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LES DIRECTIONS RÉGIONALES DE LA STATISTIQUE EN SOUFFRANCE

3.3. Promouvoir la catégorie d’analyse et d’action régionale

Le développement de la catégorie régionale dans les travaux universitaires et la multiplication simultanée d’initiatives locales destinées à promouvoir le développement économique régional offre, au début des années cinquante, l’occasion pour le directeur de l'INSEE d’espérer asseoir enfin la légitimité de son institution. Le programme régional des directions déconcentrées de l’Institut, progressivement abandonné, est soudainement remis à l’honneur. La direction générale est ainsi réorganisée pour mieux répondre aux besoins technologiques et méthodologiques des statisticiens des directions régionales. Les directions régionales elles-mêmes sont incitées à renforcer leurs collaborations avec les acteurs

économiques locaux qui développent des réflexions sur les thèmes nouveaux de la productivité ou du développement industriel, à relancer parallèlement des programmes de travail régionaux ambitieux.

La politique de standardisation des publications régionales de l'INSEE entamée au printemps 1952 constitue l’un des signes les plus visibles de la mobilisation nouvelle des directions régionales. Très inégalement suivie selon les régions, elle révèle les dommages causés par les attaques à répétition dont l’INSEE fait l’objet depuis plusieurs années dans le processus de développement des directions régionales engagé pendant la guerre. Cependant, les travaux publiés par les quelques directions dans lesquelles ce processus a pu être prolongé confirment l’orientation perceptible déjà en 1946. Diffusées dans les rubriques « variétés » des Bulletins régionaux de statistiques, ils constituent de véritables travaux de statisticiens, consacrés à des objets d’étude locaux, et se distinguent ainsi de simples régionalisations de fichiers statistiques nationaux. A ce titre d’ailleurs, ils intéressent les acteurs économiques des comités d’expansion avec lesquels des partenariats se développent.

Très vite ensuite, le gouvernement engage une politique de planification régionale qui consacre le retour de la région dans les catégories de l’action administrative. Là encore, le directeur de l’INSEE souhaite mobiliser ses directions régionales. Mais le processus, qui débouche rapidement sur l'institutionnalisation de nouvelles régions administratives, comporte de ce fait un cadre territorial contraignant, qui le distingue des initiatives locales de promotion du développement économique auxquelles les directions régionales pouvaient participer sur la base de leurs compétences. La volonté de Francis-Louis Closon de faire des directions régionales les fournisseurs des « statistiques régionales » nécessaires à l’élaboration des plans d’action régionaux s’inscrit cette fois en contradiction avec l’orientation des travaux statistiques que certaines d’entre elles mènent depuis plusieurs années. La suppression de l’échelon administratif régional a, en effet, définitivement repoussé des statisticiens des directions régionales les préoccupations de synthèse de données statistiques sur un territoire régional. Deux conceptions de la « statistique régionale » s’affrontent ainsi, alors que la catégorie se développe précisément dans le champ international de la statistique. La participation de l’INSEE au Congrès de l’Institut international de la statistique de 1955 est l’occasion d’éclairer les luttes qui marquent selon nous la fin d’une première étape dans le processus d’institutionnalisation des directions régionales de la statistique.

L’attention du directeur de l’INSEE aux études et recherches régionales

Avec les années 1950 se multiplient les publications de géographes puis d’économistes universitaires qui mobilisent la catégorie « régionale ». Ces travaux s’insèrent dans un mouvement qui affecte ces deux disciplines universitaires, mouvement issu notamment de l’importation du regional planning américain, qui concourt à « appliquer » les démarches de recherche respectives dans le cadre de monographies régionales. Soutenu sous l’Occupation par le régime de Vichy, ce courant souffre depuis la Libération d’un important discrédit. Sans doute disposé à rapprocher cette situation de celle dans laquelle se trouvent les directions régionales de l’INSEE, Francis-Louis Closon réagit aux premières manifestations de ces courants de recherche en aidant en particulier à la diffusion de certains travaux. La réforme de la direction générale de l’INSEE est également entreprise dès la fin de l’année 1949 afin que la structure soit davantage accessible aux directions régionales qui devront alimenter le développement, qui s’annonce, des études régionales.

