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PREMIER CHAPITRE – PROBLÉMATIQUE

2. ÉDUCATION À LA SEXUALITÉ AU QUÉBEC

2.2 De l’enseignement sexuel à l’éducation à la sexualité

Cette sous-section met en lumière l’évolution de l’enseignement de la sexualité d’hier à aujourd’hui de la société québécoise.

 L’enseignement sexuel

L’emprise qu’exerçait l’Église sur la vie des citoyens du Québec eut un impact sur l’enseignement sexuel exercé dans les années 1930 à 1960 (Desjardins, 1990). Pour Meloche (1948), ce dernier correspond à l'initiation sexuelle que doivent enseigner, en

24 Statistique Canada. 21 novembre 2015. Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes: données

combinées 2013-2014. Site Internet téléaccessible à l’adresse suivante: <http://www.statcan.gc.ca/daily- quotidien/150624/dq150624b-fra.htm>.

25 Institut nationale de santé publique du Québec. 28 novembre 2015. Portrait des infections transmissibles

sexuellement et par le sang au Québec (ITSS): année 2013(et projection 2014). Site Internet téléaccessible

50 premier, les parents à leurs enfants. Il définit l’initiation sexuelle comme étant « l'enseignement de certains renseignements d'ordre naturel, anatomique, physiologique, prophylactique au sujet de la transmission de la vie et de tout ce qui s'y rapporte » (Ibid., p. 22). L’initiation sexuelle par l’entremise de l’enseignement sexuel doit permettre l’acquisition de connaissances en sexualité sans trop en divulguer. En somme, l’enseignement sexuel réfère à « l'éducation de la chasteté, l'ennoblissement de la sexualité et la pédagogie nouvelle » (Ibid., p. 381), stratégie valorisée par l'Église afin que la population québécoise conserve ses valeurs morales, donc chrétiennes.

D'un autre point de vue, Meloche (1948) s'oppose drastiquement à la loi du silence, fortement utilisée, et au mensonge reliant cette loi à la « mentalité générale de l'Église catholique » (p. 29). Ainsi les parents privilégiaient divers stratagèmes afin d’éviter que leurs enfants soient informés des termes liés aux organes ou à l’acte sexuel, tels les seins, l'accouchement, l'enfantement et la grossesse. Si ces derniers soulignaient que les comportements sexuels hors mariage étaient défendus, ils indiquaient cependant que ceux impliquant « les prières de l'Église, le catéchisme, l'Évangile, la liturgie et la prédication » (Ibid., p. 30) étaient bienvenus.

Tous les jours l'enfant répète dans l'Ave: ‘‘Jésus, le fruit de vos entrailles est béni’’; dans le Credo: ‘‘qui été conçu du Saint-Esprit, est né de la Vierge Marie’’; dans les commandements de Dieu: ‘‘l'œuvre de chair ne désireras qu'en mariage seulement’’. (Ibid.)

Les changements sociétaux font qu’une importance est accordée à « l'objectivité scientifique » (Desjardins, 1990, p. 383) où l'Église doit modifier l’approche dont elle faisait jusqu’ici usage afin de ‘‘préserver l'âme des enfants’’ (Ibid.). Selon Nadeau (2002), le christianisme suscite une dichotomie entre le corps et l'âme, mettant en relation la sexualité et l'enfer. C'est à partir de cette vision que se seraient développées deux « tendances pédagogiques » (Desjardins, 1990, p. 384) relevant la chasteté, soit « la stratégie du silence […] et l'éducation de la chasteté » (Ibid.). Pour Meloche (1948), la pratique de la pureté réside dans le fait de ne pas succomber aux désirs du corps et « la pratique de cette vertu s'enseigne dans l'éducation sexuelle; son objet, lui, s'enseigne dans

51 l'initiation sexuelle » (p. 22). C'est en abordant la sexualité par l'initiation sexuelle (la conception d’un nourrisson, le corps humain, etc.) que devient possible la pratique de la vertu donnant la force de ne pas succomber à la chair (Ibid.).

Dans les années 1930, la loi du silence devient néfaste pour les enfants puisque l’absence d’information pouvait nuire à leur développement (Desjardins, 1990). Si le discours ne change pas, il s'introduit différemment dans l’enseignement sexuel. Ainsi, les jeunes sont amenés à développer des « habitudes de rigueur et de vertu » (Ibid., p. 385) afin de prendre conscience de l'importance du statut social par l’entremise des principes moraux et les possibilités de réussite sociale qui en découlent. Vint ensuite l'ennoblissement de la sexualité, qui signifie de conférer de la noblesse et de la dignité à la sexualité. L'Église faisant face au modernisme grandissant, l’enseignement sexuel des années 40 devient d’intérêt pour « des membres du clergé, des éducateurs laïcs, des parents, des médecins, des intervenants des milieux judiciaires, des vulgarisateurs, etc. » (Ibid., p. 387; Meloche, 1948). Ainsi, l’on parle davantage d’éducation sexuelle que d’enseignement sexuel.

Promouvant le besoin immédiat de l'initiation sexuelle, Meloche (Ibid.) développe un guide d'initiation sexuelle dédié aux parents, aux éducateurs et aux ‘‘chargés d'âme’’ pour les conseiller et les accompagner dans l’initiation sexuelle des enfants, en offrant les réponses les plus appropriées à divers questionnements devant être abordés en éducation sexuelle. En somme, son ouvrage fut le premier guide complet de l’époque qui traitait de la sexualité de manière éloquente. C'est en misant sur l'importance des parents comme acteurs principaux (Ibid.; Desjardins, 1990) de l'initiation sexuelle que se baseront les programmes dédiés à l’éducation sexuelle. Devant faire face à cette responsabilité, les parents doivent faire part des dangers de la vie en ‘‘exprimant la vérité’’, car l'enfant a le droit de savoir et de recevoir une ‘‘bonne initiation sexuelle’’ (Meloche, 1948). Pour sa part, Desjardins (1990) souligne que les parents transigent de la loi du silence au sentiment de culpabilité.

