’il était impliqué dans la lutte des classes » et qui utilisent cette image d’un Christ militant pour justifier un combat politique, voire militaire, il rétorque : « Cette conception d’un Christ personnage politique, révolutionnaire, d’un subversif de Nazareth, ne correspond pas à l’enseignement de l’Eglise, car elle confond les affirmations des accusateurs de Jésus avec les attitudes de Jésus lui-même ». Il s’en prend également à l’Eglise populaire, « une église qui est née du peuple, une église qui n’est pas celle du Christ17 ».

Pour Tad Szulc, l’attitude du pape à Puebla est également la résultante d’une piètre connaissance de l’Amérique latine (où il ne s’était jamais rendu), ainsi que du poids de certains de ses conseillers, pour lesquels la théologie de la libération était avant tout un mouvement pro-marxiste18.

L’Administration Reagan n’est pas plus favorable à la théologie de la libération, mais pour des raisons différentes. En 1980, un groupe de travail mis en place pour conseiller le

L’Administration Reagan n’est pas plus favorable à la théologie de la libération, mais pour des raisons différentes. En 1980, un groupe de travail mis en place pour conseiller le