En 1949 paraît l’ouvrage des trois géographes Gabriel Dessus, Pierre George et Jacques Weulersse, intitulé « Matériaux pour une géographie volontaire de l’industrie française »,78 qui, de l’avis des géographes contemporains, a permis l’ouverture et le renouvellement de leur discipline alors très peu développée.79 Outre sa vocation programmatique, l’ouvrage marque surtout la reprise par ses trois auteurs de leurs réflexions engagées sous l’Occupation, et qu’ils semblent avoir abandonnées depuis l’été 1945.80 L’avant-propos, qui évoque l’origine de ces travaux, omet pourtant de mentionner l’essentiel : ce qui expliquerait la probable et principale raison de cette retraite de plusieurs années. Les travaux ont en effet été engagés à l’occasion de la Commission Dessus, constituée à la demande de la délégation générale à l’Economie nationale du régime de Vichy, pour se pencher sur la question de la décongestion des centres industriels.81 De sorte que si les auteurs ne sont pas inquiétés à la Libération, leur objet de recherche est largement déconsidéré, du fait de son lien avec les institutions de Vichy.

78 Gabriel Dessus, Pierre George, Jacques Weulersse, "Matériaux pour une géographie volontaire de l'industrie française", Cahiers de la Fondation nationale des sciences politiques, n°7, Armand Colin, 1949, 178 p.

79 Voir sur ce point l’introduction que font Paul Claval et André-Louis Sanguin à leur histoire de la géographie française ; cf. Paul Claval, André-Louis Sanguin (dir.), 1996, op. cit., p. 11.

80 La bibliographie de la première partie de l’ouvrage témoigne ainsi de ce que toutes les productions des trois auteurs sur ce thème sont publiées entre novembre 1941 et août 1945 (une publication fait exception qui date de juin 1934) ; cf. Gabriel Dessus, « Éléments d’une politique de localisation de l’industrie », dans Gabriel Dessus, Pierre George, Jacques Weulersse (dir.), 1949, op. cit., pp. 103-106.

L’avant-propos de l’ouvrage des géographes évoque en revanche une série de conférences sur la localisation de l’industrie réalisée l’année précédente à l’Ecole d’application de l’INSEE.82 Elles constituent les premières références de l’après-guerre inscrites dans la bibliographie de l’ouvrage.83 De fait, l’invitation du directeur de l’INSEE, ancien résistant notoire, offre leur première tribune officielle de l’après-guerre à ces auteurs sur le sujet de la localisation des industries, et participe ce faisant à la réhabilitation d’une réflexion qui mobilisait les « données statistiques régionales » fournies par l’administration de la statistique.84 Plus encore qu’attentif au mouvement de recherche qui s’amorce dans la géographie, Francis-Louis Closon travaille donc à son développement.85

L’influence de la diffusion du programme de la « géographie volontaire » est considérable sur les champs de la géographie universitaire et de l’administration de la reconstruction. Au sein du premier, nombreux sont les géographes qui effectuent alors des travaux de géographie appliquée, important largement la littérature anglo-saxonne du regional planning déjà très développée.86 Du côté de l’administration, l’influence est plus immédiate encore ; le ministre de la Reconstruction et de l’urbanisme Eugène Claudius-Petit rend public son célèbre « Plan national pour l’aménagement du territoire » quelques mois plus tard seulement. Celui-ci précise les contours du champ administratif de réflexion qui s’ouvre sur les questions de localisation des activités.

Les deux processus, parallèles, sont cependant très largement liés, les géographes se penchant sur le sujet de l’aménagement de l’espace,87 et les agents de l’administration mobilisant la science géographique.88 Ils aboutissent à l’essor de la catégorie régionale dans

81 Lloyd Rodwin, Nations et cités. Comparaison des stratégies de la croissance urbaine, Paris, Denoël, 1972, 1970, 432 p., p. 203 et Danièle Voldman, « Aménagement du territoire », dans Jacques Julliard, Michel Winock (dir.), 1996, op. cit., pp. 59-60.

82 Gabriel Dessus, Pierre George, Jacques Weulersse, 1949, op. cit., p. 16. 83

Ibid., p. 105. 84 Ibid., p. 126.

85 Il faut regretter que les sources orales n’ont pas permis d’apporter un éclairage sur ce sujet délicat. Les souvenirs de Francis-Louis Closon n’étaient pas assez précis et nos démarches renouvelées pour rencontrer Pierre George n’ont pas abouti ; nous joignons le courrier adressé à Pierre George, qui a également été suivi de relances téléphoniques auprès du secrétariat de l’Académie ; cf. Annexes 6.

