• Aucun résultat trouvé

Le projet de soins n’est pas de mettre la personne à l’abri (des intempéries et des dangers qu’elle court dans la rue), mais de permettre à ces personnes d’accéder à un véritable « chez- soi » comme tout citoyen ordinaire et de l’accompagner dans son rétablissement afin qu’elle

 

retrouve une autonomie dans la gestion de sa maladie, qu’elle parte à la reconquête d’un espace de vie, de compétences et d’un rôle social. C’est dans cette activité d’accompagnement au logement que la philosophie du modèle de soins axés sur le rétablissement développé par l’équipe prend tout son sens. Il est en effet plus difficile de travailler au rétablissement des personnes qui continuent à vivre dans la rue, d’autant que les pratiques de soins orientés vers le rétablissement n’ont pas été étudiées dans cette population.

Pour cela, l’équipe MARSS « accompagne » les personnes à investir leur logement et à s’y maintenir. Il s’agit d’un accompagnement médical, social et éducatif afin de permettre une continuité des soins et une autonomisation progressive. L’accompagnement commence dès que le projet de logement autonome est évoqué avec la personne, jusqu’à ce que celle-ci ait totalement investi son appartement, s’y maintienne et accède au droit commun et à une pleine citoyenneté. Ceci comprend différentes étapes : choix de l’appartement, ameublement, alimentation (courses et préparation des repas), sociabilité, loisirs, etc.

Cependant, malgré les efforts qui sont faits pour accompagner les personnes dans leur logement, les aider pour l’aménagement, le maintien en état de l’appartement, un accompagnement pour faire les commissions ou pour faire un repas, ces moments restent très ponctuels et épisodiques. Selon les professionnels, et pendant la période d’observation, l’accompagnement à l’habiter reste dépendant de la disponibilité des membres de l’équipe et se révèle bien souvent trop parcellaire pour permettre à la personne de progresser réellement. De plus, l’accession au logement est souvent perçue par certains membres de l’équipe comme un objectif et non comme un moyen du rétablissement. Ainsi, une fois entrée dans le logement, l’investissement de l’équipe à l’accompagnement tend à baisser alors que c’est à ce moment-là que peut commencer un travail autour de l’accompagnement plus connu et balisé vers le rétablissement. De même, au vu du contexte externe, mais aussi des compétences présentes dans l’équipe, il est beaucoup plus difficile pour les professionnels de travailler sur les dimensions de la resocialisation des personnes telle que la recherche d’emploi pour ceux qui souhaitent reprendre un travail, qui est pourtant une des dimensions essentielles dans la philosophie du rétablissement.

Ceci s’explique par deux ordres de facteurs. Le premier est d’ordre organisationnel : jusqu’au mois de septembre 2012, la séparation de l’activité en 2 pôles n’était pas totalement effective, et plusieurs professionnels intervenaient à la fois dans le pôle rue et dans le pôle logement. Dès lors, ils étaient facilement happés par le travail de rue, et moins disponibles pour les appartements. Le second est d’ordre identitaire : au cours de leur socialisation professionnelle (pendant leur études et leurs premières expériences professionnelles), les soignants (médecins, infirmiers) et les travailleurs sociaux ont appris à intervenir en priorité sur les situations urgentes ; ils sont ainsi beaucoup plus à l’aise dans les situations qui nécessitent de leur part une action immédiate, que dans un accompagnement où il leur est demandé de laisser faire la personne, ou de « faire avec » elle. Ainsi, ils tendent à s’inscrire dans le modèle de « l’urgence médico-sociale », plutôt que dans celle du modèle de « soins axés sur le rétablissement » (cf. plus loin dans la discussion la confrontation de ces deux modèles et ses conséquences sur les pratiques, p.138). L’apprentissage de pratiques innovantes (soins axés sur le rétablissement,) est un processus long, d’autant plus que la logique qui les sous-tend entre en concurrence avec celle des pratiques qui leurs ont été enseignées dans leur formation initiale.

On constate alors que si l’équipe développe une pratique particulière du soin, en ayant une approche plus adaptée à son public cible et en prenant davantage en compte les dimensions relationnelles et sociales pour soigner la maladie mentale, certains professionnels ont eu parfois le sentiment jusqu’à la fin 2012 de prodiguer des soins orientés vers une partie

 

seulement de ce qu’implique le rétablissement. Il existe bien sûr des contre exemples : une personne a été soutenue dans ses études par une assistante sociale qui l’a accompagnée dans la préparation de son concours d’entrée aux beaux Arts ; d’autres ont été accompagnées dans une recherche d’emploi et dans leurs premiers pas dans leur nouvelle activité professionnelle. Au début de l’année 2011, il a été créé un « pôle chez soi », constitué de professionnels dédiés à l’accompagnement au logement en appartements et au Marabout : un psychiatre (0,5 ETP, AP-HM), une infirmière (0,5 ETP, AP-HM), un médiateur (1 ETP, HAS), une éducatrice spécialisée (HAS) (2 x 0,5 ETP), un maître de maison (HAS, pour le Marabout). En septembre 2012, l’équipe a décidé de se spécialiser un peu plus en affectant plus de temps aux personnes logées en appartement. Un interne en psychiatrie et un second médiateur ont été affecté au « pôle un chez soi » (un médiateur pour les appartements, tandis que l’autre médiateur était affecté exclusivement au Marabout), un ETP complet d’infirmière. Ce renforcement du pôle « chez soi » permet de mieux accompagner les personnes dans leur rétablissement.

Dans un souci d’autonomisation et de glissement vers le « droit commun », l’équipe doit amener les personne à choisir un médecin traitant libéral (le médecin généraliste de l’équipe n’intervient pas) et un psychiatre (libéral ou en CMP). Elles ont majoritairement opté pour un suivi psychiatrique et pour un suivi social à l’extérieur de l’EMPP. Cependant, les personnes peuvent continuer à se rendre aux consultations assurées par l’équipe pour leur suivi psychiatrique, tant qu’elles le souhaitent. De même, plusieurs des personnes logées continuent à avoir un suivi social auprès des assistantes sociales de l’équipe qui vont parfois les voir à domicile, mais le plus souvent l’accompagnement social se fait dans les locaux de l’équipe, jusqu’à ce que la personne soit totalement autonome pour gérer ses prestations sociales et ses factures, ou que le relai soit effectif avec le CMP.

Des infirmières libérales participent aussi pleinement au dispositif. Outre la distribution des médicaments journaliers ou hebdomadaires pour une partie des personnes logées, elles effectuent toutes les activités cliniques d’évaluation décrites ci-dessous, et ce de manière quotidienne ou hebdomadaire. Leur activité de « veille » est donc particulièrement précieuse pour l’équipe ; elles sont en contact permanent avec MARSS et il n’est pas rare qu’elles participent au staff.