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1.2 Le programme Sport-études

1.2.3 Le programme Sport-études sous la loupe de la recherche

Précédemment, nous avons fait état de l’évolution du programme Sport-études au cours des années, allant du maintien de la priorité sur la réussite scolaire, à se doter de règles d’encadrement plus claires et cohérentes, tout en s’inscrivant dans une démarche sportive résolument tournée vers l’excellence. De plus, nous avons observé une hausse marquée du nombre de participants dans les deux premières décennies de son existence pour osciller entre 5000 et 6000 élèves-athlètes depuis une dizaine d’années. Si ce projet particulier a évolué dans sa structure et ses objectifs, a-t-il été le sujet de recherches scientifiques rigoureuses au cours de son existence ? D’emblée, il faut admettre que depuis la parution du rapport du défunt ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche en 1982, seules quelques études furent effectuées sur ce sujet. En effet, la littérature québécoise est mince en ce qui a trait au programme Sport-études. Le tableau 4 contient le résumé des recherches effectuées sur le

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programme Sport-études que nous avons repéré via quelques moteurs de recherches (Érudit, Repères, Francis). Nous discutons de ces recherches par la suite.

Tableau 4 – Résumé des études effectuées sur le programme Sport-études

Chercheur Sujet Type Conclusions

Vandermoortele et Larivière (1996)

Analyse du projet PSÉ

Rapport d’analyse Soutien la nécessité d’offrir un projet comme le PSÉ à une catégorie d’élève doué sur le plan

sportif; Desnoyers (1999) Niveau d’envie

chez les élèves- athlètes

Recherche empirique quantitative

Niveau d’envie est plus élevé chez les élèves- athlètes de sports individuels;

Perreault (2005) Satisfaction des participants

Rapport d’analyse Satisfaction généralement positive à l’égard du programme, mais perte d’intérêt en fin de parcours

scolaire; Émond (2006) Asociabilité et estime de soi Recherche empirique quantitative

Aucune différence intergroupe, mais élèves- athlètes ont une meilleure estime de soi;

Plouffe (2010) L’attitude gagnante

Recherche longitudinale

qualitative

L’attitude gagnante est théorisée comme l’atteinte d’un état d’esprit positif qui permet l’épanouissement du plein potentiel des athlètes.

Plus tôt dans l’exposé, nous avons mis en exergue certaines des recommandations que Vandermoortele et Larivière (1996) ont présentées à la fin de leur rapport d’analyse sur le programme Sport-études. Au-delà de ce qui a été présenté précédemment, notons qu’à l’époque où ils ont mené leur étude, les mécanismes d’identification des élèves-athlètes susceptibles de participer n’étaient pas clairs. Ils estimaient alors que seulement la moitié des fédérations sportives avaient mis sur pied un processus d’identification des athlètes pour ainsi s’assurer que les participants s’engageaient dans une réelle démarche de performances. Une vingtaine d’années plus tard, cette lacune semble avoir été comblée puisque les fédérations sportives qui souhaitent bénéficier du programme Sport-études doivent faire reconnaître leurs critères de sélection par le MÉES.

Outre ce rapport d’analyse, Desnoyers (1999) a comparé le niveau d’envie et le fait de pratiquer un sport de compétitions chez 267 élèves de niveau secondaire, répartis en trois groupes, soit deux composés d’élèves-athlètes et un d’élèves d’un programme régulier. Au moyen de questionnaires recensant les habitudes sportives et informations démographiques,

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ainsi qu’un instrument pour évaluer leur niveau d’envie (Inventaire sur les comparaisons

sociales), la chercheuse a pu distinguer certaines différences au sein des trois groupes ciblés,

soit des élèves-athlètes en sport individuel, des élèves-athlètes en sport collectif et des élèves du programme régulier. Les conclusions de l’étude font état d’un niveau plus élevé d’envie, en terme de bien-être socioaffectif et d’intelligence/talent, chez les athlètes pratiquant un sport individuel et d’un indice total d’envie significativement plus élevé chez les filles.

L’autre recherche consultée est celle de Donald Émond (2006). Dans le cadre de son mémoire de maîtrise, il s’est intéressé à l’indice d’asociabilité et à l’estime de soi des élèves qui prennent part à des projets éducatifs particuliers. Ainsi, il a comparé ces éléments chez 256 adolescents répartis dans trois groupes scolaires avec des profils différents (Sport-études soccer, musique-étude et régulier). Finalement, ses recherches ont démontré qu’aucun des groupes étudiés ne présentait de niveau d’asociabilité élevé, mais que les jeunes en Sport- études et en musique-étude avaient une meilleure estime de soi.

