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Modèle interactif et simultané de Besse

2. Cadre théorique

2.2 Modèles de développement de l’orthographe

2.2.2 Modèle interactif et simultané de Besse

En prolongement aux travaux de Ferreiro, Besse (2000) propose un modèle qui réfère également à une conception constructiviste du développement de la compétence orthographique. Ce modèle propose un développement en trois périodes dont les procédures se manifestent de manière dominante, mais ne sont cependant ni obligatoires ni ordonnées (Besse, 1990). Il est également considéré interactif dans la mesure où l’enfant peut démontrer dans ses écrits l’utilisation d’une variété de procédures que Besse nomme plutôt « préoccupations » au moment d’effectuer une tâche d’écriture. En effet, ce chercheur émet l’hypothèse selon laquelle l’apprenti lecteur-scripteur développerait sa compétence écrite en fonction de diverses préoccupations manifestées par différents types de traitement. Ces préoccupations, que Besse regroupe en périodes, seraient d’ordres visuographique, phonographique et orthographique (Besse, 2000).

 Les préoccupations de type visuographique se regroupent selon deux sous- catégories :

 Les écritures mimographiques : les enfants tracent ce qui leur semble être de l’écriture. Ils ne font pas de liens entre la signification de la trace orale et celle de l’écrit. Le caractère permanent de l’écriture n’est pas envisagé.

 Les écritures sémiographiques : les traces graphiques prennent en compte la forme écrite et une unité de sens. Elles sont représentées par des lettres, des chiffres et des traits auxquels l’enfant tente de faire correspondre un signifié (Besse, 2000). L’enfant tente de distinguer graphiquement les différentes unités signifiantes du langage. Par contre, il utilisera une même série graphique pour une même catégorie sémantique ou pour une idée.

En ce qui concerne les préoccupations de type phonographique, l’enfant tente de faire correspondre des marques graphiques à la chaine sonore. On remarque alors des habiletés de segmentation du langage oral et une prise en compte de la longueur des mots. Cela signifie qu’il tente de faire correspondre des lettres aux unités orales (les syllabes d’abord) des mots. Dans un deuxième temps, l’enfant démontre une capacité plus fine à analyser les éléments sonores des mots tels que les phonèmes auxquels il fait correspondre une marque graphique conventionnelle. Enfin, une systématisation des acquis s’opère. L’enfant comprend que tous les phonèmes doivent être transcrits, que l’ordre de la succession des graphèmes est le même que celui des phonèmes et que la relation entre les phonèmes et les phonogrammes n’est pas consistante.

Les préoccupations de type orthographique, quant à elles, amènent l’enfant à se préoccuper des formes conventionnelles dans l’écriture des mots. Il ne suffit plus de faire correspondre des lettres à des phonèmes, mais de respecter la norme associée à l’orthographe normée des mots. Cet apprentissage passe par une prise en compte d’autres principes dans l’utilisation de marques graphiques spécifiques. Il tient compte des règles qui relèvent de la morphologie, et d’autres signes graphiques tels que les logogrammes et les idéogrammes ainsi que de la séparation entre les mots.

Les travaux de Besse tendent à démontrer que les enfants ne s’approprient pas l’écrit de façon étapiste. Son modèle propose un développement par périodes au sein desquelles certaines manifestations prédominent, ce qui suggère une dimension simultanée, c’est-à- dire sans que ces étapes soient linéaires et ordonnées (Besse, 2000). Les traces écrites des enfants témoignent alors d’un agencement de formes mémorisées et de l’application de règles qui peut être variable d’un contexte à l’autre (Besse, 2000). Besse tente donc de démontrer que les enfants, même d’âge préscolaire, utilisent différentes procédures, et ce, au moment même de leur scolarité où leurs connaissances sur le langage écrit sont encore pratiquement inexistantes. En ce qui concerne notre travail de recherche, il est d’intérêt de relever que les préoccupations visuographiques dont parle le chercheur témoignent d’une certaine prise en compte de l’aspect visuel des mots par les enfants et donc de l’utilisation d’une procédure visuelle générale. Ce sont plutôt les préoccupations appelées orthographiques par le chercheur qui permettraient la prise en compte des propriétés visuelles et spécifiques des mots. Cependant, les propos de Besse ne sont pas précis à ce sujet et ne rendent pas clairement compte du développement orthographique de l’enfant en lien avec les spécificités non phonologiques des mots écrits.

Enfin, les modèles de développement de l’orthographe de Ferreiro et de Besse ne dressent pas un portrait exhaustif de l’utilisation des procédures visuelles par les apprentis et ne s’attardent pas sur le type de phénomènes visuels qu’ils prennent en compte. Leurs travaux sont cependant d'intérêt pour appuyer le fait que les enfants, même d’âge préscolaire, utilisent une procédure visuelle pour orthographier des mots et qu’ils développent des connaissances sur ces propriétés sans avoir reçu d’enseignement formel de la langue écrite. Il semble donc que l’enseignement et l’apprentissage des propriétés visuelles des mots puissent être une piste intéressante à explorer afin de les considérer dans le développement de la compétence orthographique en début d’apprentissage de la langue écrite.

