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GENÈSE D’UNE EXPERTISE STATISTIQUE RÉGIONALE

2.2. L’environnement hostile des directions régionales

La constitution progressive d’un Etat policier autour de Pierre Laval, qui obtient après l’invasion de la zone non occupée le pouvoir de signer lois et décrets, remet très largement en cause le processus de développement de l'administration de la statistique qui s’est amorcé. Le programme statistique régional de René Carmille apparaît abandonné, sacrifié à la gestion des rapports avec les autorités gouvernementales qui versent chaque jour davantage dans la collaboration. Le projet de développement d’entreprises statistiques régionales n’est plus évoqué.

L’année suivante, l’arrestation par les Allemands du directeur général du SNS en février 1944 plonge le service dans la terreur de l’occupant.36 La pesanteur de l’atmosphère fait écho à la nouvelle étape que franchissent alors les autorités françaises dans la collaboration policière qui travaillent cette à la mise en place d’un véritable « Etat milicien ».37 Plus que jamais, le programme de développement des directions régionales de la statistique est au point mort. A la Libération ensuite, le SNS fait très vite l’objet d’âpres discussions qui opposent les principaux collaborateurs de l’ancien directeur René Carmille aux statisticiens issus de la Statistique générale de la France dont l’expertise a été bouleversée

35 Bunle évoque alors l’affectation d’administrateurs du SNS en directions régionales, mais ne mentionne pas leur qualité de statisticiens. Cf. Henri Bunle, 1942, op. cit., p. 78.

36 Robert Carmille, 1995, op. cit., pp. 20-22. 37 Marc-Olivier Baruch, 1997, op. cit., pp. 529 et s.

par les réformes administratives importantes de leur administration. A nouveau, les directions régionales pâtissent d’un contexte hostile qui grève les possibilités de mise en œuvre de leur développement imaginé en 1942.

Le matériau qui s’offrait de manière la plus évidente pour suivre l’évolution des directions régionales au cours de l’année 1943, le suivi, en particulier, de la mise en place du programme dessiné par René Carmille, était sans conteste la série d’archives transmise par l’Inspection du SNS pour l’année 1943. Au cours de cette année, en effet, l’inspection de toutes les directions régionales est menée qui laisse une somme de rapports archivée au ministère des finances.38 Ce matériau essentiel fait pourtant partie des archives auxquelles nous n’avons pas eu accès (cf. supra). Le rapport de la Mission d’analyse historique évoque cependant quelques-unes des « commandes abondantes émanant de la direction générale du SNS ou des autorités locales ».39 Il apparaît ainsi que de nombreuses préfectures départementales ont été de grosses consommatrices des informations détenues par les directions régionales, au point que le rapport parle de « boulimie d'informations ».40 Mais les membres de la mission regrettent que les rapports d’inspection « ne nous [informent] pas suffisamment sur les relations entre les DR et les autorités régionales ».41 L’affaire du STO (Service du travail obligatoire) qui se déroule en 1943, pour laquelle les directions régionales du SNS sont fortement sollicitées, fournit cependant quelques pièces d’archives qui permettent de se faire une idée du fonctionnement quotidien de ces services déconcentrés de l'administration statistique.

Concernant la période qui suit la Libération, le matériau d’archives, plus important, a déjà été largement exploité par Béatrice Touchelay dont nous reprenons l'analyse sociologique du champ de la production d’expertise statistique.

Les directions régionales proies du Commissariat général au STO

A partir d’avril 1942, Pierre Laval met en place une véritable politique de collaboration avec l’Allemagne qui exige que s’entame le transfert vers le Reich de la main

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Cotes B 55450 à B 55466.

