• Aucun résultat trouvé

DES ATELIERS RÉGIONAUX POUR UNE ADMINISTRATION DE LA STATISTIQUE RENFORCÉE

1.2. Des organes régionaux pour le Service de la démographie

L’acte de fondation du système public de la statistique contemporain que représente la création du Service de la démographie demeure un mystère. Rarement évoqué dans les ouvrages historiques, il est également établi sur la base d’un fragile matériau d’archives. Compte tenu de l’accès que nous avons eu à un fonds d’archives privées inédit, il nous est possible de défendre la perspective de l’insertion de cette création dans le champ des activités administratives qui sont alors cachées aux autorités d’occupation, laquelle perspective a été discutée par les derniers travaux d’histoire menés sur le sujet. Après avoir souligné l’inflexion de la perspective historiographique actuelle qu’une telle découverte impose, on s’intéressera donc aux attendus que comporte cette nouvelle perspective pour les organes régionaux du Service de la démographie qui constituent l’objet de notre recherche.

Le mystère de la création du Service de la démographie

Le nom même du Service de la Démographie – qui disparaît en octobre 1941 avec son remplacement par le Service national des statistiques – comme celui de son principal artisan, René Carmille, demeurent largement absents des ouvrages historiques consacrés à la période. On n’établira pas la liste des ouvrages consacrés à la guerre, l’Occupation ou la Résistance,

43 Lorsque le conflit se déclenche, et selon l’estimation qu’en fait René Carmille en juin 1941, l’équipement mécanographique du département de la Guerre se résume comme suit : la direction du Contrôle du ministère de la Guerre dispose d’un atelier installé à l’Hôtel Majestic dès 1936 ; le service des poudres dispose d’un atelier mécanographique central à Sevran-Livry et d’ateliers dans plusieurs de ses groupements régionaux (Angoulême, Saint-Médard, Toulouse, Bergerac) ; le service de l’artillerie, malgré un plan de commande important auprès des constructeurs de machines mécanographiques, ne dispose que de deux ateliers équipés au sein des parcs régionaux de Vincennes et de Lyon ; les services de l’intendance et du génie disposent d’ateliers très réduits, restreints aux établissements centraux ; le service du recrutement dispose d’un atelier au sein du bureau de

dont les index ne mentionnent même pas l’existence de ce personnage.44 Plus étonnant encore peut-être, il faut souligner le mutisme des travaux d’histoire économique et politique de référence, évoqués en introduction, qui ont été réalisés sur le thème de la genèse de l'INSEE.45 Les évocations qui en sont faites, inexactes, sont d’ailleurs tout à fait surprenantes, laissant supposer une méconnaissance totale de l’ampleur des mutations du système statistique organisées pendant la guerre dans la perspective de modernisation de l’économie. Ainsi Richard F. Kuisel note-t-il :

« La réforme introduite par Vichy dans la collecte des données de statistique économique mettait en jeu un moindre pouvoir, mais sous certains aspects, revêt autant d’importance pour notre étude. Dans ce domaine, Alfred Sauvy avait réalisé quelques progrès à partir de 1938 ; cependant, en 1941, un nouveau Service National des Statistiques remplaça l'administration de la IIIème République. Sauvy en fut le directeur adjoint, en même temps que conseiller de Bouthillier ».46

Recrutement départemental de Versailles, ainsi que d’un matériel sophistiqué de mécanographie et d’impression au bureau régional expérimental de Rouen. Cf. René Carmille, 1941, op. cit., pp. 23-35.

44 On a recensé quelques exceptions. On dispose d’abord d’ouvrages écrits par les acteurs de l’époque que sont Henri Noguères, membre du réseau « Franc-Tireur », cf. Henri Noguères, Marcel Degliame-Fouché, Jean-Louis Vigier, Histoire de la résistance en France de 1940 à 1945, Paris, Robert Laffont, 1967, pp. 66 et 237 ; Jacques Soustelle, agent des Services secrets, cf. Jacques Soustelle, "Envers et contre tout", dans Histoire vécue de la

résistance, (dir.), Genève, Famot, vol. 1-3, 1975, 900 p., pp. 64-65 ; ou le colonel de Dainville membre de

l’Organisation de résistance de l’Armée, cf. Colonel A. de Dainville, L’ORA. La résistance de l’Armée (Guerre

