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LES DIRECTIONS RÉGIONALES DE LA STATISTIQUE EN SOUFFRANCE

3.2. Les attaques du système statistique public

Très vite après le démarrage du chantier de la comptabilité nationale au début de 1946 par le Commissariat général au Plan, puis quelques semaines plus tard, par le ministère de l’Economie nationale, le ministère des Finances engage ses propres travaux, qui doivent permettre de participer à la réflexion. A la différence des deux initiatives précédentes, qui mobilisent des statistiques sur les productions industrielles, celle du ministère des Finances se base sur les données financières recueillies par ses différentes directions. Ce faisant, le chantier de la comptabilité nationale se réoriente vers la recherche de techniques de comptage plus légères et rapides. La perspective qui a pu être un temps envisagée de mobiliser l’appareil mécanographique de l’INSEE s’éloigne.

La décision du directeur de l’INSEE du printemps 1947, qui organise le maintien des personnels de l’INSEE dans les directions régionales, intervient alors que les inspecteurs des finances acquièrent progressivement un rôle prédominant dans la structuration du chantier de la comptabilité nationale. S’agit-il d’une stratégie de repli de Francis-Louis Closon ? Dans les mois qui suivent cette annonce, l’INSEE fait l’objet de nombreuses attaques techniciennes ou politiques dont un certain nombre proviennent du ministère des Finances. Les directions régionales, qui constituent la principale masse salariale de l’Institut, constituent les premières cibles. Mais derrière leur attaque, ce sont les missions même de l’INSEE qui sont visées. Les directions régionales deviennent alors un enjeu essentiel du développement de l'administration de la statistique.

Les inspecteurs des Finances à la conquête du chantier de la comptabilité nationale

La plupart des attaques portées au ministère de l’Economie nationale et particulièrement à l'INSEE proviennent du corps des inspecteurs des Finances, qui retrouve à cette époque, au sein de la sphère politico-administrative, une place importante. Avec l’arrivée au ministère des Finances en juin 1946 du MRP Robert Schuman, commence en effet une

période de reconquête du pouvoir par ce corps d’Etat affaibli par la période de l’épuration.47 Parvenant progressivement à s’imposer dans la lutte qui les oppose aux responsables du ministère de l’Economie nationale dans leurs domaines d'action traditionnels, ils investissent également avec succès le nouveau chantier de la comptabilité nationale – l’usage du terme est encore rare – présenté comme l’outil du gouvernement rationnel des décennies à venir.

A la sortie de la guerre, le corps des inspecteurs de Finances est relativement épargné par la politique d’épuration, ainsi que l'ensemble des corps des administrations financières, économiques et techniques.48 A l’exception d’une dizaine de personnes « épurées », les inspecteurs des Finances conservent les postes clefs qu’ils occupaient à la tête de leur vieille institution. Pourtant, les mises en cause dont ils font l’objet par la presse résistante, ainsi que la concurrence que leur livrent, sur leur champ de compétences, les agents du nouveau ministère de l’Economie, amoindrissent considérablement leur influence historique dans la conduite des politiques économiques de la nation.

Avec l’échec du premier projet constitutionnel en mai 1946, les hommes de gauche qui avaient inspiré la création du ministère de l’Economie nationale, dans la perspective de promouvoir une véritable planification politique et économique, perdent une partie de leur légitimité à imposer leur nouvelle vision et sont contraints de céder les clefs des ministères des Finances et de l’Economie. Alors que les ministres du gouvernement Bidault, qui se met en place le 26 juin 1946, sont pour la plupart issus du gouvernement Gouin sortant, les ministres des Finances et de l’Economie, André Philip et François Billoux, sont respectivement remplacés par Robert Schuman et François de Menthon, tous les deux issus du MRP (cf. Figure 6).

