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III - 3 - 1 - Transmission des savoirs

Les médiateurs de santé qui ont connu la rue jouent un rôle important dans la construction du savoir de l’équipe sur les conditions concrètes de vie des personnes, afin de mieux comprendre leurs besoins et les aider à anticiper les dangers auxquels elles sont exposées. En transmettant aux autres professionnels leur connaissance des stratégies de survie dans la rue, des lieux de refuge des sans-abri, des « codes » et du « langage », ils aident les autres professionnels à de comprendre ce qu’ils observent, par exemple sur la pratique de la manche : les lieux, les tactiques, l’alcoolisation nécessaire avant la manche pour atténuer la honte de la mendicité, etc.

De la même manière, ceux qui ont une expérience de la psychiatrie, de l’hospitalisation sans consentement, et des traitements médicamenteux apportent des connaissances à leurs collègues de travail sur les effets possibles de ces modes d’interventions, notamment sur les effets secondaires des traitements et la vie quotidienne à l’hôpital.

III - 3 - 2 - Mode relationnel

L’expérience de la souffrance des médiateurs et leur capacité à construire de l’entraide leur permet de construire des relations soignés-soignants plus horizontales et égalitaires dans

 

lesquelles le "soigné" (usager de la psychiatrie ou personne de la rue encore éloignée du système de soin) n’est pas seulement un réceptacle du savoir des professionnels, mais peut exprimer ses propres choix et ses compétences.

Leur regard positif, leur meilleure compréhension du vécu des patients, faciliteraient et le consentement et la participation au traitement pour les personnes les plus réticentes (Sells et al, 2006), et aideraient les patients à acquérir une autonomie dans la gestion de la maladie, tout en augmentant l’estime de soi et la confiance en soi (Reppert & Carter, 2011).

III - 3 - 3 - Relation de confiance et travail de médiation

Ce type de relation entre pairs (plus horizontale, plus égalitaire et distincte d’une relation soignant/soigné conventionnelle), participe au développement de la confiance des patients dans les médiateurs, à la fois en tant que personne, en tant que professionnel et en tant que patient ayant connu la psychiatrie ou en étant encore un usager.

Plusieurs situations de médiation sont alors rendues possibles sur la base de ces relations, impliquant les médiateurs dans différents positionnement vis-à-vis du système de soin. Mis en œuvre au travers de rencontres formelles ou informelles, dans la rue, à l’hôpital ou à domicile, la médiation peut être :

- Une porte d’entrée dans le système de soin, lorsque le médiateur s’adresse à une personne en refus de soin et que la rencontre se déroule à l’extérieur.

- À l’intérieur du système de soin, les échanges avec les médiateurs peuvent servir à renforcer les relations avec les soignants

- Un élément déclencheur du processus de rétablissement, en aidant la personne à prendre confiance en elle, en travaillant sur ses projets et éventuellement en mobilisant la figure du médiateur comme exemple d’un rétablissement possible

- Un moyen de changer le regard des personnes malades sur les soins de santé mentale en modifiant à la fois le rapport à la psychiatrie et en faisant un accompagnement à la psychoéducation.

III - 3 - 4 - Psycho-éducation

Par les relations qu’ils développent avec les patients et en s’appuyant sur leurs expériences personnelles, les médiateurs sont fréquemment amenés à échanger avec les personnes de la file active à propos de leurs troubles et du vécu de la maladie. L’expérience personnelle des médiateurs et leur statut de non-soignant leur permettent d’aborder plus facilement les questions de consommation de toxiques et des interactions qu’ont ces derniers avec les traitements médicamenteux prescrits. Ainsi, lors des VAD, ou lors de leurs visites aux personnes à l’hôpital, les médiateurs partagent avec les personnes de la file active leur expérience de gestion des symptômes, discutent de la relation au traitement, des gênes qu’il occasionne du fait des effets secondaires et des moyens d’y remédier.

L’ensemble de ces éléments discursifs pourrait être apporté par les équipes soignantes (notamment à l’hôpital). Or, il semble que ces échanges d’informations sur les thérapeutiques et d’éducation à la gestion de la maladie ne soient pas toujours mis en œuvre au cours des hospitalisations. De plus, la proximité relationnelle des médiateurs facilite l’expression des patients.

 

III - 3 - 5 - Incarnation du rétablissement

La présence des médiateurs dans l’équipe mobile a une valeur d’exemplarité. Le médiateur de santé pair incarne une forme de rétablissement dans lequel les personnes sans abri et les usagers de la psychiatrie pourraient se projeter.

«    Le  plus  gratifiant  c'est  quand  je  fais  les  visites  à  domicile  et  que  l'on  me  dit  :  «  et  tu  crois  que  

un  jour  je  pourrais  faire  comme  toi  ?  ».  Je  trouve  ça  génial  tu  vois  ».  [E]  

Incarner un rétablissement possible est un moyen puissant pour modifier l’image que les personnes peuvent avoir d’elles-mêmes et de la fatalité qui l’accompagne. Par cette figure du rétablissement incarné, les médiateurs sont - en eux-mêmes - une manière de redonner de l’espoir à des personnes qui n’en ont bien souvent plus.

Par un jeu de miroir, cette position se trouve aussi être gratifiante pour les médiateurs. Pour autant, tenir cette posture exemplaire du rétablissement peut aussi être quelque fois un travail épuisant pour les médiateurs. Être un exemple du travail que l’on souhaite réaliser auprès des personnes ne laisse que peu de place au répit.

III - 3 - 6 - Modification des représentations collectives de la maladie mentale Par leur présence dans les équipes soignantes (principalement à l’hôpital) les médiateurs peuvent amener les professionnels de la psychiatrie à modifier leurs représentations aussi bien de la vie dans la rue, que de la maladie mentale et des possibilités de se rétablir.

Aussi surprenant que cela puisse paraître, nombreux sont les soignants qui nourrissent des craintes vis-à-vis des patients psychotiques dont ils s’occupent, et rares sont ceux qui croient véritablement à la possibilité d’un retour à une vie normale.

Ainsi, les médiateurs incarnent là aussi la possibilité d’un rétablissement, que ce soit par une rémission des symptômes ou par l’adoption d’un mode de vie et de techniques particulières qui permettent de les gérer pour les rendre le moins handicapant possible.