• Aucun résultat trouvé

1.2 Le programme Sport-études

1.2.2 Portrait actuel

Comme présenté en introduction à la dernière section, le programme Sport-études a émergé d’un besoin de faciliter la réussite scolaire et sportive pour les quelques athlètes qui, dans les

3 La présente figure recoupe des données collectées du rapport de Vandermoortele et Larivière (1996) pour les

années 1985 et 1995, d’un échange de courriel avec Jean-François Quirion, collaborateur du programme Sport-études (volet scolaire) pour les années 2006 à 2010, du Bulletin Sport-études de juin 2015 (2015) pour les années 2011 à 2014 et finalement, de la présentation de Quirion et Fyfe pour l’année 2015 (2016). 9 1813 4 739 4 646 5 096 4 598 4 722 4 823 5 432 5 621 6 196 5 879 0 2000 4000 6000 8000 1985 1998 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 Nombre d'élèves-athlètes par année Nombre de participants

30

années 80, devaient souvent faire le choix de l’un ou l’autre. Plus de trente ans plus tard, à quoi ressemble désormais le programme Sport-études ? Dans les prochaines pages, nous présentons le portrait actuel de ce projet pédagogique particulier, présentant d’abord sa structure organisationnelle, ses conditions de participation, la clientèle visée ainsi que ses particularités qui en font un programme somme toute assez exclusif.

Structure du programme

De prime abord, la structure organisationnelle du programme Sport-études peut paraître complexe, car ce programme n’est en soit qu’un dispositif que le MÉES met à la disposition des fédérations sportives et des commissions scolaires pour offrir des conditions de pratique sportive complémentaire au curriculum scolaire. Pour en bénéficier, elles doivent toutes deux en faire la demande et se conformer à certaines exigences. La figure 2 illustre bien la chaîne des pouvoirs et responsabilités sur laquelle se fonde le programme Sport-études

Figure 2 - Rôles et responsabilités des instances du PSÉ

Comme observé ici haut, tout émane du MÉES. En effet, lorsque les fédérations sportives et les commissions scolaires voient leur demande de bénéficier du programme Sport-études acceptée, elles signent un protocole d’entente avec le MÉES afin de respecter les règles de reconnaissance (Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, 2016). Ici-bas, nous décrivons en détail le rôle de chaque acteur de cet organigramme.

Au niveau sportif, ce sont les fédérations sportives qui sont responsables de faire la demande auprès du MÉES. Cette demande se fait par le biais d’un argumentaire qui s’intègre dans le Programme de Soutien au Développement de l’Excellence sportive (PSDE) que les fédérations déposent chaque quatre ans pour être reconnue et recevoir du financement du

31

gouvernement québécois (Ministère de l’Éducation du Loisir et des Sports, 2013). Au cœur de cet argumentaire, les fédérations doivent démontrer la pertinence de se munir du programme Sport-études dans une perspective de développement de l’excellence. Lorsque la reconnaissance pour se doter du programme Sport-études est octroyée à la fédération sportive, cette dernière désigne un mandataire sportif – soit un entraineur, une association ou un club sportif – pour voir à l’encadrement quotidien de l’élève-athlète. Autrement dit, l’encadrement des élèves-athlètes peut se faire à l’extérieur des murs de l’établissement scolaire. Afin d’être reconnue, la fédération doit s’assurer des éléments ici-bas :

Tableau 2 – Règles de reconnaissance pour le PSÉ – volet sportif (MÉES, 2016)

Dans son plan de développement de l’excellence, la fédération sportive indique comment et pourquoi un programme Sport-études est un moyen approprié pour atteindre l’excellence dans le

cas du sport concerné;

Le mandataire sportif offre un encadrement sportif de 15 heures par semaine à raison de trois (3) heures consécutives par jour scolaire durant l’année scolaire, selon le cadre défini dans le

modèle de développement de l’excellence de la fédération;

Le mandataire sportif offre des aires d’entrainement adéquates, sécuritaires et accessibles; Le mandataire sportif offre un ratio athlètes-entraineurs acceptable selon la discipline sportive;

Le mandataire sportif s’assure qu’une certification des entraineurs, correspondant de façon minimale au niveau 3 (technique, pratique et théorique) ou à un profil de Compétition développement (volet technique et Volet C requis) du Programme national de certification des entraineurs (PNCE), ou une formation équivalente, reconnue et autorisée par la fédération sportive;

La transmission, à ses mandataires et au Ministère pour validation, de ses grilles d’évaluation, qui respectent le modèle de développement à long terme de l’athlète.