1939-1945), Paris, Lavauzelle, 1974. Les travaux d’historiens sont ensuite très réduits. Marc-Olivier Baruch

mentionne seulement le nom de René Carmille pour faire référence à une sanction qu’il prononce en janvier 1942 à l’encontre d’un agent du Service national des statistiques notablement impliqué dans des activités de collaboration, cf. Marc-Olivier Baruch, 1997, op. cit., p. 434. Philippe Masson, dans un ouvrage sur l’armée, évoque rapidement l’activité camouflée du Service de la démographie, cf. Philippe Masson, Histoire de l’armée

française de 1914 à nos jours, Perrin, 1999, 510 p., p. 277. Henri Amoretti, auteur d’une recherche sur la

résistance lyonnaise, détaille quelques éléments de l’activité de René Carmille ; cf. Henri Amoretti, Lyon

capitale. 1940-1944, Paris, France-Empire, 1964, 418 p., pp. 42-43 ; ou "Première résistance", dans colonel

Rémy (dir.), La Résistance dans le lyonnais, Genève, Famot, coll. Les français dans la Résistance, 1975, 254 p., pp. 9-28, p. 17. Seul finalement Robert Paxton consacre plusieurs pages aux initiatives résistantes conduites par la direction du Service de la Démographie, cf. Robert O. Paxton, Parades and Politics at Vichy. The French

Officer Corps under Marshal Pétain, Princeton, Princeton University Press, 1966, pp. 293-295 et 306.

45 Ni Richard Kuisel, 1981, op. cit., ni Michel Margairaz, 1991, op. cit., ni Delphine Dulong, 1997, op. cit., ne font allusion à l’existence du Service de la Démographie. Richard Kuisel et Delphine Dulong évoquent le Service national des statistiques qui lui succède, Michel Margairaz même pas. Ce dernier qui consacre un paragraphe intitulé « Le nouvel appareil économique et financier de l’Etat » dans son chapitre XVI « La mise en place de l’appareil vichyste : une conversion équivoque » n’évoque donc pas la création du Service de la Démographie pourtant rattaché au secrétariat général pour les Questions économiques du ministère des Finances. Seuls sont mentionnés Henri Bunle et Alfred Sauvy en tant que directeurs de la Statistique générale de la France, rattachée en 1940 à la Direction de l’Economie Générale, sans toutefois que le rattachement de la Statistique générale de la France en 1941 à la Direction générale du Service national des statistiques, dirigée par René Carmille, soit précisé. Cf. Michel Margairaz, 1991, op. cit., pp. 506-507.

Non seulement l’auteur reconnaît que le sujet qu’il se contente d’évoquer est essentiel à sa démonstration, mais il n’apporte que des informations dont il faut souligner le caractère anecdotique pour la période – en omettant par exemple de citer le directeur général du Service national des statistiques René Carmille – voire erroné.47 Pourtant, dès 1976, trois jeunes statisticiens en quête de l’écriture de l'histoire de la statistique avaient fait paraître un article sans ambiguïté sur la contribution de René Carmille à la création du « système statistique moderne ».48 Mais, depuis cette date, seule une thèse d’histoire sur la question des origines de l'INSEE, entamée à la fin des années quatre-vingts, a été soutenue. L’isolement de son auteur, Béatrice Touchelay, est tel en 1992, que la direction générale de l'INSEE, qui souhaite alors faire la lumière dans les débats suscités un an plus tôt par la découverte du « fichier Juif » par l’avocat Serge Klarsfeld,49 met en place une « Mission d’analyse historique sur le système statistique français de 1940 à 1945 ».50 Dernier élément qui relativise la faiblesse du champ de recherche sur l'histoire du système statistique mis en place pendant la guerre, il faut mentionner le travail entrepris par Robert Carmille, fils de René Carmille, en dehors de tout cadre institutionnel traditionnel.51 Quelle que soit la qualité de ces entreprises, il faut en regretter le caractère isolé, signe d’une faiblesse du champ de la recherche historique qui constitue la première cause du mystère qui entoure encore le Service de la démographie.