De la recension des écrits effectués au Québec, la recherche de Perreault (2005) est sans contredit celle qui offre le portrait le plus complet du programme Sport-études. Le chercheur a en effet mis en lumière que les élèves-athlètes étaient en mesure de combiner avec succès les études et le sport. Cette recherche commandée par le MELS – l’ancêtre du MÉES – avait pour but de documenter l’expérience sportive et scolaire des élèves-athlètes inscrits au programme Sport-études et d’évaluer l’offre de service du point de vue de différents acteurs impliqués (jeunes, parents, enseignants, coordonnateurs). Les chercheurs ont usé d’une méthodologie quantitative en distribuant des questionnaires à plusieurs groupes de répondants (élèves- athlètes, entraineurs-chefs, parents et enseignants). Des volets traitant de la satisfaction générale du programme Sport-études, de la conciliation du sport et des études ainsi que l’offre de services ont été abordées dans ces questionnaires. D’ordre général, une satisfaction à l’égard du programme dans son ensemble (soutien scolaire et sportif, conciliation des études et du sport) tant pour les élèves-athlètes que pour leurs parents a été démontrée. En effet, la plupart des élèves se jugeaient aptes à concilier les études et le sport pour plusieurs raisons telles l’horaire adapté pour faire place au sport, la charge de travail à l’entrainement et la valorisation de la réussite scolaire par les divers acteurs (enseignants, entraineurs, parents,

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etc.). Cependant, l’étude démontre que les élèves-athlètes plus vieux ont une moins grande satisfaction à l’égard du programme, et ce, sur plusieurs aspects, notamment ceux de la participation aux activités sociales ou parascolaires. Outre la possibilité de combiner avec succès le sport et les études, certaines données plus significatives, en rapport à notre recherche, ressortent de l’enquête. D’abord, l’auteur souligne la basse fréquence de l’épuisement sportif qu’il impute notamment à la conciliation entre l’horaire sportif et scolaire. Il mentionne également que les élèves-athlètes sont rarement de mauvaise humeur, courbaturés ou physiquement épuisés. Autrement, comme abordé ci-haut, Perreault souligne la tendance des élèves de secondaire 5 à délaisser le sport pour se concentrer sur les études. Selon l’auteur, cette tendance reflèterait la réalité de la pyramide compétitive de la structure du sport au Québec (et probablement en général), c’est-à-dire que plus on aspire au sommet, moins les places y sont disponibles. En d’autres mots, certains élèves-athlètes plus âgés sont de plus en plus conscients de leurs limites sportives et réorientent leurs priorités sur l’école. En dernier lieu, l’auteur souligne que les bienfaits de la participation sportive observés sur le rendement scolaire seraient dus à une synergie entre la sélection des candidats, la participation au programme Sport-études et le contexte général où est placé le jeune. En somme, Perreault conclut que le programme Sport-études remplit sa mission première d’assurer la réussite scolaire combinée avec la réussite sportive. Dans ses recommandations, il parle notamment d’assurer que la communication entre les divers acteurs (clubs sportifs, fédérations, écoles, parents, etc.) s’améliore de façon à être plus efficace à tous les niveaux. Selon lui, cela favoriserait un meilleur encadrement des élèves-athlètes.

Finalement, la dernière étude recensée est une thèse doctorale où le chercheur principal, Jacques Plouffe, a sondé des élèves-athlètes, des entraineurs et des parents par le biais de deux entrevues semi-dirigées à 16 ans d’intervalle (Plouffe, Spallanzani, & Brunelle, 2010). Il conclut que l’attitude gagnante – son objet d’étude – est en constante évolution et se développe au moyen d’un long processus qui dure une carrière sportive complète et non par un phénomène événementiel quantifiable. L’environnement familial et social est également identifié pour favoriser l’épanouissement du plein potentiel des élèves-athlètes.

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À la lumière de cette courte revue littéraire, force est de constater que hormis les deux études phares (Perreault, 2005; Vandemoortele & Larivière, 1996) qui ont permis d’offrir un portrait plus clair du programme Sport-études, peu de recherches sur ce sujet ont été effectuées. Considérant l’évolution du programme depuis sa mise en place il y a plus de trente ans ainsi que la hausse de l’intérêt scientifique envers le sport chez les jeunes, il est pour le moins curieux de noter que le programme Sport-études ne fut pas davantage étudié. Avant de poursuivre avec la mise en perspective des connaissances actuelles sur la pratique sportive chez les jeunes et le portrait que nous avons brossé du programme Sport-études, nous présentons un ensemble de questions et de critiques qui ont été formulées à l’égard de ce programme. Celles-ci jetteront les fondations de notre objet de discussions.

Critiques envers le programme Sport-études

Lors d’une conférence sur les considérations relatives au développement à long terme des athlètes participants au programme Sport-études (Marier, 2007), le conseiller au Sport du MÉES, Albert Marier, a soulevé une multitude de points d’interrogations et de réflexions sur le programme. Nous reprenons certains de ces points afin de donner plus de perspectives à notre objet d’étude.