Le renouvellement des ministres en charge de la politique économique du pays se double de la nomination de François Bloch-Lainé au poste de directeur de cabinet de Robert Schuman,. Le jeune inspecteur des Finances, résistant notoire, incarne pour ses collègues le renouveau de leur corps en mal de légitimité républicaine. Pour les partisans de la limitation du pouvoir des inspecteurs des Finances, cette promotion apparaît très clairement comme un risque supplémentaire de retour en arrière. D’autant qu’à peine deux mois plus tôt, l’évolution du rapport de force entre les inspecteurs des Finances et leurs collègues du ministère de l’Economie, jugé défavorable par André Philip et François Billoux, avait conduit les deux

47 Robert Schuman est ainsi le premier ministre des Finances de l’après-guerre qui n’ait pas fait partie des réseaux londoniens préparateurs de la constitution du ministère de l’Economie nationale.

48 Sur la politique d’épuration menée au sein de l’inspection des Finances, voir Michel Margairaz, 1991, op. cit., pp. 773-775.

ministres à annoncer la création d’un corps d’inspecteurs de l’Economie nationale.49 A partir de cette date, on peut juger que le corps de l’inspection des Finances retrouve, en l'espace de deux années, son rôle prépondérant dans la conduite des politiques économiques. La véritable conquête qu’il réalise du chantier de la comptabilité nationale offre une remarquable illustration de ce retour en force.

Dès son arrivée au cabinet du ministre des Finances, Bloch-Lainé lance ses services sur la réalisation d’un bilan comparé des finances publiques de 1913 à 1946. Le document qui est produit est l'occasion du rassemblement inédit des données des différentes directions du ministère, ainsi que celle de la publication d'informations jusque là inexploitées. Mais il s’agit surtout que le ministère des Finances fasse entendre sa voix dans les débats sur la situation économique de la France, que le CGP a contribué à lancer au début de l’année 1946. Les résultats de ce travail sont ainsi publiés dès le mois de décembre 1946 sous le nom de l’Inventaire Schuman.50 L’effet d’annonce est réussi : il faut désormais compter avec les inspecteurs des Finances.

L’année 1947 est l'occasion pour plusieurs inspecteurs des Finances d’être nommés à de nouveaux postes administratifs et politiques stratégiques pour la conquête du chantier de la comptabilité nationale. En juin, François Bloch-Lainé quitte le cabinet de Robert Schuman pour prendre la tête de la prestigieuse direction du Trésor.51 De là, il crée en octobre un Comité de statistiques chargé de la mise à jour de l’Inventaire Schuman, auquel il associe Paul Delouvrier, inspecteur des Finances et chargé de mission au CGP de Jean Monnet. L’entreprise est directement concurrente de l’initiative que vient de prendre ce dernier avec la création de la Commission du bilan national qui s’appuie sur le travail « d’un petit noyau de statisticiens détachés de l'INSEE ».52

Les inspecteurs des Finances investissent également le ministère de l’Economie nationale, auquel Jean Monnet s’est intéressé quelques mois plus tôt. En janvier 1947 en effet, le commissaire général au Plan a obtenu du Président du conseil la tutelle de la direction des Programmes du ministère de l’Economie nationale, en charge du suivi de l’exécution du

49 Ibid., pp. 826 et 829.

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Aude Terray, 1997, op. cit., p. 266. L’ironie de l'histoire veut que la publication intervienne alors que le renversement du ministère Bidault a été l'occasion du retour au ministère des Finances de André Philip, partisan on le sait d’une limitation du rôle des inspecteurs des Finances.

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Ibid. La constitution du gouvernement Ramadier en janvier 1947 a en effet permis à Schuman de retrouver le portefeuille des Finances.

Plan.53 Ainsi, à l'occasion du remaniement ministériel de novembre 1947, qui intervient suite aux élections municipales, le portefeuille de l’Economie nationale, transformé en secrétariat d’Etat, est confié à un jeune inspecteur des Finances, Félix Gaillard, ancien proche de Jean Monnet. Les inspecteurs des Finances dessinent ainsi le partage du travail de la conquête du chantier de la comptabilité nationale : à Bloch-Lainé le contrôle du dynamique Commissariat général au Plan, à Gaillard celui de l’ancien ministère de l’Economie nationale.