À la lecture des règles de reconnaissance, il est évident que notre attention est portée d’abord sur le nombre d’heures d’encadrement sportif (15) que l’élève-athlète bénéficie. Considérant que ce temps consacré à la pratique sportive se fait dans une discipline sportive unique, on peut présumer que l’environnement sportif devient une pierre angulaire dans la vie de l’élève-athlète. Autrement, l’essentiel de l’encadrement sportif se fait par un intervenant qui est reconnu par sa fédération sportive en vertu d’une formation professionnelle d’entraineur, généralement prodiguée par l’Association Canadienne des Entraineurs via son Programme

32

National de Certification des Entraineurs (PNCE). Bien que cette association se targue « d’être

à l’avant-garde dans le domaine de l’éducation des entraineurs et des entraineuses »

(Association Canadienne des Entraineurs, 2017), un rapide coup d’œil à leur PNCE nous laisse croire que la formation dispensée n’est pas aussi complète qu’un baccalauréat en enseignement, nécessaire pour être enseignant titulaire au Québec. À titre comparatif, pour être reconnu comme un enseignant, un étudiant de l’Université de Montréal doit réussir 120 crédits et 700 heures de stage échelonnés sur quatre ans (Service de l’admission et du recrutement, 2017), alors que la formation PNCE comporte six modules multisports de quelques heures, une semaine de formation spécifique et quelques travaux à compléter.

Maintenant, pour le volet scolaire, ce sont les commissions scolaires qui doivent soumettre leur candidature au MÉES s’ils souhaitent pouvoir offrir un programme Sport-études. Cet exercice se fait généralement de concert avec un de ses établissements scolaires puisque l’implantation d’un programme Sport-études comporte son lot de défis logistiques. Au niveau des établissements d’enseignement privé, on observe une mécanique semblable, à la différence que c’est l’établissement même qui soumet sa candidature pour bénéficier d’un programme Sport-études. L’essentiel des règles de reconnaissance se trouve dans le tableau 3

Tableau 3 - Règles de reconnaissance pour le PSÉ – volet scolaire (MÉES, 2016)

L’établissement organise des groupes fermés d’élèves pour chaque niveau scolaire dans lequel il y a des élèves-athlètes reconnus;

Toutes les matières obligatoires prévues à l’article 23 ou 23.1 du Régime pédagogique de

l’éducation préscolaire, de l’enseignement primaire et l’enseignement secondaire (RP) doivent être

à la grille horaire;

Le calendrier scolaire des élèves-athlètes comporte entre 585 et 675 heures sur une possibilité de 900 (soit entre 65 % et 75 %) consacrées aux services d’enseignement des matières obligatoires

et incluant les matières à option;

La grille horaire des élèves-athlètes est conçue de manière à permettre l’encadrement sportif de ceux-ci sur une période de trois heures consécutives et sur une base quotidienne entre 7h30 h et

16h30;

L’école établit des mesures particulières de soutien pédagogique pour répondre aux besoins particuliers de sa clientèle Sport-études.

À nouveau, ce que l’on retient en priorité, c’est que les élèves-athlètes doivent couvrir l’ensemble de la matière scolaire prévue par le RP mais dans un laps de temps plus court

33

puisque 25% à 35% de la grille-horaire hebdomadaire est consacré à l’encadrement sportif. Concrètement, un élève-athlète va à l’école le matin puis après le dîner, se dirige à son lieu d’entrainement pour y être encadré par son entraineur sportif. Par exemple, après le dîner, les élèves-athlètes d’un club de natation de Montréal quittent leur école pour aller de 14h à 15h en salle de musculation puis dans l’eau de 15h30 à 17h30 du lundi au vendredi en plus de nager le samedi matin de 7h à 9h. Pour ces jeunes, on doit ajouter une dizaine de fins de semaine de compétition par année, et ce, partout à travers la province et parfois, le pays.

À la vue des exigences requises, tant sur le plan scolaire (apprentissage en accéléré) que sportif (haut volume de temps consacré à la pratique sportive), le MÉES indique sur son site web que « l’élève doit s’attendre à ce que le rythme exigé pour les apprentissages soit plus

élevé que dans les programmes réguliers, car le temps consacré en classe est moindre. Il devra s’engager avec beaucoup d’autonomie et faire preuve de sérieux s’il veut réussir »

(Gouvernement du Québec, 2017a). Ainsi, on présume qu’un certain profilage doit être exercé avant d’entrer au programme Sport-études pour maximiser les chances de réussir.

