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PREMIER CHAPITRE – PROBLÉMATIQUE

2. ÉDUCATION À LA SEXUALITÉ AU QUÉBEC

2.1 Phénomènes sociaux ayant influé sur la sexualité au Québec

Si la sexualité au Québec a évolué au cours des décennies, elle a également été influencée par divers phénomènes sociétaux. Dans un premier temps, le présent sous- chapitre met en lumière l’influence de la religion sur la sexualité au fil de l’histoire en faisant ressortir les origines du christianisme, les valeurs prônées par celui-ci et la vision de la sexualité en Occident. En second lieu, les événements provoquant des changements de mentalité au regard de la sexualité sont explicités par l’entremise de la contraception, de la génération ‘‘peace and love’’, du mouvement gai et lesbienne au Québec, du droit de vote des femmes ainsi que de l’entrée du féminisme et des revendications exprimées. Enfin, dans un troisième temps la transformation du Québec et son impact sur la sexualité sont relevés.

Afin d'approfondir sa compréhension de l'historique de la sexualité au Québec, le lecteur est invité à lire l'annexe B intitulé ‘‘Bref historique de la sexualité au Québec”.

45 2.1.1 Influence de l’Église sur la sexualité

Le christianisme, religion émergeant au 1er siècle de l’Antiquité (Thelamon, 2007), influençe l’histoire des sociétés méditerranéennes et proche-orientales tant au niveau culturel, politique que religieux. Pour sa part, Jésus de Nazareth se caractérise comme la personne ayant formé la communauté judéo-chrétienne de Jérusalem (Mimouni, 2007). Les valeurs fondamentales prônées par la religion chrétienne, dont fait partie le christianisme, sont multiples et de natures variées. Nous y retrouvons notamment des vertus qui n’étaient pas populaires au temps de l’Antiquité, telles que « la paix, la douceur, l’humilité, la patience, la tempérance, l’importance du partage entre tous et chacun, […] le commandement de Jésus ‘‘aimez-vous les uns les autres’’ » (Meslin, 1997, p. 411) et le pardon. D’après Desjardins (1990), à travers les valeurs proclamées par l’Église chrétienne, le vœu de chasteté ou « l’éducation de la chasteté » (p. 385) est omniprésent dans le discours du christianisme, soulignant la grande importance de la virginité des jeunes filles avant leur mariage. En somme, si le christianisme « a proclamé l’indissolubilité du mariage » (Meslin, 1997, p. 413), la sexualité hors de ce dernier n’a pas lieu d’exister au sein d’une grande proportion de la population québécoise vouée au culte de l’Église.

La complexité de la vision de la sexualité provient de l'emprise de l’Église par rapport à l’éducation de la population dans leur vie personnelle, familiale et culturelle. Au Canada ainsi qu’au Québec, cette emprise est observée lorsque « le clergé catholique francophone commence à [re]prendre en main non seulement l’éducation des Acadiens, mais aussi leur vie sacramentelle et liturgique » (Lamarque et Léger, 2008, p. 117), particulièrement la pratique de la sexualité, dont la limitation des naissances (Desjardins, 1990; Laperrière, 1989). De ce fait, par le biais de la « révolution copernicienne » (Langlois, 2007, p. 428) les couples sont invités à limiter les naissances selon leurs moyens financiers, laissant place aux pratiques sexuelles sans procréation. Pourtant, si au 19e siècle l’ouverture de soi au monde était relevée, seuls les moyens de contraception ont donné la possibilité à la population des années 70 de développer son identité sexuelle et de contrôler

46 sa sexualité. Ce fut un moment dans l’évolution sociétaire québécoise où il y a eu une rupture entre l’emprise de l’Église catholique dans la vie personnelle des individus et la revendication de celle-ci par ces derniers.

