• Aucun résultat trouvé

Études portant sur les pratiques déclarées des enseignants

2. Cadre théorique

2.4 Enseignement de l’orthographe lexicale : les études empiriques

2.4.2 Études portant sur les pratiques déclarées des enseignants

Nous présentons dans les prochains paragraphes quatre études (trois publiées en anglais et une en français) relativement récentes qui sont pertinentes dans le cadre de cette recherche, puisqu’elles ont eu recours à des données déclarées recueillies auprès d’enseignants et pour lesquelles nous pourrons relever les pratiques d’enseignement des propriétés des mots, des approches pédagogiques ainsi que les dispositifs que les enseignants mettent en œuvre en classe.

Johnston (2000) Description de l’étude

L’étude de Johnston (2000) avait pour but de recueillir des données sur les pratiques d’enseignement de l’orthographe lexicale. Pour ce faire, 42 enseignants américains de la 2e à la 5e année du primaire ont été sondés. La méthode utilisée par les chercheurs pour recueillir leurs données est l’entrevue supportée par un questionnaire comportant 10 questions ouvertes. Les enseignants ont été interrogés sur leurs pratiques d’enseignement de l’orthographe (listes de mots, routines, etc.) ainsi que sur les directives qu’ils reçoivent relativement à cet enseignement.

Les résultats révèlent que les enseignants ont recours à un enseignement formel de l’orthographe (93 %) qui inclut des listes de mots à faire apprendre chaque semaine et qui sont testés à la fin de la semaine grâce à une dictée de mots isolés. De plus, les données ont permis de distinguer trois modalités de choix de mots à enseigner. On retrouve premièrement une catégorie d’enseignants qui utilisent exclusivement un manuel scolaire (29 %) pour déterminer les mots à faire apprendre et pour planifier les activités d’apprentissage de l’orthographe. Une deuxième catégorie (21 %) regroupe les enseignants qui ont recours à une combinaison de moyens, c’est-à-dire qu’ils sélectionnent les mots en fonction des manuels scolaires, des textes à lire, de la fréquence des mots, etc. Enfin, une troisième catégorie de pratiques regroupe les enseignants (50 %) qui élaborent eux-mêmes leurs listes de mots à faire apprendre (par ex. : le choix de mots de grande fréquence ou liés à un thème) ainsi que leurs activités d’apprentissage. Ces derniers n’utilisent pas de manuels commercialisés.

Selon Johnson, les pratiques des enseignants sont nombreuses et varient en fonction des types d’enseignants. Pour les enseignants qui ont recours à du matériel commercialisé et ceux qui ont recours à une variété de moyens pour choisir les mots à enseigner, les pratiques les plus fréquentes sont : 1) les exercices à compléter tirés de manuels et 2) l’utilisation des mots en contexte d’écriture. Les enseignants qui créent leurs propres listes de mots enseignent les mots en contexte phrastique ou textuel ou ils les enseignent soit en tenant compte de l’ordre alphabétique, soit en fonction de leurs propriétés

formelles. Donc, on constate que les enseignants s’appuient sur différents moyens et critères pour établir leurs listes de mots. Par contre, celui des propriétés visuelles n’est pas sollicité dans l’enseignement de l’orthographe lexicale.

Fresch (2003)

Description de l’étude

Cette deuxième étude a cherché à dresser un portrait des pratiques d’enseignement de l’orthographe d’enseignants de la 1re à la 5e année du primaire. Au total, 355 enseignants répartis dans 9 états américains ont répondu à un sondage dont les questions visaient à en apprendre plus sur les pratiques des enseignants en matière d’enseignement de l’orthographe lexicale.

Deux sections composaient le questionnaire. La première, appelée Pratiques actuelles d’enseignement de l’orthographe, comportait deux volets. Le premier était constitué de questions sur le matériel (par ex. : programmes commerciaux3, manuels scolaires), sur le nombre de mots à étudier ainsi que sur les pratiques d’enseignement de l’orthographe. Le deuxième volet visait à recueillir les connaissances théoriques des enseignants associées à l’enseignement de l’orthographe lexicale. La deuxième section du questionnaire Pratiques actuelles d’enseignement de l’orthographe comportait des questions ouvertes. Les enseignants étaient invités à compléter trois affirmations, soit : a) dans l’enseignement de l’orthographe, ma principale préoccupation est; b) la plus grande difficulté de mes élèves en ce qui a trait à l’orthographe est et c) une autre considération que j’aimerais ajouter est.

Les résultats de l’étude montrent que 62 % des répondants rapportent utiliser un programme commercial pour enseigner l’orthographe et que 43 % ont recours à des listes de mots suggérées par ces programmes. Pour organiser leurs listes, les enseignants (63 % pour Toujours et Presque toujours) rapportent utiliser majoritairement des patrons

3 Les programmes commerciaux, tels que Houghton Mifflin, Scholastic Spelling, Sitton Spelling, Words Their Way, et Treasures, largement utilisés aux États-Unis se consacrent à l’enseignement-apprentissage de

orthographiques (par ex. : mots qui contiennent un même graphème : manteau, chapeau, gâteau). Concernant la sélection des mots qui constituent ces listes, seulement 7 % des enseignants impliquent leurs élèves dans les choix de mots à apprendre. Les résultats démontrent également que pour les enseignants ayant participé à cette étude, l’enseignement de l’orthographe implique une liste de mots à apprendre de façon hebdomadaire (86 %) et une évaluation à la fin de la semaine (84 %). Enfin, pour dispenser cet enseignement, les enseignants ont recours à différents dispositifs (mini- leçons (56 %), exerciseurs (44 %), classement de mots (30 %) et des jeux d’orthographe (32 %).

