• Aucun résultat trouvé

PREMIER CHAPITRE – PROBLÉMATIQUE

1. DÉFICIENCE INTELLECTUELLE ET ÉMANCIPATION SEXUELLE

1.4 Programmes éducatifs en déficience intellectuelle et place de l’éducation à la

sexualité

Ce sous-chapitre propose une description des programmes éducatifs selon les degrés de DI. Également, les composantes du programme éducatif destiné aux élèves ayant une

38 déficience profonde (Gouvernement du Québec, 2011a) sont analysées au regard de l’éducation à la sexualité et par l’entremise de recherches scientifiques.

D’après le Conseil supérieur de l'Éducation (1996), de 1994 à 1995 les élèves handicapés représentaient 976 jeunes d’âge préscolaire, 8 166 inscrits dans une école primaire et 7 704 fréquentant une institution secondaire. Le MEES (Gouvernement du Québec, 1999) précise dans la Politique de l'adaptation scolaire, que tout élève handicapé et en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage (EHDAA) que « la commission scolaire doit adapter les services éducatifs à l’élève handicapé ou en difficulté selon ses besoins, d’après l’évaluation qu’elle doit faire de ses capacités (art. 234) » (p. 13). Ainsi, à la CS Marguerite-Bourgeoys (2010), située au sud-ouest de Montréal et qui interpelle la présente recherche, les élèves handicapés et en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage (EHDAA) accèdent à des services spécialisés en fonction de leurs besoins, telle l’accessibilité à des classes adaptées. Si les jeunes évalués en DIL suivent le Programme de formation de l’école québécoise (PFÉQ) (Gouvernement du Québec, 2006), ceux présentant une DIM- DIS et une DIP suivent des programmes d'études spécialisés. Les trois programmes ci-après sont destinés aux élèves en DIM-DIS: le Programme éducatif par compétences axées sur la participation sociale (CAPS) (Ibid., 2015a) destiné aux élèves âgés de 6 à 15 ans, qui tend à remplacer le programme PACTE et vise les matières scolaires de base, ainsi que l'autonomie de ces derniers; le Programme d'études adapté avec compétences transférables essentielles (PACTE) (Ibid., 1997) pour les élèves âgés de 12 à 15 ans qui cible la « formation de base et l'intégration sociale » (p. 30); le Programme démarche éducative favorisant l'intégration sociale (DÉFIS) (Ibid., 1996) réservé aux jeunes adultes âgés de 16 à 21 ans qui traite des matières scolaires de base et vise l'intégration sociale.

Plus spécifiquement, le programme DÉFIS présente dans le ‘‘volet II, Intégration sociale’’ en FPS, le ‘‘thème croissance personnelle’’ intégrant les quatre compétences qui suivent: la sexualité, les relations interpersonnelles, le développement personnel et les règles de convenance. Pour sa part, la compétence ‘‘sexualité’’ est constituée de la composante de compétence ‘‘avoir des comportements sexuels acceptables’’, qui vise les

39 processus subséquents: la conception, la reconnaissance de ses émotions, les formes de sollicitations sexuelles, l'habileté du refus, les conséquences des relations sexuelles et les moyens de contraception. Concernant la compétence ‘‘relations interpersonnelles’’, celle-ci promeut les relations interpersonnelles harmonieuses, l'écoute et les moyens de salutations. Quant à la compétence ‘‘développement personnel’’, cette dernière mise sur les notions suivantes: les intérêts et goûts personnels ainsi que les qualités personnelles et ses points forts. Enfin, la compétence ‘‘règles de convenance’’ développe les habiletés relatives au respect.

En 2011, le gouvernement du Québec implante le Programme éducatif destiné aux élèves ayant une déficience intellectuelle profonde (Ibid., 2011a). Ce dernier « vise le développement de l’élève tout au long de son parcours scolaire, soit de son entrée à l’éducation préscolaire à 4 ans jusqu’à la transition vers la vie adulte à 21 ans » (Ibid., p. 1). Celui-ci comporte six compétences en lien avec le développement global de la personne. Ainsi, le développement de l’autonomie des jeunes est privilégié par l’entremise de diverses sphères de la vie quotidienne. Selon Dumas (2009), l’importance accordée à l’autonomie fonctionnelle est d’intérêt, car les individus ayant une DIP ont des difficultés connexes telles que la motricité fine, celle globale et l’élocution. La figure 1 ci-après présente les six compétences du Programme éducatif destiné aux élèves ayant une déficience profonde (Gouvernement du Québec, 2011a).

