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DEUXIÈME CHAPITRE – CADRE CONCEPTUEL

2. CONCEPT DE BESOINS

2.2 Concept de besoins dans une vision constructiviste et cognitiviste

Saarni (2011) s’est intéressé aux stades développementaux de Piaget au niveau du développement affectif de l’enfant. Selon ce dernier, l’évolution des habiletés socio-

146 émotionnelles commencent à se développer dès la naissance par la dépendance envers les autres, puis vers l’âge de 12 mois à 2 1/2 ans l’enfant commence à anticiper les émotions. C’est entre 2 et 5 ans que l’enfant commence à régulariser ses émotions et à communiquer avec les autres en fonction de leurs émotions (Ibid.). Les stades développementaux, au nombre de quatre, sont les suivants: le stade sensorimoteur de la naissance à 2 ans, le stade préopératoire de 2 à 7 ans, les opérations concrètes de 7 à 11 ans et les opérations formelles de 11 à 15 ans. Tel que précisé, ces stades se succèdent car l’enfant acquiert les habiletés lui permettant de passer au stade suivant.

Les émotions sont en lien avec la relation d’attachement créée dès la naissance. Ainsi, la relation entre l’enfant et les personnes responsables devient un modèle pour ce dernier. Selon Bee et Boyd (2008), le développement de l’attachement passe par la relation entre la mère, l’enfant et l’environnement. S’il a pour principale fonction la satisfaction des besoins primaires, l’attachement permet le développement des apprentissages, des relations, et est à la base de l’autonomie (Ibid.). Le besoin de sécurité est inhérent au lien d’attachement. En exemple, lorsque l’enfant se retrouve en situation de socialisation, « il n’aime pas être isolé et même lorsqu’il est seul, il se sent en communion avec son groupe habituel » (Piaget, 1984, p. 95).

« Rappelons que si l’affectivité ne peut modifier les structures, elle intervient constamment dans les contenus. » (Ibid., 1954, p. 10) Les structures mentales sont immuables, mais les émotions teintent les actions de l’enfant. Cosnier (2015) mentionne qu’il existe un lien important entre une expérience et l’émotion y étant associée. Faisant suite aux propos précédents, d’après Lafortune, Mongeau, Daniel et Pallascio (2002), l’environnement familial et social influence la perception de l’enfant, affectant son attitude positivement ou négativement dans l’apprentissage, par exemple, de la mathématique. Cela signifie qu’une émotion peut être apprise au sein de l’environnement d’un individu et appliquée à une tierce expérience. Tout au long des stades développementaux l’enfant apprend par l’entremise de son environnement, lui permettant notamment vers l’âge de 2 et 3 ans d’accroître ses compétences sociales en s’exprimant par le biais de son corps (Piaget,

147 1972). Pour Pons, Doudin, Harris et de Rosnay (2002), c’est entre 1 1/2 et 2 ans que ce dernier développe son habileté à catégoriser quelques émotions. Le stade préopératoire est celui de la logique simple, car celui-ci commence à utiliser des symboles pour penser et communiquer (Bee et Boyd, 2008). Selon Pons, Doudin, Harris et de Rosnay (2002), la catégorisation des émotions est importante car elle permet de penser les émotions et de les comprendre.

Pour sa part, Grenier (2013) spécifie que l’élève tout-venant a besoin d’amour, d’appartenance, mais que le besoin de plaisir se fait d’autant plus ressentir lors des apprentissages chez l’élève ayant des besoins particuliers. Dans le même ordre d’idées, l’analyse des besoins fondamentaux de Garett Thomson par Laliberté (2012), met de l’avant l’importance des besoins d’interaction sociale, de respect et de reconnaissance, d’accomplissement et de valorisation de soi comme principes importants lorsque vient le temps d’atteindre un objectif. Faisant référence aux apprentissages, cette dernière démontre que l’acquisition d’habiletés ou d’apprentissages se fait par le biais d’interactions entre les émotions et les besoins fondamentaux.

2.2.1 Besoins fondamentaux

Selon Grenier (2013), un besoin fondamental concerne la survie, l’amour, l’appartenance, le pouvoir, le plaisir, la liberté et les besoins psychologiques. D’après Thomson (1987), ces besoins sont fondamentaux et inévitables. Ils répondent donc à des conditions biologiques et physiologiques nécessaires à une personne (White, 1975). Pour Anscombe (1958), le besoin de plaisir ne concerne pas seulement l’enfance, mais réfère à la perception personnelle de l’individu. Les besoins fondamentaux « correspond to the inherent complexities of human nature, as it manifested both in individuals and in various forms of community » (Finnis, Grisez et Boyle, 1987, p. 107). Ceux-ci se divisent en fonction de deux catégories: animale et rationnelle (Ibid.). La catégorie animale concerne l’organisme de l’humain, dont sa santé et sa sécurité. La catégorie rationnelle a trait aux capacités de savoir et de ressentir. Ensemble elles forment le monde par les réalités perçues. Pour Waldron (2000) « a person has needs in the same sens as an automobile does » (p.

