• Aucun résultat trouvé

L’évolution du dispositif a des répercussions directes sur le type de population qui y est hébergé et donc sur son mode de fonctionnement quotidien et à terme sur les objectifs visés par ce dispositif.

Comme souligné précédemment, le premier marabout n’était pas un lieu confortable à vivre et les ressources humaines de l’équipe ne permettaient qu’un accompagnement sur les activités quotidiennes (linge, hygiène corporelle, nutrition). De fait, les résidents devaient faire preuve d’un certain nombre de compétences physique, mentale et sociale pour pouvoir y demeurer. Ces conditions de vie à l’intérieur du lieu opéraient alors une sélection implicite sur le profil des résidents pouvant y être accueillis sur du moyen ou long terme. Du fait de cette sélection implicite, le renouvellement des résidents était relativement important. Les personnes les plus compétentes trouvaient un autre lieu plus confortable pour se loger, l’exception portait alors sur les quelques personnes pour qui, du fait de leur situation irrégulière induisant une absence de droits sociaux impossible à résoudre, et/ou de la sévérité de leur pathologie, aucune autre solution d’hébergement n’était possible.

31 Voir dans la partie « Discussion » de ce rapport le paragraphe I-4 : Evolutions du Marabout. 32 Cette sous-partie a été rédigée par Vincent Girard.

 

L’évolution des moyens humains et l’amélioration des conditions matérielles, et plus particulièrement depuis le déménagement du Marabout dans un immeuble rénové au 35 rue Curiol, ont totalement transformé ce mode de fonctionnement initial.

En effet, le confort qu’offre aujourd’hui la résidence Marabout, matériellement parlant, mais surtout dans l’accompagnement des personnes dans les gestes du quotidien (au premier rang desquels se trouvent l’hygiène et la nutrition), a rendu possible l’accueil des personnes les plus vulnérables et les plus déficitaires sur le long terme. Les personnes présentant ces profils étant aussi celles pour qui il est le plus difficile de trouver une solution d’hébergement autre que le Marabout, ce sont aussi celles qui y restent le plus longtemps. Il en découle une diminution du renouvellement des résidants avec un allongement des durées de séjour et un accroissement potentiel de la proportion de personnes sans droits sociaux33 et/ou demandant le plus d’attention au quotidien.

Un autre point important et peut-être le plus significatif pour comprendre l’évolution du Marabout, est celui du développement dés janvier 2010 de l’accès à un chez soi ordinaire (appartements autonomes, voir infra) par l’équipe, puis en août 2011 l’arrivé du programme « un chez soi d’abord ». Ces deux dispositifs, très proches quant à leur philosophie d’intervention, ont permis à plusieurs dizaines de personnes d’avoir accès à un chez soi rapidement et de façon pérenne. Dès lors, ne sont restés au Marabout que les personnes en situation de handicap tant psychique que social et politique, et cumulant des facteurs d’exclusions sociales :

1- « interne » à la personne : Troubles psychiatriques particulièrement sévères, non maitrise de la langue, éloignement familiale et culturel.

2- Externe à la personne : durcissement des lois et règlementation d’accès aux droits des étrangers en Europe et en France (loi Dublin 2), tension grandissante sur les budgets des associations, et banalisation des comportements racistes et discriminatoires chez les professionnels du social et du sanitaire dans un contexte de monté de xénophobie européen (Chauvin & Simonnot 2013).

La conséquence directe de cette évolution de population est la moindre participation des résidents à la conduite des activités quotidiennes du lieu ; activités qui sont de fait réalisées par les professionnels. Effet en cascade de cette occupation des professionnels sur les tâches quotidiennes, une impossibilité de consacrer le temps nécessaire pour accompagner les personnes dans leur désirs et projets personnels alors même que l’évolution de la population vers des personnes plus dépendantes rend plus difficile l’émergence de désirs et de projet personnels. Alors que cet accompagnement et cette place centrale accordée aux désirs de la personne sont au cœur du projet de soin du dispositif, il ne peut être concrètement mis en œuvre du fait de l’accaparement des professionnels par les tâches fonctionnelles et l’entretien du lieu.

Enfin, cette stabilisation au Marabout des personnes les plus en difficulté, les plus vulnérables et les moins aptes à se défendre par elle-même a eu pour conséquence dans un premier temps l’augmentation des intrusions et des dégradations sur le lieu, causée par des personnes provenant de l’extérieur. Dans un second temps, pour remédier à ce problème, HAS a recruté un veilleur de nuit pour sécuriser le lieu de 21h à 7h du matin.

Enfin il faut noter que l’activité du Marabout, malgré ses nombreuses évolutions, est toujours restée très éloignée d’une résidence accueil classique. Il existe un écart important entre le

33 Nous revenons plus spécifiquement dans la partie « Discussion » de ce rapport le paragraphe I-4 : Evolutions

 

financement accordé à cette structure et le type d’activité qui s’y développe, et ce depuis le début de son institutionnalisation. Si l’ARS comme le ministère reconnaissent implicitement cette réalité dans les différentes discussions avec les porteurs, dans les faits, le financement accordé, et donc les ressources humaines attribuées au lieu, restent ceux d’une résidence accueil.

Partant de l’expérience du Squat (Marabout 2007 et 2008), un projet écrit et défendu par MARSS d’alternative à l’hospitalisation, tente de se développer pour essayer de mieux répondre à la question de la gestion des situations de crise et d’urgence des personnes sans chez soi avec des troubles psychiatriques sévères. Cette expérimentation, si elle a finalement lieu, pourrait permettre entre autres, de proposer un cadre opérationnel sanitaire où la loi de 2011 sur les hospitalisations sans consentement pourrait s’appliquer aussi pour les personnes sans chez soi.