40 Figure 1: Compétences du Programme éducatif destiné aux élèves ayant une déficience

profonde (Ibid., p. 37).

Les six compétences sont les suivantes: 1) agir efficacement sur le plan sensorimoteur; 2) exprimer adéquatement ses besoins et ses émotions; 3) interagir avec son entourage; 4) communiquer efficacement avec son entourage; 5) s’adapter à son environnement; 6) s’engager dans des activités de son milieu. La majorité des compétences ont des interrelations avec la sexualité humaine. Cependant, aucune notion n’aborde explicitement cette dernière. Toutefois, la compétence ‘‘exprimer adéquatement ses besoins et ses émotions’’ offre un espace privilégié qui permettrait l’éducation à la sexualité auprès des jeunes ayant une DIP en favorisant leur développement personnel et affectif.

En effet, certains élèves ayant une déficience intellectuelle profonde ne peuvent pas ou peuvent difficilement faire la différence entre eux-mêmes et ce qui leur est extérieur. Cette compétence leur permet de se reconnaître comme une personne distincte et un être unique ayant des besoins, des émotions, des goûts et des préférences. Il leur faut aussi apprendre comment manifester ces besoins, ces émotions, ces goûts, et comment ajuster aux circonstances l’expression de leur joie comme de leur frustration. (Ibid., p. 42)

41 Les trois composantes de compétence qui articulent la compétence ‘‘exprimer adéquatement ses besoins et ses émotions’’ (Cf. Annexe A) sont: 1) reconnaître et ajuster ses émotions; 2) ajuster l’expression de ses besoins et de ses émotions; 3) se différencier des autres et tenir compte des lieux et des personnes. Celles-ci réfèrent aux interactions sociales pouvant être vues en sexualité. La figure 2 qui suit fait état de cette compétence et des composantes de compétences devant être développées chez les élèves en DIP selon le Programme éducatif destiné aux élèves ayant une déficience profonde (Ibid.).

Figure 2: Compétence ‘‘exprimer adéquatement ses besoins et ses émotions’’, Programme éducatif destiné aux élèves ayant une déficience profonde (Ibid., p. 43).

De chacune des composantes de compétence, nous retenons particulièrement les savoirs suivants dans le cadre de l’étude que nous menons: distinguer ses émotions les unes des autres et distinguer ses besoins les uns des autres pour la composante ‘‘reconnaître et ajuster ses émotions’’; tenir compte des lieux et des personnes concernant la composante ‘‘ajuster l’expression de ses besoins et de ses émotions’’; reconnaître l’expression des

42 émotions chez les autres au regard de la composante ‘‘se différencier des autres’’ (Ibid.). De plus, afin d’évaluer la progression des apprentissages auprès de cette clientèle, les cinq critères d’évaluation ci-après sont à considérer: la diversité des émotions, la clarté dans l’expression de ses émotions, la diversité des besoins exprimés, la clarté dans l’expression de ses besoins et la pertinence dans l’expression de ses besoins (Ibid.). Ainsi, à travers cette compétence et ses composantes de compétences, l’éducation à la sexualité auprès de cette clientèle serait réalisable. D'un autre côté, les compétences interagir avec son environnement, communiquer efficacement avec son entourage, s'adapter à son environnement et s'engager dans des activités de son milieu, ne visent pas l'éducation à la sexualité mais l’autonomie au quotidien dans les différentes sphères de leur vie.

