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Modèle étapiste constructiviste de Ferreiro

2. Cadre théorique

2.2 Modèles de développement de l’orthographe

2.2.1 Modèle étapiste constructiviste de Ferreiro

Ferreiro (1980, 1988) est l’une des premières chercheuses à s’être intéressée au développement des représentations de la langue écrite de l’enfant. Elle propose un modèle étapiste constructiviste qui accorde un rôle actif à l’enfant dans son apprentissage de la langue écrite. Celui-ci développe ses représentations de l’écrit en construisant par lui-même ses connaissances sur le système d’écriture. Il émet des hypothèses, de façon implicite, en s’appuyant sur ses expériences par rapport à l’écrit. Le modèle de Ferreiro repose sur l’hypothèse selon laquelle le processus de développement de l’écrit obéit à des principes d’évolution interne ordonnée et que, quoique le parcours développemental soit propre à chaque enfant, ces étapes se retrouvent au sein du développement, quel que soit la langue ou l’enfant (2000). Nous précisons ci-après les étapes du modèle de cette chercheuse :

1- Présyllabique : À cette étape, la représentation des mots est scripturale. Le mot est représenté par un dessin ou par des traits qui s’apparentent plus ou moins à la forme de lettres. De plus, sa longueur sera jugée selon la taille de l’objet qu’il représente. Par exemple, le mot train sera considéré plus long que le mot coccinelle. L’apprenti ne fait pas le rapprochement entre le mot à l’oral et le mot à l’écrit.

2- Syllabique : L’enfant est plus sensible à la forme sonore du mot à laquelle il tente de faire correspondre des lettres. Cependant, cette sensibilité adopte une forme syllabique. En effet, la syllabe du mot prononcé est transcrite très souvent par un seul signe graphique. Si les phrases orales sur lesquelles l’enfant s’appuie pour écrire sont plus longues, elles seront composées de plus de signes graphiques. À cette étape, la conscience phonologique se limite à la conscience syllabique, puisque le phonème n’est pas encore pris en compte.

3- Syllabico alphabétique : L’enfant découpe les mots en syllabes ainsi qu’en phonèmes et les marques graphiques correspondent tantôt à une syllabe, tantôt à un phonème. Il semblerait aussi qu’à cette étape, la graphie initiale du mot soit assez souvent correctement représentée.

4- Alphabétique : À cette étape, l’enfant est en mesure de transcrire tous les phonèmes du mot. Bien que la norme orthographique d’un mot ne soit pas adéquatement respectée, sa forme sonore peut être récupérée.

Le modèle de Ferreiro s’appuie sur l’évolution des représentations de l’écrit en fonction des correspondances entre la valeur sonore des mots et sa transcription. Les premiers travaux effectués par Ferreiro, qui est d’origine argentine, sur l’apprentissage de la langue écrite espagnole, qui consiste en une langue transparente, n’ont pas fait ressortir la nécessité de la prise en compte d’autres procédures, comme les procédures visuo- orthographiques, en début d’apprentissage, pour établir son modèle. Pourtant en élaborant ce modèle de développement, Ferreiro (1988) mentionne qu’au niveau pré-syllabique « la construction graphique d’un signifiant est déterminée par d’autres considérations » (p.

73). Elle viendra préciser ceci dans le cadre de travaux de recherche ultérieurs (Ferreiro, 1988) où il semble que certaines propriétés visuelles des mots soient considérées, comme nous l’abordons ci-après.

Pour expliquer le recours possible à d’autres procédures dès le début du développement de la langue écrite, Ferreiro consacre une grande partie de son livre L’écriture avant la lettre (1988) à la description de conditions formelles de « lisibilité » ou d’« interprétabilité » de termes par l’enfant au sein des étapes de son modèle développemental. Ces conditions, qui ne relèvent d’aucune préoccupation phonologique, pourraient, fort probablement, témoigner de l’utilisation d’une procédure visuelle et de considérations visuo-orthographiques. Elles concernent deux critères fondamentaux : la variété et la quantité de signes graphiques au sein des productions écrites des enfants (Ferreiro et Teberosky, 1982). Concernant la variété, une recherche conduite à Genève auprès d’enfants francophones âgés de 4 à 5 ans a permis d’observer comment ceux-ci construisent peu à peu leurs représentations de la langue écrite (Ferreiro et Teberosky, 1982). Dans cette étude, il a été demandé à l’enfant de choisir si oui ou non la suite de lettres qui lui est présentée (MMMM) constitue un vrai mot. Les résultats ont démontré que cette suite est refusée par les enfants, puisque, selon eux, « c’est la même chose » ou « il n’y a que des comme ça (M) » (Ferreiro, 1988). Ce critère peut également être appliqué à la structure interne du mot lorsque, par exemple, toujours lors de la même étude, lorsqu’on présente aux enfants une carte portant le terme « lolo », ils rejettent la possibilité que cette séquence de lettres représente un vrai mot. Ils mentionnent à cet effet que « c’est faux si on fait deux fois la même chose » (Ferreiro, 1988). En ce qui a trait au critère de quantité, les enfants rejettent également un terme composé d’une seule lettre ou de deux lettres alors qu’ils mentionnent que c’est « parce qu’il n’y en a pas assez (de lettres) ». Enfin, lorsque le terme présenté contient trois lettres et qu’elles sont différentes, les enfants, à 91 %, acceptent ce terme comme interprétable (Ferreiro, 1988). Ces travaux démontrent donc que les enfants d’âge préscolaire s’appuient sur plusieurs aspects de la langue écrite, notamment sur les propriétés visuelles des mots ainsi que sur une procédure visuelle, et ce, avant même d’avoir développé leurs connaissances du principe alphabétique.

Nous venons de voir que les travaux de Ferreiro ont mené à un renouvèlement de la façon d’appréhender le développement de la langue écrite chez l’enfant. Les recherches de Ferreiro ont permis de mettre au jour certains niveaux de conceptualisation des enfants au regard de la langue écrite et, notamment, de l’utilisation d’une procédure visuelle de traitement des mots écrits. Par contre, ces travaux ayant été effectués auprès d’enfants d’âge préscolaire ne peuvent faire l’objet d’une généralisation à l’élève qui reçoit un enseignement formel de la langue écrite. Des travaux complémentaires doivent être effectués afin de valider l’hypothèse selon laquelle les propriétés visuelles des mots jouent un rôle, au même titre que d’autres propriétés (phonologiques et morphologiques), dans le développement de la compétence orthographique en début d’apprentissage.

La prochaine partie traite d’un modèle de développement qui s’inscrit également dans une approche prenant en compte les représentations des enfants. Par contre, les préoccupations relevées s’appuient sur d’autres procédures que la procédure phonologique. De plus, les études s’y rapportant ont été menées sur des populations francophones.