39 Jean-Pierre Azéma, Raymond Lévy-Bruhl, Béatrice Touchelay, 1998, op. cit., p. 25. 40 Ibid., p. 26.

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Ibid., p. 25. Il semble que ces archives ne livrent pas d'informations permettant de prêter au SNS une attitude collaborationniste ; ce qui accrédite a contrario la thèse d’un SNS résistant qui ne s’oppose jamais frontalement, mais ne donne pas de suites aux demandes du pouvoir.

d’oeuvre française.42 Pour ce faire, et avant de créer une administration spécifique, le gouvernement s’appuie d’abord sur sa police dont il renforce considérablement le pouvoir. Il imagine également de mobiliser le Service national des statistiques. Compte tenu de la régionalisation de ces deux administrations, de la création ensuite des directions régionales du Service du travail obligatoire (STO), les directions régionales du SNS se trouvent au cœur d’une bataille administrative qui entrave le programme de leur développement.

Rapidement, avec l’arrivée de Pierre Laval, les projets gouvernementaux relatifs à l'organisation régionale sont largement réorientés. Le renforcement des préfectures régionales, souhaité déjà par son prédécesseur, prend une nouvelle tournure. Leurs missions sont recentrées des affaires économiques aux tâches de police. Les préfectures régionales héritent par exemple de la gestion des polices régionales.43 Plusieurs textes administratifs viennent ainsi redéfinir les tâches des préfectures régionales au cours de l’automne 1942. Marc-Olivier Baruch résume ainsi cette production législative : « En même temps que [les préfets] reçurent la haute main sur le recrutement des polices régionales, [ils] virent s’accroître leur pouvoir hiérarchique sur le personnel policier ».44 Les tâches policières deviennent à partir de cette date l’activité principale des préfectures régionales, reléguant au second plan celles concernant le ravitaillement, ou davantage encore le développement économique.45 La mise sur pied de la politique du Service du travail obligatoire pour laquelle les directions régionales du SNS sont mobilisées en constitue la principale pierre d’achoppement.

Alfred Sauvy rapporte en 1965 que c’est à la fin de l’été 1942, à l’époque où Carmille – hasard du calendrier – rencontre ses directeurs régionaux de la zone occupée pour leur préciser le cadre scientifique de leur travail, que se noue la relation qui va mêler le SNS à l’entreprise du STO. Jean Bichelonne aurait alors eu l’idée de mobiliser les « fiches du Service statistique » pour se procurer les adresses des jeunes gens qui devraient assurer ce qui est était alors appelé la « relève ».46 Il semble avoir ainsi approché d’abord Alfred Sauvy, dont

42 Jacques Chapsal, La vie politique en France de 1940 à 1958, Presses universitaires de France, Thémis, Paris, 1984, 520 p., p. 51.

43 Les polices régionales ont été créées par Darlan en avril 1941 ; cf. Marc-Olivier Baruch, 1997, op. cit., p. 397. 44

Ibid.

45 Il faut rapporter le contenu tout à fait significatif d’une conférence donnée par Laval aux préfets régionaux en septembre 1943. Quatre points sont inscrits à l’ordre du jour : « STO, Juifs, ravitaillement, collaboration des polices française et allemande ». Cité par Marc-Olivier Baruch, ibid., p. 395.

46 Il convient d’employer le conditionnel car les souvenirs de Sauvy, apparemment précis, sont partiellement inexacts. Ainsi, Bichelonne n’est pas alors ministre des Travaux publics. Cf. Alfred Sauvy, 1965, op. cit., p. 60. Le terme de « relève » est employé par Laval dans son discours du 22 juin 1942 pour faire accepter à la population l’envoi de travailleurs français en Allemagne, les allemands lui ayant accordé la libération de quelques prisonniers français. Cf. Jacques Chapsal, 1984, op. cit., p. 71.

la notoriété demeure importante, qui le renvoie aussitôt sur René Carmille à Lyon. Le SNS se trouve placé en face de la perspective de son instrumentalisation par un pouvoir policier dévoyé. La réponse du directeur du SNS à cette sollicitation fait l’objet aujourd'hui de l’une des principales polémiques qui perdurent sur le fonctionnement du service pendant l’Occupation.47

Le 16 février 1943, le STO est créé, imposé au Conseil des ministres par Laval.48 Rapidement, une instruction prévoit, dans la logique de l’idée première de Bichelonne, d’organiser le service en directions régionales qui devront s’appuyer sur la logistique de celles du SNS. Le directeur du SNS réagit aussitôt dans un courrier qu’il adresse au commissaire général au STO le 6 avril 1943. Au travers des propos de René Carmille, il est possible de percevoir le cadre de la participation qui est imposée au SNS.