86 Sur le développement de cette littérature et son importation en France, on pourra se reporter à Michel Phlipponneau, Géographie et action. Introduction à la géographie appliquée, Paris, Armand Colin, 1960, 228 p., pp. 42-50, 71-75.

87 Voir par exemple Jean Gottman (dir.), L’aménagement de l’espace. Planification régionale et géographie, Paris, Colin, 1952, 140 p.

88

A l’instar des conférences que réalise en juin 1952 Philippe Pinchemel devant les inspecteurs de l’Urbanisme et de l’habitation sur le thème « La collaboration des géographes avec les urbanistes » ; cité par Michel Phlipponneau, 1960, op. cit., p. 180.

les études et les recherches menées dans chacun de ces deux champs.89 Les régions administratives n’ont cependant plus d’existence depuis plusieurs années. L’adjectif régional renvoie donc à des territoires dont les contours varient selon les études. L’usage du terme fait d’ailleurs écho à la signification des regional studies inspiratrices, qui portent indifféremment sur des Etats, des groupes d’Etats, ou au contraire des zones industrielles réduites.90

Un mouvement parallèle semble également s’amorcer dans le champ de l’économie universitaire, sous l’impulsion notamment de François Perroux qui défend en 1950 le programme de l’économie appliquée.91 La similitude avec ce qui se passe alors dans le champ de la géographie va jusque dans la dynamique des travaux de François Perroux, ralentie depuis la fin de la guerre du fait du soutien du régime de Vichy dont ont bénéficié ses activités scientifiques pendant l’Occupation.92 Quelques travaux isolés sont conduits dès le début des années cinquante par des professeurs d’économie d’universités de province, auxquels Francis-Louis Closon prête d’ailleurs, là encore, une attention particulière. Mais le développement de la réflexion des économistes sur la région ne s’entame véritablement que quelques années plus tard, avec l’importation notamment des travaux américains de la Regional Science Association fondée par l’économiste Walter Isard.93 Souvent liés à des initiatives institutionnelles de promotion du développement économique local, ils alimentent encore marginalement le champ national de la recherche économique (cf. infra).

Dans ce contexte nouveau, et alors que la légitimité de l’INSEE semble au plus bas, Francis-Louis Closon organise la réforme de la direction générale afin que les directions régionales, dont il envisage à nouveau le développement, disposent d’un soutien technologique et méthodologique plus facilement mobilisable. Il est, ainsi, décidé d’abord une « simplification et unification du commandement par la création d’une direction de l’exploitation », afin que les directions régionales n’aient plus qu’un seul interlocuteur

89 Sur ce processus de genèse de la catégorie régionale en lien avec l’action administrative, voir Jean-Louis Quermonne, "Planification régionale et réforme administrative", dans Administration traditionnelle et

planification régionale, Jean-Louis Quermonne (dir.), Paris, Armand Colin, 1964, 306 p., pp. 90 et s.

90 On peut noter l’exception que constitue à ce titre l’étude de Pierre George qui retient l’unité régionale de la « région économique » afin de mobiliser les données statistiques fournies par la Statistique générale de la France jusqu’en 1931 (cf. supra) ; cf. Pierre George, « Etude statistique des dimensions des établissements industriels (Rapport intermédiaire) », dans Gabriel Dessus, Pierre George, Jacques Weulersse, 1949, op. cit., pp. 107-144, p. 126.

91 François Perroux, « Les espaces économiques », Economie appliquée, n°1, 1950, pp. 224-244, reproduction française d’un texte paru dans le numéro de février 1950 du Quarterly Journal of Economics, sous le titre « Economic Spaces, Theory and Application » ; cité par Joseph Lajugie, Pierre Delfaud, Claude Lacour, Espace

régional et aménagement du territoire, Paris, Dalloz, coll. Précis, 1985, 988 p., p. 59.

92 François Perroux a notamment été le secrétaire général de la Fondation d’étude des problèmes humains au sein de laquelle il a fait avancer ses recherches ; cf. Alain Drouard, 1990, op. cit., pp. 154, 163, 241.

parisien pour l'ensemble de leurs travaux d’exploitation.94 Il est également décidé la « nomination d’un responsable des statistiques régionales ». Pour la première fois, l'administration centrale affecte des moyens à la coordination des travaux statistiques menés en région. La décision consacre ainsi, de manière administrative et officielle, l’expression « statistiques régionales » employée par René Carmille à l’automne 1942.