Contrastant avec l’état du champ, il faut cependant souligner l’importance du travail qui a été réalisé par Béatrice Touchelay. La diversité des sources retenues et la somme des

47 Cf. également Delphine Dulong, 1997, op. cit., p. 19. Seul Loïc Blondiaux mentionne le nom de René Carmille, au sujet du soutien qu’il apporte au développement de la technologie des sondages, sans qu’il soit fait allusion cependant à ses fonctions principales. Cf. Loïc Blondiaux, 1998, op. cit., pp. 439-440.

48 Alain Desrosières, Jacques Mairesse, Michel Volle, 1976, op. cit. L’article, issu d’un papier d’introduction à des journées d’étude consacrées à l'histoire de la statistique est écrit sur la base de matériaux de seconde main, publiés après la guerre en ce qui concerne la période Carmille.

49 La découverte donne également lieu à la mise en place de la commission René Rémond par le ministre de la Culture de l’époque, Jack Lang ; cf. René Rémond, Le "Fichier juif", Paris, Plon, 1996, 234 p., pp. 11-18. 50 Le rapport de la Mission - à laquelle Béatrice Touchelay est intégrée après sa soutenance de thèse - a été rendu public le 4 septembre 1998, soit plus de six ans après sa commande ; cf. Jean-Pierre Azéma, Raymond Lévy-Bruhl, Béatrice Touchelay, 1998, op. cit. Le matériau historique mobilisé pour sa réalisation est en grande partie celui exhumé par Béatrice Touchelay dans son travail de doctorat, à l’exception des « papiers Gasc » du nom de l’interprète de l'administration française de la statistique auprès des autorités allemandes pendant l’Occupation ;

ibid., p. 2.

51 L’acharnement voué depuis des années par Robert Carmille à la défense de la mémoire de son père, dans l’entourage duquel il travailla jusqu’à son arrestation en 1944, fait aujourd'hui de ce personnage une source orale de première importance pour notre travail. Projetant de publier un ouvrage consacré à son père, il est déjà l’auteur de plusieurs rapports non publiés écrits en réponse aux travaux de René Rémond, Béatrice Touchelay, puis de la Mission historique de l'INSEE. Très largement documentés et référencés, ils constituent des sources historiographiques de grande qualité même s’ils doivent être soumis à une critique particulièrement attentive, compte tenu des liens spécifiques de leur auteur à son objet de recherche. Ces documents sont consultables à la bibliothèque de l'INSEE. Soulignons que si la démarche initiale de leur auteur visait à rendre compte de l'activité de résistance de l'administration de la statistique, les efforts déployés pour répondre aux historiens de la statistique rangent aujourd'hui ces travaux du côté de l’histoire des administrations statistiques.

archives dépouillées permettent à ce travail de mettre à jour un pan oublié de l'histoire de nos institutions.52 Cette thèse a constitué de ce fait une base de travail essentielle pour notre entreprise de réexamen de l'histoire des administrations statistiques au filtre d’un questionnement relatif au système politique. Le dépouillement systématique des archives du ministère des Finances n’a pourtant pas permis à son auteur de lever toutes les hypothèques qui planaient sur la création du Service de la démographie depuis l’article programmatique de Desrosières, Mairesse et Volle. De plus, le matériau disponible sur les années 1940 et 1941 passe difficilement l’épreuve de la critique traditionnelle des sources. Sa fragilité constitue le deuxième élément qui entretient le mystère autour du Service de la démographie.

Béatrice Touchelay, et, par la suite, Jean-Pierre Azéma – qui tous deux reconnaissent la faiblesse de leurs sources53 – font reposer leur récit de la création et du développement du Service de la démographie sur un article du Journal de la Société statistique de Paris (JSSP) de 1945 et deux pièces du Service des archives économiques et financières (SAEF) datées de 1941 et 1945. L’article du JSSP est une nécrologie de René Carmille rédigée par un ancien camarade de l’Ecole Polytechnique devenu un de ses proches collaborateurs pendant la guerre.54 S’il constitue une pièce précieuse, compte tenu notamment de la longue évocation d’une lettre qu’aurait écrite René Carmille au ministre de la Guerre en août 1940, ses limites demeurent celles du genre : la nécrologie signée par l’ami, souvent encline à l’hagiographie.