« Par une instruction en date du 1er mars 1943, vous avez décidé qu’un fichier numérique régional des entreprises et des professions serait constitué dans chaque direction régionale du STO [...] Vous avez prévu que ce fichier sera installé, en principe, au siège de la Direction régionale du Service du travail obligatoire et tenu à jour par le personnel de cette direction, et que le SNS mettra à disposition du Directeur régional du STO le personnel et le matériel nécessaires et se tiendra en complète liaison avec lui.

« Pour assurer une collaboration aussi fructueuse que possible, [...] il me paraît nécessaire de préciser tout d’abord que [...] ces travaux seront exécutés dans les locaux du SNS sous la seule responsabilité de ses Directeurs régionaux. [...] Il ne saurait être envisagé de détacher, en aucun cas, du personnel et du matériel hors des locaux des directions régionales du SNS ».49

Le ton est résolument sec. Sous le prétexte de défendre le monopole de l’expertise mécanographique et les effectifs du SNS, René Carmille tente de garder la main sur l’exploitation de fichiers dont l’utilisation dévoyée peut devenir tout à fait effrayante. La stratégie de défense retenue impose donc d’accepter, au moins officiellement, la prise en charge par les directions régionales d’une partie de l’exploitation du fichier des jeunes gens mobilisables pour le STO. La décision modifie ainsi considérablement le programme de

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Jean-Pierre Azéma, Raymond Lévy-Bruhl, Béatrice Touchelay, 1998, op. cit., pp. 32-35. 48 Marc-Olivier Baruch, 1997, op. cit., p. 335.

travail des directions régionales du SNS. Leur charge de travail la plus lourde serait même devenue, pour l’année 1943, la contribution aux activités du STO.50

L'espace offert par les réflexes centralisateurs des gouvernants

L’accaparement des directions régionales du SNS par le dossier du STO met à mal dès le printemps 1943 le projet de leur autonomisation et du développement de leurs travaux scientifiques. Deux décisions du directeur du SNS datant de la fin de 1943 permettent cependant de penser que lui-même cherche alors à revenir sur la déconcentration régionale qu’il a préparée. On peut formuler l'hypothèse que René Carmille, devant la dangerosité de plus en plus incontestable du régime, souhaite prévenir les éventuelles dérives policières de services régionaux rendus plus autonomes.

Le 14 décembre d’abord, et de manière symbolique, il fait reprendre à la charge de la commission Siegfried la réflexion engagée dans les directions régionales sur la délimitation de régions propres à l’étude statistique (cf. supra). Mais la mesure la plus symptomatique est la note qu’il adresse aux directeurs régionaux le 29 décembre 1943 concernant l'activité de leurs services. C’est la seconde note de cadrage de l'activité des directions régionales qui vient donc remplacer celle de mai 1942.51 La note précise d’abord la tâche des directions régionales en matière d'enquêtes ou de recensements nationaux. Mais, contrairement à la dynamique qu’il engageait en 1942, René Carmille n’aborde pas le sujet des travaux régionaux. De même, les rapports avec les autorités locales ne sont plus mis en avant comme c’était le cas dans la première instruction.

Au-delà des hypothèses que l’on peut formuler sur la stratégie résistante de René Carmille, il s’agit de souligner le parallèle qui existe entre le processus de centralisation que ce dernier engage dans son service au cours de l’année 1943 et celui que mène Laval au niveau du gouvernement. En contradiction avec les délégations de pouvoirs accordées l’année précédente aux préfectures régionales en matière de police, le gouvernement prend en effet une somme de décisions, au cours du second semestre de l’année 1943, qui aboutissent « à

50 Cf. Jean-Pierre Azéma, Raymond Lévy-Bruhl, Béatrice Touchelay, 1998, op. cit., p. 33. Robert Carmille souligne que les rapports d’inspection des directions régionales - qui constituent le seul matériau disponible - indiquent que le SNS s’est chargé de l’inscription sur les bulletins du STO du numéro d’identification – l’actuel numéro de Sécurité sociale – des personnes concernées. Proposée par René Carmille pour retarder l’exploitation de ce fichier, cette procédure n’aurait pas représenté la somme de travail alors affichée par les responsables du SNS. Feinte ou bien réelle, l’occupation des agents à cette tâche retarde en tous cas le projet de développement des directions régionales.