D’abord, le conférencier Marier insiste sur le fait que l’objet fondamental du programme Sport-études est de permettre aux élèves-athlètes de viser l’excellence sportive tout en conciliant le sport et les études. Comme nous l’avons mentionné précédemment, les participants au programme Sport-études devraient être identifiés par leur fédération sportive respective en dépit de l’acquisition de certaines compétences spécifiques au sport et surtout, de leur désir de s’investir à un niveau plus élevé. Cependant, Marier suppose que certains élèves- athlètes du programme ne répondent pas à l’ensemble des critères d’admission énumérés plus tôt lors de leur entrée dans le programme. De plus, il remet en question le potentiel de ces élèves-athlètes de réaliser la mission d’excellence sportive autour de laquelle le programme s’articule.

Advenant que cette hypothèse soit fondée et que des élèves-athlètes participent au programme sans rencontrer l’ensemble des critères et avec peu de chances d’exceller au

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niveau sportif, peut-on y voir un problème ? Selon Marier, il semble que oui, puisqu’on dénature l’idée fondamentale du programme Sport-études, soit d’offrir des conditions de participation adaptées pour permettre à une poignée d’élèves-athlètes identifiés de réussir à l’école et dans le sport. Inclure des élèves-athlètes qui n’ont pas le profil recherché s’expliquerait en partie par des considérations économiques et logistiques, puisque pour soutenir des groupes-classes exclusifs aux élèves-athlètes, un nombre minimal de participants est nécessaire. L’hypothèse soulevée par Marier nous amène nécessairement à mettre en doute le processus d’identification des athlètes éligibles au programme Sport-études, exactement comme l’ont fait Vandemoortele et Larivière (1996).

À priori, le bassin de participants visés par le programme Sport-études devrait être les jeunes talentueux (c’est-à-dire ceux qui performent au-delà de la moyenne des jeunes de leur âge sur la base de prédispositions et de capacité à la performance). Cependant, rappelons que les processus d’identification du talent avant la puberté, soit l’âge des élèves dans notre système scolaire primaire ou au premier cycle du secondaire, sont contestés et jugés inefficaces par certains chercheurs (Farrow, 2012; Gonçalves et al., 2012). Cela dit, comme le souligne Marier (2007), difficile de statuer si un quelconque renforcement des critères d’admission au programme facilitera l’atteinte de l’expertise sportive ou plutôt, la simple participation au programme s’avèrera suffisante pour atteindre cet objectif. Dans tous les cas, il est à noter que des dizaines de fédérations sportives font partie du programme Sport-études, ce qui signifie que les critères d’admissions et le processus d’identification du talent sont très variables d’une discipline sportive à une autre.

Sur un autre sujet, Marier met en doute les orientations prises par le programme dans une perspective développementale de l’athlète. En se basant sur les principes généraux du plan de développement à long terme de l’athlète (DLTA) (Bayli et Hamilton, 2004), qui offre aux entraineurs, athlètes et dirigeants sportifs des outils et des connaissances pour mieux comprendre le cheminement optimal de l’athlète, l’auteur dénote certaines contradictions avec le programme Sport-études. D’abord, comme nous le soulevions plus tôt dans l’exposé, pour certaines disciplines sportives, le programme Sport-études engagerait une spécialisation trop hâtive de ses athlètes. Albert Marier avance que l’entrainement dans le cadre du programme

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Sport-études est trop spécifique et technique, ainsi que le développement physique et psychologique des jeunes ne correspond pas à ce qui est prescrit dans cette fenêtre d’âge (12- 17 ans) par le DLTA. Finalement, il souligne que plusieurs élèves-athlètes se maintiennent dans le programme, alors qu’ils ne sont plus dans une démarche d’excellence. En lien avec les objectifs fondamentaux énoncés plus tôt, cela paraît en opposition.

Ayant identifié certains problèmes, Marier propose deux solutions. D’abord, la structure du programme devrait prévoir une diversification des activités pratiquées au premier cycle du secondaire pour les sports à développement tardif. Dans le même ordre d’idée, le programme devrait être en mesure de proposer une alternative aux jeunes qui ne sont plus dans une démarche d’excellence, mais qui veulent se maintenir actifs et investis dans le sport. En résumé, ces deux solutions ont trait à l’ouverture des possibilités pour favoriser le développement des jeunes et à les maintenir actifs même s’ils ne sont plus dans une démarche d’atteinte de l’excellence.

Tout en nous appuyant sur certains constats présentés en première section de ce chapitre, nous soulèverons quelques problématiques apparentes du programme Sport-études au court de la prochaine section.