La seconde pièce, une note non signée extraite des archives du SAEF, est paradoxalement la plus sûre, mais ne comporte pas cependant d'informations capitales.55 Il s’agit d’une note de mars 1941 émanant du ministère des Finances (secrétariat général aux Questions économiques), que l’on peut attribuer sans grand risque à René Carmille, et qui expose l’intérêt du Service de la démographie nouvellement créé. La plus grande faiblesse de cette pièce réside dans sa nature administrative et officielle. Compte tenu de la date de sa rédaction, elle est soumise au contrôle des autorités d’occupation. Elle est ainsi muette sur le point d'histoire essentiel qui demeure à éclaircir sur le lien du Service de la démographie avec le ministère de la Guerre (cf. infra).

52 Dans sa thèse, puis à l’occasion d’un contrat de recherche mené en 1998 sur la demande du Directeur général de l’INSEE avec l’historien Jean-Pierre Azéma et le statisticien Raymond Lévy-Bruhl, Béatrice Touchelay a largement exploité les archives du ministère des finances qui concernent la période (SAEF B 55349 à B 55371 et B 55 450 à B 55 466).

53

Jean-Pierre Azéma, Raymond Lévy-Bruhl, Béatrice Touchelay, 1998, op. cit., p. 3.

54 Gaston Marie, « René Carmille », Journal de la Société statistique de Paris, n°7-8, 1945, pp. 145-148. 55 Citée par Béatrice Touchelay, 1993, op. cit., p. 53.

Enfin, la dernière pièce déjà exhumée est une note du successeur de René Carmille, écrite en novembre 1945, qui retrace l'histoire de l'administration de la statistique pendant ces années sombres.56 Ce document, qui apporte les éléments les plus précis sur cette histoire, est également celui qui prête le plus à caution. Il souffre d’abord des relations de concurrence qui s’établirent entre René Carmille et son successeur pendant la guerre. La note ensuite, écrite en des temps d’épuration, exige d’infinies précautions compte tenu de l’ombre qui demeure portée sur le comportement de son auteur pendant la guerre, compte tenu également que ce dernier a malgré toutes ses critiques initiales accepté de prendre la direction du service dont on lui demande l'histoire, au début de 1944, alors que le régime a fini de révéler aux français sa vraie nature.

Le bouleversement de la perspective historiographique contemporaine

Nous avons quant à nous eu accès aux archives privées de la famille Jacquey, du nom du commandant Pierre Jacquey affecté au Service de la démographie dès sa création, et proche collaborateur de René Carmille.57 L’un des dossiers comporte vingt et une pièces, toutes antérieures au mois de mars 1942, et estampillées du sceau du secret pour nombre d’entre elles. René Carmille les aurait confiées à cette époque là à son collaborateur afin qu’il les enterre.58 Elles constituent une source écrite de grande valeur qui permet d’avancer que la création du Service de la démographie répond d’abord à l’objectif de la préparation d’un recrutement camouflé susceptible de grossir le moment venu l’Armée d’armistice.

Dans les travaux récents de Béatrice Touchelay, confirmés par la suite par Jean-Pierre Azéma, spécialiste de la période de l’Occupation, le Service de la démographie constitue avant tout « la première étape de l’affirmation des statistiques administratives ».59 Bien sûr ces travaux ne nient-ils pas l’héritage par le nouveau service de la structure de l'administration du Recrutement de l’Armée dont la dissolution a été imposée dans l’Armistice par les Allemands.

56 Note de Henri Bunle au ministre de la Guerre du 20 novembre 1945, citée par Béatrice Touchelay, 1993, op.

cit., p. 87.

57 Ses archives sont celles qui ont été utilisées par Robert Paxton lors de sa recherche de doctorat sur les officiers français sous Vichy dont nous avons indiqué les références de la publication, puis par le colonel de Dainville pour son ouvrage publié en 1974.

58 A ce dossier, Pierre Jacquey a ajouté quelques pièces qui retracent les étapes d’une enquête diligentée en avril 1943 par les autorités allemandes sur l'administration de la statistique (cf. infra).

59

Béatrice Touchelay, 1993, op. cit., p. 51. Dans le rapport commandé par l'INSEE, un paragraphe s’intitule « le service de la démographie, une autre approche de la statistique » ; cf. Jean-Pierre Azéma, Raymond Lévy-Bruhl, Béatrice Touchelay, 1998, op. cit., p. 11.