vider de son contenu la mission de maintien de l’ordre confiée aux préfets régionaux ».52 Les préfectures régionales se voient ainsi retirer leurs principales missions. S’agit-il pour le directeur général du SNS de repositionner son service contre le nouveau pouvoir ? On ne peut retenir en tout cas l'hypothèse inverse, qui ferait de son intention centralisatrice une volonté de mieux satisfaire aux exigences du pouvoir. René Carmille est en effet arrêté par la Gestapo quelques jours après, le 3 février 1944, et déporté au camp de Dachau d’où il ne reviendra pas.53

Le mouvement général de centralisation administrative de l’année 1943 éloigne ce faisant le risque d’une instrumentalisation des directions régionales dans le cadre d’une politique de répression policière déconcentrée dans les préfectures régionales. La question se pose de ce que devient alors l'activité des directions régionales. Le projet d’une production statistique régionale à destination d’une action économique déconcentrée, largement hypothéqué un an plus tôt avec la policiarisation du régime, reprend-t-il corps ? La marge de manœuvre nouvelle laissée aux directions régionales du SNS est-elle suffisante pour que quelques productions statistiques régionales nouvelles voient le jour ?

L’impossibilité de consulter les rapports d’inspection de 1943 nous a empêché de faire l’état des lieux précis des premières productions des directions régionales. Cependant, il semble avéré que la marge d’autonomie ménagée au cours de l’année 1942 par le directeur général du SNS à ses directeurs régionaux ait enclenché le processus de production de statistiques régionales dans nombre de régions. On peut évoquer d’abord la mention faite par la Mission historique de l'INSEE des commandes abondantes des autorités locales retrouvées dans les rapports d’inspection des directions régionales de 1943. Le nombre de ces commandes suggère en effet que des réponses sont alors apportées par les directions régionales, qui satisfont les autorités locales. On peut citer ensuite le cas de la direction régionale de Nantes qui publie dès 1944 un « Rapport économique régional », sur la base

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Note 751/C. du 29 décembre 1943, citée dans l'enquête de juin 1946 (cf. infra) ; SAEF B 55 365. 52 Marc-Olivier Baruch, 1997, op. cit., p. 396.

53 L'activité de René Carmille commence à devenir suspecte aux yeux des autorités d’occupation dès le mois de mars 1943, une enquête sur le SNS étant alors exigée par le commandant en chef des forces de l’ouest de l’armée allemande, le Maréchal Von Rundstedt, au lieutenant-colonel Von Passow, chargé de la direction du matériel mécanographique dans la Wehrmacht. Plusieurs pièces concernant cette enquête ont été ajoutée par Pierre Jacquey au dossier secret que lui avait remis René Carmille au printemps 1942 ; cf. Archives privées de Xavier Jacquey. On trouvera en annexe la photocopie d’un rapport que dresse le chef du cabinet de René Carmille sur l’avancée de cette enquête en avril 1943 ; cf. Annexe 4.

duquel ont été bâties par la suite les publications des directions régionales de l'INSEE.54 Mais le premier document vraiment convaincant qui établit l’engagement d’un processus de constitution d’une expertise statistique régionale dans les directions régionales du SNS demeure le rapport de synthèse de l’enquête réalisée au printemps 1946 auprès des directeurs régionaux de l'administration statistique sur laquelle on revient plus loin.55