La mobilisation des directions régionales dans les initiatives de développement économique En complète contradiction avec la perspective que dessinait un an plus tôt le projet envisagé de rapatrier les statisticiens sur Paris, Francis-Louis Closon accompagne la réforme de la direction générale par l’affirmation d’un programme de développement ambitieux des directions régionales. Le renversement de situation est tel qu’il ne peut s’expliquer par l’espoir qu’apporte au directeur de l’INSEE le redémarrage qui s’annonce des programmes de recherche et d’étude dans les champs de la géographie et de l’urbanisme. Les comités locaux d’expansion qui se multiplient alors à l’initiative d’acteurs économiques intéressés par les questions nouvelles du « développement industriel », se présentent en revanche comme une occasion de développer l’activité des directions régionales dont les débats dans le Bulletin d’information statistique ont révélé le manque d’homogénéité.

Quelques semaines avant l’annonce de la réforme de la direction générale, le directeur de l’INSEE a adressé une note aux inspecteurs généraux, directeurs, chefs de service et directeurs régionaux, les informant des critères exigeants sur lesquels seront dorénavant recrutés les directeurs régionaux.95 Les compétences scientifiques dont devront disposer ces agents sont ainsi mises en avant. Ils devront ainsi avoir « la connaissance la plus étendue possible de tous les travaux de l’Institut ». C’est donc sans surprise que Francis-Louis Closon annonce lors de l’ouverture de la réunion de ses directeurs régionaux, le 29 novembre 1949, qu’aux mesures de réforme qui concernent l'administration nationale « doivent correspondre des impulsions nouvelles à base de travaux statistiques et économiques régionaux ».96

93 Sur ce point, voir Joseph Lajugie, Pierre Delfaud, Claude Lacour, 1985, op. cit., pp. 130 et s.

94 Allocution de Francis-Louis Closon du 29 novembre 49 lors de la réunion annuelle des directeurs régionaux ; cf. SAEF B 55 492.

95 Note de Francis-Louis Closon du 1er octobre 1949 ; cf. SAEF, B 55 365. 96 Francis-Louis Closon, 29 novembre 1949 ; cf. SAEF B 55 492.

Le programme de développement des directions régionales ne s’organise pas exclusivement cependant sur la base d’un projet scientifique. Francis-Louis Closon précise ainsi :

« Le stade de la gestion se trouve maintenant largement dépassé. Les directions régionales ne sont pas seulement des ateliers de la direction générale. Elles doivent manifester leur présence en province par une individualité technique marquée et largement exploitée par les usagers locaux. C’est à cette condition que l’implantation actuelle de l’Institut pourra être considérée comme définitive ».97

Le directeur de l’INSEE ne précise pas quels interlocuteurs des directions régionales il range dans la catégorie des « usagers locaux ». Il est néanmoins possible de formuler l’hypothèse que les acteurs économiques des comités d’expansion qui voient alors le jour dans quelques grandes villes en font alors partie.98 Il convient cependant d’envisager avec précaution le rôle des comités d’expansion qui se développent à l’initiative des milieux patronaux à la fin des années quarante. L’étude précise de la société locale bordelaise menée par Jacques Lagroye sur les décennies de l’après-guerre révèle au contraire la position marginale qu’occupent encore à cette époque, au sein du patronat local, les hommes qui s’intéressent aux thèmes nouveaux du développement industriel ou de la productivité.99 On peut en revanche souligner l’identité des situations qui rapprochent les promoteurs des comités d’expansion et les responsables des directions régionales.100 Dans l’éditorial d’une brochure de présentation de l’INSEE qui paraît en juin 1950, son directeur se montre d’ailleurs conscient que les directions régionales « accomplissent encore une œuvre de pionnier, en ce sens que jusqu'à ces dernières années la recherche statistique locale, hormis Strasbourg et pour une très faible part Paris, était inexistante. Il en allait de même, dans une moindre mesure, pour la recherche économique systématique. Il s’agit là d’un domaine où la

97 Ibid.

98

Jean-François Gravier rapporte les deux premiers comités d’expansion sont créés à Reims en 1943 et en Moselle en 1947 ; cf. Jean-François Gravier, Paris et le désert français, Paris, Flammarion, 1958 (1947), 320 p., p. 99. En 1950, la création du Conseil national des économies régionales vise à fédérer ses différentes initiatives qui se multiplient ; cf. Jacques Teneur, Lino Qual (di), Economie régionale et aménagement du territoire, Paris, Presses universitaires de France, coll. Dossiers thémis, 1972, 96 p., p. 42.