Dans le passé, parents, éducateurs et auteurs n'osaient dire un mot tant soit peu précis aux jeunes gens et aux jeunes filles sur les mystérieuses lois de la transmission de la vie et sur les dangers de contaminations des maladies

52 vénériennes si nuisibles au bien-être individuel, familial, social et racial.

De nos jours, admettant que beaucoup de chutes lamentables chez les jeunes gens et les jeunes filles sont dues à leur ignorance, ils s'accordent sur la nécessité de les renseigner par des conférences, des livres, le cinéma, en un mot de faire leur initiation sexuelle. (Meloche, 1948, p. 19)

 L’éducation sexuelle

Selon Meloche (1948), l'éducation sexuelle concerne « la formation de l'intelligence, de la volonté, du cœur et de la conscience en rapport avec les lois naturelles et morales régissant les choses du sexe » (p. 22). Dit autrement, elle concerne « la connaissance et la compréhension des phénomènes sexuels » (Gaudreault, 1997, p. 43) qui renvoie « à la notion d’instruction plus que celle d’éducation, ainsi que des moyens propices à la diffusion d’informations sur la sexualité, par exemple, par l’enseignement scolaire ou familial et par les médias » (Ibid.). Elle se traduit comme le processus d’acquisition de connaissances et la compréhension des notions en sexualité.

Cette dernière se fait en bas âge jusqu’à l’adolescence. Les propos destinés aux parents dans les manuels se veulent simples et directs mais demandent une connaissance adéquate de l'anatomie. L’on y démystifie « l’émission spermatique […] ou émission nocturne » (Ibid., p. 149) ainsi que les menstruations et les « pollutions nocturnes » (Ibid., 1952, p. 24). Nonobstant la libéralisation de l'éducation sexuelle, certains principes fondamentaux ne sont pas discutés puisqu'ils seraient ‘‘déshonorants’’, dont la masturbation – qualifiée de ‘‘pêché d'Onan’’ ou ‘‘d’onanisme juvénile’’ – et l'homosexualité (Ibid.). Certains spécialistes incitent les intervenants et les parents à agir au niveau des pulsions et des désirs de l'enfant avant le début de l'adolescence « afin de munir l'enfant d'un système de défense indispensable pour affronter cette ‘‘époque troublée’’ » (Desjardins, 1990, p. 389). Quant à la tendance au modernisme, celle-ci engendre des savoirs liés aux sciences humaines et sociales par l’intermédiaire de la biologie, la sexologie et la psychologie. C'est ainsi que de tiers guides d'éducation sexuelle s'adressent directement aux adolescents. Ceux-ci emploient un langage explicite en faisant usage de la deuxième personne du singulier (Meloche, 1952).

53 Ces deux cellules mâle et femelle (l'ovule et le spermatozoïde) pourtant

toutes deux puissances de vie, ne donneront la vie que si elles viennent en contact l'une avec l'autre, s'il y a, en d'autres termes, fécondation. Tu connais le sens du mot fécond: propre à la reproduction. Cette reproduction se fait de différentes manières, comme tu le verras plus loin. (Ibid., p. 27)

En ce sens, les années 40 furent importantes pour l'éducation sexuelle où la terminologie devient davantage spécifique au regard des notions abordées durant le cursus académique.

 Santé sexuelle et sexualité humaine

D’après l’OMS26, la santé sexuelle réfère pour sa part à un état de bien-être physique, mental et social en matière de sexualité, où sont entrevues en tout respect la sexualité, les relations sexuelles et les expériences sexuelles, sources de plaisir effectuées sans risque, mais aussi libres de toute coercition, discrimination ou violence.

Quant à la sexualité humaine, celle-ci renferme de multiples dimensions. Elle implique les aspects affectifs par l’entremise des attitudes, des valeurs, des sentiments que l’on éprouve à l’égard de soi et d’autrui; elle se nourrit de connaissances, de façons de penser et de conceptions diverses. Elle repose sur la biologie, mais elle est largement tributaire de la société dans laquelle une personne évolue et qui influe sur la culture, les rapports entre groupes et entre individus, les aspects moraux et spirituels. Enfin, elle se traduit par des comportements qui, dans certains cas, peuvent mettre en péril l’intégrité physique et psychique des protagonistes. La globalité et la richesse de la sexualité appellent donc nécessairement une bonne connaissance de soi, et cela exige une démarche à la fois cognitive, réflexive et intégrative. (Gouvernement du Québec, 2003, p. 9)

 Éducation à la sexualité

Enfin, l’éducation à la sexualité concerne la santé sexuelle ainsi que l’entièreté des dimensions de la sexualité humaine par des apprentissages progressifs et constants. Pour

26 Organisation mondiale de la Santé. 28 novembre 2015. Santé sexuelle. Site Internet téléaccessible à

54 que les jeunes puissent s’identifier comme êtres sexués, selon le gouvernement du Québec (Ibid.) « il est essentiel d’aborder franchement la sexualité avec les enfants et les adolescents, tout en les amenant à développer leur jugement, leur sens des responsabilités, leur esprit critique et leur capacité de discernement » (p. 7).

En somme, le Québec a subi des changements notables au fil des décennies permettant de justifier la pertinence sociale d’interroger la place de la sexualité au sein de la population québécoise, et plus spécifiquement le rôle de l’éducation à la sexualité auprès des jeunes Québécois, a priori transmis en tant qu’enseignement sexuel puis d’éducation sexuelle, et enfin d’éducation à la sexualité.