Alfred Sauvy artisan de la contestation du SNS

Après l’arrestation de René Carmille, Henri Bunle est nommé directeur général du SNS par intérim, sans que sa mission précise ait jamais été établie. Le caractère provisoire de cette nomination, qui se prolonge pendant plus de deux ans, peut d’ailleurs laisser penser que le gouvernement ne juge pas alors avoir trouvé l’homme de la situation en cet ancien de la Statistique générale de la France. En premier lieu, Henri Bunle ne dispose pas des qualités qu’aurait requises une politique d’épuration du service. Replié depuis 1941 dans les bureaux parisiens de la direction de la statistique générale du SNS, malgré les sollicitations de René Carmille, il ne s’est ensuite jamais vraiment intéressé au reste de l'administration mise en place par son prédécesseur. « Il [ignore] une grande partie des travaux effectués par les directions régionales, l’établissement central, le service technique ».56 La réunion des directeurs régionaux qu’il organise à Paris les 23, 24 et 25 avril 1944 est ainsi l'occasion pour lui d’une première prise de contact avec la réalité régionale. Impossible donc d’interpréter cette rencontre comme une volonté de reprise en main des services déconcentrés. L’ordre du jour de la réunion, centré sur les affaires courantes, ne laisse d’ailleurs aucun doute sur ce point : pendant le premier semestre de 1944, Henri Bunle assure les tâches restreintes d’un directeur par intérim.

En septembre 1944 commence une période au cours de laquelle Henri Bunle dispose d’une nouvelle marge de manœuvre. Les troupes allemandes évacuent le pays. Les commissaires régionaux de la République succèdent aux préfets régionaux à la tête des échelons administratifs régionaux qui conservent les circonscriptions des régions

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Absent du catalogue Myriade des périodiques disponibles dans les bibliothèques françaises, ce rapport est évoqué dans une note de la direction générale du SNS du 26 novembre 1945. Cf. Béatrice Touchelay, 1993, op.

cit., p. 378.

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André Basset, 1946, op. cit.

56 Robert Carmille, 1995, op. cit., pp.20-22. Cet éloignement de Bunle est confirmé par le témoignage déjà cité du collaborateur et ami de René Carmille, Gaston Marie.

administratives de Vichy.57 Dans le désordre de la Libération, les responsables administratifs qui ne sont pas directement en charge de la reconstruction matérielle du pays ou du ravitaillement bénéficient d’une certaine autonomie. C’est le cas du directeur du SNS pour qui s’ouvre une période de plusieurs mois au cours de laquelle il dispose du temps nécessaire à la reprise des grands chantiers engagés par son prédécesseur, au lancement de nouveaux projets. Celui du développement des directions régionales fait cependant rapidement l’objet d’âpres discussions entre les responsables de l'administration de la statistique au sein desquelles Henri Bunle a du mal à arbitrer.

Le débat qui s’organise entre l’automne 1944 et l’été 1945 oppose, de manière caricaturale mais assez fidèle, les partisans de la suppression pure et simple des directions régionales du SNS, qui pour la plupart ont travaillé à la Statistique générale de la France, aux administrateurs du SNS recrutés par René Carmille, souvent affectés dans les directions régionales précisément. Au-delà d’une guerre de services, l’opposition s’explique, comme l’a fort bien souligné déjà Béatrice Touchelay, par « la diversité des origines des cadres du Service. Qu’il s’agisse de leur formation, des circonstances et des modalités de leur recrutement, ou encore de leurs tâches quotidiennes pendant l’Occupation [...] ».58 Du côté des anciens de la Statistique générale de la France, Alfred Sauvy apparaît rapidement comme le porte-parole des statisticiens issus de la Statistique générale de la France et dénonce ce qu’il juge être les faibles compétences statistiques des militaires recrutés par René Carmille.59 L’ancien expert démographe-statisticien attitré des derniers gouvernements de la IIIème République, écarté de la réforme du système statistique mise en place pendant l’Occupation au profit d’un Contrôleur général de l’Armée, estime sans doute l’heure de la revanche venue. La rhétorique est simple et efficace. Les anciens de la Statistique générale de la France, au rang desquels il compte, sont les véritables statisticiens qui méritent d’être soutenus. Les recrues de René Carmille au contraire, qui gèrent des fichiers mécanographiques dans les ateliers régionaux, ne maîtrisent pas les techniques de la science statistique. Ils ne peuvent par conséquent aspirer à éclairer les choix des gouvernements.

Dévalorisante pour les administrateurs du SNS, la classification est surtout largement