La thèse de Béatrice Touchelay insiste au contraire sur la « récupération du matériel mécanographique » des anciens bureaux militaires qui s’opère pour la mise sur pied du Service de la démographie.60 Mais les attendus prêtés à la création du Service de la démographie sont pour ces auteurs d’abord civils :

« Pour René Carmille, la création de ce nouveau service s’intègre dans une réforme plus générale qui vise un objectif comptable et gestionnaire qui aidera à refaire la Nation. Son ambition consiste à collecter le plus d'informations individuelles possible, à dresser un fichier démographique tenu à jour quotidiennement et à doter chaque français d’un carnet signalétique. Il s’agit de réformer en profondeur l’organisation de la statistique publique ».61

Les pièces des archives Jacquey imposent de renverser les priorités. Il ne s’agit en aucun cas de nier l’existence d’une perspective civile dans la création du Service de la démographie. On a vu d’abord l'investissement de René Carmille, pendant les années d’avant-guerre dans les domaines de l'économie et de la comptabilité industrielle, qui l’amenait à s’extraire de son champ d'activité militaire. On aura également l'occasion d’insister sur l’ambitieux programme statistique qu’il définit à son administration dès 1942 (cf. infra). Néanmoins, l’avis qu’il rend au nom du corps du Contrôle de l’Armée au secrétariat d’Etat à la Guerre le 16 août 1940 « concernant le projet de création d’un service des Statistiques, du dénombrement et de l’utilisation de la jeunesse et de l’état démographique, sanitaire et professionnel de la nation » est sans ambiguïté sur ses préoccupations militaires d’alors.62 Il souhaite en effet que le recrutement du personnel du service en préparation soit strictement limité aux personnels du service de recrutement de l’Infanterie et aux personnels militaires et précise qu’« aucune interprétation extensive ne doit être possible ». Ce courrier estampillé « secret » indique clairement que le futur directeur du Service de la démographie poursuit alors d’abord des objectifs militaires non prévus par les accords d’armistice signés quelques semaines plus tôt par le nouveau chef de l’Etat.

L’enjeu d’un tel renversement de priorité est de taille. Le Service de la démographie constituerait ainsi la première administration de résistance française connue à ce jour. Les travaux récents menés sur le fonctionnement des administrations françaises pendant la période

60 Béatrice Touchelay, 1993, op. cit., p. 59. 61

Jean-Pierre Azéma, Raymond Lévy-Bruhl, Béatrice Touchelay, 1998, op. cit., p. 13.

62 Archives privées de Xavier Jacquey – fils de Pierre Jacquey. On trouvera une photocopie de l’intégralité de ce document en annexe ; cf. Annexe 1.

d’occupation ont en effet établi des faits de résistance relativement rares, tardifs et toujours réalisés sans mot d’ordre hiérarchique. On a vu se développer dans cette optique la thèse de l’existence sporadique de « fonctionnaires résistants » ou de « résistants fonctionnaires », sans qu’aucune administration n’ait été repérée comme globalement résistante.63

La particularité résistante du Service de la démographie avait pourtant été affirmée par ses agents dès les premiers jours de la Libération. L'histoire du service est alors rapportée et discutée par un groupe d’hommes venus d’horizons divers, qui appartenaient à l’entourage de René Carmille, à l’Organisation de résistance de l’Armée (ORA), ou encore aux services secrets.64 Son fil s’écrit rapidement. Aucun des hommes du Service de la démographie exclus de cette histoire résistante n’en conteste la véracité. Si certains détails manquent, l’économie des faits semble établie. Robert Paxton qui se penche dessus en 1966 reprend ainsi à son compte l’histoire issue des témoignages : plusieurs des responsables du Service de la démographie ont répondu à la demande de certains officiers de l’Etat-Major de l’Armée pour entreprendre, dès le milieu de l’année 1941, une mobilisation nouvelle sur la base de fichiers dont la constitution est engagée dès la création du Service de la démographie à l’automne 1940.65

Signe des temps actuels et de la délicatesse nouvelle du sujet, le rapport de la Mission d'analyse historique de l'INSEE, écrit quelques années plus tard, alors que l’historiographie a