L’entreprise la plus compliquée est celle dont se charge Bloch-Lainé. C’est une initiative de Jean Monnet qui lui permet de porter l’attaque. En effet, le commissaire au Plan, qui sent la nécessité de s’autonomiser vis-à-vis du ministère des Finances, souhaite profiter de l’arrivée à sa tête, en novembre 1947, de son ami René Mayer, pour créer un fonds de financement du Plan, autonome. Les services de Rivoli, emmenés par François Bloch-Lainé, s’opposent à ce projet et finissent par obtenir de leur ministre, le 21 mars 1948, qu’il institue un Fonds de modernisation et d’équipement (FME) dont le fonctionnement serait équivalent à celui d’un compte spécial du Trésor !54 La solution est trop insultante pour Monnet. Après de longues négociations, le directeur du Trésor propose un montage institutionnel qui accorde au Commissaire général au Plan le soin des propositions en matière d'investissements, mais qui conserve à la direction du Trésor la responsabilité de l’engagement des dépenses, après avis d’une Commission des investissements, ouverte aux différents acteurs de la planification.55 Jean Monnet se plie à contrecoeur au diktat voilé du Trésor. Le ministère des Finances s’est imposé comme l’acteur légitime du financement de la planification.

En matière d’infrastructure intellectuelle, le chantier de la comptabilité nationale en est encore à ses débuts, mais l’avantage comparatif que Jean Monnet a tenté de mettre en place au début de l’année 1946 est fermement contesté par les inspecteurs des Finances qui ont créé leur Comité de statistiques. A ce sujet, François Bloch-Lainé vient de faire un nouveau pas en avril 1948 ; il obtient le rattachement à la direction du Trésor du Bureau de statistiques et d’études financières (BSEF, futur SEEF – service des Etudes économiques et financières) de la direction générale des Impôts, qu’il charge immédiatement du secrétariat du Comité de statistiques.56 L’ambition de l’Inspection des Finances dans l’entreprise intellectuelle de la comptabilité nationale dispose maintenant d’un outil administratif. Ce faisant, le chantier de la comptabilité nationale se structure sur la base de compétences statisticiennes, mais en dehors

53 Michel Margairaz, 1991, op. cit., p. 855. 54

Ibid., p. 1043. 55 Ibid., p. 1046.

des comptages qu’auraient permis les fichiers mécanographiques de l'INSEE. La planification a besoin de données rapidement mobilisables et les données financières, plus approximatives, paraissent également plus appropriées.

A l’été 1948, le CGP a perdu sa position de chef d’orchestre dans le chantier de la planification, au profit des inspecteurs des Finances. Mais surtout, l'INSEE n’a pas su imposer la technologie mécanographique : le CGP et le ministère des Finances ont développé des outils de planification financiers. A cette date, reste ainsi en suspens la question de l’administration de la statistique, un temps épargnée pour ce qu’elle constituait l’infrastructure potentielle de la politique de planification.

La mise en cause de l’INSEE

Dès son arrivée à la tête du secrétariat d’Etat à l’Economie nationale, en novembre 1947, Félix Gaillard commande à la Commission de la réforme administrative un rapport sur la réorganisation de ses services. Sa mission ne peut être plus clairement affichée : il s’agit de réduire les effectifs du ministère de l’Economie nationale. Un tel rapport, commandé par le ministre lui-même, ouvre la voie à une somme d’autres rapports administratifs qui ciblent tous leurs critiques sur l’INSEE qui constitue l’un des deux plus gros services du ministère de l’Economie nationale.57 Depuis la fin de la guerre, des voix d’origines diverses se sont élevées pour alimenter régulièrement la contestation de la légitimité et de l’efficacité des directions régionales de l'INSEE. Mais, à partir du premier semestre de 1948, les critiques, qui proviennent en majorité du ministère des Finances, concernent l’Institut de la statistique dans son ensemble, les directions régionales en particulier parce qu’elles représentent la grande majorité de son personnel (cf. Figure 7). Le changement de cible des attaques fait écho à la décision de Francis-Louis Closon de faire des directions régionales le cœur du système statistique public.