99 Jacques Lagroye, Société et politique. Jacques Chaban-Delmas à Bordeaux, Pedone, coll. Bibliothèque de l'Institut d'études politiques de Bordeaux, série Vie locale, 1973, 346 p., pp. 75 et s.

100 Ce rapprochement s’inscrit également dans une dynamique nationale de développement des statistiques d’entreprises ; voir notamment INSEE, 1996, op. cit., pp. 49-50.

France accuse un retard considérable eu égard aux travaux qui s’accomplissent depuis au moins un siècle à l’étranger [...] ».101

Les initiatives des comités d’expansion, même marginales au sein des milieux patronaux locaux, réactivent ainsi les ambitions du directeur de l’INSEE, qui encourage à cette époque le projet de création d’un « centre d'observation économique », imaginé à Bordeaux entre le professeur d’économie, Joseph Lajugie, et le directeur régional, Jean Lanxade, dont la direction serait assurée collectivement avec la chambre de commerce.102 Le projet, institutionnellement compliqué, n’aboutit pas.103 Il est néanmoins révélateur de l’état d’esprit de la direction générale de l'INSEE et éclaire les attendus du programme de publications régionales qui est alors décidé.

Le directeur de l’INSEE multiplie ainsi les courriers à ses directeurs régionaux pour leur rappeler qu’ils doivent nourrir des relations personnelles avec les « autorités et services locaux ». Au cours de 1950, il leur demande à ce titre d’ouvrir un « fichier de liaison des autorités, fonctionnaires, chefs de service et personnalités dirigeantes d’organismes publics ou semi-publics (chambres de commerce, etc...) de leur région avec lesquelles ils sont en relation ».104 Devant la réticence de certains directeurs régionaux à établir ce « fichier de liaison », Francis-Louis Closon rédige une nouvelle note qui leur expose plus précisément les raison de sa requête :

« Je vous rappelle que votre action personnelle est, en la matière, d’importance capitale et que l'établissement des relations directes et régulières avec les autorités locales représente une de vos tâches principales. [...] Les efforts de propagande faits à l’Institut depuis quelques années et les résultats obtenus ont montré tout l'intérêt que représentait de telles liaisons, facilitées par l’importance et l’intérêt sans cesse accrus des travaux et publications de l’Institut ».105

101 « Présentation de l’Institut national de la statistique et des études économiques pour la Métropole et la France d’outre-mer », INSEE, juin 1950, 14 p. ; souligné par nous. Strasbourg est évoqué à titre de pionnier, compte tenu de l’ancienneté de l’implantation régionale de l’administration de la statistique dans cette région. La recherche statistique locale de l’Office de statistique d’Alsace et de Lorraine s’essouffle pourtant progressivement pendant l’entre-deux-guerres (cf. supra).

102

Projet évoqué dans une note du responsable de la direction de la Conjoncture et des études économiques, André Piatier, à Francis-Louis Closon du 17 février 1950, citée par Béatrice Touchelay, 1993, op. cit., p. 428. 103 L’universitaire bordelais crée finalement l’Institut d’étude régionale du Sud-Ouest sans le soutien de l'INSEE (cf. infra).

104 Note du 25 octobre 1950 ; cf. SAEF, B 55 365. 105 Note du 15 janvier 1951 ; souligné par nous ; ibid.

On appréhende ainsi la hiérarchie que le directeur de l’INSEE veut établir : l’intérêt scientifique des travaux des directions régionales se présente comme le moyen pour elles de s’implanter dans le système politique et administratif local et d’obtenir, ce faisant, la légitimité qui leur fait toujours défaut.

Dans certaines directions régionales, la politique d’implantation qui s’engage porte rapidement ses fruits. A Bordeaux par exemple, le directeur régional participe aux travaux du Groupement d’études pour l’aménagement et l’expansion de la région de Bordeaux, créé en janvier 1953 à l’initiative de la Société pour la défense et le développement du commerce et de l’industrie regroupant la partie moderniste du patronat local.106 Reconnu, il se voit ainsi