Selon Couture, Boucher, Mathieu, Paquette, Dion et Tremblay (2013), « de manière générale, les adultes présentant une DI sont plus à risque d'être victimes d'agressions ou d'abus, quelle que soit leur forme » (p. 32). Ils ajoutent que les incapacités ainsi que l'environnement de la personne DI sont des facteurs de risque quant à la victimisation sexuelle (Ibid.). Cependant, est-ce seulement les adultes qui sont à risque? Pour sa part, la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada14 précise que cette éducation doit être fondée sur les notions de base en sexualité et être concrète. Toutefois, plus le degré de DI augmente, davantage sont ciblés les besoins primaires des individus tels les soins personnels (boire, manger et aller à la toilette). Ainsi, si l’enseignement vise explicitement l’autonomie dans le Programme éducatif destiné aux élèves ayant une déficience intellectuelle profonde (Gouvernement du Québec, 2011a), qu’en est-il de l’accompagnement de cette clientèle dans leur quête identitaire? Peut-on prétendre que les personnes ayant une DIP soient asexuées? De manière générale l’on mise sur l’individualité de la personne, minimisant l'importance du développement identitaire qui est un processus global mettant en relation les différentes dimensions de la vie, dont la sexualité. Ainsi, selon Ferland (2001), malgré le degré de DI ces individus auraient des besoins fondamentaux au regard de l’accomplissement de leur sexualité qui seraient similaires à

14 Ma Sexualité.ca. 27 mars 2016. Éducation sexuelle pour les jeunes présentant des déficiences

intellectuelles. Site téléaccessible à l'adresse suivante: ˂http://www.masexualite.ca/fr/teachers/teaching- sex-ed-for-youth-with-intellectual-disabilities˃.

43 ceux de toute personne rendue au même stade développemental. Par contre, leur développement serait moins rapide et affecterait particulièrement la sphère mentale dépendamment du degré de DI (Ibid.).

D’ailleurs, selon Greydanus et Omar (2008), peu d'écoute au regard de leurs besoins pourrait donner lieu à un sentiment de manque de leur part. Également, d’après Vaginay (2011a) une forme d'infantilisation des individus présentant une DI serait pratiquée par leur entourage. Tout d’abord, l’anxiété des parents les amènerait à considérer leur enfant comme de futures victimes d’actes sexuels, augmentant les actes de surprotection (Greydanus et Omar, 2008; Vaginay, 2011a, 2011b). Certains envisageraient la stérilisation (Dupras, 2001) comme solution, empêchant ainsi une grossesse non désirée. Dans cette perspective, l’autonomie des parents serait affectée tant au niveau de leur vie matérielle que psychique (Morvan, Dazord, Simon, Vigneron et Vaginay, 2005). D’après Vaginay (2008), l'infantilisation « nous renvoie simplement, mais brutalement à la structure de la nôtre (que nous aimerions de nos jours non violente), ce qui est insupportable » (p. 214). Autrement dit, l'infantilisation en sexualité crée une barrière entre notre sexualité et la sexualité de la personne ayant une DI. Dans un second temps, tant chez les parents que les intervenants oeuvrant auprès de cette clientèle, il serait préférable d’ignorer la sexualité chez ces jeunes afin de ne pas réveiller leurs pulsions sexuelles (Ibid.). À cet effet, Dupras (2014) affirme qu’il faut éviter « le protectionnisme et le paternalisme » (p. 147). De plus, entre la compréhension du désir d’être sexué chez la personne en DI, l’infantilisation et la surprotection, le consentement devient un sujet sensible. La non-considération de l'âge majoritaire affecterait la quête identitaire des jeunes adultes en DI, car ils n'auraient pas d'indicateur de leur âge. Le problème réside dans le besoin de développer les compétences liées à l’autonomie chez l’individu ayant une DI, tout en le restreignant dans sa quête identitaire par des gestes infantilisants (Vaginay, 2011b).

En résumé, les représentations partagées au sein de la société et la résistance qui en émerge (Toniolo, Schneider et Claudel, 2013) « montrent à quel point il reste difficile d’admettre que l’identité sexuelle se construit et que le comportement par lequel elle

44 s’exprime est le fruit d’une lente et longue maturation » (Vaginay, 2008, p. 34). Selon Vaginay (2011b), le message véhiculé renvoie à une dissociation entre l’état du corps et l’état mental de l’individu. Pour sa part, Nadeau (2002) parle de dichotomie entre le corps et l’esprit. À cet effet, Morvan, Dazard, Simon, Vigneron et Vaginay (2005) précisent que la qualité de vie relève d’un ensemble de variables issues des « domaines relationnel, psychoaffectif, matériel et social, ainsi que la santé et le soin » (p. 89). Alors quelle place reste-t-il à l’expression de la sexualité des personnes présentant une DI dans la société québécoise?