2.1.2 Événements provoquant des changements de mentalités au regard de la sexualité Marcil-Gratton et Lapierre-Adamcyck (1989) nomment l’Amérique du Nord comme continent à l’ère de « la montée spectaculaire de la stérilisation » (p. 239) faisant partie de la troisième révolution contraceptive. Pour sa part, l’apparition de la pilule anticonceptionnelle, le « Enovid » (Beaulieu, 2011, p. 94) ou tout simplement le « contraceptif oral » (Ibid., p. 94), concerne la deuxième révolution contraceptive (Marcil- Gratton et Lapierre-Adamcyk, 1989). Apparu entre les années 1950 et 1960, ce moyen de contraception oral serait « né d’une révolution » (Beaulieu, 2011, p. 94) comblant les attentes de la société. Ainsi, l’évolution des rôles entre les sexes devient un tournant dans le développement de la sexualité en Occident par le mouvement ‘‘Peace and love” qui était « laid by the increased differenciation of age roles and de-differenciation of sex roles associated with advanced industrial development » (Starr, 1974, p. 74). Quant aux années 60, elles furent la pierre angulaire de l’amélioration du statut des gais et des lesbiennes (Tremblay, 2013), qui par conséquent a permis l’acceptation et la décriminalisation de l’homosexualité.

Dans un même ordre d'idées, pour la première fois de l’histoire « les Canadiennes françaises obtiennent le statut de citoyenne à part entière. Les femmes du Québec revendiquaient ce droit depuis 1910 » (Darsigny, 1990, p. 19). Boivin (1986) mentionne que celles-ci ont dû longuement attendre avant d’obtenir le droit de ne pas se marier sans se voir « frapper d’ostracisme social » (p. 55). Ainsi, c’est avec l’arrivée des méthodes de contraception plus efficaces que se sont développées de nouvelles attitudes « face à la sexualité, au mariage et à la maternité » (Lemieux, 1995, p. 78).

47 2.1.3 Transformation du Québec et impact sur la sexualité

Depuis les cinquante dernières années, le Québec s’est vu transformé pour de multiples raisons, dont la séparation entre l’État et la religion ainsi que l’immigration, qui ont favorisé l’évolution des mœurs à divers égards. En 2013, le Québec compte plus de 8 millions de personnes15, qui représentent 23 % de la population canadienne estimée à au- delà de 35 millions d’individus16. Le dernier recensement national de 2011 publié en 2013 par Statistique Canada17 démontre qu’au Canada, une personne sur cinq est née à l’étranger, soit 17,2 % de la population totale née à l’étranger, correspondant à 3,5 % de l’ensemble de la population canadienne entre 2006 et 2011. Autrement dit, au fil des ans, le Québec accueille un nombre non-négligeable de personnes immigrantes issues de cultures et de religions variées ayant pour effet la diversité des valeurs qui cohabitent au sein de la province Canadienne18.

Notamment, en 1975 l’Assemblée nationale du Québec adopte une loi dite quasi constitutionnelle par la Charte des droits et libertés de la personne19. Depuis son entrée en vigueur en 1976, celle-ci a été modifiée plusieurs fois, entre autres en ajoutant l’orientation sexuelle en 1977 et le handicap en 198220, population interpellée dans l’actuelle recherche. En 2013, la Charte affirmant les valeurs de laïcité et de neutralité religieuse de l'État ainsi que d'égalité entre les femmes et les hommes et encadrant les demandes d'accommodement21 est déposée à l’Assemblée nationale du Québec, mais non entérinée

15 Gouvernement du Canada. 21 novembre 2015. Statistique Canada. Indicateurs les plus récents. Site

Internet téléaccessible à l’adresse suivante: <http://www.statcan.gc.ca/start-debut-fra.html>.

16 Idem.

17 Statistique Canada. 21 novembre 2015. Immigration et diversité ethnoculturelle au Canada. Site Internet

téléaccessible à l’adresse suivante: <https://www12.statcan.gc.ca/nhs-enm/2011/as-sa/99-010-x/99-010- x2011001-fra.cfm#a2>.

18 Statistique Canada. 21 novembre 2015. Composantes de l’accroissement démographique, Canada,

provinces et territoires. Site Internet téléaccessible à l’adresse suivante: <http://www5.statcan.gc.ca/cansim/a26>.