En ce qui a trait à la section portant sur les connaissances des enseignants, les résultats du sondage montrent que la majorité des enseignants (80 %) croient que l’enseignement de l’orthographe est plus efficace lorsqu’il est intégré à la rédaction de textes. Ils considèrent également important d’offrir cet enseignement en contexte formel (73 %), notamment grâce à des dispositifs qui favorisent la coopération (49 %) entre les élèves. Il ressort également des croyances des enseignants que les activités d’analyse de mots par l’entremise d’activités de classement (76 %) devraient être mises en œuvre dans l’enseignement de l’orthographe. Les résultats démontrent également que la stratégie phonologique (découpage des mots en phonèmes) pour rédiger les mots obtient un faible appui (33 %). Finalement, les avis sont partagés en ce qui a trait à la pratique de la copie de mots. En effet, environ la moitié des enseignants (46 %) affirment que cette dernière pratique aide les élèves à mémoriser l’orthographe.

Enfin, nous n’avons pas relevé de pratiques d’enseignement systématique du code orthographique et des propriétés des mots.

Graham et ses collaborateurs (2008) Description de l’étude

Ces chercheurs ont réalisé une étude permettant de relever les pratiques d’enseignement de l’orthographe des mots. Pour cette recherche, 169 enseignants sélectionnés au hasard aux États-Unis ont été sondés. Ils travaillaient auprès d’élèves de la première à la

troisième année du primaire. Pour atteindre leur objectif, les chercheurs ont distribué un questionnaire aux enseignants. Les chercheurs ont ciblé 20 pratiques d’enseignement de l’orthographe lexicale portant notamment sur l’enseignement des habiletés phonologiques, de règles orthographiques, d’approches éducatives (par ex. : mini-leçons, approche coopérative) et des dispositifs d’enseignement (par ex. : orthographes inventées, listes de mots). Pour chaque pratique, un choix de réponse selon une échelle de Likert (1= jamais; 2= plusieurs fois par année; 3= chaque mois; 4= chaque semaine; 5= plusieurs fois par semaine; 6= chaque jour; 7 = plusieurs fois par jour) leur était présenté.

Les résultats de cette recherche montrent que les pratiques les plus fréquentes sont liées à l’enseignement de la conscience phonologique (88 %), aux procédures et stratégies phonologiques (82 %) et aux correspondances phonogrammiques (92 %). Ils révèlent également que l’enseignement de l’orthographe lexicale s’appuie, à 93 %, sur des listes de mots à faire apprendre à la maison chaque semaine. Les enseignants ont indiqué que la sélection des mots de ces listes s’effectue majoritairement sur la base de répertoires de mots issus des programmes commerciaux (66 %). Ces mots sont aussi tirés de manuels scolaires (37 %), de livres lus par les élèves (30 %) ou à partir de leurs rédactions (26 %). Pour 14 % des répondants, les mots à apprendre sont choisis par les élèves eux-mêmes. Le questionnaire n’a pas permis aux enseignants de préciser les critères plus formels, comme les propriétés orthographiques des mots, sur lesquels ils s’appuyaient pour sélectionner les mots de leurs listes.

Mansour (2012) Description de l’étude

Cette dernière étude a été réalisée au Québec. Elle vise notamment à connaitre les pratiques d’enseignement de l’orthographe lexicale d’enseignants de première et de deuxième année. Pour ce faire, 490 enseignants (1re année : 253 et 2e année : 237) ont été sondés.

Les résultats sur les méthodes et les stratégies d’enseignement révèlent que la majorité des enseignants (85 %) déclarent utiliser le modelage comme stratégie d’enseignement et

soutiennent enseigner des stratégies pour orthographier les mots (87,3 %). Malheureusement, aucune de ces stratégies n’est présentée dans le rapport. Bon nombre d’enseignants (65,3 %) déclarent offrir souvent aux élèves des occasions d’écrire afin de leur permettre de mémoriser l’orthographe des mots. De plus, 59,5 % des enseignants ont déclaré prendre du temps chaque semaine pour examiner les particularités des mots avec leurs élèves. Du côté de la sélection des mots pour fin d’étude, les résultats révèlent que 20,4 % des enseignants s’appuient sur la littérature jeunesse pour élaborer leurs listes et que 21,4 % admettent soumettre de façon régulière des mots provenant des productions écrites des élèves. Concernant les dispositifs d’étude des mots et d’évaluation, les enseignants déclarent (94,1 %) soumettre régulièrement aux élèves des mots à étudier à la maison seulement (74,6 %) à des fins de dictées sans les avoir travaillés avec eux en classe.

Les quatre études portant sur les pratiques déclarées des enseignants qui viennent d’être présentées révèlent la présence d’approches et de dispositifs variés tels que l’enseignement explicite, le modelage (verbalisation de la bonne utilisation de l’objet d’enseignement), la pratique intégrée, l’orthographe approchée, la rétroaction à l’élève, etc. Par contre, peu de résultats nous ont permis de nous documenter en ce qui a trait à l’enseignement systématique des propriétés du code et des propriétés visuelles des mots. De telles informations seraient utiles pour mieux comprendre comment sont abordés en classe les aspects de l’orthographe qui causent le plus de difficulté aux élèves. Ces absences de données jointes à l’absence de prise en compte de l’enseignement systématique des propriétés du code dans les études menées en salle de classe nous amènent à croire que l’enseignement des propriétés du code orthographiques, en particulier celles qui ont trait aux propriétés visuelles des mots, n’a pas été formellement documenté. Des recherches complémentaires sur le sujet permettraient de parfaire le portrait des pratiques d’enseignement de l’orthographe lexicale, ce à quoi nous nous intéressons dans ce mémoire.