148 129). Un besoin est donc essentiel au fonctionnement de l’individu et à sa santé. Les besoins fondamentaux équivalent aux normes car elles sont applicables partout et universelles (Galtung, 1994).

Selon Finnis, Grisez et Boyle (1987), « the basic goods correspond to the irreducibly diverse components of complex human nature » (p. 133). D’après Maslow (1999) les besoins fondamentaux font référence « for life, for safety, and security, for belongingness and affection for respect and self-respect, and for self-actualization » (p. 5). Pour Plant (1991), « the human function and its associated good will be one and the same for all persons and its realization in collective form will constitute good life » (p. 31). Ainsi, le niveau d’affection reçu durant l’enfance serait tributaire de l’importance accordée au besoin d’amour durant sa vie (Maslow, 1999). Il en va de même pour l’ensemble des besoins, car ils s’actualisent et évoluent au fil du temps en changeant d’ordre de priorité (Ibid.). Pour sa part, Coop (1995) précise qu’un besoin fondamental est déterminé par des processus cognitifs plutôt que par des envies.

Quant à Flew (1981), un besoin est nécessaire au ‘‘fulfillment’’ de l’individu. On entend par ‘‘fulfillment’’ l’accomplissement de la personne dans son développement global. Le concept de soi fait partie intégrante de l’actualisation du potentiel d’un individu, car « the happiness bears a special relation to the self: the facts about what makes us (authentically) happy partially define who we are, our selves » (Haybron, 2008, p. 178). Maslow (1999) ainsi que McCann et Pearlman (1990) précisent que l’actualisation de son potentiel est inhérente aux besoins fondamentaux d’une personne. Pour leur part, Deci et Ryan (2000) énumèrent les besoins fondamentaux comme étant des compétences, des liens et l’autonomie. Pour ces derniers l’autonomie est relative au concept de liberté et est essentielle au fonctionnement naturel de l’être humain (Ibid.).

Les besoins fondamentaux ont aussi pour synonyme l’expression ‘‘besoins primaires’’, alors que les besoins instrumentaux se nomment aussi ‘‘besoins acquis’’. Deci et Ryan (2000) mentionnent qu’un besoin primaire concerne par exemple l’eau et la nourriture, tandis qu’un besoin acquis n’est pas inné mais appris. Un besoin fondamental

149 peut aussi être représenté par une quête personnelle et universelle à tout individu. La quête du bonheur serait un ‘‘bon exemple’’. « Thus possible objects of deep happiness seem to be things that are basic in human life. » (Foot, 2001, p. 88) Même si ce besoin que tout humain ressent n’est pas similaire au besoin de survie, il semble être important et présent dans toute société, et ce, peu importe la culture. Selon Haybron (2008), la problématique relèverait du fait que les individus mettent toute leur énergie dans cette quête du bonheur, devenant une quête existentielle.

2.2.2 Besoins instrumentaux

Si un besoin fondamental « se rapporte à la qualité de vie en général » (Laliberté, 2012, p. 8), un besoin instrumental ne se justifierait pas. Ainsi ce dernier ne serait pas, d’après Finnis, Grisez et Boyle (1987), essentiel à la survie de l’individu, comme le fait de gagner à une partie de cartes. « Les besoins instrumentaux dépendent des individus et des circonstances particulières à chaque situation; ils varient en fonction du temps et des gens. » (Laliberté, 2012, p. 40) Cette caractéristique est importante car elle permet de comprendre que ce type de besoin est propre à chaque individu et est déterminé par les préférences, les habiletés et la personnalité. Thomson (1987) mentionne qu’il est toujours question d’atteindre un objectif par l’obtention d’un gain et que celui-ci peut être dérivé ou non dérivé. Un besoin dit ‘‘dérivé’’ doit être comblé par autre chose, par exemple pour manger nous avons besoin d’argent. Un besoin non dérivé ne dépend d’aucuns facteurs.

Dans un autre ordre d’idées, les besoins instrumentaux peuvent être la conséquence de la solitude. En d’autres termes, « loneliness becomes an issue of serious concern only when it settles in lon enough to create a persistent self-reinforcing loop of negative thoughts, sensations, and behavior » (Cacioppo et William, 2008, p. 7). Si le besoin de relation est spécifique à chaque individu, l’environnement social a un degré d’importance différent d’un individu à l’autre. Lorsque ce besoin est non comblé, certaines personnes peuvent vouloir combler ce manque par un besoin instrumental. Thomson (2005) définit le besoin instrumental comme « a necessary condition for the obtaining of a goal or for the

150 satisfaction of a desire » (p. 175). Il ajoute que les désirs dépendent de la source motivationnelle, mais aussi de la perception de l’individu par rapport à ces derniers (Ibid.). Quant à Plant (1991), il conclut que les besoins instrumentaux sont créés par l’environnement social qui instaure aussi des injustices sociales et du bonheur, mais qu’ils ne sont pas une condition essentielle au développement de soi.