19 Wikipédia. 21 novembre 2015. Charte des droits et libertés de la personne. Site Internet téléaccessible à

l’adresse suivante:

<https://fr.wikipedia.org/wiki/Charte_des_droits_et_libert%C3%A9s_de_la_personne>.

20 Idem.

21 Wikipédia. 21 novembre 2015. Charte des valeurs québécoises. Site Internet téléaccessible à l’adresse

48 tenant compte du changement de gouvernance suite aux élections fédérales de 2014. Cependant, cette préoccupation du Québec laisse présager un remaniement à cet effet.

Certes l’Église catholique occupe un espace moins central au sein de la société québécoise, toutefois l’Enquête nationale auprès des ménages de 201122 révèle l’omniprésence du catholicisme. Le tableau 4 ci-après fait état du portrait des pratiques religieuses au Québec entre 2001 et 201123.

Tableau 4

Portrait des pratiques religieuses au Québec entre 2001 et 2011

Si le catholicisme représente près de 75 % de la population du Québec, il est suivi par 12 % de celle-ci se disant ‘‘sans religion’’.

Concernant les comportements sexuels, l’Enquête sociale et de santé auprès des enfants et des adolescents (Gouvernement du Québec, 2002) menée en 1999 à l’égard de 3,700 filles et garçons âgés de 9 ans, 13 ans et 16 ans, donne un portrait représentatif des Québécois de ces groupes d’âge. Les résultats révèlent que 5 % des jeunes de 13 ans et moins ont déjà eu des relations sexuelles, comparativement à 50 % de ceux de 16 ans. Les adolescents se proclamant actifs sexuellement disent avoir eu leur première relation à 14,5 ans, tandis qu’environ 6 % des filles mentionnent avoir déjà vécu une grossesse. Si 60 % des garçons de 16 ans déclarent recourir à un condom, 15 % des garçons et 18 % des filles

22 Statistique Canada. 21 novembre 2015. Enquête nationale auprès des ménages de 2011. Site Internet

téléaccessible à l’adresse suivante: <https://www12.statcan.gc.ca/nhs-enm/2011/dp-pd/dt-td/index- fra.cfm>.

23 Wikipédia. 21 novembre 2015. Religion au Québec. Site Internet téléaccessible à l’adresse suivante:

<https://fr.wikipedia.org/wiki/Religion_au_Qu%C3%A9bec>.

Religion Pourcentage de la population québécoise

2001 2011 Christianisme (Catholicisme) 90,1 % (83,2 %) 82,2 % (74,7 %) Islam 1,5 % 3,1 % Judaïsme 1,3 % 1,1 % Bouddhisme 0,6 % 0,7 % Hindouisme 0,3 % 0,4 % Sikhisme 0,1 % 0,1 % Autres religions 0,5 % 0,3 % Sans religion 5,6 % 12,1 %

49 soulèvent ne pas s’être protégés à la première et à la dernière relation sexuelle. En 2013- 2014, 92,2 % des Canadiens âgés entre 15 et 49 ans24 ayant déjà eu des relations sexuelles affirment avoir été sexuellement actifs au cours des douze mois précédents. De ceux-ci, 57,5 % confirment avoir utilisé un condom la dernière fois qu’ils ont eu une relation sexuelle, tandis qu’environ 14,9 % de ces derniers ajoutent avoir eu deux partenaires sexuels ou plus au cours de cette période.

Aux changements comportementaux des Québécois s’ajoute la présence des infections transmissibles sexuellement et par le sang (ITSS). L’Institut national de santé publique du Québec25 (INSPQ) nous informe qu’en 2013, 27 000 cas d’ITSS étaient déclarés, représentant 74 % de l'ensemble des infections recensées. Si l’âge du premier rapport sexuel pour les jeunes de 15 à 24 ans n’avait pas changé significativement concernant le premier rapport sexuel, il en irait de même au regard du nombre de partenaires sexuels ainsi que de l'usage des méthodes de protection. Cependant, les « comportements à risque sont plus fréquents chez les jeunes en difficulté, comparativement aux jeunes de 15 à 24 ans en général » (Institut national de la santé publique du Québec, p. 2). Ces derniers réfèrent aux difficultés personnelles, comportementales et psychosociales.