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2. Cadre théorique

2.1 Code orthographique et compétence orthographique

2.1.2 Apprentissage du code orthographique : trois ordres de connaissances

2.1.2.3 Propriétés visuelles des mots

Catach (2008) est une des premières à avoir abordé la question des propriétés visuelles des mots. Pour cette auteure, la maitrise du code implique l’appropriation du principe logogrammique. Celui-ci se rapporte aux configurations orthographiques qui permettent de distinguer des mots homophones (par ex. : vers, verre, vers). Pour Catach (2008, p. 262), le logogramme représente donc un ensemble de lettres qui correspond à une unité graphique plus grande qu’un graphème. Daigle et Montésinos-Gelet (2013) vont plus loin et définissent une typologie de phénomènes qui concernent toutes les propriétés visuelles des mots. Ces phénomènes concernent non seulement des unités lexicales (principe logogrammique), mais également des unités sublexicales et supra lexicales.

Ces auteurs regroupent en deux catégories les phénomènes visuels qui caractérisent le code du français écrit. Il est question de phénomènes sublexicaux (Tableau 2.1), appelés aussi visuo-orthographiques, qui se rapportent à des configurations orthographiques présentes à l’intérieur d’un mot, et de phénomènes lexicaux ou supra lexicaux (Tableau 2.2), qui sont associés aux mots ou à des groupes de mots. Nous présentons ces phénomènes dans les tableaux ci-dessous.

Tableau 2.1 Phénomènes sublexicaux (visuo-orthographiques) Règles de positionnement

Ce phénomène implique la prise en compte de l’environnement orthographique dans le choix de certaines graphies. Ce phénomène visuel se manifeste dans certains cas à l’écrit seulement, dans d’autres cas, à l’écrit et à l’oral.

 Changement de graphies seulement :

Par exemple, la lettre n se transforme en m devant un b ou un p. Aucun changement phonologique n’est requis.

 Changement de graphies et de prononciation :

Par exemple, la lettre s entre deux voyelles se prononce généralement z, ou encore la lettre g suivie d’un a est un g dur. Dans tous les cas, deux procédures interviennent, une première procédure visuelle qui entraine une seconde procédure phonologique.

Légalité orthographique

Ce phénomène concerne ce qui est ou non possible et autorisé par la norme de l’orthographe française.

Par exemple, les doubles consonnes sont toujours au milieu du mot et jamais au début ou à la fin des mots (par ex. : balle, appel, bbale, appell). De la même façon, certaines consonnes se doublent (par ex. : l, m, r, s) alors que d’autres ne se doublent pas (ex. : j, k, v).

Multigraphémie

La multigraphémie est le phénomène qui réfère au fait que des sons peuvent s’écrire de différentes façons. Par exemple, le son [s] s’écrit s, ss, ç, etc.

Certaines graphies sont plus fréquentes que d’autres (par ex. : ss est plus fréquent que ç). Par ailleurs, certaines graphies apparaissent plus souvent en fonction de leur position dans le mot (par ex. : le son o s’écrit plus souvent eau en fin de mot que au).

Lettres muettes (qui ne transmettent pas de sens)

Comme nous l’indiquons, nous considérons ici uniquement les lettres muettes qui ne transmettent pas de sens, par exemple la lettre « t » de lait qui permet de faire des liens avec les mots de même famille (laitier, laiterie, etc.).

Les lettres muettes sont souvent des traces du passé. Par exemple, le h du mot homme relève des origines latines du mot.

Parmi les lettres muettes les plus fréquentes, on retrouvera le e. À la fin du mot, le e muet rend sonore la consonne qui précède.

Tableau 2.2 Phénomènes lexicaux ou supra lexicaux Irrégularité orthographique

Ce phénomène se rapporte aux mots contenant des séquences de lettres atypiques (par ex. : monsieur, yacht, second) ou même illégales (par ex. : jazz). Ces mots doivent être appris explicitement.

Homophonie (logogrammie selon Catach, 2008)

L’homophonie est le phénomène qui note la différence graphique entre les mots qui se prononcent de la même manière et qui n’ont pas le même sens. Par exemple, les mots « ver », « verre », « vers », se prononcent de manière identique. Cette différence graphique peut être marquée de quatre façons soit :

 Par le choix des configurations orthographiques distinctes (par ex. : pot, peau; ces, ses);

 Par les accents (par ex. : ou/où, a/à);

 Par les lettres muettes (qui ne transmettent pas de sens). Par exemple, foi /foie;  Par la frontière lexicale (par ex. : plus tôt/plutôt). Le recours à la classe des mots

est parfois requis. Idéogrammie

L’idéogrammie concerne, dans le cas de l’orthographe, la majuscule, l’apostrophe et le trait d’union. Ces marques permettent de distinguer des graphies (par ex. : Boucher/boucher; peut- être/peut être). Il s’agit d’informations visuelles qui ne sont pas des phonogrammes.

Frontières lexicales

Les frontières lexicales concernent le début et la fin de mots et se rapportent à la conscience qu’ont les scripteurs des mots (conscience lexicale). Les problèmes de fusion (par ex. : *lavie plutôt que la vie) ou de segmentation (par ex. : beau coup plutôt que beaucoup).

Daigle et Montésinos-Gelet, 2013, p. 21. Tous ces phénomènes qui caractérisent l’orthographe du français écrit peuvent contribuer aux difficultés d’apprentissage de l’orthographe des mots et à la mémorisation de leur représentation. Les phénomènes visuels rendent compte de la majorité des erreurs des élèves en orthographe lexicale (Daigle et al., 2013). Selon cette étude, les phénomènes qui causent le plus d’erreurs se rapportent aux phonèmes multigraphémiques, aux lettres muettes et aux homophones. Enfin, considérant que les élèves éprouvent des difficultés en orthographe lexicale, l’amorce de travaux ciblant les propriétés visuelles des mots et les procédures qui s’y rattachent pourraient peut-être permettre de mieux comprendre les

phénomènes qui semblent les plus difficiles à maitriser. En connaissant les phénomènes qui occasionnent le plus de difficulté aux élèves, il est alors possible de réfléchir aux modalités d’enseignement qui favoriseraient le mieux le développement de la compétence orthographique. Par ailleurs, il est aussi nécessaire de situer le développement des connaissances associées aux propriétés des mots dans le contexte plus général du développement de la compétence orthographique. Pour mieux comprendre comment se développe cette compétence, plusieurs propositions théoriques ont été formulées. Deux de ces propositions nous semblent particulièrement pertinentes dans le contexte de la présente étude. Elles permettent toutes deux de saisir les actions à poser pour orthographier correctement et les préoccupations du scripteur. Nous consacrons la prochaine section à la description de ces deux propositions.