En confiant la réflexion sur la réorganisation de ses services à la Commission de la réforme administrative, le ministre de l’Economie nationale réalise une manœuvre habile. La commission confie en effet la rédaction de son rapport à des fonctionnaires, qui n’étant pas issus de l’inspection des Finances, ne peuvent pas être soupçonnés de travailler au

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Selon Michel Margairaz, les deux services du ministère les plus lourds sont le Contrôle économique (1,4 milliards de dépenses pour 2 milliards de rentrées en amendes) et l'INSEE (964 millions de fonctionnement dont

rétablissement de la suprématie du ministère des Finances.58 Le document final, qui est présenté en mars 1948, satisfait cependant entièrement son commanditaire qui le reprend aussitôt à son compte en accentuant ses conclusions.

La commission recommande d’abord une diversification du recrutement des cadres du ministère : ils sortent trop exclusivement des corps du ministère des Finances dont l’Economie nationale aurait dû se distinguer. La formulation permet de satisfaire les militants de la cause de l’Economie nationale en même temps que ses détracteurs, qui dénoncent une réalité du ministère en décalage par rapport à l’originalité initialement visée. Avec logique, le rapport aborde ensuite la nécessité de réduire les effectifs du ministère. Pour ce faire, il est suggéré d’abandonner progressivement les tâches d’exécution du Plan, prises en charge par la direction des Programmes. En contrepartie, le rapport propose que l’INSEE se recentre sur des missions de conception, investies par le Commissariat général au Plan. Il est ainsi proposé d’intégrer les services du Plan !59

La recommandation d’une réorientation complète de la fonction du ministère de l’Economie nationale sonne comme un constat d’échec. En écho à ce constat, trois autres rapports, rédigés par des agents du ministère des Finances et rendus publics au même moment sont consacrés à l’INSEE. Le premier rapport, qui parvient à l'INSEE en février 1948, porte le nom de l’inspecteur des Finances qui le rédige, Claude Chassaigne. L'enquête s’intègre dans une mission plus large, menée par le Comité d’enquête sur le coût et le rendement des services publics, mission qui s’intéresse à l'ensemble des services économiques de l'administration.60 Ses conclusions sont assez sévères.61 Elles regrettent en premier lieu la faible rentabilité de l’Institut.62 Les directions régionales sont au cœur des critiques. Caractérisées par le fort absentéisme de ses agents, elles seraient aussi retardées par le manque d'organisation du travail. L’inspecteur des Finances propose alors de les décharger de leurs missions mécanographiques, qui seraient centralisées à Paris. Elles ne conserveraient que les tâches deux tiers sont couverts par une facturation aux ministères commanditaires) ; Michel Margairaz, 1991, op. cit., p. 1064.

58 Le conseiller d’Etat Le Gorgeu est entouré de Louis Armand, directeur adjoint de la SNCF et inspecteur de l’Economie nationale et d’Henri Faure, ancien directeur de cabinet d’André Philip ; cf. Michel Margairaz, 1991,

op. cit., p. 1064.

59 Ibid., p. 1067.

60 La « Mission sur les services économiques de l'administration » est confiée à Georges Boris, proche de Pierre Mendès France ; ibid., p. 1070.

61 Quelle que soit la sévérité des conclusions, la direction générale de l'INSEE réagit de manière très modérée, comme en témoigne cette citation extraite de la réponse au rapport qu’elle adresse au ministre : « En conclusion, le rapport de M. L’inspecteur des Finances Chasseigne ne soulève que des observations de détail de la part de l’INSEE » ; cf. Archives privées de Xavier Jacquey, mauvaise orthographe du nom dans l’intégralité du rapport. 62 Béatrice Touchelay, 1993, op. cit., p. 339.

d’études statistiques, qui devraient être menées en lien avec l'administration préfectorale locale. Par cette opération, la moitié des directions régionales pourraient être supprimées. La direction générale de l'INSEE pourtant ne s’inquiète pas d’abord des conclusions du rapport. L'ensemble des travaux de la Mission sur les services économiques de l'administration doit en effet être présenté en juin 1948 par son coordonnateur, Georges Boris, connu pour être un proche de Pierre Mendès France, lui-même farouche partisan de l’autonomie du ministère de l’Economie nationale.