Clientèle

Au-delà de la capacité de l’élève-athlète à combiner avec succès les exigences scolaires dans un temps réduit, au profit d’une pratique sportive soutenue, à qui s’adresse réellement ce programme ? D’emblée, sur leur site web présentant le programme Sport-études, le MÉES écrit : « [Pour] les jeunes du secondaire qui ont un talent sportif reconnu par une fédération et

qui visent l'excellence sportive, les programmes Sport-études représentent un choix tout indiqué » (Gouvernement du Québec, 2017a). Deux éléments importants surgissent de cette

phrase : la reconnaissance d’un talent sportif par la fédération et la visée d’excellence.

D’abord, afin d’être éligible pour participer au programme Sport-études, il faut être reconnu par sa fédération sportive. En effet, dans le but d’évaluer la profondeur et la qualité de leur bassin d’athlètes compétitifs, chaque fédération sportive établit des critères d’identification propres à leur discipline sportive. Ces critères sont ensuite utilisés pour identifier les « athlètes [qui] ont déjà démontré leur talent (appartenance à un niveau donné de compétition, réussite

34

internationale, canadienne ou provinciale. Selon le modèle de développement des athlètes de la discipline, ils sont en voie de devenir des athlètes de haut niveau » (Ministère de

l’Éducation du Loisir et des Sports, 2013, p.2). Ainsi, pour classifier les athlètes de leur bassin compétitif, les fédérations attribuent des étiquettes d’identification à leurs athlètes, principalement en vertu de leurs performances. D’abord, tout en haut de la pyramide, elles attribuent l’étiquette excellence (ex : membre de l’équipe canadienne), ensuite, celle d’élite (ex : membre de l’équipe du Québec ouverte) puis, de relève (ex : membre de l’équipe développement) (Ministère de l’Éducation du Loisir et des Sports, 2013). De manière générale, les athlètes ayant l’une des trois étiquettes mentionnées bénéficient d’un soutien financier et matériel de leur fédération sportive en vertu de leur production de performance ou leur potentiel à en livrer. Maintenant, une quatrième étiquette est également attribuée par ces fédérations et c’est celle qui nous intéresse le plus puisqu’elle est le prérequis pour être éligible au programme Sport-études. En effet, l’étiquette espoir est attribuée aux athlètes qui s’inscrivent dans une démarche sportive d’excellence – comme on le retrouve en Sport-études – et qui bénéficient d’un encadrement approprié, toujours selon le modèle de développement des athlètes propre à chaque discipline sportive. Concrètement, on présuppose que les élèves- athlètes identifiés espoir et souhaitant participer au programme Sport-études ont dépassé le stade de l’initiation au sport et sont pressentis par leur fédération sportive pour accéder à un niveau de compétition plus élevé. Pour terminer, soulignons que le processus d’identification des athlètes fluctue d’une fédération à l’autre, notamment en raison des exigences de chaque discipline sportive et du financement reçu.

Au-delà de l’identification nécessaire, qu’est-ce qui distingue l’élève-athlète du programme Sport-études, des autres élèves qui prennent part aux nombreux programmes de concentration sport que l’on retrouve au Québec ? Comme le soulignent Leroy et ses collaborateurs (2013), les projets pédagogiques de « concentration sportive » sont généralement un prolongement des cours d’éducation physique et à la santé, offerts aux élèves qui aiment le sport. À l’opposé, le programme Sport-études est non seulement réservé à une poignée d’élèves-athlètes identifiés par leur fédération sportive en vertu de leur talent, mais les participants « aspirent à exceller

ou à faire carrière dans leur sport » (LeRoy et al., 2013, p.5). Par les conditions de

35

visées d’excellence de ses participants alors qu’à l’opposé, les concentrations sportives adoptent des visées éducationnelles beaucoup plus près de l’éducation physique et à la santé, c’est-à-dire l’activité physique sous forme de jeu plutôt que sous forme de compétition et l’adoption des saines habitudes de vie. Signe que le programme Sport-études est différent… les appellations Sport-études et Programme Sport-études sont des marques de commerce détenues par le gouvernement du Québec depuis 2005 (Gouvernement du Québec, 2017a) !

En résumé, on retient du portrait actuel du programme Sport-études que c’est la concertation du milieu sportif et scolaire qui permet aux élèves-athlètes de bénéficier de conditions privilégiées pour s’engager dans une démarche sportive vers l’excellence sans pour autant négliger ou même compromettre leur réussite scolaire. De plus, il semble que les exigences en terme de conciliation sport et études présentées précédemment, jumelées avec le processus d’identification des élèves-athlètes basé sur leur talent sportif font du programme Sport-études un programme résolument élitiste. N’entre pas au programme Sport-études qui veut ! Dans la prochaine section, nous aborderons le programme Sport-études sous la lentille de la recherche scientifique, à savoir ce qui s’est écrit de pertinent sur le sujet depuis sa genèse.