La prochaine partie s’attarde à la question de l’enseignement/apprentissage des connaissances et des procédures nécessaires au développement de la compétence orthographique. L’apprentissage de ces connaissances et l’habileté à recourir aux

procédures nécessitent un accompagnement de l’enseignant qui doit planifier les conditions et les contextes favorisant ce développement. Nous verrons ci-après ce que la recherche relève au sujet des ressources didactiques (contextes et conditions) favorisant le développement de la compétence orthographique des élèves.

2.3 Enseignement de l’orthographe lexicale

L’apprentissage de l’écrit ne se réalise pas de façon spontanée même si certains apprentissages peuvent être réalisés de façon implicite (Pacton, Perruchet, Fayol et Cleeremans, 2001), c’est-à-dire sans intervention formelle de l’enseignant. Il nécessite, pour la plus grande part, un enseignement explicite ou direct des contenus d’apprentissage (Fayol et Jaffré, 2008; Gombert, 2003). Cet apprentissage se réalise donc principalement en contexte formel. Avant de poursuivre l’exposé sur l’enseignement de l’orthographe, nous désirons faire le point sur certaines conditions plus générales qui favorisent le développement de connaissances et d’habiletés orthographiques. Cela permettra d’orienter notre questionnement sur l’enseignement de l’orthographe.

L’enseignement, de façon générale, ou l’éducation comme l’affirme Vigotsky : « est un facteur déterminant dans le développement des fonctions psychiques supérieures de l’enfant. » (cité dans Gauthier et Tardif, 2012, p. 226). Ces fonctions sont notamment, la prise de conscience et la systématisation des connaissances et des habiletés développées et réinvesties dans divers contextes, au-delà des interventions scolaires (Gauthier et Tardif, 2012, p. 227). C’est avec l’aide et la participation de l’adulte que l’enfant peut accéder aux outils nécessaires au développement de sa pensée. Ces outils, c’est-à-dire les ressources sociales et le matériel mis à disposition, permettront à l’élève de progresser en tant qu’apprenant. Dans le contexte scolaire, il incombe à l’enseignant de mettre en place ces ressources pour que l’élève apprenne, puisque c’est ce dernier qui est considéré comme le maitre d’œuvre de ses apprentissages.

La planification des contenus d’enseignement se réalise selon diverses modalités. Celles- ci concernent les activités ou les interventions pédagogiques (par ex. : en contexte formel

ou informel), les approches éducatives utilisées (Boyer, 1993; Écalle et Magnan, 2002; Cogis 2005) et les dispositifs spécifiques d’enseignement (Charron, 2008; Haas et Lorrot, 1996; Montésinos-Gelet et Morin, 2006) qui permettent de donner un sens aux apprentissages et de favoriser leur mobilisation dans d’autres domaines. Toutes ces modalités sont essentielles non seulement pour tout type d’apprentissage, mais aussi pour le développement de la compétence orthographique. À ce jour, cependant, la mise en œuvre de ces conditions en lien avec l’enseignement des propriétés du code orthographique est peu documentée.

Il semble pertinent de documenter les pratiques d’enseignement de l’orthographe lexicale et des propriétés du code, puisque peu d’études concernent l’examen de ces pratiques et que le ministère de l’Éducation met en œuvre une initiative pour améliorer les performances des élèves en français par son Plan d’action sur l’amélioration du français à l’enseignement primaire et secondaire lancé en 2008. Le Ministère formule, entre autres, dans ce document une mesure (16) qui consiste en la mise en place d’un plan de formation continue dont les enseignants devront se suivre afin de permettre à un plus grand nombre d’élèves de réussir en français. La formation continue est un moyen intéressant pour développer chez les enseignants une plus grande connaissance des pratiques favorables à l’apprentissage de l’orthographe lexicale à mettre en œuvre en salle de classe. Par contre, au-delà des pratiques pédagogiques dispensées en classe, nous nous demandons si les contenus d’enseignement en lien avec l’orthographe lexicale devraient également faire l’objet d’une attention particulière. En effet, il semble que nous ne sachions pas vraiment comment s’enseignent l’orthographe et les propriétés du code en salle de classe. Il existe quelques recherches ayant relevé les pratiques pédagogiques d’enseignants, mais elles ne semblent pas avoir abordé la question de l’enseignement des propriétés du code. Ces études se sont plutôt penchées sur les pratiques pédagogiques ciblant la compétence orthographique en général, en fonction des approches, des dispositifs et de l’organisation de l’enseignement (par ex. : différenciation pédagogique) auxquels ont recours les enseignants dans leur enseignement de l’orthographe (Graham, Morphy, Harris, Fink-Chorzempa, Saddler, Moran et Mason, 2008; Johnston, 2000; Mansour, 2012; Pressley, Rankin et Yokoi, 1996).

Il importe de poursuivre les travaux visant la description des contextes d’enseignement de l’orthographe afin de mieux cerner leur impact potentiel sur les apprentissages des élèves. Deux grands contextes caractérisent les activités de classe associées à l’enseignement/apprentissage de l’orthographe. La prochaine section, divisée en deux parties, présente les contextes informel et formel d’apprentissage de l’orthographe. Nous intégrons dans chacune d’elles les approches d’enseignement qui s’y rapportent ainsi que les dispositifs permettant la mise en œuvre de cet enseignement.