Pourtant, en juin 1948, les conclusions de Georges Boris confortent celles du rapport Chassaigne. La fusion des structures des Finances, de l’Economie et du Plan dans un grand ministère des Finances dont la réflexion ne se bornerait plus aux choses de la finance, est en effet en train de s’imposer à l'ensemble des responsables politiques. A la notable exception de Gaston Cusin, alors secrétaire général du Comité économique interministériel, les socialistes rallient ainsi les partisans de la fusion qui fera disparaître le ministère de l’Economie nationale.63 Le projet de concentration des tâches mécanographiques porté par le rapport Chassaigne s’inscrit donc dans un projet plus vaste de rénovation des structures administratives de l’Economie nationale imaginées pendant la guerre.

A quelques jours d’intervalle, un autre rapport paraît sur l'INSEE, qui concerne plus spécifiquement la gestion du fichier général des électeurs, confiée à l’Institut depuis l’été 1946.64 Une seconde fois, les directions régionales sont la cible des critiques d’un rapport technique. Dans ses conclusions, Yves Martin, administrateur civil au ministère des Finances, suggère de « centraliser à Paris le fichier électoral de l'INSEE et de l’installer dans un immeuble spécialement construit à cet effet. L'administrateur envisage de financer l’opération immobilière par la suppression des directions régionales ».65 Face à cette nouvelle mise en cause technique des directions régionales, la défection des soutiens politiques traditionnels se fait à nouveau ressentir.

Le directeur général de l’INSEE envisage le pire pour son administration

Devant la conjonction des attaques politiques et administratives, le directeur général de l'INSEE annonce, le 14 juin 1948, la suppression à terme des ateliers mécanographiques des

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Michel Margairaz, 1991, op. cit., pp. 1075-1083.

64 Sur ce dossier, voir Béatrice Touchelay, 1993, op. cit., pp. 277 et s. 65 Michel Margairaz, 1991, op. cit., p. 343.

dix-huit directions régionales, neuf d’entre eux étant momentanément maintenus pour l’exploitation du recensement démographique de mars 1946.66 Malgré l’importance de la décision, on est loin encore de la suppression des directions régionales envisagées dans les rapports administratifs. Du moins la solution transitoire qui a été retenue ménage-t-elle encore une perspective d’évolution alternative. Quelques manifestations de soutien parviennent également à l’INSEE en provenance des villes où les ateliers mécanographiques doivent être supprimés. Mais surtout, les tâches mécanographiques ne représentent, contrairement à ce qu’envisagent les rapports produits sur l’INSEE, qu’un quart des activités des directions régionales. Pourtant, Francis-Louis Closon annonce quelques semaines plus tard son intention de rapatrier à la direction générale l’ensemble des compétences statisticiennes. L’abandon des directions régionales qu’il envisage comme le cœur du dispositif statistique public révèle la gravité de la crise de légitimité que traverse alors l’INSEE.

Quelques jours après l’annonce de la suppression de la moitié des ateliers mécanographiques, une note du cabinet précise que les machines des ateliers désignés devront être déménagées vers les directions régionales conservant momentanément leur atelier.67 La direction de l'INSEE continue donc de défendre le programme régional et tente, avec cette mesure dilatoire, de rendre le provisoire définitif. En maintenant quelques gros services statistiques déconcentrés, elle ménage en effet la possibilité de maintenir surtout des compétences statisticiennes en région, garantes de l’autonomie des structures, de l’implantation territoriale, des productions statistiques à destination des acteurs régionaux.

La mise en œuvre de la suppression de la moitié des ateliers régionaux est ensuite l'occasion que se révèlent des soutiens politiques inédits pour l’implantation locale de l'INSEE. Le choix des neuf villes dont les directions régionales doivent être amputées de leurs ateliers mécanographiques inquiète en effet les élus locaux qui risquent de perdre des emplois sur leur circonscription électorale. Les milieux consulaires également, pour ceux qui ont recours à l’expertise des statisticiens de la direction régionale, témoignent de leur regret.